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[RP] A la Provocation répond la Folie

Gerceval
Nuit du 17 au 18 Juin 1468 - Limoges



Forêt de Limoges - Quelques heures avant minuit

Une nuit déjà bien entamée, l'homme vieillissant était en bordure de la cité, à l'entrée de la forêt, non loin de là. Il avait allumé un feu, plus pour s'éclairer que se réchauffer, se remémorant la soirée passée. Le plan avait été parfait. Ils lui ont volé une chose, pire encore, il l'a personnellement provoqué. Ils avaient eu le mérite de le surprendre, de gagner cette manche. Pourtant, sa perte n'est que dérisoire, autre chose avait commencé.

Les flammes dansaient au rythme de la légère brise qui fouettait Limoges cette nuit-là. Le vent portait avec lui les odeurs crasseuses de la ville. Posé sur une souche, le mercenaire tenait dans sa main droite un bout de chair fraîchement dépecé tout en observant, songeur, le ballet ininterrompu du feu. Les derniers mois avaient été longs et douloureux où, peu à peu, l'homme raisonné perdait son âme. Chacune de ses nouvelles blessures le ramenait à ce passé qu'il haïssait autrefois. Son bras gauche était pris dans un tremblement, depuis de longues heures, qu'il ne cherchait même plus à contrôler, les claquements de ce dernier contre sa cuisse rendaient à l'atmosphère ambiante une lourdeur pesante. Il était affamé, une faim de cette folie oubliée, et la perte de contrôle de son bras l'y mener lentement.



Un appartement Limougeaud - Une heure plus tard

Elle n'était pas à son appartement, ce soir-là, et c'était une bonne chose. Il se devait de lui emprunter une chose précieuse et il se devrait de mettre rapidement de la distance entre eux, il savait qu'elle le traquerait. Quelque chose s'était brisée plus tôt dans la soirée et sa prudence lui imposait de la mettre à l'écart, de s'éloigner, elle reviendra, il la reverra, mais pas maintenant. Dextre avait appuyé sur la porte de l'appartement pour l'ouvrir, il s'était directement dirigé vers la chambre où trônait, fièrement, l'imposant lit. Il s'étonnait de trouver de pareils objets dans tous ses logis, voulait-elle se mentir à elle-même, gardait-elle un espoir, un souvenir ? Il avait jeté froidement la couverture sur le sol et, sur le drap blanc, senestre tremblante s'employait à dessiner un imposant "G" de son propre sang. Il n'était pas peu fier du rendu sanglant. Etait-ce un message caché ? Lui le savait surement mais, elle, qu'en était-il ?
Un grognement douloureux avait suffit à interrompre l'ouverture de la porte pour sortir, sa main gauche réclamait qu'on s'occupe d'elle. Il avait pris cette habitude efficace de faire taire les tremblements par de violents coups, de son poing fermé, contre toute chose se présentant face à lui. Cette nuit-là, la forêt lui avait offert beaucoup de cibles mais aucune n'était parvenue à le soulager. Le déchirement de ses chairs l'avait simplement enfoncé au plus près de ses anciens démons.
Cette main était dans un piteux état, victime de sa folie incontrôlée. Heureusement, il était dans le repaire d'une sorcière, du moins c'est l'image qu'il a de tous ceux qui se prétendent médecin. Lui n'avait jamais compris l'intérêt de tripoter les mourants et pustuleux, plus il en était loin, mieux sa respiration s'en portait. Mais pour l'heure, son métier lui était intéressant, ce qu'il n'avouerait jamais. Il fouillait les coffres et autres armoires à la recherche d'alcool. Gra'al en main, l'eau contenue dans la bassine de toilette se retrouvait à souiller le sol propre de l'appartement. Il avait mis sa main à plat dans le récipient et, sans attendre, avait renversé le contenu de la bouteille sur les plaies vives. La chaleur et la piqure de l'alcool sur ses chairs meurtries étaient difficiles à combattre mais le barbu avait su maintenir ses lèvres closes laissant seulement entendre une plainte étouffée sous sa barbe et les muscles de son corps se raidir.



