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[RP ouvert] Dentelle Bleue et Astre Noir

Arylis
Arylis rit en écoutant le musicien et saisit l'une de ses épingles pour l'en menacer gentiment. En d'autres lieux, avec un autre instrument, elle ne s'y serait pas risqué. Elle avait vaguement conscience de sa propension aux chutes et autres maladresses. Mais ici, ils étaient dans son domaine et nul ne maniait l'aiguille comme elle.

Vous venez de voir tout ce que j'avais en boutique. Cela devrait vous donner des idées et matière à réfléchir.

Avec un sourire, la brodeuse se laissa isoler une seconde par sa copisoule. Elle lui répondit d'un double clin d'oeil en s'agenouillant sur la nappe improvisée.

Ne vous en faîtes pas, je suis certaine qu'il y aura assez pour tous les estomacs. Et dans le pire des cas, où celui de Mortemer crierait famine, il y a une boulangerie au coin de la rue !

Puis elle reprit un ton plus bas, se penchant tout prêt de Nannou pour ouvrir le panier.

Tu peux passer me voir ici quand tu veux. Ou bien nous en parlerons en taverne. C'est comme tu le souhaites.

Arylis était curieuse de savoir ce que voulait la bergère, mais se serait pour plus tard. Elle releva la tête vers les deux frères, bouche tout sourire et yeux clairs brillants.

Asseyez-vous donc ! Il fait plus chaud autours du feu.
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Gezekell
Asseyez-vous donc ! Il fait plus chaud autours du feu.

Gezekell ne s'était pas fait prier pour rejoindre le feu. Ses yeux allaient d'un présentoir à l'autre et son esprit fourmillait de nouvelles idées.
Il tenait à être irréprochable pour ce mariage et c'est pour cela qu'il tenait à porter la grande tenue traditionnelle de son coin. Mais en réfléchissant, il ne serait pas assorti à la tenue des mariés et surtout pas à celle du marié. En tant que témoin, il serait, comme toujours ceci dit, à ses côtés et cela risquait de jurer sur les tableaux.

Alors, en ce qui concerne la nourriture, pas de souci, j'ai une grande tourte à la viande, suffisamment pour huit personnes. Si je compte vous deux et moi ça fait trois plus Morty, on arrive bien à huit.

Et de rigoler de bon cœur. Ben quoi, Gezekell adore taquiner ses proches.

Et de continuer en racontant des histoires sans queue ni tête mais qui faisaient rire. Profitant d'une légère accalmie, il se pencha vers Papillon et lui dit :

Finalement, je ne sais si la grande tenue sera adaptée, peut-être pourrais-tu me suggérer quelque chose plus assorti à la tenue de nos deux tourtereaux. Sans trahir le secret de leur tenue.
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Mortemer
Mortemer acceptait avec amusement toutes réflexions qu'on pouvait faire sur sa gourmandise, sa gloutonnerie même. Il savait que son estomac ne s'était pas mis à l'heure du jour et qu'il se rappelait ceux passés sur les routes où les recettes de la troupe de théâtre étaient si maigres, qu'il mordillait des racines, ou se nourrissant de la soupe de cailloux de la vieille Zira.
La faim, cette faim là, elle lui était restée.
Et puis ces moments de fringale compensaient les longues heures passées à étudier où sa concentration l'éloignait des contingences matérielle, ne grignotant même pas une miette.
Aussi il n'était pas gêné du tout quand on lui proposait la part la plus énorme.

Il riait des histoires drôles que racontait Gezekell, de ce bon moment passé avec ses amis, avec sa fiancée à préparer leur mariage, oui vraiment des moments délicieux !

Son oreille fine lui permit de saisir quelques bribes de ce que Gezekell confiait à Arylis :
-... si la grande tenue... adaptée...

Il dit alors, l'air de rien, un peu rêveur :
-Il se peut qu'il y ait de belles tenues à notre mariage ! Ces dames et messieurs sortant leurs plus beaux atours. Cela fera un camaïeux original, grandiose et chatoyant qui embellira la fête.
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"Journal de voyage"
Arylis
Arylis riait. Pour changer.
Elle écoutait, posait des questions, bavassait à n'en plus finir et mangeait de temps en temps. En deux mots, elle savourait !
Car si la brodeuse aimait retrouver la petite famille en taverne, où ils passaient de très bons moments, elle trouvait agréable de changer d'environnement. Le côté pique-nique de leur repas à demi-improvisé donnait une dimension plus chaleureuse et plus intime à leurs échanges. Elle retrouvait un peu de ce lien qu'avait créé pour elle les deux musiciens, et elle en tissait un autre avec l'homme-oiseau.

