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[RP] Les aiguillages du coeur

Rouge_gorge
C'est mon heure. L'heure de partir de nouveau. Mais cette fois, j'ai retenu la gifle ou plutôt la leçon. J'ai appris de mes erreurs et je ne la quitterai pas sans un véritable "au revoir". Quand elle m'a tiré de mes songes assez violemment à Limoges, c'est pas que ses cinq doigts qui s'imprimaient sur ma joue. C'est mon passé qui me retrouvait et mon présent qui s'adoucissait. Dans mon coeur, c'était l'orage. Ça grondait, ça tonnait mais toujours en sourdine et puis, quand je l'ai recroisé, la pluie passa et mon palpitant s'éclaircit de nouveau. Elle a bien changé depuis le temps. Ouais, elle a changé en bien. Je nous ai accordé un peu de répit, histoire de l'apprivoiser de nouveau. Mais j'ai vite été sur mes réserves. A flâner à ses côtés, pour sûr que l'argent n'entrait pas. Il me faut donc reprendre la route parce que mon quotidien n'est pas le sien. Il est trop dur pour sa morale mais je lui en veux pas. Au moins, elle risque moins que moi une dague dans les côtes et finalement, ça me rassure. Je me dis aussi qu'elle est bien entourée avec Loriot, Pouet et surtout sa petite. Si Eden' savait qu'elle était le fruit de nos premières blessures. M'enfin, je lui en veux pas à la gamine, c'est une enfant bourrée de talent et pleine de promesse.

Tandis que je divague en sifflant, mes pas me mènent jusqu'à l'appartement. Pas question de disparaitre cette fois-ci, promis. Je tape et elle m'ouvre, c'est aussi simple que ça. Ça me fait toujours un boom au coeur quand elle apparait dans mon champ de vision, c'est con, c'est douloureux mais c'est la seule qui me fait ça. J'ai pas besoin de retravailler mon sourire avec elle, il est naturellement sincère. Je replonge mes gants dans les poches de mes braies bouffantes et bigarrées puis je me lance:


Je te dérange pas, Mignonne? Je viens te dire... tantôt! Pas que je me lasse de ta présence, hein mais t'as bien vu l'état de Ludry. S'il part sans moi, je lui donne pas deux jours sur la route puis bon, je crache pas sur un peu d'écus.

Je lâche un rire étrangement plus clair et plus sonore que d'habitude puis je réalise que la nuit est tombée alors je baisse d'un ton. Mon oeillade dévie dans l'embrasement de la porte.

Loriot est là? 'Fin, je veux dire que je vais te laisser, Edenae doit dormir à cette heure.

Petite latence. Je sais pas pourquoi mais j'ai envie qu'elle me contredise, qu'elle pousse la porte en grand et qu'elle m'invite à entrer, qu'on s'ouvre une bouteille et qu'on se mette à chanter. Mes semelles décollent pas, c'est plus fort que moi alors je brode encore. Je tourne tellement mes phrases qu'elles n'ont plus de sens puis je réalise. Je réalise que j'ai jamais dit "au revoir". Ni à ma famille, ni à mes amis ni même à elle. C'est toujours une fuite, une disparition, c'est toujours une excuse ou une emmerde qui m'arrache du jour au lendemain. Alors je comprends, je comprends qu'en faite, je sais juste pas dire "au revoir". Mais là, je sais plus quoi dire. Je la regarde, je l'ai peut-être assommé. Je la détaille et je vois un trouble qui la froisse. C'est pas si clair mais pour moi, c'est une évidence: cette façon qu'elle a de dissimuler sa pensée. Ça lui plisse la peau comme si son grain se rétractait. J'ai le sens du détail, ouais...