Le box de Nyx - Trente minutes plus tard

Accolé à l'appartement, se situait le box d'un fidèle compagnon, mais pas celui du mercenaire. Lui n'avait rien d'autre que son ego pour faiblesse, du moins, c'est ce qu'il aimait à croire. L'odeur que dégageait la présence des chevaux était désagréable aux sinus délicats du grisonnant mais c'était surtout un moyen efficace de se faire repérer par les loups, Gwendoline s'en souviendrait! Et le box ne semblait clairement pas manquer à cette règle ou était-ce seulement celle de cette jument-là?
Bougie en main, il avait passé la double porte en faisant légèrement hennir la bête qui semblait somnoler tranquillement. Faut dire qu'ils ne l'avaient pas épargnée, elle enchaînait les lieux au rythme rarement reposant du duo de mercenaires. La main gauche, sauvagement bandée, s'était posée en douceur sur la crinière de l'animal vieillissant. Il l'avait flatté d'une longue caresse tout en lui parlant, lui contant la suite des événements, ce que sa colère lui guidait de faire et, surtout, ce que serait son rôle à elle. Lui qui détestait les animaux et plus encore les chevaux, se confiait à l'un d'eux, quelle ironie! Mais plus étonnant encore, pour qui connaissait le bougre, il avait pris le soin de seller Nyx. S'il n'aimait pas les équidés, l'art d'attacher quelque chose n'était clairement pas inconnu pour lui, même amoindri, ses mains étaient expertes en la matière. Tout d'abord la couverture, pour protéger le dos de l'animal, puis une tape suivie d'une caresse sur l'encolure pour rassurer la bête visiblement peu habituée à tant d'affection de la part de cet homme-là. Un soupir pour soulever la selle, reposant sur une barrière non loin, avant de la poser avec plus ou moins de délicatesse sur le dos de ce nouveau compagnon. Serrage fait, il avait pris le soin de nourrir la vieille carne d'une carotte qui craquait, telle une nuque, entre les dents du cheval. Le son était plaisant aux oreilles du mercenaire. Mais pas le temps de se perdre en contemplation. Un courage soupiré puis l'homme domine sa monture avec quelques craintes qu'il tente de dissimuler dans des sons qui sont surement plus là pour lui que pour rassurer l'animal. Quelques pas lents dans la cour pour dompter animal et peur puis, d'un son rageur, le fou avait agité les rênes pour faire trotter Nyx et quitter, enfin, cette ville.



Sur les routes Royales - Quarante minutes plus tard

Le trajet s'annonçait long et pénible pour le cavalier ainsi que sa monture, les lieux étaient nombreux avant d'arriver à destination. Près d'une heure, c'est le temps qui aura été nécessaire, cette nuit-là, pour que le cavalier puisse dominer pleinement Nyx et que les deux ne fassent presque plus qu'un. Le galop était alors devenu plus soutenu, il en demandait beaucoup à la vieille bête mais rien ne pouvait éteindre le feu qui consumait son esprit.
En plus de l'épuisement du cheval, Gerceval s'inquiétait des dangers sur les routes. Les chiens Angevins faisaient parler d'eux, tuant et pillant qui avaient malheur de croiser leurs routes. Mais ce n'était pas leur affrontement qu'il craignait, non, c'était le temps perdu à échanger les banalités viriles.



La destination - Des heures plus tard

Enfin, le soleil arrivait à son Zenith et les murs d'Orléans étaient en vue. Il avait pris le temps de s'arrêter à un bon kilomètre de la ville, flattant l'encolure de l'animal fatigué de cette longue chevauchée. Un sourire malaisant se devinait sur les lèvres dissimulées sous l'imposante barbe grise. Il avait bon espoir de sa venue ici, il savait qu'il pouvait compter sur lui pour cette mission.


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Le_sans_visage


18 Juin 1468 - Orléans - Eut-il eu raison ?



Une luxure nécessaire

Il fut sur Orléans depuis déjà quelques jours, il eut ordre de rester sur place, là où il pourrait facilement être contacté. Si on put observer une constance chez lui, Le Sans Visage, c'est son implication. L'attente, chez lui, elle ne se résuma jamais à rester sagement dans l'espoir de nouveaux ordres, de nouvelles proies.

Il fut déjà midi passé, ce jour-là, et pourtant il fut encore plongé dans les bras de Morphée. Il eut trouvé refuge dans une auberge spacieuse et luxuriante. C'est ainsi, tapageuses, qu'il les aime. L'alcool eut coulé plus que de raison, l'odeur d'une nuit tumultueuse embauma l'ensemble de la grande chambrée. Les bougies furent tues par manque de cire et la lumière ne put que passer faiblement au travers des épais rideaux bordeaux.

Si certains eurent réussi à quitter la chambre, d'autres en furent totalement incapables et s'effondrèrent directement icelieu. Sur le sol, près de l'entrée, on put distinguer un homme nu, face contre terre. Sur lui, lui servant de couverture, une rousse tout aussi peu vêtue. Les deux êtres semblèrent perdus dans leurs plus profonds songes. Plus loin, dans le baquet débordant d'eau et de surement bien d'autres choses, une blonde émergea lentement en se demandant probablement ce qu'elle put faire ici, en cet instant, bien loin de ses obligations d'épouse.

Enfin, dans le lit, l'Homme ne fut pas seul, deux blondes furent accolées l'une à l'autre, chairs contre chairs. Lui fut également enlacé peau contre peau. Il fut bien plus massif que lui mais moins âgé. Tous eurent un point commun, excepté l'homme aux mille visages, tous eurent fait serment devant le très haut de leur fidélité sans failles à l'être aimé ou promis. L'Homme n'eut pas de titre, aucune fortune familiale, mais il n'eut jamais de mal à remplir ses bourses, sournoisement ou non.



Qui est ton Maître ?

