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Suite de "La bête de Montpensier" et "Par le fer et le feu"

[RP] Retrouvailles pour un constantinopolitain

--Theobald

Theobald savourait ces moments. Celui où son auditoire attendait l’épilogue, comme s’il sentait la fin proche, pour le meilleur ou pour le pire. Ce moment restait néanmoins l’un des plus délicats à gérer pour le ménestrel. Ne disait-on pas, dans le métier, « Fin bâclée se paie au dîner » ? Il entama prudemment la dernière partie de son récit :

Citation:
Chapitre I : L'homme et la bête

C’est à la nuit tombée qu’un mystérieux voyageur s’engagea dans la forêt de Montpensier. L’heure n’était guère propice, bêtes sauvages et brigands aux aguets guettaient le voyageur à dépecer. Mais celui là semblait n’en avoir cure. Sa carrure athlétique trahissait une vigueur physique et une résistance à l’effort. Il avançait d’un pas assuré, son bouclier à son bras et son épée au côté, peu décidé à se laisser impressionner par les aléas du voyage.

Il faut dire que l’homme savait ce que voyager signifiait. Issu de la lointaine et mystérieuse cité de Constantinople, il avait usé ses chausses dans les Empires les plus reculées avant d’atterrir au sud-ouest du Royaume de France, nu et amnésique. Son sens du contact et de solides appuis lui avaient ouvert l’accès des milieux diplomatiques, puis du Conseil. Mais par amour d’une femme, il avait tout quitté pour venir s’installer à Montpensier. Inconsolable après le départ de celle qu’il aimait, il avait entrepris un voyage dont il espérait secrètement qu’il l’aiderait à oublier celle qui était chère à son cœur.

C’est donc sans espoir ni illusion que l’homme revenait vers cette cité. Lorsqu’au détour d’un sentier, un curieux spectacle retint son attention.

A quelques mètres du chemin forestier qu’empruntait le voyageur coulait un ruisseau. Une créature s’y abreuvait. Surprise par le voyageur, elle leva la tête. Son visage et sa peau ne se distinguaient pas dans l’obscurité. Par contre, le pelage jaune strié de noir qu’arborait l’animal l’intrigua. Il avait entendu parler de tels fauves en Inde, mais n’en avait jamais vu. Que faisait celui-ci aussi loin de son pays d’origine ?

L’homme n’eut pas le loisir d’approfondir la question. La bête, poussant de petits cris stridents, fut sur lui en quelques bonds.
--Aparajita


Le bruit de l’arrivant fit redresser la tête à la créature blessée en train de se désaltérer. Un Marche-Debout à cette heure tardive ? Instinctivement, elle adopta une posture défensive, comme il le lui avait enseigné.

Pourtant, cette silhouette lui était familière. Elle distinguait, dans la nuit, sa chevelure rejetée en arrière, son front haut. Mais plus que cela encore, son attitude l’intrigua. Tout autre l’aurait depuis longtemps attaqué à coups de bâton ou lui aurait jeté des pierres. Celui-ci se contentait de détailler d’un œil curieux la peau de
vyaaghrii qui la couvrait, comme si cet animal lui était familier. Se pourrait-il que…

C’est alors qu’un éclair illumina son esprit.

Le souvenir de cet homme qui l’avait emmené avec lui à Hampi. Avec lui, plus de coups, plus de cris, de la bonne nourriture tous les jours. De la douceur. De l’attention. De la compréhension. Elle se souvenait de la gratitude qu’elle avait envers lui. Elle allait chasser et pêcher la nuit, et revenait le matin lui apporter ses plus belles prises. C’était lui son…


…Ganapati ?

La créature des forêts sentit alors pour la première fois son cœur bondir dans sa poitrine. Trois bonds suffirent pour être à sa portée et le saluer comme elle seule savait le faire, en lui nettoyant le visage à grands coups de langue.
--Theobald

Citation:
La surprise s’empara du constantinopolitain face à ce nettoyage peu orthodoxe. A quelle créature était-il donc confronté ? Un tel accueil lui rappelait celui que lui réservait feu son chien lorsqu’il revenait en son foyer. Un chien ou un loup…

Soudain, des souvenirs affleurèrent des limbes brumeuses de sa mémoire. La place du marché d’Hampi, au fin fond de l’Inde, son indignation en voyant cette adolescente chétive si brutalement traitée, les explications approximatives du vendeur sur son éducation par une louve, puis son achat et les longues semaines de patience pour gagner la confiance de…Quel était son nom, déjà ?


Aparajita ?

A ce nom, la femme cessa son léchage et le dévisagea avec un grand sourire.

Ganapati ricordare(1) Aparajita ? prononça t-elle d’une voix rauque mal assurée.

C’est alors qu’une corde s’enroula autour de son cou et la tira brutalement en arrière.