Quelque chose ne va pas, Mignonne?
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Sadella
    C'est mon heure. L'heure de quitter la chambre de ma fille avec laquelle j'ai passé bien une heure à chanter, discuter et rire jusqu'à épuisement total. Le bras passé sous son corps, je tente de me redresser doucement pour ne pas la réveiller, avant de me figer quand elle bouge. La couche couine un peu quand je m'en extirpe finalement et c'est sur la pointe des pieds, telle la voleuse que je suis, que je parviens à mettre la main sur la poignée de la porte, dernier obstacle avant la zone sans risques. Je tourne lentement, plisse les yeux d'entendre le battant grincer et au moment où j'ouvre ce dernier et que je me crois sortie d'affaire, j'entends que l'on toque à la porte. Un coup d’œil vers le lit, Edenaé semble encore dormir et je referme vite avant d'aller ouvrir au Piaf.

    Je ne savais pas à quoi m'attendre. Je savais qu'elle partait, mais je ne savais pas si elle prendrait le temps de me dire "au revoir" ou si elle filerait en douce pour s'épargner cette désagréable sensation. Pourtant, la voilà, pointant son sourire éternel à ma porte pour faire l'effort de quelques mots pour m'annoncer le départ. Si je suis d'ordinaire plus farouche qu'elle, je réponds au sourire avec un autre sincère, car consciente de l'effort fait pour ne pas me peiner une fois encore. On fonctionne comme ça avec cet oiseau là. On fait des conneries, on se prend parfois le bec et puis on réfléchit et on ajuste tout en maintenant notre fierté bien en place.

    Mais Rouge ne me laisse pas en placer une. Elle enchaîne et je l'écoute, baragouiner, questionner, rire. Oui, cette fille-là est un peu excentrique, il faut avoir vécu avec elle pour parvenir à la cerner un peu, mais je reste persuadée que personne n'est capable de la saisir entièrement. C'est un courant d'air, elle décoiffe, rafraîchit et bon courage pour l'attraper. Et mes pensées quittent un instant l'Oiseau, pour plonger dans quelques souvenirs. Elle va me manquer. Ici à Alençon, Nizam occupé par plusieurs missions qui le tiennent éloigné, Léon occupé par sa future paternité, il ne me reste que ma petite et Rouge et voilà que cette dernière se tire. Je ne peux pas lui en vouloir, elle doit aussi se renflouer, mais j'ai l'impression que les journées seront privées de quelques couleurs sans cette amie farfelue pour égayer le quotidien d'histoires improbables et d'inventions poétiques.

    Et comme je suis un livre ouvert à qui me connaît un peu, la Chapeautée a vite fait de remarquer mon inquiétude que je m'empresse de troquer contre un sourire nonchalant, alors que j'esquisse un pas de côté pour lui ouvrir l'accès à l'appartement.


    T'as fini oui de me harceler de questions ? Entre, Loriot est occupé, Edenaé pionce, viens boire un coup avant ton départ.. Et tout va bien joli piaf.

    L'appartement est situé au premier étage d'une maison à colombages et on y accède par un escalier extérieur. L'endroit est assez sombre, car les fenêtres y sont peu nombreuses et étroites, mais je vis principalement à l'extérieur et n'ai choisi le lieu que pour le prix et le fait que les meubles étaient vendus avec. Peu intéressée par la décoration, j'ai opté pour le pratique et ramène donc mon amie vers une pièce dotée d'une cheminée, de deux fauteuils et d'un guéridon. Plus loin, une table massive et peu esthétique permet de manger un bout, ou d'écrire des lettres sur les bancs qui l'encadrent. Quelques chandelles ramènent un peu de lumière et il n'y a aucune personnalisation, si ce n'est quelques cailloux posés sur la poutre de l'âtre. C'est que je n'ai jamais eu de maison. Je ne parviens pas à considérer l'endroit comme un "foyer" et je ne possède pas grand chose.