Des pas lourds se faisaient entendre dans le couloir qui menait à la chambre. Des bottes foulaient le sol à l'en faire trembler. Il lui avait confié, dans un récent courrier, le nom de l'auberge qui serait la sienne durant cette halte forcée à Orléans. Gerceval aimait savoir, en tout temps, où il se trouvait. Ils étaient aussi différents qu'un homme l'est d'une femme, mais une complémentarité était évidente entre eux.
A son arrivée, l'aubergiste, un homme gras aux traits fatigués, lui avait indiqué que son locataire n'était seul, ce jour-ci, ajoutant qu'il risquait de le jeter de l'auberge, tant il faisait de bruit. Cherchait-il compassion auprès du mercenaire ? En tout cas, il ne récoltait qu'un rictus moqueur. Le barbu se doutait de ce qui l'attendrait, dans cette chambre, c'était même la raison qui le poussait vers lui, pour cette tâche.

Senestre douloureuse se fermait sur le loquet de la porte non verrouillée avant de l'actionner en grognant sous la gêne douloureuse. Il ouvrait la porte sans plus de formalité. Mal lui en avait pris, l'odeur ambiante était à la limite du supportable. Les essences de parfums, d'alcool et de sueur se mélangeaient pour le pire accord. Le vieux toussait en éventant l'air devant lui, de sa main. Le geste était inutile, le couloir n'offrait que trop peu d'air pur. Il s'était dirigé vers les rideaux qui diffusaient quelques reflets de lumière, heurtant au passage le couple étendu sur le sol en gratifiant, l'un des deux, d'un coup de botte en plein visage. Était-ce involontaire ? En tout cas, la douleur devait être-là, à en croire le cri qui avait suivi, étouffé dans une main. Rien qui, en tout cas, n'avait arrêté la course du mercenaire. Ses deux mains imposantes se posaient sur le tissu abîmé du rideau avant de le diviser de part et d'autre de la fenêtre. La lumière pénétrait aveuglément dans la pièce la dorant de ses éclats chaleureux. Enfin, il avait complété son élan en ouvrant la fenêtre pour laisser l'air extérieur chasser et purifier l'immondice de cette chambre.

Posant ses mains sur le rebord de la fenêtre, il observait un instant l'extérieur. Nyx était là, les rênes accrochées à un poteau en bois, buvant dans l'auge jusqu'à plus soif. Hormis ça, la rue passante était calme, les quelques badauds n'avaient rien de suspect à ses yeux. Un gémissement pénible se faisait entendre dans la chambre, celui qui avait reçu le long pied du mercenaire tentait de s'extraire de la lourde charge de son amante la collant assurément trop. Le grisonnant profitait de ce bruit pour revenir vers l'intérieur et observer, enfin, ce qui se présentait là-dedans à la lumière du jour. Il n'avait pas besoin de forcer pour le reconnaître, même enlacé dans les bras de l'imposant gars. Il pouvait se vanter d'être l'un des seuls, si ce n'est le seul à le reconnaître. Leur rencontre date d'il y a bien des décennies. Si le mercenaire n'a jamais envié la sérénité qui accompagne cet homme aux mille visages, il en reste fasciné. Comment peut-on lier pareilles activités et sommeil profond ? Il était resté ainsi à observer, quelques longues minutes, l'atmosphère presque reposante de l'endroit. L'homme coincé sous la femme avait préféré abandonner sa lutte inutile pour sombrer de nouveau dans le sommeil.

Assis sur le rebord de la fenêtre, il était songeur. Il avait sorti un bout de chair, récemment dépecé, de sa besace en bandoulière. La peau était dans la paume de sa main gauche et son pousse de dextre passait et repassait en rythme constant sur la marque qui dénaturait la douceur naturelle, un "G" gravé par le feu.



Le surprenant réveil

L'air frais du jour fouetta son corps dénudé jusqu'à le sortir de son sommeil. Les yeux restèrent un moment embués alors même que son crâne fut en train de refaire les plus grands classiques de troubadours. Il s'extirpa difficilement de l'étreinte de son amant pour s'asseoir sur le rebord du lit. Ses mains se mirent automatiquement en position sur sa nuque et son front pour faire passer, vainement, son mal de tête. Il eut pris l'habitude d'avoir, près de lui, une petite fiole. Il l'avala rapidement et d'une traite après en avoir retiré l'opercule.


- J'ai une mission pour toi.


Il sursauta, reconnaissant instantanément cette voix rocailleuse sans même devoir regarder l'émetteur. Des années, oui des années que les deux hommes n'eurent croisés leurs chemins. Leurs seuls contacts se résumèrent à des échanges de courriers aux sigles étranges. Il se perdit quelques secondes dans la contemplation du vieil homme posé contre l'ouverture de la fenêtre. S'il songea que les années n'eurent pas été glorieuses pour le mercenaire, il constata qu'autre chose rongea son âme. Fut-il là pour se sauver ? Celle qui put réaliser ce miracle n'eut jamais été aussi proche de lui. Mais une plus minutieuse observation lui indiqua que sa venue fut tout autre, ce morceau de chair, cette marque... Il soupira, profondément, dépité par cet avenir mais même dans la crainte, l'enfer, il lui restera fidèle.



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Un grand merci à JD Xandrya pour ce jeu de bannières
Gerceval
18 Juin 1468 - Orléans



Quand le passé forge un Monstre

Ils s'étaient parlé quelques minutes, l'avidité dont faisait montre le mercenaire ne permettait clairement pas plus. Il n'avait pris que le temps de fomenter sa vengeance, trouver et traquer cette nouvelle proie.