Soudain, Gezekell lui confia son désir de se fondre dans le décor pour le mariage de son frère. La blonde eut un regard reconnaissant à Mortemer qui encouragea, l'air de rien, un étalage d'originalité, car elle concevait ces épousailles à l'image qu'elle se faisait du couple et de leur environnement.
Une envolée de couleurs et de fantaisies dont ils seraient le point central, la plaque tournante. Aussi magnifiques et extravagants que seraient les invités, la brodeuse ferait en sorte que domine cette harmonie qu'elle appréciait tant chez Nannou et Mortemer.

Arylis sourit à son voisin.

Donc on garde les boutons d'or !

Puis elle reprit pour tout le monde.

On les prend ces mesures ? Maintenant que vous êtes bien distendus, on peut-être certain que vos tenues vous iront quoiqu'il arrive ! Mortemer ? Comme ça tu seras débarassé.

La brodeuse se leva en regardant le blond d'un air qu'elle voulait rassurant, mais qui trahissait surtout son amusement.
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Mortemer
Mortemer se leva et se présenta devant Arylis comme un épouvantail, tête légèrement penchée avec un air de souffrance infinie et bras étendus de chaque côté ?

-Voila Brodeuse ! Je suis à ta merci ! Mais, attention, pas de chatouilles !
Ce serait bien que tu me fasses ressembler à un arbre. Tu vois, j'aimerais tant être un bouleau ou bien un frêne !

Il rit tout en se livrant aux manipulations d'Arylis.
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"Journal de voyage"
Celeste.rosenthals
Plus que dix jours avant le grand départ. Le temps qui, autrefois, lui avait paru une éternité s'était écoulé si vite que la jeune femme en avait presque oublié la carte qu'elle avait rangé dans un coin de chez elle, traçant alors le parcours qu'elle comptait faire dans les prochains jours. Ce soir là, en taverne c'est Ary qui lui avait rappelé que le mariage arrivait à grand pas. Elle s'était alors rendu compte qu'il fallait à tout prix que la brodeuse prenne ses mesures avant qu'elle ne parte afin de pouvoir lui confectionner sa robe couleur soleil dont elle lui avait parlé.

Pressant le pas vers la boutique, elle salua sur sa route tout ceux qu'elle avait reconnu et le coeur plus léger ceux-ci même qu'elle ne connaissait pas. L'esprit de noël, la magie des fêtes et qui sait sans doute aussi l'effet des dix jours restants, avaient permis à Ely de savourer chaque jour avec le coeur plus léger et cette même envie de vivre et de s'émerveiller d'autrefois. Non sans crainte, elle entra dans la boutique. Ne voyant personne à l'horizon et n'osant pas s'aventurer d'avantage de peur de déranger lors d'un essayage, elle s'annonça :

Ary ! C'est Ely ... Je suis venue pour les mesures...
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Arylis
Les semaines avaient passées, et les tenues pour le mariage étaient finies. Quelques jours avant le grand moment, la gérante de la Dentelle convierait séparément dames et seigneurs pour les retouches de dernières minutes, mais pour l'heure, elle avait du temps pour elle. Temps qu'une brune l'avait convaincue d'utiliser pour une étrange occupation : Le voyage.

La mésange bleue est un oiseau sédentaire. Dans le plus froid de l'hiver, elle reste sur son territoire, égayant par son ramage et son plumage la grisaille des arbres ou l’immaculé de la neige.
Pourtant, la mésange saintaise s'apprêtait à quitter son nid, sans raison valable, si ce n'était que Nadjka l'avait dit.

Voilà !

Arylis plia sa dernière commande et l'empaqueta avant de la ranger dans un panier avec les autres.
La tisserande arrangea un peu les étagères, regroupa les chutes de tissus dans une corbeille et piqua les aiguilles qui traînaient dans une pelote.
La blonde ouvrit porte et fenêtres, puis saisissant le balais elle chassa la poussière.
La gérante vérifia les comptes faits la veille, dissimula les documents dans un tiroir et rangea le comptoir.

Bon ...

La brodeuse enfila son manteau, son col et son bonnet puis, après avoir refermé les ouvertures, elle prit son panier plein de paquets et se dirigea vers la porte. Les yeux clairs survolèrent l'ensemble de la boutique, un sourire satisfait étira la bouche trop large et la crinière blonde disparut dans la rue.
La clé tourna dans la serrure avec un claquement sec.
La pénombre tomba lourdement sur le miroir en pied, le paravent et les quelques mannequins sans tête.
Le silence se fit et la Dentelle entra en sommeil.
Il faudrait pour la tirer de sa torpeur, le chant d'une mésange et la lumière de son sourire.
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Aktarion
Aktarion ne dormait plus vraiment ces dernières nuits.
Il se passait des choses en Poitou qui ne plaisaient pas du tout à l'ancien mercenaire et, avec le temps, l'homme nouveau qui était née dans ces terres avait fini par y trouver une forme d'attachement, au delà des personnes, au delà des amitiés, ne serait-ce désormais que par la mousse naissante sur une pierre d'un édifice connu... Il était devenu pleinement Poitevin sans même s'en rendre compte.
Au fil du temps, il s'était fait des relations, certaines puissantes, d'anciens ducs ou duchesses, des capitaines du Poitou, d'anciens juges ou encore prévôts et bien sûr toujours en poste en maréchaussée il avait accès à tant d'informations qu'il pouvait en avoir le tournis.
Malheureusement, pratiquement toutes ces relations étaient bien encore d'avantage en sommeil que lui depuis quelques saisons.