    Suivant les pas de la Bariolée, j'attrape une bouteille entamée de vin de Bourgogne et en sert deux godets. Les conversations s'enchaînent, je lui raconte brièvement mes activités avec Edenaé, je poursuis sur des sujets sans trop d'intérêt juste histoire de prolonger un peu le temps avec cette femme qui m'a tant appris et dont l'amitié m'est aussi précieuse que l'attachement d'une sœur. On aborde finalement à nouveau le sujet du dernier combat mené contre Nizam et du tatouage que j'étais censée lui dessiner. C'est avec amusement que je lui réponds :


    Tu parles, il n'était pas très emballé à la base, je crois qu'il va faire durer encore la chose. D'ici là, il me demande de m'entraîner sur des peaux de cochons pour ne pas me louper sur lui. Il est un peu précieux quand il s'y met ! Vous auriez mieux fait d'imposer ce gage au perdant.

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Rouge_gorge
[...]...Et tout va bien joli piaf.

En vrai, je lui concède ce mystère juste parce qu'elle me dévoile un autre secret. Son Nid. J'emboite un pas silencieux à l'invitation juste parce qu'elle m'a prévenu que Edenae dormait. Sinon, j'aurai tout retourné! Je jauge la pièce dans laquelle j'entre d'une oeillade sombre. Alors c'est là qu'elle fait sa nouvelle vie, hein? Pire que l'inquisition, je colle mon nez sur les cailloux exposés. Les miens sont mieux, d'abord! Je jalouse le feu de cheminée car ceux que je fais flamber jour et nuit aux quatre coins du royaume dans mes tavernes pour elle sont mieux aussi. Je finis par me poser sur l'un des deux fauteuils et la désagréable sensation que Loriot y passe plus de temps que moi me vrille les méninges.

J'accueille son godet d'un sourire puis je l'écoute me raconter son quotidien. Elle a l'air épanouie avec sa fille et ça aussi, ça me rassure. C'est con mais il y a pas de futilités avec elle, tout est bon à me décrocher un sourire, à me faire naitre un rire, à me soulever une pensée ou m'inspirer quelques vers. Bref, je reste jamais de marbre devant Sadella. La discussion pique vers ma défaite contre Loriot. La vérité que j'avais exposé à l'époque n'était pas la seule. En vrai si j'avais tant insisté pour que ce soit le vainqueur qui se fasse tatouer bah...C'était parce que j'étais sûre de gagner.

Alors certes, l'idée de tatouer une défaite, je trouvais ça vraiment moche par principe mais mon ultime raison était autre. Les tatouages, j'en ai déjà vu chez mes comparses. Pas mal de malandrins en portent. Leur chair gravée d'une couronne pour montrer qui est le roi, de dés pour s'attirer la bonne fortune ou juste d'une pensée -la fleur- pour leur mère... C'est plus esthétique que leurs balafres. Moi, j'aime bien les regarder.

Je conçois mal le fait que Loriot chipote sur l'oeuvre de Mignonne. Est-ce qu'il va demander à son prochain ennemi de lui raturer le profil que sur un certain angle?


Pfff! Des peaux de cochons! Il a vraiment pas d'estime de lui, Loriot pour se comparer le cuir à celui d'un porc!

Et vlan. C'est gratuit, ça vient du fond du coeur. Faut pas croire, je l'aime bien Loriot, hein même s'il tape trop fort...

Je tire ma manche pour dévoiler mon bras gauche et je le pose sur le guéridon entre nous.


Sors ton attirail, Mignonne. Tu vas t'entrainer sur un vrai Oisal.

L'excuse est astucieuse, hein? Le maitre qui se dévoue pour l'apprentissage de son élève. La vérité est qu'elle peut me griffer la chair, elle m'a imposé des cicatrices plus douloureuses par le passé...
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Sadella
C'est des jours entiers
Ployer sous un fardeau
Jamais léger
Toujours courber le dos
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire que
C'est traîner des pieds
C'est exister à peine
Désespérer
Que quelque chose advienne
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire

    Oui avant elle, j'étais devenue invisible. J'étais l'ombre chétive qui n'avait une espérance de vie que très limitée. Je n'avais comme arme pour affronter la vie que mon sale caractère, ma détermination et un peu de débrouillardise. Rouge, a été mon phare. J'ai puisé dans sa force pour acquérir de nouveaux talents ou pour en développer d'autres. Elle a été le bras, l'épaule, l'appui à un moment de mon existence où il était certain que je n'allais pas passer l'hiver sans son aide. Je lui dois beaucoup. Et si sans doute, j'ai pu lui apporter en retour une compagnie de misère, une présence solide pour la rattacher à la terre et empêcher cet oiseau-là de partir trop dans ses délires, une amitié infaillible, solidaire jusque dans la crasse, je ne pense pas avoir su lui retourner autant que ce qu'elle m'a donné. Quiconque me connaît, sait ma grande loyauté pour mes proches. Rouge-Gorge, ou bien Jeannette -comme j'aime à la taquiner parfois- n'a pas été un élément facile dans ma vie, car elle a aussi alimenté ma grande crainte de l'abandon par sa fuite, mais je lui suis restée fidèle malgré tout.

Avant toi c'était quoi
C'est se démener
Chanter dans le désert
Pour qui c'était
Tous ces vers, tous ces airs
Avant toi
Avant toi laisse moi te dire


    Si je suis difficile en amour, je le suis tout autant en amitié. Peu de gens peuvent se vanter d'en avoir le titre et en réalité je différencie bien le bon copain, de l'ami comme j'ai pu l'expliquer à ma fille. Et dans ma vie, il n'y en a que deux : Léon et Rouge. Ces deux-là ayant traversé les différentes sphères de ma zone de confort pour parvenir à me connaître assez bien. Et surtout, ils ont su m'inspirer confiance, ce qui, pour le petit animal sauvage que j'étais à l'époque de la rencontre avec le piaf, n'était pas gagné d'avance.

    Mais quand on regarde aujourd'hui, notre conversation naturelle qui se joue au coin du feu, comme de bonnes vieilles amies qui taisent les plaies partagées pour ne se concentrer que sur les bons moments, on ne peut nier qu'en dessous des futilités dites, se cache un socle solide qui nous unit. Nous avons fait du chemin, mais l'essentiel est là, niché dans la simplicité d'une discussion échangée.

    Elle taquine Nizam, je souris volontiers. Ne suis-je pas la première à charrier l'homme qui partage ma vie ? Il n'y a là que quelques taquineries qui d'ailleurs feraient aussi sourire le concerné s'il était là, je n'en ai aucun doute. Puisque pour moi, depuis toujours, mon attirance ne s'est portée que pour les hommes, je suis dans l'incapacité mentale de saisir la profondeur des sentiments de mon amie. Tout signe envoyé est pour moi représentatif de l'exubérance amicale de mon ancien Maître, qui témoigne à sa manière, l'affection qu'elle porte à son apprentie. Je suis aveugle. Aveugle à toutes ses attentions qui de la part d'un homme auraient pu éveiller le soupçon. Mais Rouge est une femme et elle aime les blondes ou sa rouquine, les brunes ne sont pas sa tasse de thé, je le sais pour l'avoir entendu le dire mille fois et mon cerveau a donc choisi de ne pas comprendre.

    D'autant plus que mon cœur, lui, tel un tournesol, est entièrement tourné vers la tête blonde du mercenaire. Et tout comme en amitié, je suis méfiante en amour, mais une fois que le palpitant est pris, il est bien difficile de le détourner. Ce fauteuil qu'a choisi Rouge, j'y observe d'ordinaire l'homme d'armes plongé dans ses pensées que parfois je viens troubler. Cette cheminée, a été témoin de quelques discussions, de quelques étreintes aussi, mais surtout des rares déclarations que je suis capable d'énoncer. Ce sont autant de détails que j'épargne à l'amie par pudeur, car je protège les élans de mon cœur comme un dragon défendant ses œufs. Et comme je sais l'Oisal disposée à se moquer de moi, je ne lui tends aucune perche pour le faire.