L'homme aux mille visages lui avait donné ce qu'il voulait, une faiblesse à exploiter. Le barbu avait toujours aimé ça, se jouer de sa proie. Il aurait été facile de s'en prendre directement à lui, dans cette taverne, même son chien enragé n'aurait pu le contenir sans y laisser quelques crocs. Non, il existe des châtiments bien plus adaptés et, oh combien, plus jouissifs.

Jadis, le grisonnant s'était vu arraché sa plus grande faiblesse, la douleur qu'il en avait ressenti été infinie. Le souvenir l'en rongeait encore, même aujourd'hui. Son corps, son bras, ils trahissaient ce souvenir. De cette douleur était née sa haine, sa fuite des faiblesses. Il s'en était même nourri. Tous, ceux qui le provoqueraient, ils devraient sentir cette même blessure.

Une Rose innocente, elle serait la première pierre de cette lente agonie. Il n'était pas responsable de ce qui suivrait, ce qu'elle vivrait, il répondait seulement au défi lancé. Au défi qu'il lui avait lancé.




La préparation de l'échiquier

Outre les informations sur sa proie, il lui avait donné l'adresse d'un bon équipementier, sur Orléans, de quoi s'équiper en conséquence. Il aurait pu trouver l'équipement sur Limoges, mais, certaines tâches nécessitaient un matériau bien plus efficace que le bois. Le fer, sa caresse est aussi froide qu'angoissante et son tranchant précis pour offrir à son imagination bien des desseins. Il avait récupéré que deux petites choses, il ne fallait surtout pas s’alourdir pour le voyage à venir.

Nyx, brave bête, un autre voyage la tuerait sans aucun doute et son prix au boucher s'en ressentirait grandement . Il est vrai, quel boucher donnerait un bon prix pour un animal refroidit depuis de longues heures ? Mais sa bravoure de la nuit passée était sans doute ce qui l'avait sauvé de ce funeste avenir.
Le vieux mercenaire l'avait emmené à l'écurie de la ville. L'odeur qui émanait de l'endroit piquait ses yeux, des dizaines de chevaux entassés là dedans, surement pour être envoyé au front. Ils étaient entré dans l'écurie sans attendre d'invitation, lui devant et le cheval légèrement en retrait, tiré par ses rênes. Ils foulaient un sol en terre battue parsemé ici et là de quelques épis de foin et autres sécrétions animales. De chaque côté du chemin était parqué des box pour chevaux. Il y en avait de toutes sortes, de toutes tailles et de toutes couleurs, c'est en tout cas ce que l’œil néophyte, qu'il avait, percevait. Clairement, l'endroit ne le rendait pas le plus à son aise, il voyait dans le cheval, la fourberie et le malheur. Mais le temps n'était pas aux superstitions, non il était à la rapidité d'action.
Le maître d'écurie semblait ne plus savoir où donner son attention, le pauvre homme croulait sous la tâche et ce n'est pas ses quelques "garçons" qui étaient en mesure de le soutenir.



- NON! Pas-là ! .... Oui, mais dans l'autre box ! ... MAIS! Tudieu ! Ton père ne t'a donc rien appris bougre d'abruti ! ... Que crois-tu que le Seigneur nous fera si tu ne ferres pas son cheval ! ...


Il perdait son temps à les reprendre et la vue de ce nouvel homme, entrant ici comme une fleur, n'allait surement pas calmer sa fougue. Il soupirait bruyamment en se tournant vers Gerceval, laissant ses bras tomber le long de son corps, l'agacement était, à peine, surjoué.


- Quoi encore, il en envoie d'autres ?! Non, non, non, j'ai plus de place, j'ai be...


Il n'avait pas le temps de terminer sa plainte que l'homme face à lui avait jeté à ses pieds une bourse remplie.


- J'ai besoin d'un cheval, frais, robuste et rapide.


Le maître d'écurie c'était rapidement penché pour ramasser son butin et en se redressant voulait répondre négativement à la requête mais n'en avait guère eu le temps.


- Et on doit me garder celui-là.


Son bras agitait les rênes de Nyx pour indiquer l'animal en question. Le propriétaire de l'écurie avait posé un regard dubitatif sur la jument avant d'ouvrir la bourse et de blêmir en en découvrant le véritable contenu. Ce dernier avait vacillé jusqu'à trouver le renfort d'une barrière de bois, de l'un des nombreux box, avant de perdre totalement le contrôle de ses jambes. Le barbu s'était ensuite approché de lui, satisfait de l'effet de son moyen de pression, avant de souffler au plus près de son visage.


- Je viendrais chercher le nouveau cheval au coucher du soleil.


Le mercenaire avait pris une longue inspiration, alourdissant un peu plus l'échange, avant de poursuivre son récit à sens unique.


- Quant à cette jument, elle jouira du meilleur traitement. Ensuite, peut-être vous seront-ils rendus.


Il s'était éloigné en attachant les rênes de Nyx sur cette même barrière où se tenait l'homme abattu. Le grisonnant avait offert un dernier regard à l'homme, il pouvait y percevoir l'avidité et la cruauté mais ce n'était rien en comparaison du sourire qu'il voyait affiché dans cette barbe fournie.