Seul maître Xedar répondait toujours présent et avait répondu également à sa missive. Mais à lui seul il n'avait pas pu empêcher que l'on vole la voix du peuple.

Fulminant, l'ancien tisserand avait senti alors la bête se rappeler à son bon souvenir.
Discrète.
A peine perceptible.
Une brise sur le dessus de l'eau, si légère, si tenue, sans remous ni de petite ride, à peine un frisson.

Une pointe d'obscurité dans le noir le plus profond.

Un exutoire, une respiration, vite !

Une vision fuguasse, des mèches blondes, un papillon...
Il avait entendu des choses, un mariage, elle préparait les tenues d'un mariage....

Une idée.

Il saisit son trousseau de clefs de la Dentelle Bleue, passa par la lourde porte intérieure aménagée entre sa maison et la boutique, alluma plusieurs cierges et s'assit machinalement à son ancienne table.
L'oeil alerte mais perdu dans un ailleurs vaguement céleste, il dessina un croquis, le geste vif, précis, rapide, fiévreux.
Il respira profondément et se posa un instant après l'avoir achevé.
Puis il repris une autre feuille et commença à croquer les patrons nécessaires.
Une fois ces prémices terminés, il regarda autour de lui, se leva, farfouillant un peu de ci delà, sorti les instruments dont il avait le besoin puis se mit au travail.

Il n'aurait su dire combien de temps lui prit la chose, il remplaça les cierges à maintes reprises, les soufflait quand le soleil était levé, les rallumait à la tombée de la nuit.
Les yeux fatigués par la besogne et le manque de sommeil, il s'arrêta pour aller se rafraîchir. Repassant dans sa maison, il versa de l'eau dans une bassine et s'aspergea le visage. Cinglante, la chose raviva son esprit.

De retour dans la Dentelle, il pu constater à sa propre surprise que son ouvrage était presque terminé.
Il pensa à la jeune femme, se focalisa sur sa taille, fixa son regard sur un point dans le vide, dessina de la main une arabesque dans l'air. Avec le temps et l'expérience, il pouvait définir les mesures sans risque de la moindre erreur, à la seule lueur de sa mémoire.
Terminant les retouches et finitions, il se décida à ouvrir une fenêtre afin de profiter pleinement de l'éclairage du soleil.
Plissant les yeux, il regarda la robe et, après un long moment, un léger sourire finit par naître sur ses lèvres fatiguées.

Il déposa en 10 minutes la note finale.

Rangea la robe dans un emballage de soie, le tout posé dans une grande boite de forme rectangulaire.

Pris sa plume, son encrier.

Écrivit.

Qu'à jamais elle soit vôtre, ainsi que je l'ai conçu et décidé.
A jamais vôtre, tel votre prénom qui résonne et s’entrelace dans toutes ses fibres.
Qu'à jamais je n'oublierais ces lettres sur lesquelles j'ai fait courir mon aiguille le long du fil.
A jamais vôtre.

Aktarion

Juste avant de partir, il plia le mot et le plaça dans la boite.

Sur la partie intérieure du col de la robe, au niveau de la base de la nuque, des lettres brodées.

Au nombre de six.

Arylis
Arylis
[30 janvier 1463, Saintes]

Pour Arylis, le voyage du retour avait été long. Et même si la charrette de Margauth s'était révélée des plus confortables, même si la compagnie des amis du couple bayonnais avait été des plus agréables, même si l'hydromel d'une bergère n'était pas venu à manquer, une ombre avait plané sur la poussière des chemins.

Au moment où les murs d'enSaintes étaient apparus à l'horizon, la sombre araignée avait relâché l'esprit-papillon et la bête d'angoisse s'était détachée des entrailles torturées de la brodeuse. Elle avait fêté cette sensation de liberté par une longue rasade de vin bordelais, finissant du même coup la bouteille.

Margauth et Alans la déposèrent chez elle, près des remparts. Nadjka rentra de son côté.
En passant le portillon, la blonde sourit aux légumes.

Demain je m'occupe de vous !

Elle caressa l'écorce du bouleau qui lui répondit en inclinant sa haute silhouette, puis poussa la porte d'entrée qui grinça, comme à son habitude. Le soleil gris de l'hiver éclaira une autre Porte, nonchalamment appuyée contre le mur opposé.