(1) se souvenir
--Catalin_lupescu


Jamais piste ne fut plus facile à suivre : empreintes dans la neige et traces de sang le menèrent à elle alors qu’elle avait abordé à sa manière un voyageur. Un nœud coulant autour de son cou, et la sauvageonne se trouva rapidement à ses côtés, bien malgré elle.

Excusez la frayeur, Messire, mais cette jolie frimousse est agressive, lança t-il en guise d’excuse. J’espère qu’elle ne vous a pas blessé.

Aparajita est une amie, répondit le voyageur avec une lueur de colère dans les yeux. J’ignore qui vous êtes, mais relâchez la de suite.

Désolé répondit le chasseur d’un ton sec, raffermissant sa prise sur les cheveux de sa proie. Mais Catalin Lupescu ne renonce jamais.

Et Sindbad n’abandonne pas des amis, renchérit le voyageur, fermement campé sur ses jambes.

Catalin en resta bouche bée.


Sindbad ? Vous êtes l’amnésique qui a dérobé la Pierre-Dieu en tuant Darjus Stankevicius ? Alors je me ferais un plaisir de vous arracher par hypnose le lieu où vous avez dissimulé le produit de votre larcin, une fois que je vous aurais tous deux ramené à Venezia. Nul doute que l’Ordre saura me récompenser pour cela…
--Aparajita


Citation:
Chapitre II : Liberté au poing

Toujours à la merci de कारागृह (prison), comme elle avait appelé cet homme, Aparajita lisait la colère et la détermination dans les yeux de Ganapati. Elle le savait, il ne l’abandonnerait pas et se battrait pour elle.

Mais elle devait lui prêter main-forte. Sans hésiter, son pied se leva et heurta violemment l’entrejambe du chasseur. Celui-ci, sous le coup de la douleur, se plia. Enroulant alors son bras autour du cou de l’homme, elle frappa de son poing fermé sa maxillaire tandis que, de sa jambe, elle le déséquilibrait pour le projeter au sol. Mais enserrant sa taille de ses bras, l’homme l’entraîna avec lui dans sa chute.

Tous deux se retrouvèrent alors à quatre pattes. La douleur rappela alors à la femme des bois les limites de ses possibilités. Son adversaire profita de cet instant de répit pour la saisir aux épaules afin de l’immobiliser au sol. Simultanément, il enroula son bras autour du sien, et appuya sur son coude pour le mettre en porte-à-faux.

Affaiblie par sa douleur à la cuisse, à laquelle s’ajoutait celle au bras, la femme n’opposait qu’une faible résistance. Seule et blessée, la lutte lui semblait par trop inégale face à un adversaire plus fort physiquement et plus aguerri qu’elle au combat en corps-à-corps.

Elle vit le flacon rempli d’un liquide vert que l’homme avait débouché de sa main restée libre s’approcher de sa bouche. Elle ne devait pas en boire, sinon il aurait gagné. Mais comment résister ?
--Theobald


Le ménestrel, à ce stade de son récit, arpentait sa scène improvisée, mimant le combat comme s’il y avait personnellement participé, esquivant des attaques imaginaires, frappant un adversaire invisible ou encaissant des coups fictifs.

Citation:
Surpris par l’attaque de la femme-loup, l’homme de Constantinople hésite. Doit-il intervenir ou la laisser s’en tirer seule ? L’hésitation ne dure qu’un court instant : la femme est blessée et à la merci de son adversaire. Elle a besoin d’aide.

D’un violent coup de talon dans les maxillaires, voilà que le voyageur contraint le chasseur à lâcher sa proie. Il enchaîne avec un coup de pied dans les côtes. Mais son attaque n’est pas assez appuyée, l’autre l’a senti venir. S’emparant du pied du constantinopolitain, il le projette à terre. Le choc est rude, le voyageur étourdi, son opposant profite de cet avantage. De ses mains judicieusement placées, il pratique une strangulation respiratoire par pression sur la gorge. Ah…une fort mauvaise posture pour le voyageur, qui permet néanmoins à son allié de se remettre de l’attaque, la cuisse ensanglantée. Mais la pression sur son cou lui arrache des râles, sa respiration devient courte et sifflante, des étoiles dansent même devant ses yeux…

C’est alors que, par un extraordinaire et inattendu sursaut d’énergie, il dégage l’un de ses bras et porte au menton de son étrangleur un coup de paume terrible. L’autre desserre son étreinte, mais ne lâche rien. L’affrontement est âpre, les combattants déterminés…Mais voilà que la louve humaine profite de ce retournement de situation : elle s’empare de la fiole qu’elle débouche avec ses dents, puis pince le nez du chasseur, lui coupant la respiration. Et c’est par sa bouche entr’ouverte qu’elle verse le liquide…
--Catalin_lupescu


Catalin Lupescu revient doucement à lui.

L’air est vif, en dépit du soleil qui émerge à l’horizon lointain. Le froid l’a engourdi, tandis qu’il était inconscient. Tout son corps n’est que douleur. Sa tête lui fait mal à hurler. Les effets secondaires du contenu de la fiole, sans doute.