La dernière chevauchée

Aucun ne semblait savoir comment il avait occupé son temps où qu'elles avaient été ses occupations depuis son départ, plus tôt dans l'après-midi. Il était revenu aux écuries, comme promis, aux dernières lueurs du jour. Le maître des lieux était présent, bien plus discret qu'à leur précédente rencontre. Dans l'une de ses mains, il tenait les rênes d'un cheval aux poils foncés et à la stature profilée pour la course.
Le mercenaire s'était approché de l'animal en ignorant totalement l'homme. Il tâchait de ne pas laisser filtrer ses craintes vis-à-vis de ces bêtes là. Il avait donc pris le soin de se mettre sur le flanc opposé au propriétaire du cheval, là où il ne pourrait voir la main hésitante du grisonnant se poser sur l'encolure équestre pour la caresser et tâcher de créer un lien avec la bête. Il pouvait remercier les faiblesses de l'éclairage et l'état presque végétatif du maître des écuries. Quelques longues secondes étaient passées avant que le vieil homme se décide à empoigner la poignée de la selle et glisser son pied dans l'étrier pour dompter son féroce compagnon. Il soupirait de soulagement, il n'y a pas de petites victoires ! Un grognement avait accompagné son geste suivant, il avait tiré sur les rênes pour que l'amorphe lâche prise et par la même occasion sorte de son état végétatif.



- Ne me décevez pas!


La voix était posée mais le ton était des plus limpides pour qui l'entendait. Senestre et dextre empoignaient solidement les rênes et bottes choquaient les flancs du cheval. Paris serait la prochaine destination.


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Si vous voulez découvrir l'épopée de la propriétaire de Nyx, c'est là!
Le_sans_visage


19 Juin 1468 - Paris - Quel prix peut-on payer ?



Quand la raison se meurt...


Neuf, ce fut là le dernier coup porté par la Bossu. Notre-Dame, nul n'eut pu douter du pouvoir d'un être supérieur en voyant un tel édifice s'élever vers les cieux. Le chant des cloches fit, comme à chaque fois, frissonner l'Homme aux Visages Changeant. Ce jour-là, il eut opté pour une tenue discrète. Le tissu du vêtement n'eut rien de discret, évidemment, la facture sembla excellente, les coutures parfaitement exécutées. Non, la discrétion résida dans la sobriété des couleurs. La panoplie allia marron et beige pour un camouflage parfait. Il n'eut aucun couvre-chef, aucune perruque. Se dissimuler, en cet instant, n'eut aucun intérêt.

Il foula le sol en bois du Pont Notre-Dame pour rejoindre l’Île de la Cité. L'heure fut matinale mais déjà la largeur du pont fut engorgée de monde. L'odeur fut omniprésente. Les boulangeries laissèrent fuir les odeurs de pain et viennoiserie alors que le boucher, non loin de là, offrit l'odeur de la chair fraîchement tranchée. Les échoppes jonchèrent la quasi-longueur du pont, des marchands de tissus aux forgerons, on put même y apprécier quelques moulins. Il n'eut pas emprunté ce pont au hasard, non, il dut y retrouver ici une échoppe à deux visages.

La bâtisse fut à l'extrémité du pont, à quelques dizaines de mètres seulement de l’Île de la Cité. Elle s'éleva de trois étages mais seul le rez-de-chaussée fut occupé par l'échoppe, un barbier. Mitoyenne à deux autres échoppes, elle se distingua par une grande fenêtre à carreaux. Une imposante porte en bois et renforcée par des barres de fer forgé dans des formes circulaires, pour le moins atypiques, se tint à la limite de l'échoppe voisine de gauche. Au-dessus, légèrement décalée vers la fenêtre, se balança une enseigne où fut inscrit le mot "Barbier" en lettres capitales et, en dessous comme pour souligner la profession, deux bassines furent présentes, une blanche et une jaune. Enfin, entourant la porte, deux petits arbustes divinement taillés, ils furent surement là pour exprimer les qualités du barbier.

Il poussa la porte pour entrer dans l'établissement. Son entrée fut tout de suite trahie par la clochette qui se déclencha quand la porte s'ouvrit. L'endroit fut séparé en deux endroits distincts. Sur la droite, près de la fenêtre, se tint un imposant fauteuil entouré de plusieurs accessoires, un petit cabinet contenant plusieurs tiroirs, un tabouret facilement déplaçable, une bassine posée sur un support en bois spécialement conçu pour cette dernière. Enfin, il put apercevoir quelques instruments de barbier sur le cabinet.
Sur la gauche, éloigné de l'entrée, un imposant paravent dissimula la seconde partie. Du bruit se fit par ailleurs entendre, derrière celui-ci. Ayant entendu le tintement de la cloche, le barbier annonça son arrivée imminente, d'une voix portante. Le Sans Visage s'approcha lentement de l'endroit dissimulé et, après quelques pas, il put observer le maître des lieux nettoyer ses mains ensanglantées dans une bassine d'eau. A côté, il observa un fauteuil atypique avec des poignées verticales promptes à être enlacées avec fermeté. Sur la droite, une petite table avec une bouteille d'alcool entamée, une étrange pince et, dans une petite coupelle, deux dents pourries maculées de sang. Le Barbier se retourna, prenant un petit linge en tissu propre pour s'essuyer les mains, et regarda son nouveau client. L'échange de regards dura quelques instants, puis le Coiffeur évacua des sons de sa voix grave :



- Un ennemi à châtier ?


