Arylis
Le passage de Nannou et Mortemer était déjà un souvenir dans l'esprit-papillon. Un souvenir prémonition, car le couple repasserait. Ils étaient comme ces oies sauvages qui, à chaque migration, revenait faire halte au même endroit.
Ce qui en revanche continuait d'être bien réel, c'était le contrat que la gérante de la Dentelle Bleue avait passé avec Djayna. Depuis déjà plus d'un mois, toute l'attention de la brodeuse était focalisée sur la réalisation de la garde de robe de la jeune femme.
D'abord, elle avait fait des chapeaux, s'amusant à les décorer selon les envies de sa commanditaire et ses propres folies. Il y en avait des automnaux, des printaniers, des hivernaux et puis bien sûr des estivaux. Il y en avait avec des fleurs, des feuilles, des broderies, sans broderie, avec des oiseaux, des fourrures, des couleurs, du velours, des voilettes Il y en avait pour tous les goûts et surtout les siens.
Ensuite le travail s'était fait plus nostalgique. La blonde avait réalisé une série de foulards. Ce vêtement la ramenait toujours avec une grande tendresse à son premier ouvrage de couture, quand l'Astre Noir l'avait prise sous son aile. Aktarion continuait de hanter la boutique et l'atelier, présence fantomatique reliée à une enveloppe physique bien réelle, bien absente et bienveillante.
Et puis il y avait eu les houppelandes
La Dentelle était devenue le théâtre d'une scène quelque peu apocalyptique. Les kilos de laine avaient été entassés, filés, teints, tissés et puis il avait fallu couper et coudre une quantité de tissu que la brodeuse n'aurait jamais imaginer voir passer en aussi peu de temps.
Elle avait eu des ampoules puis des corps au pouce à force de faire tourner le rouet.
Elle avait eu les mains de toutes les couleurs et toutes fripées quand il avait fallu mélanger les teintures.
Elle avait eu les oreilles bourdonnantes pendant des jours à force d'entendre claquer le métier à tisser.
Elle s'était piquée et repiquée au moment de jouer des aiguilles et avait bien eu peur de perdre l'usage de la vue sur les broderies des longues traînes.
Mais le résultat était à la hauteur de ses attentes, et la satisfaction de sa cliente valait pour la jeune femme tous les efforts de Saintes.
Appuyée contre le chambranle de la porte, la brodeuse regardait se traînait le môme qu'elle avait chargé de livrer le dernier lot de houppelandes. La poitrine de la Mésange se souleva et un long soupir de contentement s'échappa de la bouche trop grande. Bras croisés pour la première fois depuis des semaines, Arylis laissa divaguer son regard clair sur les pavés. Il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas laissée ainsi flâner le long d'une rue saintaise. Se promenant d'un passant à l'autre, du boulanger déprimé à la ménagère en fleur, des enfants qui courent au bûcheron imposant, d'odeurs en parfum et de rires en chansons. Elle se prêtait goulûment au jeu, arrêtant un instant son regard sur un livreur en livré, puis sur une petite vieille courbée et ...
Les yeux clairs revinrent sur l'homme qui avançait, un peu trop droit vers elle.
L'esprit-papillon s'affola.
Non !
Non !
Pas déjà ! Il me reste encore tout l'atelier à nettoyer et toute une après-midi pour papillonner !
Huuuummmmm ...
B'jour m'dame ! V'là des peaux pour vous. D'la part d'la dame de Mortelane.
Arylis se liquéfia littéralement. Elle se sentit fondre sur le sol, dégouliner le long des trois marches de l'entrée et finir sa vie aux pieds du messager. Quand elle leva son regard suppliant et déjà mort sur lui, elle se rendit compte qu'en fait, elle le surplombait toujours et qu'il la regardait avec un air interdit.
Ca va m'dame ? Z'avez pas l'air bien ... Vous voulez vous asseoir ?
La crinière blonde s'agita de gauche à droite et la voix d'outre-tombe qui sortit de la bouche trop grande contredit le discours qui s'ensuivit.
Non non. Ça va je vous remercie ...
Une main en mode automatique sortit de la bourse pendant à la ceinture de la gérante de la Dentelle quelques pièces pour le livreur.
Des bras déjà ballants reçurent le paquet.
Et le corps d'Arylis retourna avec regret dans l'antre de son atelier.
La porte qu'elle referma dans son dos de la pointe du pied émit un bruit tombeau que l'on scelle.
Pour un peu elle aurait entendu un requiem.
La Mésange inspira profondément et souffla un grand coup. L'odeur de cuir et de teinture envahit ses poumons, rallumant des étincelles dans le regard clair.