Un coup d’œil circulaire suffit à lui confirmer que ses vainqueurs ont battu en retraite sans demander leur reste. Que faire ? Se lancer à leur poursuite ?

Catalin Lupescu est courageux, opiniâtre mais pas inconscient. Il est seul alors qu’ils sont deux. Ils conservent donc la supériorité numérique. Dans ces conditions, et au vu de son état physique, une attaque serait vouée à l’échec.

Catalin Lupescu est également dévoué corps et âme à l’Ordre de la Pierre-Dieu. Il doit rendre compte du résultat de sa mission, et des forces désormais en présence. L’Ordre avisera alors la stratégie la plus opportune à entreprendre.

Mais pour l’heure, il doit manger et se soigner. Le reste attendra…
--Theobald


C’est fini…la bête s’en est allée et avec elle son compagnon. Respirez, braves habitants de Montpensier. Reprenez le cours de vos vies un temps suspendu à cette menace. Et si mon histoire vous a plu, accordez au pauvre conteur gîte et couvert en votre ville, en lui donnant de quoi s’abreuver et se sustenter. Mais n’oubliez pas que tout être vivant est une créature du Très-Haut. La bête peut parfois se montrer humaine, et l’humain bestial. Méditez cette leçon de vie tandis que je passe parmi vous.

Comme à son habitude, le ménestrel passe au milieu de la foule, sa sébile à la main. Machinalement, il compte le cliquetis des pièces tombant au creux du récipient. Il calcule le nombre de repas qu’il pourra s’offrir et le temps qu’il restera dans la ville. Déjà, son esprit prévoit sa prochaine destination, son prochain trajet. Il n’oublie cependant pas de sourire à ses généreux donateurs. Certains restent inquiets : la bête est-elle encore dans la forêt ? Pourquoi la mairie n’a-t-elle rien dit ? Faut-il organiser une battue ? Le ménestrel n’a pas de réponse à ces questions, il n’est, après tout, qu’un pauvre conteur…

Un dernier mot de remerciement, et le voilà parti en quête d’une taverne où manger. Le froid est vif et mordant, il se hâte d’aller se réchauffer auprès d’un bon feu de cheminée. Lorsque sur son épaule, une main s’abat lourdement.
Sindbad
Parler à ce ménestrel de malheur…

L’imbécile…Qu’il se soit trouvé au mauvais endroit au mauvais moment est en soi fâcheux. Qu’il raconte son histoire en public le contrarie. Mais ce qu’il vient de faire là…

Le ménestrel se retourne et le reconnaît. La peur s’est emparée de lui. Le rassurer, d’abord.


Messire ménestrel, bonjour. Ne craignez point pour votre bourse ou votre intégrité physique.

Je vois que vous me reconnaissez. Nous nous sommes rencontrés cette nuit après les événements que vous avez contés ce matin. Vous êtes descendu de votre arbre piteux, me reprochant d’avoir troublé votre sommeil et m’avez demandé, en guise de dédommagement, l’autorisation de conter cette histoire. Vous vous souvenez ?


Oui…

Et vous vous souvenez à quelle condition j’ai accepté ?

Oui, que je ne dévoile pas votre présence.

Et qu’avez-vous fait ?

Le ménestrel baissa piteusement la tête.

Vous m’avez nommé, moi et ma compagne, et avez raconté de tels détails sur mon passé que n’importe qui désormais pourra me reconnaître. Tout le monde sait désormais où trouver la bête de Montpensier. Je ne puis vous faire confiance…

Mais Messire, votre histoire est unique et incroyable…Elle mérite d’être conté.

Pas si elle met mon existence en danger…

…et en plus, ce que j’ai entendu hier soir me laisse penser qu’elle est loin d’être terminé. Accordez moi une faveur…

Laquelle ? Ne trouvez vous pas que vous en avez assez fait ?

Je souhaite vous accompagner au cours des déplacements que vous ferez, car je gage que les réponses à vos interrogations ne se trouvent pas ici. Je bénéficierais ainsi de compagnons de voyage qui me protégeront des brigands de grands chemins. Je serais le témoin privilégié de votre quête de vérité. Et nous pourrons décider ensemble de la manière dont je raconterais l’histoire de ville en ville, afin de pouvoir continuer à gagner ma pitance sans vous causer préjudice.

Le constantinopolitain resta silencieux un moment :

Je ne peux pas prendre cette décision tout de suite. Et je ne puis vous maintenir indéfiniment en chambre d’hôte. Venez donc loger dans la mienne, le temps que je me décide.

Mais vous-même, où logerez vous ?

Si vous souhaitez que dure notre collaboration, évitez de poser trop de questions, cela vous évitera de rester sur votre faim. En attendant, je ne resterais pas plus longtemps sur la mienne. Je vais déjeuner et vous êtes mon invité. Allons y…

Et les deux hommes se dirigèrent vers la taverne.
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Toutes les réponses à vos questions me concernant sont ici

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