Avant toi c'était quoi
Sinon un préambule
Un long chemin de croix
Puis tout bascule

Avant toi c'était quoi
Juste une scène immense
Bien trop vaste pour moi
Et puis tout danse

    Mais ce qu'il y a de bon, avec cette femme-là, c'est sa désinvolture et sa nonchalance quand il s'agit de faire quelques conneries. Car me laisser la tatouer sans être sûre de mes talents, était une vraie connerie. Or, quand on connaît la bestiole, plus rien ne nous étonne. Et le pire, c'est que je suis certaine que l'idée lui plait vraiment. J'étais là lors des négociations et je me souviens de l'assurance de la Chapeautée quant au fait de l'emporter. Alors, tout en sortant de mon sac mon nécessaire à couture et mon encre, mes méninges se mettent en route pour trouver le symbole idéal à marquer à vie sur l'aile du Rouge-Gorge.

    Je te préviens, ce sera simple. Ne me réclame pas le dessin d'un loriot, je risque de te dessiner la tête de Nizam, à la manière d'une gosse de 5 ans. Crois-moi, tu ne veux pas avoir ça sur le bras.

    Je rapproche finalement une chandelle sur le guéridon pour éclairer la peau de l'amie et je passe l'aiguille dans la flamme avant d'aller la tremper dans l'encre. Petit à petit, l'idée germe sous les tempes, je vois déjà le dessin se former sur le derme féminin avant même que j'y pose l'aiguille. Mon pouce effleure la surface encore vierge et je lui adresse un coup d'oeil comme pour m'assurer qu'elle est bien décidée. Une fois confortée par son regard, senestre s'empare de l'aiguille creuse tandis que je me penche avec concentration pour perforer l'épiderme. On y est. Le premier point d'encre est à jamais fixé au corps de Jeanne et il s'agit à présent de s'appliquer pour lui épargner un tatouage douteux. Si elle souffre, j'évite de trop la regarder et continue mon travail d'aiguillage avec minutie.

    T'as le droit de m'insulter si je te fais trop mal.


Morceaux de la chanson "Avant toi" - Calogero

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Rouge_gorge
Mignonne n'a jamais compris, ne comprend jamais et ne comprendra...jamais. Avant elle, il y a eu Vio, mes premiers émois. Celle qui m'a attiré et donné confiance en moi, celle qui m'a fait comprendre et qui m'a fait me découvrir. La blonde a été une pierre blanche dans mon pan de vie malgré que notre rencontre fut brève. Ça, Del le sait parce que je lui ai tout dit. Ce qu'elle ne sait pas en revanche, c'est son impact à elle dans mon existence et si je devais reprendre l'image des pierres, la Spinoziste serait l'accumulation de plein de briques dressées face à mon mur, un autel que j'aime à contempler, à louer et qui me donne la foi.

Je lui ai déjà dit, on choisit pas ses attirances mais ce que j'ai omis volontairement, c'est qu'on choisit pas ses amours non plus. La Brune, c'est pas un coup de foudre aux premiers regards, non. C'est un apprivoisement de longue haleine, c'est une complicité qui a dérapé, une amitié trop forte pour moi. Tandis qu'elle prépare son attirail, je l'observe. Elle est belle dans ses défauts. Sa cicatrice raturant la lèvre, bordel, combien de fois j'ai voulu la...Hum.

Sadella ne voit pas que je la regarde comme personne et que je la vois aussi comme aucun ne la verra. Je l'ai écris à un artiste inconnu mais la vie, c'est personnel et sincèrement, ça mérite d'être vécu. Tu peux pointer une fleur sous le pif de n'importe qui, il y en a pas un qui ressentira le même parfum que toi...

