Khaerdalis
D'ombre et de poussière
L'endroit est sombre, comme à l'écart du monde. Limbes esseulées, dont l'existence ne se révèle au premier regard. Une grande salle, au mobilier décati par les affres du temps, parsemée d'une végétation à l'agonie. Les chiches lueurs se sont évanouies au profit d'une impénétrable obscurité. Les échos d'autrefois ont cédé place au calme le plus froid. Vestiges d'une époque lointaine. Révolue.
Soudain, un léger cliquetis. Un grincement sinistre, une brise légère, et un rai lumineux s'insinue alors dans ce lieu oublié. Souffle créateur, là où le temps semblait avoir suspendu son vol depuis une éternité. La porte s'ouvre péniblement, et une large silhouette se dessine sur le seuil. Ombre nimbée d'une aura de lumière, venue plonger dans les abysses de jadis. L'homme pousse un léger grognement. Un son guttural, presque animal. Il songe à ce qui l'attend.
Son regard de glace parcourt brièvement les lieux. Il contemple un instant la valse muette des spectres du passé, désormais ombres parmi les ombres, qui s'agitent et se mêlent en une danse macabre. Avant de s'évanouir aussi rapidement qu'un songe évanescent. Léger soupir. Il s'avance de quelques pas, et prend son mal en patience pour remettre l'endroit en état. Il ouvre les fenêtres, puis entreprend d'effectuer un peu de nettoyage et de rangement. Progressivement, la salle retrouve une allure plus ou moins décente.
Les heures s'égrainent lentement tandis que l'astre solaire, inlassable, poursuit sa course céleste. Bientôt, la salle est baignée d'une lueur nouvelle, et ses contours apparaissent plus distinctement. L'homme est occupé à remettre de l'ordre dans ce champ de ruines, lorsqu'un nouveau grincement déchire le silence. Instinctivement, il revêt son masque. Le visage se mue en une expression plus avenante, et un mince sourire de circonstance ourle ses lèvres craquelées.
La journée s'écoule au rythme des discussions. L'homme observe, écoute. Il converse également. Sa voix est rocailleuse, caverneuse. Vent ancestral, échappé d'un abîme sans fond. Il a perdu l'habitude des longs échanges. L'intonation cependant finit par retrouver des notes plus douces, mais fermes à la fois. On lui pose des questions auxquelles il répond. Tantôt évasif, tantôt songeur. Mais il garde ses pensées pour lui. Toujours. Dévoiler ses pensées profondes est une chose qu'il ne peut se permettre. Alors, il se contente d'être ce qu'on attend de lui. Un visage amical, un interlocuteur convenable. Indéchiffrable.
Le jour suivant, il est encore présent. Et une fois encore, il prête l'oreille aux récits de voyage, aux pérégrinations d'inconnus. Il hoche parfois la tête et, si son corps est présent, son esprit est bien loin. Il vole, remonte un torrent de réminiscences qui le ramènent à des temps anciens. Qui le mettent face à certains de ses choix. De ses doutes. Ses traits se crispent parfois, imperceptiblement. Mais le masque demeure intact. Il joue le rôle qu'il s'est lui-même autrefois imposé, sans jamais rien révéler. Ce n'est que lorsque les visiteurs s'éloignent que le masque s'efface, et qu'il consent à laisser échapper un bref soupir, las.
Quelques jours passent. Jours moroses, durant lesquels l'esprit est tiraillé, agité. Conflit intérieur, où des pensées contraires luttent pour l'emporter, incessantes. Alors, il finit par se décider. Il est peut-être l'heure. La grande salle embrasse une nouvelle fois l'obscurité après avoir connu une éclaircie éphémère. Il se rend chez lui, pour y préparer son sac de voyage. La chienne noire l'observe. Tapie dans un recoin, elle ne le quitte jamais des yeux, et le connaît mieux que quiconque. Elle comprend le signal, et vient à sa rencontre en lui adressant un regard interrogateur. Il se met à sa hauteur et lui adresse un tendre sourire tout en lui caressant la tête. L'animal remue la queue de contentement, et son inquiétude passagère s'évanouit aussitôt. Elle se moque de savoir où il va, tant qu'il ne la quitte pas. Il lui murmure des mots apaisants, avant de reprendre ses préparatifs.
Il referme doucement la porte des souvenirs, puis se met en route. A dos de son destrier, éternel et fidèle compagnon de voyage depuis tant d'années, suivi de près par le canidé au sombre pelage, il tourne le dos à son chez lui, à son passé. Oui, l'heure est venue. Celle d'écrire une nouvelle page de son histoire, en se laissant porter par le vent. D'aller de l'avant sans un regard en arrière, là où rien ni personne ne le retient. Carcasse décharnée revenant à la vie. Ombre solitaire au cur de la nuit.
