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[RP] Plaisirs coupables.

Sixte_
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Domaine D’Aragon, Août 1463






    Sixte a seize ans.
    Les années ont changé l’enfant et étirent déjà l’adolescent à ses premiers airs d’adulte. La lèvre est fine, les joues creuses, et le menton net, ossature mâle qui se contredit à la délicatesse d’un teint de porcelaine ; au pic des après-midi radieuses, D’Aragon ne récolte jamais que des coups de soleil.
    La pratique de la chasse a forgé le corps autant que la tête ; le jeune archer a les épaules pleines, les bras solides, le cou étiré, de longues mains qui ne tremblent pas et un regard gris qui semble toujours à l’affut d’un détail. L’équitation, elle, a taillé les habitudes de la chair d’une adresse, d’une souplesse qui ne vaut qu’à ceux qui savent se mouvoir d’un écho à leur monture là où l’éducation dispensée par ses professeurs a assis à l’esprit la vanité de sa condition, l’autorité des savoirs et l’aisance de la parole.



L’écurie se traverse d’un rayon de lumière éclatant et frappe un ballot de foin. Il y a dans le bâtiment l’odeur forte des chevaux partageant leurs saturations à celles du fourrage ; malgré les portes ouvertes, l’air de cette journée d’aout stagne, se transperçant mollement d’un aboiement lointain. Le domaine, paisible, somnole d’une léthargie heureuse, et ceux qui ne travaillent pas à la fraicheur de l’intérieur sont allés jusqu’à la petite rivière pour y trouver le salut.
Lui, a choisi le haras dont deux des box sont vides ; Sixte se tient dans l’un deux et il n’y est pas seul.



    A l’image de la silhouette, le caractère lui aussi s’est affiné.
    L’Orgueil, matière première de la famille, a trouvé un logis confortable chez le jeune homme et ses exploits à la chasse l’ont couronné d’une certaine arrogance ; il n’y a bien qu’auprès des maitres veneurs qu’il se distingue d’une modestie avide, d’une saine compétition qui apprend autant que respecte chaque enseignement. C’est auprès de son père que se nourrissent ses travers, dans l’ombre haute du Stationnaire devant qui l’on jette le cerf, le sanglier, ou la guirlande de faisans au retour d’une campagne comme une sainte obole au Dieu Tout Puissant ; bile lui parfume toujours le palais d’une satisfaction brulante lorsque Valère d’Aragon ne trouve rien à redire.
    Les filles ne l’intéressent pas vraiment; trop délicates, à l’heure où il s’exalte d’une course, l’œil rivé sur le gibier, elles piaillent à leurs boudoirs ou devant leur miroir, scindant le monde d’un manichéisme intact auquel il laisse d’une indifférence tout le mystère des frontières. S’il est de bon ton qu’il sacrifie son temps d’une bienséance auprès de quelques-unes dont l’union profiterait à la famille, le désir est encore trop vif chez le garçon pour qu’il goute le plaisir des sortilèges; culbuter une bonne dans un coin de la pièce ou une bergère dans son prés sont d’agréables passe-temps auxquels il préfère encore la compagnie des hommes, les odeurs de forêts, la virilité des silences sanglants.



La porte du box est restée entrouverte et cela importe peu ; il n’y a bien que le palefrenier pour y trainer à cette heure et c’est justement lui qu’il est venu trouver.
Sous les doigts de Sixte, la ceinture a glissé, langue d’un cuir souple qu’il a éprouvé d’un pouce méticuleux et pend d’une nonchalance le long de sa cuisse, frôlant les bris de paille que l’on vient juste de changer.
La commissure se pare d’un sourire.



    Il sera beau garçon. Pour l’heure, il est encore au croisement des délicatesses et des brutalités, et s’il plait, c’est d’un magnétisme que l’on doit aux insouciances de séduire ; de bonne compagnie lorsqu’il est bien luné, le garçon, au contraire de son père, est un bon vivant qui apprécie le vin et y être entouré, plaisantant, s’amusant, quêtant son lit aux premières lueurs du jour pour y sombrer d’une nuit blanche, le rire encore aux bords des lèvres.
    Et puis il y a le reste. Ce reste en racines profondes, dont chaque rhizome s’est enlacé aux os et qu’une noirceur intacte abreuve depuis maintenant huit ans. Ce reste qui assure la main, lie la colonne vertébrale, et donne aux gris des yeux l’immensité des orages à ses plus vifs instincts.
    Sixte a le gout des mises à mort.
    Forgé d’un regret, adoubé d’un trophée, absout d’un mouchoir, il a appris de son erreur, et y a nourri d’une piété sincère autant que fascinée chacune de ses heures d’apprentissage ; réputé pour sa précision, malgré son jeune âge, c’est à lui que revient l’honneur d’égorger le cerf ou de poignarder le sanglier et l’animal, jamais, n’y tressaute d’une agonie inutile.

    Ce matin, il était au chenil lorsqu’il a entendu les cris ; derrière le haut muret, la voix familière d'un jeune homme, empattée d’une excitation mauvaise s’est emportée au silence du chemin, s’accompagnant de quelques ricanements garçons. Les mots ont semblé anodins, "Telle mère, telle fille", jetés fort et haut aux pas s’éloignant sur le gravier de l’allée, mais le visage de Providence en débouchant alors d’une colère livide leur a donné le poids dense des injures assassines. Autant la traiter de putain…
    Ce fut un instant blanc, où le cœur est venu battre d’une note brutale aux tempes et a éclairé les ombres jusqu’à les rendre translucides, lisibles, une infime clarté qui s’est insinuée aux veines d’une immédiateté et a subjugué l’âme d’une colère souveraine.
    Sa cousine est sacrée, parfaite créature dont les yeux toujours le bénissent d’une bienveillance complice et dont la bouche close suturée d’un secret lui sourit sans férir depuis son premier crime ; s’ils se fréquentent peu en dehors de leurs obligations, ils
    se savent tous les deux et cela suffit aux attachements les plus sincères.