Bonjour ! Je ne t'ai pas trop manqué ? Tu veux prendre l'air ?

Si tôt dit, si tôt fait. Arylis se servit une timbale d'hydromel, porta le battant de bois contre l'arbre du jardinet, puis fila vers sa deuxième maison, son antre magique, sa caverne aux merveilles.

[30 janvier 1463, La Dentelle Bleue]

La brodeuse sauta les trois marches du perron, tourna la clé et ouvrit la porte d'un seul mouvement.

C'est moi !

Un sourire radieux illumina la pièce, ou peut-être étaient-ce les rayons pâles qui perçaient les nuages ...
Le bout de sa botte déplaça un tas de parchemins qu'Arylis ramassa, avant d'inspirer un grand coup.

Aaaaaaaaaah ! Ca fait du bien de ...

Les yeux clairs venaient de se poser sur une grande boîte, pavanant sur le comptoir.

Mais ... Je ne te connais pas toi ... Comment es-tu arrivée là ?

La brodeuse referma et traversa la boutique en trottinant. Elle posa les courriers sur le bois, puis observa le coffret sous toutes ses coutures avant d'oser en soulever le couvercle. Un message avait été déposé sur le tissu. Elle reconnu immédiatement l'élégante écriture.

Aktarion ...

Le prénom soufflé s'échappa des lèvres souriantes.
Arylis laissa les mots fondre sur sa langue, distillant un délicieux goût de miel, ou bien étaient-ce des remontées d'hydromel. Mais l'infinie tendresse qu'elle éprouva à cet instant pour le maître-tisserand n'était en rien due à l'alcool. Elle éloigna le parchemin puis ses mains fines écartèrent avec délicatesse les pans de soie blanche.

Ooooooooooooh ...

Cette couleur, la brodeuse la connaissait par coeur. Elle en avait admiré les reflets et les nuances pendant des heures, alors qu'elle confectionnait le chemisier commandé par une riche bourgeoise saintaise. D'un geste sûr, la gérante de la Dentelle Bleue saisit la robe par les aisselles et la sortie de son écrin. Le tissus se déplia avec un bruissement familier.
Arylis n'hésita pas longtemps et, malgré le froid de la salle restée vide plusieurs jours, elle ôta ses vêtements pour ne garder que sa chemise longue et ses bas. La fraîcheur du textile la fit frissonner de plaisir. Elle ajusta le col, la taille et la traîne avant de se regarder dans l'unique miroir en pied de la boutique.

L'étain poli lui renvoya une image ravissante, bien que déformée. La robe principale était en batiste* bleu canard. Moulant son buste et sa taille, le tissu dissimulait amplement ses jambes. Les manches se terminaient en pointe. Le col rond s'appuyait sur l'arrondi des épaules pour descendre de la naissance des seins jusqu'au milieu des omoplates.
Un gilet de velours dévoré** aux motifs floraux plus sombres suivait la ligne du col dans le dos avant de filer en V jusqu'au-dessus du nombril. Les manches, quasi inexistantes, étaient largement ouvertes, laissant accessible le dos de la jeune femme et visibles ses flancs. Le gilet, resserré à la taille, s'ouvrait de nouveau sur l'avant de la jupe, glissant en une traîne d'une coudée.

L'ensemble était une tenue digne d'une femme d'un rang bien au-dessus de celui de la petite brodeuse qu'elle était. L'esprit-papillon chassa cette constatation d'un battement de pensée ravie et reconnaissante pour ce présent magnifique. Tout en tournoyant et en dansant, la tisserande appréciait la précision des finitions et la justesse de la coupe, admirant l'oeil et le talent de l'Astre Noir, propriétaire des lieux.
Arylis passa presque une heure à savourer son cadeau, riant comme une enfant dont le rêve de princesse se réalise. Elle finit par retirer la robe et s'apprêtait à la ranger quand un détail attira son attention. A la base du col, dans le dos, elle reconnu son prénom en lettres d'or, brodé dans la fine écriture d'Aktarion. La brodeuse eut un nouvel élan de tendresse pour le sombre solitaire. Elle rangea le vêtement avec application, enfila prestement ses frusques et rédigea un petit mot qu'elle glissa sous la porte donnant sur la maison du forgeron.




Quand le talent d'un maître se combine à l'élégance de ses sentiments,
L'ouvrage obtenu dépasse l'entendement et charme qui peut l'admirer.
Vous augmenter ma reconnaissance envers votre personne
En même temps temps que mon admiration et ma tendresse à votre égard.
Qu'un jour je puisse vous rendre un infime de ce que vous m'avez offert.

Humblement vôtre.

Arylis

[31 janvier 1463, La Dentelle Bleue]

Parmis les courriers ramassés la veille, figurait une invitation de Gezekell pour une soirée donnée en l'honneur d'une amie à lui. L'occasion pour la brodeuse de revoir les saintais et de se changer les idées.