Parait que je fais des trucs fous, que je suis capable du meilleur comme du pire, pourtant pour elle, je sais que je peux faire encore mieux. Qui a accepté de dérouiller autant pour la rejoindre aux fers quand elle s'y retrouvait? Qui a passé plus de temps à lui céder son savoir au lieu d'en profiter? Qui a... Ça me rappelle même la fois où Mignonne était en galère, les anglais avaient débarqués et elle se tordait le bide. J'avais essuyé sa mauvaise humeur toute la journée. Le problème, c'est qu'on avait pas trop de changes à l'époque...alors je lui avais filé ma dernière culotte à mettre par-dessus la sienne. J'avais dû tapisser mes braies de pailles pour pas avoir le cul nu.

Le godet de bordeaux camoufle mon sourire gêné tandis que j'imagine encore que le Monde savait que j'étais à poils ce jour-là. Putain, ça m'avait démangé trois jours après! Je suis vite extirpée de mes songes par ses paroles:


Je te préviens, ce sera simple. Ne me réclame pas le dessin d'un loriot, je risque de te dessiner la tête de Nizam, à la manière d'une gosse de 5 ans. Crois-moi, tu ne veux pas avoir ça sur le bras.

En vrai, elle pourrait me tatouer un phallus en érection que je le brandirai avec plus de panache que n'importe quel homme du royaume. Si, en prime, ça peut l'intéresser...

C'est toi, l'artiste, Mignonne!

Aussi dit "Je te fais confiance". Mon regard couve son geste, sa peau sombre sur la chair pâle, le contact m'extirpe un frisson et je terre mon bec dans le godet pour me donner contenance. La douceur se mue en une piqûre aigüe. Voilà, on y est. Peut-être qu'elle va me trouer jusqu'à l'os?

T'as le droit de m'insulter si je te fais trop mal.

A la lueur de la chandelle, c'est pas son travail consciencieux que je guette, ce sont les ombres de la flammèche qui joue sur son minois concentré. Leur danse m'inspire...

Le long de mes plaies, fais glisser tes mains,
Pour défier les étoiles et mêler nos voies.
Rouvre ces blessures et regarde-moi,
Mon corps meurtri est le canevas du destin.

De mes songes, tu t'enfuis à l'aube,
Ton parfum de peau chaud comme le sable,
Je veux sentir tes longues boucles brunes,
Et me perdre dans tes yeux verts
brillants de flammes...*


Adaptation de la sublime "Priscilla's song" in french!

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Sadella
Si seulement je savais comment
Comment tu me regardais, je serais effrayée
Si seulement je savais comment
Comment tu m'imaginais, je pourrais t'abîmer


    La pièce se plonge dans le silence, à peine brusqué par les craquements de la bûche qui se consume dans l'âtre, tandis que je m'applique à tracer point par point, le dessin que j'ai imaginé pour mon amie. J'utilise un linge pour tamponner régulièrement la peau, je souffle parfois sur une mèche qui ne cesse de retomber devant mes yeux et fronce les sourcils pour marquer ma concentration. Il y a entre elle et moi, cette capacité à se laisser observer sans trop de gêne, car que pourrait-elle voir de plus qu'elle n'a pas déjà connu dans les pires conditions de notre passé commun ? Si nous avons pu nous voir nues, nous voir sous menstrues, malades et morveuses ou sentant le vomis, on est forcément complètement détendues, dans une situation plus "normale".

    Tout à coup, la voix de l'oiseau s'élève et me tire de mon travail. Je ne sais pas combien de temps a passé mais elle m'arrache une observation en douce, toujours très sensible à ses chansons. Nous chantions si souvent ensemble par le passé, que je ne me lasse pas de l'écouter. Celle-ci, je ne la connais pas, sans doute une nouvelle création dont elle me fait profiter en exclusivité. Pourtant, les paroles sonnent terriblement sincères, comme un écho connu qui parle plus intimement. Mon regard se repose vite sur son bras, je ne veux pas trahir l'instant de doute qui m'a saisi et que je chasse déjà au plus profond de mon déni. Senestre s'active, l'aiguille trempée dans l'encre à nouveau pour revenir tatouer la peau assez profondément pour que la marque reste ancrée sous l'épiderme.