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L'endroit est sombre, comme à l'écart du monde. Limbes esseulées, dont l'existence ne se révèle au premier regard. Une grande salle, au mobilier décati par les affres du temps, parsemée d'une végétation à l'agonie. Les chiches lueurs se sont évanouies au profit d'une impénétrable obscurité. Les échos d'autrefois ont cédé place au calme le plus froid. Vestiges d'une époque lointaine. Révolue.
Soudain, un léger cliquetis. Un grincement sinistre, une brise légère, et un rai lumineux s'insinue alors dans ce lieu oublié. Souffle créateur, là où le temps semblait avoir suspendu son vol depuis une éternité. La porte s'ouvre péniblement, et une large silhouette se dessine sur le seuil. Ombre nimbée d'une aura de lumière, venue plonger dans les abysses de jadis. L'homme pousse un léger grognement. Un son guttural, presque animal. Il songe à ce qui l'attend.
Son regard de glace parcourt brièvement les lieux. Il contemple un instant la valse muette des spectres du passé, désormais ombres parmi les ombres, qui s'agitent et se mêlent en une danse macabre. Avant de s'évanouir aussi rapidement qu'un songe évanescent. Léger soupir. Il s'avance de quelques pas, et prend son mal en patience pour remettre l'endroit en état. Il ouvre les fenêtres, puis entreprend d'effectuer un peu de nettoyage et de rangement. Progressivement, la salle retrouve une allure plus ou moins décente.
Les heures s'égrainent lentement tandis que l'astre solaire, inlassable, poursuit sa course céleste. Bientôt, la salle est baignée d'une lueur nouvelle, et ses contours apparaissent plus distinctement. L'homme est occupé à remettre de l'ordre dans ce champ de ruines, lorsqu'un nouveau grincement déchire le silence. Instinctivement, il revêt son masque. Le visage se mue en une expression plus avenante, et un mince sourire de circonstance ourle ses lèvres craquelées.
La journée s'écoule au rythme des discussions. L'homme observe, écoute. Il converse également. Sa voix est rocailleuse, caverneuse. Vent ancestral, échappé d'un abîme sans fond. Il a perdu l'habitude des longs échanges. L'intonation cependant finit par retrouver des notes plus douces, mais fermes à la fois. On lui pose des questions auxquelles il répond. Tantôt évasif, tantôt songeur. Mais il garde ses pensées pour lui. Toujours. Dévoiler ses pensées profondes est une chose qu'il ne peut se permettre. Alors, il se contente d'être ce qu'on attend de lui. Un visage amical, un interlocuteur convenable. Indéchiffrable.
Le jour suivant, il est encore présent. Et une fois encore, il prête l'oreille aux récits de voyage, aux pérégrinations d'inconnus. Il hoche parfois la tête et, si son corps est présent, son esprit est bien loin. Il vole, remonte un torrent de réminiscences qui le ramènent à des temps anciens. Qui le mettent face à certains de ses choix. De ses doutes. Ses traits se crispent parfois, imperceptiblement. Mais le masque demeure intact. Il joue le rôle qu'il s'est lui-même autrefois imposé, sans jamais rien révéler. Ce n'est que lorsque les visiteurs s'éloignent que le masque s'efface, et qu'il consent à laisser échapper un bref soupir, las.
Quelques jours passent. Jours moroses, durant lesquels l'esprit est tiraillé, agité. Conflit intérieur, où des pensées contraires luttent pour l'emporter, incessantes. Alors, il finit par se décider. Il est peut-être l'heure. La grande salle embrasse une nouvelle fois l'obscurité après avoir connu une éclaircie éphémère. Il se rend chez lui, pour y préparer son sac de voyage. La chienne noire l'observe. Tapie dans un recoin, elle ne le quitte jamais des yeux, et le connaît mieux que quiconque. Elle comprend le signal, et vient à sa rencontre en lui adressant un regard interrogateur. Il se met à sa hauteur et lui adresse un tendre sourire tout en lui caressant la tête. L'animal remue la queue de contentement, et son inquiétude passagère s'évanouit aussitôt. Elle se moque de savoir où il va, tant qu'il ne la quitte pas. Il lui murmure des mots apaisants, avant de reprendre ses préparatifs.
Il referme doucement la porte des souvenirs, puis se met en route. A dos de son destrier, éternel et fidèle compagnon de voyage depuis tant d'années, suivi de près par le canidé au sombre pelage, il tourne le dos à son chez lui, à son passé. Oui, l'heure est venue. Celle d'écrire une nouvelle page de son histoire, en se laissant porter par le vent. D'aller de l'avant sans un regard en arrière, là où rien ni personne ne le retient. Carcasse décharnée revenant à la vie. Ombre solitaire au cur de la nuit.
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