Le Barbier indiqua, d'un mouvement de menton, les dents abandonnées de leur propriétaire. L'Homme aux Multiples Visages glissa pendant un moment son regard sur le Dentiste. Il fut imposant. Il dut probablement avoisiner les deux mètres de haut. Son corps fut dissimuler sous une longue tunique ample, surement pour ses activités sanguines. Cependant, il put aisément imaginer que sous les tissus, se cacha un corps massif. Son visage fut carré du front à la mâchoire. Il porta un bouc bien taillé et des cheveux bruns, longs, rassemblés dans une queue-de-cheval. Il n'eut rien du profil rassurant qu'on put attendre pour recevoir des soins chirurgicaux ou encore se faire raser le menton, non, on ne put que voir l’imposance d'un bourreau prêt à vous accorder votre dernière partition. Mais l'endroit fut réputé, on y trouva toutes sortes de services, et c'est pour l'un d'eux qu'il fut entré là, ce jour.

Il claqua ses dents pour se rassurer de leur bon maintien avant de faire un bref mouvement négatif de la tête et de répondre à la question posée:



- Un rasage saura me combler.


Il accompagna sa réponse d'un balayage de sa mâchoire de part en part pour indiquer ce qu'il souhaita. Une légère repousse pointa fièrement vers l'extérieur, quelques poils qu'il se dut de se débarrasser pour faire la meilleure des impressions.
Le Barbier eut fini de s'essuyer les mains avant de poser son tissu souillé d'eau sur un étendoir. Il s'avança de quelques pas et se débarrassa de sa tunique, sur un crochet fixé au mur en bois, qui protégea ses vêtements. Ces derniers furent de bonne facture, ils épousèrent parfaitement la musculature de l'homme. La tenue rendit immédiatement le Barbier plus accommodant, plus présentable. Elle fut sombre mais les finitions furent idéalement placées pour rendre le tout agréable à l’œil.

Il invita son Client à prendre place sur le fauteuil de barbier tandis que lui s'affaira déjà à préparer un mélange de savon et d'eau dans un petit récipient. L'Homme Sans Visage observa les gestes professionnels et minutieux du Barbier qui donnèrent rapidement, à son mélange, un effet mousseux. Il lâcha sa préparation pour venir apposer senestre sur le front de son Client et dextre sur son menton. Il voulut, par ces gestes, lui donner une position adéquate pour étaler sa mixture sur le bas de son visage. L'Homme Fluet ferma un instant les yeux tout en prenant une longue inspiration. Il se dut de se mettre en condition, offrir ainsi sa gorge, il n'en apprécia pas la saveur.

Le Géant sut se satisfaire de la position imposée à son client et trempa ses mains, velues aux phalanges, dans l'eau savonneuse. Il imbiba ses mains quelques secondes puis vint les apposer sur les joues de son Client. Les gestes furent doux et précis approchants par moments un effet massant. Les imposants doigts parcoururent le visage de l'Homme jusqu'à en laisser une fine pellicule sur les joues, les contours de la bouche, le menton et le cou. Il s'essuya brièvement les mains avant de se saisir d'un petit couteau à lame courbée. Deux de ses doigts joints vinrent caresser l'un des flancs de cette dernière, pour en apprécier l’affûtage. Réjoui, il s'assit sur son tabouret puis attrapa, de sa main libre, l'extrémité non fixée de la ceinture, de cuir d’affûtage, attachée au cabinet. Il fit glisser la lame courbée de quelques allers-retours sur le cuir doux afin de chauffer, légèrement, la lame.

Il se leva et vint se pencher sur son Client avant de poser la lame réchauffée sur le bas de son cou.Il appuya légèrement son outil sur la peau avant d’amorcer un balayage pour le délester de ses poils mais fut interrompu par les mots de l'Homme Fluet.



- Je suis surtout là pour obtenir des informations.


Le regard du Barbier se posa dans celui de l'Homme Mystérieux. Il perdit sa bienveillance relative au profit d'un froncement de sourcils alors que la lame se tut.
La menace de la lame n'interrompit pas l'Homme se faisant raser, même s'il vit un changement certain d'humeur chez son Obligé. Il tenta simplement de maîtriser sa crainte par un regard insistant et une respiration contrôlée.
Obtenir des renseignements, cet art requit bien des compétences. Chaque informateur ayant ses codes, chaque profession ses rituels et chacun d'eux dictant l'ordre des choses. Et, ici, le protocole fut strict et connu.



- J'aurais pu aller chez bien d'autres barbiers, mais il est dit que seul, vous, avez les informations qu'il me faut.


Le Barbier inspira bruyamment et fit lentement bouger la lame sur la gorge de l'Homme, laissant tomber, l'un après l'autre, les poils.