Ce samedi matin, elle passa donc à la Dentelle pour sortir toutes les tenues du mariage qu'elle exposa sur des mannequins de bois. Les propriétaires viendraient les chercher le lendemain matin et la gérante voulait que tout soit prêt. Elle ajusta les derniers plis, cousit les derniers ourlets, coupa les derniers fils puis observa son travail d'un oeil critique.
Il y avait les ensembles des mariés, accordés selon leurs désirs et porteurs de détails brodés nés de l'imagination de la bergère et de ses doigts de brodeuse. Colibri et serpent s'observaient sur le gilet masculin, tandis que cerf et biche protégeaient depuis la robe diaphane.
Il y avait le gilet aux trente boutons d'or de Gezekell.
Il y avait les robes des demoiselles d'honneur.

En cette fin d'aprés-midi, Arylis quitta la boutique avec un sourire heureux, une boîte sous le bras.

[01 février 1463, La Dentelle Bleue]

Tout le monde était passé.
Les mannequins s'alignaient, nus.
Il ne restait plus que sa robe à elle.
Toute excitée, bien que fatiguée par le voyage, la fête de la veille et son travail de la matinée, la brodeuse plia sa tenue et fila chez elle pour se préparer à ce grand événement : Le mariage de Nannou et Mortemer !


*batiste : Tissu inventé au XIIIème siècle, du nom de son inventeur, le tisserand Baptiste Cambrai, qui mit au point une technique de tissage permettant de réaliser une toile de lin plus fine.
**velours dévoré : Etoffe rase d’un côté et couverte de l’autre d’une nappe de poils dressés très serrés, rasés à 2 ou 3 mm. Le tissu est traité avec un acide qui détruit partiellement son poil en laissant des motifs en relief.

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Arylis
Ces derniers temps l'air était délicieusement doux. Le printemps se faisait annoncer en grandes pompes : Chants d'oiseaux et soleil radieux, température clémente et débauche florale. Il fallait bien ça pour pallier, en partie, à de si nombreux départs.
Margauth et compagnie envolés pour le voyage de noce surprise de Nannou et Mortemer.
Nadjka et Arrya engagées dans une quête bismuthèsque.
Cynnan et Gezekell en route pour une grande aventure nordique.
Cela faisait un certain vide, et même un vide certain, dans la Saintes agitée et festive.

Pourtant la brodeuse n'était pas de celles qui se désolent. Sa cité, elle l'adorait envers et contre tout, sachant surtout qu'ils y reviendraient tous.

Ce matin-là, elle avait ouvert en grand porte et fenêtre de la Dentelle, pour que lumière et brise viennent en chasser poussière et confinement de l'hiver. Tabouret et nécessaire de correspondance en main, Arylis s'assit contre la porte, une joue offerte aux rayons et une oreille à l'animation de la rue. Les doigts agiles se lancèrent alors dans une répétitive chorégraphie.

Aiguiser la plume.
La tremper dans l'encre.
Dessiner de jolies lettres.
Sabler les mots.

L'esprit-papillon était en ébullition, imaginant où se trouvait ses amis, ce qu'ils faisaient, ce qu'ils buvaient. Leurs rires s'échappaient de sa mémoire pour emplir la boutique et le sourire de la brodeuse leur faisait un échos joyeux.
La première lettre fut glissée sous la porte donnant sur la maison d'Aktarion. Les autres rejoignirent la besace de la blonde qui ferma la Dentelle avant de se laisser emporter par l'euphorie printanière des saintais. Elle avait du courrier à envoyer !
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Arylis
Arylis se redressa en s'essuyant le front d'un revers de poignet. A genoux sur le parquet, les fesses sur ses pieds pointés, la brodeuse massa ses reins endoloris par des heures de ménage. Elle rejeta en arrière sa crinière blonde enfermée dans un fichu vert, exposant son coup gracile et quelques mèches rebelles à la brise bienvenue qui s'était invitée par la fenêtre ouverte. Les paupières mi-closes, un sourire planant sur sa bouche trop grande, elle avait l'air de ce qu'elle était. Une jeune femme à la fleur de l'âge, le corps lourd d'une seine fatigue et l'âme légère de celle qui est en paix avec elle-même.