    Immobile chasseur, invisible cousin, il n’a pas bougé, l’a laissée passer sans se précipiter à sa suite, et nourri d’une ferveur enfantine, a tendu l’oreille pour assurer avec certitude l’identité de sa proie.



Et sa proie est là.
Fauché aux genoux d’une traitrise tandis qu’il finissait d’étendre la paille fraiche, Baldric est tombé en avant, front percutant le mur en bois et s’y sonnant de quelques instants, surpris, hébété. Il a dix-sept, peut-être dix-huit ans, les cheveux blonds ; nouveau sur le domaine, recommandé par l’on ne sait quel client de son père, il est arrivé le mois dernier et loge dans le cabanon d’à côté. Si l’on lui demandait, Sixte ne serait pas étonné que sa tante y soit allée se faire trousser à l’occasion; ses écarts sont un de ces faux secrets que son père et sa sœur taisent d’une charité affichée quand lui n’y prête pas le moindre intérêt, trop indifférent , trop lointain, pour cerner le poids d’un tel héritage aux épaules juvéniles de sa cousine...
Jusqu’à ce matin.

La ceinture ligature la paume de deux tours et se tend de quelques centimètres d’un claquement sec pour assurer la prise en même temps que le pied s’abat sans sommation sur le visage qui se relève vers lui, hébété ; l’arcade sourcilière s’éventre contre le talon et ouvre la gorge du jeune homme d’un cri de douleur.


Chhht.

Le pied revient s’abattre d’un angle prémédité dans les côtes.

Tu parles trop.
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Providence
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Tout est bon quand il est excessif

Donatien Alphonse François de Sade - La nouvelle Justine

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Telle mère, telle fille. L'injure absolue.


Il est presque fascinant de voir combien un stimuli peut susciter une vive émotion s'il appuie sur une zone douloureuse. Comme une écharde que l'on enfonce brutalement dans la pulpe du doigt. Comme un coup de trique qui fouette le sang. Une chute dans un talus d'orties.
Providence aimait profondément sa mère. Mais l’insupportable vérité restait brute, entière, posée là à chaque fois que l'on l'invoquait. Sa mère était une femme volage. Une épouse adultère. C'était cette réputation ébruitée par des années et des années de rendez-vous secrets mais peu discrets, de portes entrouvertes, de murmures de couloir et de regards évocateurs qu'elle haïssait. Car ce qui tâchait sa mère, avait fini fatalement par la tâcher à son tour. Comme de la boue sur la manche d'un chemisier.
Sitôt quelques rondeurs enfantines troquées par des pleins et des déliés plus féminins, quelqu'un avait forcément lancé la première poignée de boue. Une souillure si dense et si poisseuse, qu'elle redoutait de ne plus jamais pouvoir s'en défaire.

Comme sa mère.

L'idée qu'un arbre puisse cacher la forêt avait fait son chemin, à chaque fois qu'un homme la regardait avec un peu trop d'insistance. A chaque fois qu'un crétin la comparait à sa mère. La moindre remarque valait sous entendu. La boue guettait partout. Mais d'Aragon n'était pas d'une nature soumise.

L'on a quinze ans. L'on distingue la fourberie et le vice parmi les réputations les plus charitables. Et si parfois sous le courroux paternel l'on affame sa fierté, une chose est sûre... Plutôt la mort que la souillure.


Regardez-la passer dans les allées de son oncle. Cueillir des bouquets que l'on mettra en couronne à ses cheveux. Flâner aux chevaux que l'on sellera pour son loisir. Même les chiens n'osent la saluer en lui sautant dessus. C'est leur ventre qu'ils offrent. Et les domestiquent la guettent dans l'angle de leur travaux...


    Les jupons ont été empoignés d'une main fine et douce, les rehaussant légèrement pour enjamber délicatement quelques seaux de crottin. On a les jambes délicates, et le museau trop poudré pour se rouler dans la merde. Précautionneusement, l'on a déplacé du bout du pied à la chausse brodée un ballotin de paille, juste après avoir légèrement refermé l'angle d'un box. D'un geste plein de grâce, l'on a étalé sur la paille un petit mouchoir de flanelle pour y poser son séant, l'on a rangé le crucifix en pendentif dans le bâillement léger d'une menue poitrine. Et l'on a chassé le chat curieux et sa queue en panache d'un bruit assorti du geste. Personne ne gâchera ce spectacle pour lequel l'on a réservé la meilleure place. En première loge.

    - Et beaucoup. Il parle beaucoup pour ne rien dire.

    Assure-t-on d'un air résigné.



Sometimes I wake up in the morning
Parfois je me réveille le matin
To red, blue, and yellow skies
Devant un ciel rouge, bleu, et jaune
It's so crazy I could drink it like tequila sunrise
C'est tellement fou, je pourrais le boire comme un tequila sunrise
Put on that Hotel California
J'écoute Hotel California
Dance around like I'm insane
Je danse comme une dingue
I feel free when I see no one
Je me sens libre quand je ne vois personne
And nobody knows my name
Et personne ne connaît mon nom

- Lana Del Rey - God knows I tried

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