- L'imprudente langue qui vous a mené ici vous aura surement indiqué que cet extra à un coût élevé ?


Le bruit lent de la lame contre sa peau n'eut pas pour effet de rassurer l'Homme Discret, bien au contraire. Le Barbier amplifia volontairement l'ambiance comme un dernier avertissement. Mais ce jour-là, l'avertissement fut vain.


- Je sais ce qu'il m'en coûtera, oui et je l'accepte.




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Le_sans_visage



19 Juin 1468 - Paris - Quel prix peut-on payer ? - Partie 2




Des hurlements se firent entendre, des injonctions intimant fermement de s'écarter à la hâte. Un concert de sabots eut fait trembler le bois du pont jusqu'aux fenêtres de l'échoppe du barbier et de quelques objets posés sur des meubles. Des cavaliers semblèrent pressés de rejoindre l'Ile de la Cité mais, ils ne furent pas assez bons pour stopper le mouvement du Barbier, s'affairant sur le menton de son Client.
Le nervosité eut empli l'esprit de l'Homme aux Nombreux Visages, il n'eut que rarement l'occasion de découvrir cette sensation qu'il trouva des plus désagréables.



- Il est un homme, qu'on pourrait se méprendre à prendre pour une femme, tant sa silhouette en est proche.


Le Sans Visage transforma les informations qu'il eut de son compagnon assoiffé de vengeance. Les années lui permirent de déchiffrer aisément ses paroles, ses mots, les traits que prit son visage dans les discussions, dans les échanges... Pourtant, il eut des doutes sur l'identité de la personne traquée, il sembla la connaître, les détails qu'il lui eut donnés lui firent penser à cette personne, précisément, mais un dernier détail faussa toute l'équation et il ne put se permettre l'erreur.

Le Professionnel des poils entama le rasage d'une nouvelle partie de la gorge de son Client, la lame remonta lentement vers le menton en faisant sombrer chaque poil sur son passage. Sa respiration fut lente, ses gestes minutieux et son oreille à l'écoute des moindres descriptifs donnés. Il ne laissa rien paraître sur l'instant, se murant dans le silence tant que l'histoire contée n'eut point été finie.



- Sur le dessus de sa main droite, on peut y voir une gravure, un C et un L. Il y a même quelque chose sur le poignet mais impossible de le décrire. Elégamment habillé avec un col remontant hautement sur son cou. Ce dernier, par ailleurs, dissimule bien difficilement une large marque parcourant sa peau.


Un soupir coupa un instant le récit de l'Homme, il sut au fond de lui qui fut cet homme qu'il chercha, le descriptif qu'il donna ne fit que renforcer ses certitudes, mais un dernier trait, ce dernier trait, ça ne colla pas.


- Sous le regard, barrant son nez et la totalité de son visage, le coupant littéralement en deux, une cicatrice.


Un long silence suivit le récit du Sans Visage. Ce dernier planta son regard dans celui de son interlocuteur alors que lui se mit à faire incliner le visage de son Client sur le côté gauche pour s'attaquer au rasage du flanc droit de sa gorge. La lame continua sa lente séduction sur cette peau étirée et poilue. Le silence rompu enfin quand le Barbier entama sa réponse ayant bien perçu que ce dernier point fâcha la réflexion de son Client.


- Il se passe des histoires intéressantes sur Paris. Je vais vous conter l'une d'elles, elle pourrait vous intéresser.

Il était un être qui se trouvait trop beau, trop lisse, d'autres diraient possédé. Le printemps venait de poindre depuis quelques semaines et le soleil était à son Zenith. C'est à ce moment précis où l'homme s'approchait de la place publique, bondée en cette heure.



Le Barbier leva un instant son outil de la peau de son Client pour lâcher un soupir d'exaltation, incompréhensible à ce moment. D'un ton presque surjoué, il poursuivit son élocution.


- Au milieu de la place, il avait sorti une arme, puante de richesse, à l'image de son propriétaire! Oh, il n'était pas ici pour exhiber sa bonne fortune, non...

Il usa soudainement d'un ton bien plus discret alors que son visage approcha celui de l'Homme assis.

- Ca n'aurait pas eu l'impact escompté!

Il se redressa légèrement en bombant son torse imposant pour s'en dégager les poumons et reprendre d'un ton plus vif

- Il retourna l'arme contre lui, face à son visage, et, sans hésitation se trancha une plaie vive et sanglante !

Le Barbier accompagna cette dernière phrase en mimant l'action sur son propre visage.

Ce dernier se mit à rire comme un damné durant un moment avant d'être coupé par l'Homme aux Nombreux Visages qui se redressa pour regarder l'Amusé dans les yeux. Le Client ne fut pas effrayé par ce soudain changement d'humeur, non, il fut habité par une seule chose.


- Qui est-ce ? Qui est cet homme ?


Le rire se stoppa net sous la question posée. Les regards s'échangèrent sérieusement et le Barbier répondit calmement.


- Oh, vous le connaissez, vous savez de qui il s'agit.


Le Sans Visage secoua la tête en signe de désapprobation.