La gérante de la Dentelle Bleue se leva pour aller vider dans le caniveau l'eau noirâtre de son seau. Quand elle eut rangé le récipient, elle promena un regard critique sur l'atelier.
La veille au soir, elle avait fini sa dernière commande. Une houppelande pour une Dame à l'élégance peu commune. Arrya allait enfin retirer son éternelle côte de maille pour enfiler une tenue plus féminine. Rien que l'idée tira un rire de sa gorge encore perlée de gouttes de sueur.
A présent, la pièce était un modèle d'organisation et de propreté. La brodeuse avait même été jusqu'à frotter le métier à tisser.
Chaque rouleau était à sa place.
Nulle aiguille ne traînait dans les rainures des planches.
A l'odeur coutumière de cuir et de teinture s'ajoutait un parfum de cire et une fragrance plus florale, apportée par le printemps.
Arylis jeta un dernier regard à la porte qui donnait chez Aktarion. Elle lui avait écrit, ils en avaient discuté. Sa décision était prise. C'était avec nostalgie qu'elle rendait son tablier de tisserande et surtout la clé de la Dentelle, mais elle ne reviendrait pas sur sa promesse à la mère supérieure.

La blonde passa dans la boutique. Là aussi balais, serpillière et patins avaient fait leur office. Le comptoir brillait et l'on aurait presque pu s'attendre à voir les mannequins s'animer. Les yeux clairs se promenèrent sur le miroir en étain, le tabouret familier et les quelques étagères. Arylis poussa un soupir qui en disait long sur l'affection qu'elle portait à cet endroit. C'est néanmoins sans regret qu'elle fit tourner la serrure. Le raclement de la clé glissant sous la porte fut un point final plus éloquent que des mots. La brodeuse laissait au propriétaire le soin de décider de l'avenir de la Dentelle Bleue. Elle faisait ce choix avec sérénité, car elle se sentait liée à l'échoppe, ainsi qu'à l'Astre noir, et était donc persuadée de les revoir un jour.
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Arylis
Cela faisait dix minutes qu'Arylis était plantée de l'autre côté de la rue, en face de la boutique de l'Astre noir.
Dix minutes que les yeux clairs se plissaient, que la bouche trop grande se froissait et que l'esprit-papillon se chiffonnait.
L'enseigne se maintenait, contre vents et marais poitevins, mais elle aurait eu bien besoin d'un coup de neuf. La porte était toujours là, fort heureusement, mais la Mésange avait suffisamment d'expérience avec les portes pour savoir que celle-ci n'avait pas été ouverte depuis longtemps. Elle ne se serait pas risquée à dire qu'elle avait été la dernière à la franchir, mais le battant qui lui faisait face, s'il n'était pas tout à fait revenu à l'état sauvage, se montrait en tout peu cas amène, réticent à tout contact et lui évoquait un arbrisseau craintif.

J'ai bien fait de te faire venir ...

Arylis s'appuya d'avantage sur la Porte qu'elle avait traîné jusqu'ici.

Tu as sérieusement pris du poids pendant mon absence, mais ta présence devrait l'apaiser. Rien de mieux que de parler de porte à porte pour que les choses se détendent. Je t'approche ?

Le grincement ne fut perceptible que de l'esprit-papillon, mais il était suffisamment éloquent pour que la blonde charge de nouveau le morceau de bois et vienne l'appuyer contre les trois degrés de l'entrée de la Dentelle Bleue. Arylis eut un sourire tendre pour la porte fermant la boutique, ferrée dans ses gonds et inhospitalière. Elle posa le pied sur la première marche, la main tendue, avant de se raviser.
Il était trop tôt.
Un an et demi c'était long ...

Bon ... Je vous laisse. Je reviens dans quelques minutes.


    Je la regarde et je sais.
    Je l'entends qui se laisse craquer par le vent. Elle a les traits fatigués du bois usé par le grand air, pourtant elle sent bon la cire d'abeille.
    L'odeur de la cire d'abeille ...
    Avant, quand la Mésange se toquait de faire le ménage, elle m'ouvrait en grand pour laisser rentrer tous les parfums de la rue : Celui des fleurs et des fruits dans les étals un peu plus loin, celui des ordures et du crottin de cheval, celui de la pluie ou encore des pavés humides. Mais la fragrance qui dominait toujours à la fin c'était celle de la cire d'abeille dont elle frottait le plancher, et dont elle me couvrait aussi.
    Mais c'était il y a longtemps. Depuis plus d'un an mes planches souffrent du gel et du dégel, des grosses chaleurs et de l'humidité sans que personne ne s'en préoccupe. J'ai mal aux gonds et je ne suis même plus certaine de pouvoir m'ouvrir.
    Et si je grinçai ?
    Quelle honte si au moment où elle me pousse, je ne peux m'empêcher de crisser de douleur sur mes fixations rouillées !
    Surtout que celle-là, avec ses nœuds chatoyants, elle peut bien me dire ce qu'elle veut elle n'a pas connu l'abandon ! Elle ne sait pas la souffrance de voir passer des gens, jour après jour, sans qu'ils ne vous prêtent la moindre attention. Les carrioles qui vous éclaboussent, les jours de mauvais temps, et vous laisse boueuse et solitaire. Comme j'aurais voulu que quelqu'un remarque cette entaille faîte par un gamin blasé, que l'on hèle un passant depuis mon chambranle ou que l'on pose une paume reconnaissante sur ma clenche après une course fatigante.
    Et la tristesse ... La solitude ... Ce sentiment terrible d'impuissance devant la déchéance du lieu que je protège. Je l'ai connu plein de vie, de rire et de lumière. Quelles histoires se sont nouées derrière ma façade complice ! A présent tout n'est que poussière et souvenirs !
    Et il faudrait que je me laisse rouvrir sans rien dire ? Que ...