Mais tu voudrais qu'je sois ta reine ce soir
Même si deux reines c'est pas trop accepté
Mais tu voudrais qu'je sois ta reine ce soir
Toi, les rois tu t'en fous c'est pas c'qui t'plaît


    Je ne réalise pas le mal que je fais à cette femme. Je ne conçois même pas qu'elle puisse m'aimer. Il y a mon éducation bien sûr et puis, il y a mon attirance. Et aucun des deux n'est en faveur de Jeanne. C'est au delà du champ des possibles, je ne percute pas. Je m'y refuse et je finis par lui accorder un sourire.

    C'est beau Jeannette, tu pourrais l'adapter à ta rouquine, là on dirait presque qu'elle est faite pour moi !

    Ah, ça c'est tout moi. Les deux pieds dans le plat et puis on saute bien histoire d'enfoncer le clou. La maladresse est ma marque de fabrique et j'ai la manie de blesser mon entourage par des propos mal placés en toute innocence. Mais j'aurais pu faire pire. J'aurais pu lui proposer de filer les paroles au mercenaire pour qu'il me chante la sérénade qu'il me doit depuis des lustres. Là, j'aurais atteint le summum de la gaffe. Habile de mes doigts, bien moins de ma langue. Mais Rouge a l'habitude, elle sait. Enfin, c'est à espérer.


Si seulement je savais comment
Comment tu m'envisageais, même si t'es une fille
Si seulement je savais comment
Comment tu pourrais m'aimer tellement plus que lui


    D'un regard bref, je détaille le profil effilé du visage ami, les traits sont connus par cœur malgré les années qui commencent à les marquer. La chevelure, elle aussi cendrée par l'âge, n'a rien enlevé à la vivacité d'esprit du piaf. Le temps a passé, mais les soucis aussi. Et de soucis, je sais que la Chapeautée n'est pas du genre à les exprimer, pas ceux qui comptent dû moins. Si on l'entend parfois chouiner en taverne, c'est plus de l'ordre du dramaturge que du sincère. Non, quand l'Oiseau est sincère, elle se tait. Et c'est bien là toute la complexité de notre relation, puisque je ne cesse d'attendre des mots de soutien qui ne viennent jamais, l'amie préférant quelques leçons données que de satisfaire mon ego.

    Rouge, c'est un courant d'air, un tourbillon de talents, une spirale infernale dans laquelle on se laisse vite entraîner. C'est aussi une femme, entière, sûre d'elle et de ce qu'elle veut. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur nos attentes de la vie, mais j'admire ses nombreuses facettes. Mais Rouge, c'est aussi la poigne d'un homme, la détermination digne de dix chevaliers, c'est l'ennemie des plus grands coureurs de jupons de ce royaume. Elle est femme oui, mais avec une sacrée paire de... bourses.

    Tous ces éléments m'ont amenée au tatouage qui prend forme doucement mais sûrement. Sous mon regard plissé, se profile un genre de trompe-l’œil. Deux triangles infinis. Qui me font penser à une spirale éternelle. Le triangle est vers le bas pour celui qui le voit, ça symbolise la féminité. Mais quand Rouge-Gorge le regardera, c'est la pointe vers le haut qu'elle verra, donc toute la force induite par la masculinité. Et d'ailleurs je le lui explique maintenant que je m'applique aux détails pour parfaire le dessin. Et j'ajoute aussi :


    Et le triangle, c'est mon symbole préféré. Parce qu'il a plusieurs directions, parce qu'il est piquant, parce que chaque pôle est lié, parce que j'aime les chiffres impairs, parce qu'on l'utilise aussi pour symboliser les éléments. Et que je suis attachée à chacun d'eux. Toi tu es mon air et Edenaé est ma terre. Donc tu as un bout de moi dans tout le reste qui n'est que toi.


Morceaux réadaptés tirés de "Ta reine" d'Angèle

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Rouge_gorge
Le ferais-tu avec moi?
Soigner mes cicatrices et changer les étoiles.
Le ferais-tu pour moi?
Renverser le paradis.