L'esprit-papillon se convainquit que le printemps reviendrait bientôt, et c'est d'un pas léger que la blonde alla s'installer pour commencer une série de ceintures, toutes plus belles les unes que les autres !
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Ce qui en revanche continuait d'être bien réel, c'était le contrat que la gérante de la Dentelle Bleue avait passé avec Djayna. Depuis déjà plus d'un mois, toute l'attention de la brodeuse était focalisée sur la réalisation de la garde de robe de la jeune femme.
D'abord, elle avait fait des chapeaux, s'amusant à les décorer selon les envies de sa commanditaire et ses propres folies. Il y en avait des automnaux, des printaniers, des hivernaux et puis bien sûr des estivaux. Il y en avait avec des fleurs, des feuilles, des broderies, sans broderie, avec des oiseaux, des fourrures, des couleurs, du velours, des voilettes Il y en avait pour tous les goûts et surtout les siens.
Ensuite le travail s'était fait plus nostalgique. La blonde avait réalisé une série de foulards. Ce vêtement la ramenait toujours avec une grande tendresse à son premier ouvrage de couture, quand l'Astre Noir l'avait prise sous son aile. Aktarion continuait de hanter la boutique et l'atelier, présence fantomatique reliée à une enveloppe physique bien réelle, bien absente et bienveillante.
Et puis il y avait eu les houppelandes
La Dentelle était devenue le théâtre d'une scène quelque peu apocalyptique. Les kilos de laine avaient été entassés, filés, teints, tissés et puis il avait fallu couper et coudre une quantité de tissu que la brodeuse n'aurait jamais imaginer voir passer en aussi peu de temps.
Elle avait eu des ampoules puis des corps au pouce à force de faire tourner le rouet.
Elle avait eu les mains de toutes les couleurs et toutes fripées quand il avait fallu mélanger les teintures.
Elle avait eu les oreilles bourdonnantes pendant des jours à force d'entendre claquer le métier à tisser.
Elle s'était piquée et repiquée au moment de jouer des aiguilles et avait bien eu peur de perdre l'usage de la vue sur les broderies des longues traînes.
Mais le résultat était à la hauteur de ses attentes, et la satisfaction de sa cliente valait pour la jeune femme tous les efforts de Saintes.
Appuyée contre le chambranle de la porte, la brodeuse regardait se traînait le môme qu'elle avait chargé de livrer le dernier lot de houppelandes. La poitrine de la Mésange se souleva et un long soupir de contentement s'échappa de la bouche trop grande. Bras croisés pour la première fois depuis des semaines, Arylis laissa divaguer son regard clair sur les pavés. Il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas laissée ainsi flâner le long d'une rue saintaise. Se promenant d'un passant à l'autre, du boulanger déprimé à la ménagère en fleur, des enfants qui courent au bûcheron imposant, d'odeurs en parfum et de rires en chansons. Elle se prêtait goulûment au jeu, arrêtant un instant son regard sur un livreur en livré, puis sur une petite vieille courbée et ...
Les yeux clairs revinrent sur l'homme qui avançait, un peu trop droit vers elle.
L'esprit-papillon s'affola.
Non !
Non !
Pas déjà ! Il me reste encore tout l'atelier à nettoyer et toute une après-midi pour papillonner !
Huuuummmmm ...
B'jour m'dame ! V'là des peaux pour vous. D'la part d'la dame de Mortelane.
Arylis se liquéfia littéralement. Elle se sentit fondre sur le sol, dégouliner le long des trois marches de l'entrée et finir sa vie aux pieds du messager. Quand elle leva son regard suppliant et déjà mort sur lui, elle se rendit compte qu'en fait, elle le surplombait toujours et qu'il la regardait avec un air interdit.
Ca va m'dame ? Z'avez pas l'air bien ... Vous voulez vous asseoir ?
La crinière blonde s'agita de gauche à droite et la voix d'outre-tombe qui sortit de la bouche trop grande contredit le discours qui s'ensuivit.
Non non. Ça va je vous remercie ...
Une main en mode automatique sortit de la bourse pendant à la ceinture de la gérante de la Dentelle quelques pièces pour le livreur.
Des bras déjà ballants reçurent le paquet.
Et le corps d'Arylis retourna avec regret dans l'antre de son atelier.
La porte qu'elle referma dans son dos de la pointe du pied émit un bruit tombeau que l'on scelle.
Pour un peu elle aurait entendu un requiem.
La Mésange inspira profondément et souffla un grand coup. L'odeur de cuir et de teinture envahit ses poumons, rallumant des étincelles dans le regard clair.
L'esprit-papillon se convainquit que le printemps reviendrait bientôt, et c'est d'un pas léger que la blonde alla s'installer pour commencer une série de ceintures, toutes plus belles les unes que les autres !
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