C'est moi !

La brodeuse reparut, remontant sur sa nuque nue l'étole bordeaux. Elle accueillit avec un frisson reconnaissant la chaleur du velours, lissant sans y penser les motifs floraux aux tonalités printanières. La Mésange avait du mal à imaginer l'hiver, cherchant dans la douceur de l'automne les brises légères du mois de mai. Cet entêtement rêveur expliquait le déshabillé de la jeune femme dont le col haut de la chemise froncée n'était retenu aux épaules que par un ruban de lin noué. Arylis posa une main contre sa Porte, appuyant légèrement sa tempe contre l'arrête de chêne. Une mèche se prit dans une écharde et une frisette blonde s'échappa des tresses savamment dissimulées sous un foulard de soie verte. Une main experte la remit en place, et arrangea quelques plis avant de laisser retomber les franges dorées du turban. La bouche trop grande s'étira en un sourire rassurant.

Ca fait longtemps hein ?

Déjà, la Mésange avait voleté jusqu'au seuil.
Elle laissa courir ses doigts le long des jointures, caressant la moindre rugosité. Arylis s'accroupit et glissa son index dans la fente du plancher. Elle laissa échapper un cri de surprise quand la chair rencontra le métal.
La clé n'avait pas bougé !
Avait-elle été laissée là à son attention ? N'avait-elle jamais été récupérée ? Déjà l'esprit-papillon chassait la question pour ne pas avoir à se poser celle qui en découlait : Qu'était-il advenu du propriétaire des lieux ?
Lentement la brodeuse se redressa. Elle inséra la tige froide dans la serrure et n'eut quasiment pas à forcer pour qu'elle tourne.

Tu vois, ce n'était rien de bien grave !

Arylis abaissa la poignée avec douceur et quand elle poussa le battant, celui-ci pivota dans un chuintement fatigué. La bouche trop grande s'étira en un sourire tendre et la paume resta à réchauffer le bois pendant encore quelques secondes.

Bonjour ...

La Mésange eut l'impression que son chuchotement se répercutait sur les parois, entre les mannequins et sur les étagères pour aller se perdre en un écho silencieux derrière le comptoir jusque dans l'atelier. La pièce sembla frémir, Dentelle à Saintes dormant se réveillant au retour de la gérante charmante.
Sous celle de la poussière, Arylis crut reconnaître l'odeur du cuir et des teintures, de la laine et de la cire d'abeille.

J'ai l'impression qu'il y a eut du laisser-aller en mon absence ...

Cette fois, c'est un rayon de soleil qui s'engouffra à la suite de la voix brodeuse. La remarque courut le long contre le plafond et sur le parquet jusqu'à se cogner contre la porte du fond. Arylis resta un instant à la regarder, appuyer contre le chambranle de l'atelier. C'était l'antre de l'Astre noir.
Que dirait-il de la savoir revenue ?
Pourrait-il lui reprendre la Dentelle ?
L'esprit-papillon brillait par son adresse à ne pas se soucier de ce genre de détails. S'il fallait un jour fermer boutique, on le lui ferait savoir bien assez tôt. Pour l'instant, il y avait de la vie à ramener et de la cire d'abeille à étaler !



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Arylis
Arylis relisait la missive pour la quatrième fois.

Lothart ... Bientôt de Forges ...

Les yeux clairs parcoururent de nouveau les quelques lignes d'invitation à l'anoblissement de ce futur seigneur qu'elle méconnaissait. La brodeuse imaginait la scène, les vêtures, les gens, la nourriture, les gardes de l'entrée. Si elle était curieuse de cette cérémonie, longtemps commentée et jamais vécue, elle la voyait comme une farce, une erreur du pigeon qui s'était posé quelques minutes plus tôt sur le rebord de la fenêtre de la Dentelle.
Pourtant c'était bien son nom en haut du courrier.

La cloche au-dessus de l'entrée fit entendre son carillon.

J'arrive !

Le parchemin fut abandonné sur le comptoir pendant que la Mésange se précipitait vers la porte. Elle ouvrit cette dernière avec douceur et une tendresse certaine, découvrant sur les trois degrés humides un môme dépenaillé.

Mais d'où sors-tu toi ? Viens par là !