Je t'emmènerais ailleurs,
Ne serait-ce qu'un jour lorsque tu te sens seul.
Sur ma poitrine tu peux poser ta joue et faire couler tes larmes.
Ma chanson ne peut qu'emprunter ta grâce.


Je crois... Je crois que j'ai épuisé l'essence même de la subtilité, que j'ai imposé de nouvelles limites au respect, que j'ai réinventé l'amour courtois. Jamais un faux pas, jamais un geste de trop. J'ai toujours cherché à la sublimer, à marquer son unicité. Du bout de son nez, elle a toute mon attention, de son sourire, toutes mes faveurs et de ses doigts, mon être et mon coeur.

Je crois... Je crois que j'ai perdu la raison au fond de ses yeux verts. Elle pourrait me mettre en cage si elle savait et je continuerai tout de même à siffler derrière ses barreaux. Car si pour mes congénères, la limite est le ciel, pour moi, c'est elle.


Montres, montres-toi où que tu sois.
Dans la mer, si perdu tu es.
Cèdes, cèdes à mon contact.
Au goût de mes lèvres et mon désir.

Ta beauté cascadait en moi.
Dans mon conte de fée.


Et si tout est vain réside encore l'espoir.

Mon cuir me chauffe sous la morsure de l'aiguille mais c'est bien piètre souffrance comparé à ses mots. Je me pare d'un sourire de circonstance et achève mon godet de vin. Les minutes s'égrainent et l'encre se diffuse à-coup par à-coup dans ma chair. Le reste du travail s'accomplit en silence. Parfois, la piqûre me semble plus profonde et me tire des frissons. Le tissu vient racler mon épiderme meurtri, son contact est râpeux malgré la douceur de l'étoffe. Il est maculé d'encre noir et de sang, je n'ose pas vraiment me pencher sur mon bras pour voir le carnage...euh l'ouvrage.

Bientôt, la bûche craque dans l'âtre, il est tard. Mes amis doivent m'attendre aux portes à l'heure qu'il est et l'hyper-sensibilité de ma peau m'irrite aussi les nerfs. Pourtant, l'artiste repose son attirail et je peux souffler. En nettoyant son oeuvre, elle m'en explique la signification, j'observe alors. C'est beau et ça me correspond mais ce qui restera gravé par delà mon cuir, ce sont ses mots encore une fois. Je suis son air, vous savez le truc qu'on respire inconsciemment, ce machin qu'on soupire parfois. Cette chose vitale.

Del me panse l'avant-bras d'une bande propre et je n'ai toujours pas décroché un mot. D'habitude, ils ne font jamais défaut mais là...


Je ne peux pas m'éterniser, Mignonne.

Voilà, c'est tout ce qui sort quand je rabat ma manche bouffante sur le pansement. Sans précipitation, je redresse et regagne la porte.

Tu diras "Tantôt" à ta petite pour moi?

Je pourrais faire mieux mais ça, j'ai encore le temps de le prouver. J'ouvre le loquet et sur le seuil, je m'étrangle d'un simple:

Merci.

Avant de dévaler les escaliers, gants fourrés dans les poches, à la recherche de mes comparses de chemin. Mon aile me brûle sous mes vêtements et mon coeur se consume. Ce soir, je suis un putain de phoenix et je m'embrase corps et âme. Plus rien ne peut me freiner maintenant. Je suis dans ses poumons au plus près de son palpitant. Elle l'a dit, je suis intrinsèque comme sa griffe éternelle sur mes plumes...

Ne t'es-tu jamais senti si loin avec moi ?
Tout ce dont j'ai besoin:
c'est de te retrouver un jour et pouvoir t'enlacer.
Ne t'es-tu jamais senti si loin sans moi.
Si profond sommeil mon amour.
Rêves-tu parfois de moi?


Paroles traduites de "Ever dream" de Nightwish

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