Le gamin n'eut pas le temps de répondre qu'il se trouvait déjà dans l'atelier, assis près de la cheminée, une couverture sur les épaules et un bol de soupe dans les mains. Entre deux gorgées, il tendit un pli à son hôtesse.

Du front.

Recevoir du courrier du front était toujours une fête pour Arylis. Pourtant à chaque fois, un étrange sentiment lui pinçait le cœur. Nulle n'est à l’abri d'une mauvaise nouvelle. L'élégance de l'écriture la rassura et elle s'empressa d'ouvrir la missive.
Le temps d'une lecture, l'esprit-papillon avait changé d'avis !

Bonhomme nous partons pour ... -elle fila dans la boutique relire le premier message-... Bressuire. Chez Icie de Plantgenêt !

Le môme regarda la jeune femme à la crinière folle qui le surplombait.

Si si tu viens aussi ! Nous allons à l'anoblissement de ...-coup d'oeil sur le parchemin-... du sieur Lothart ! Et au passage, je te mettrais sous la protection de la Dame de Castelfranco.

Nadjka ...
Depuis combien de temps la brodeuse n'avait-elle pas vu l'italienne ?
Trop pour qu’un petit anoblissement devienne un obstacle au plaisir de la serrer dans ses bras !
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Satyne
En faction dans une ruelle, appuyée à un mur les bras croisés, la brune observe la maisonnette. Combien de temps reste-t-elle là, statique ? Hésitant à aller frapper, ou à se faire connaître. Elle aurait pu feindre une rencontre fortuite au hasard du marché si seulement le papillon était sorti à la lumière. Mais se terrant chez elle, il n'était pas évident de piéger Arylis quelque part. Satyne avait envie de ses nouvelles. De sa fraîcheur innocente. De ce minois mignonnet qui vous démontez un précepte par d'acabradantes théories. Elle voulait la voir. Point. Un fil les reliait l'une et l'autre. Un fil entremêlé d'un souvenir tenace. De ceux qui parlent fort et accaparent l'attention d'un sourire.

Un souvenir aux relents d'embrun.
Le reste d'une vague brisée. Guère plus qu'une écume désormais.

Au bout d'une journée d'attente. Plus trop patiente dans cette ville trop silencieuse, Satyne se décide à lui glisser une missive sous la porte.

Citation:
Papillon.
Cher Papillon.

Je suis de passage à Saintes. A vrai dire la visite n'est pas fortuite puisque je vous y savais. J'aurai aimé prendre de vos nouvelles. Vous voir froncer les sourcils à ma vue. Et peut-être absorbée encore quelques conseils sur mon indélicatesse à mener ma vie. Me feriez-vous le plaisir d'un verre ? Je sais que d'habitude c'est moi qui fuis. Mais pour une fois je suis là...

Satyne
O.M.

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Arylis
Arylis poussa en reniflant la porte grinçante de la Dentelle Bleue.

Oui je sais ... Pour toi non plus ça va pas fort ... AaaaaaatchAaaaaaatchaaaOOUUUM !

Le violent éternuement ébouriffa d'avantage la crinière en pagaille et orienta les yeux clairs vers le sol.

Tient ... Nous avons du courrier ...

Il y avait un brin d'espérance dans la voix de la Mésange, filet qui disparut rapidement en ne reconnaissant pas l'écriture. Elle ferma la porte sur une caresse au bois humide et alla s'assoir derrière le comptoir. La brodeuse retourna plusieurs fois le papier entre ses doigts, avant de le déplier doucement. La bouche trop grande s'ouvrit en soucoupe tandis qu'un goût marin venait lui piqueter la langue. Son front la lança brusquement et son cœur accéléra.
Les yeux clairs se mirent à regarder de part et d'autres, tandis qu'elle froissait le parchemin. Elle s'apprêtait à le mettre dans sa bouche pour le faire disparaître quand elle se rendit compte qu'il était un peu gros. Le feu ne brûlait pas dans l'atelier de la cheminée, clouée au lit par une mauvaise grippe, Arylis avait passé ces dernières semaines sous la couette, à broder des coussins. Son lit était donc à présent un nid douillet et confortable qu'elle n'avait consenti à quitter que sur un élan de culpabilité vis à vis de la Dentelle. Elle avait bien fait, puisqu'une catastrophe s'était annoncée juste ce jour !
Un bref instant, la Mésange songea que côtoyer la Châtaigne lui avait valu le statut d'indésirable dans certaines régions et quelques démêlés avec la justice. Prudente, elle enfouit donc le message au fond de son corsage, remonta son col sur son nez et ses mèches blondes avant de se faufiler dehors.

Il fallait rejoindre la taverne discrètement …

Ne pas se faire remarquer !

Parce que oui, dans l'esprit-papillon, mieux vaut courir le risque de se faire huer dans sa ville chérie que de rater un rendez-vous avec la sauvage Satyne !
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