- Qu'importent mes impressions, je dois en avoir le coeur net, je dois en être sûr!


Le barbier ne put contenir un sourire satisfait.


- On lui connait plusieurs noms mais il aime à se faire connaître sous un seul, Montparnasse.


Le Barbier eut raison, ce nom ne fut clairement pas inconnu de son Client, il eut entendu parler de lui, l'eut même aperçu à quelques occasions. Ces rares fois, il eut apprécié ses visions, désirant fiévreusement l'homme qu'il put voir. Ce fut surement ce qui le força à ne jamais s'approcher de lui, car, le désir mène à la perte de l'âme.
Alors qu'il se perdit en souvenir, le Barbier le ramena à l'instant présent.



- Mais vous ne souhaitez pas connaître son nom, que voulez-vous réellement savoir ?


Le cœur battant de l'Homme Fluet s'agita à cette nouvelle question, l'Homme face à lui fut intrigant tant par la richesse de ses informations que de sa déduction. Rares furent ceux qui purent se vanter de déstabiliser l'Espion, surtout de cette façon. Il sentit que sa bouche fut pâteuse, sa gorge asséchée. Il dut avaler sa salive à quelques reprises avant d'assouvir la question du Barbier.


- Non...


Ce simple mot eut été compliqué à souffler de sa bouche aussi sèche que le désert. Il dut se racler la gorge avant de poursuivre sa réponse.




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Le_sans_visage



19 Juin 1468 - Paris - Quel prix peut-on payer ? - Partie 3





Marchands, gardes, voleurs, clients, badauds, animaux, nobles ou autres pouilleux, le pont fourmilla d'animation. Il y eut même un groupe de troubadours qui vint rompre la routine quotidienne. Un nain, deux danseuses peu vêtues et un homme à la voix portante amusèrent les passants. Mais le doute subsista sur les raisons de l'amusement. Le nain dut esquiver bien des fruits jetés et les danseuses fuirent les mains avides de chairs. Enfin, au milieu de tout ça, venant de la province, une charrette tirée par un cheval au pelage sombre, il remonta vers l'Ile de la Cité.
Durant ce temps, deux hommes continuèrent à se parler en échangeant un service de beauté mais, plus important encore, un service d'indiscrétion.



- Je dois connaître ses f...


Un hennissement puis des claquements vifs de sabots vinrent briser ses paroles. Les regards des deux hommes se tournèrent vers la fenêtre qui offrit une vision floue de la rue. Malgré ça, ils purent y voir un cheval sombre agité qui traîna derrière lui une roulotte imposante, elle occulta totalement la vision du reste de la rue.

Le silence fut oppressant dans l'échoppe, plus aucune parole ne sortit des bouches des deux hommes. De longues secondes, des respirations puissantes et sonores puis, soudainement, l'on frappa trois fois à la porte, trois coups parfaitement rythmés, tel un code. Le Barbier posa son couteau de rasage sur la petite table non loin de lui puis se dirigea vers la porte.



- Accordez moi...

Il se mit à songer un instant, se tournant à demi vers son Client.

- Quelques minutes.


Sa large main enveloppa la poignée de la porte de l'échoppe qu'il ouvrit et qu'il prit soin de bien refermer derrière lui, au son du tintement de la clochette. Dehors, il rejoignit la personne qui eut été de flanc, contre la roulotte. D'un bond, le Sans Visage se leva de son siège pour s'approcher discrètement de la fenêtre, se plaçant contre le mur pour laisser seulement son regard filtrer dans la fenêtre. Un curieux manège, pensa l'Homme Fluet. Quelle transaction douteuse put se passer en ce moment. Il ne put rien distinguer clairement, les carreaux de la fenêtre furent si épais que seule la lumière parvint sans mal à passer, les yeux, eux, furent troublés, déformant la vision réelle. Il put toutefois percevoir qu'il échangea avec une sombre silhouette, féminine à en croire les formes sous cette cape à capuchon. De profil, il put tout de même distinguer quelques mèches dorées se faire trahir par le vent qui s'engouffra parfaitement sur ce pont. Il fut aussi interpelé par la roulotte en elle-même. Elle ne fut pas imposante, relativement courte mais plus haute qu'un homme bien bâti. A son sommet, il crut reconnaitre un soulier géant, "Cordonnière?" pensa-t-il. Pour le reste du véhicule, il ne put que distinguer le mot "Virtus". Des chausses pour marcher sur l'eau, assurément! Un rire vint accompagner cette pensée loufoque tout en se disant que les artisans ne s'arrêtèrent devant aucun stratagème pour vendre leurs camelotes.

Il stoppa l'espionnage de la ruelle pour se concentrer, quelques instants sur l'échoppe elle-même. Ce Barbier ne fut pas commun, il en fut même atypique, surement trop. Il n'y eut aucun escalier, rien qui ne sembla mener à un quelconque étage, l'endroit ne sembla qu'être sur ce niveau et rien ne sembla manquer à la vue du Sans Visage. Il foula le sol lentement tout en surveillant d'un coin d'œil l'extérieur et la porte d'entrée. Il s'approcha du lieu des tortures buccales et fut un instant interloqué par le manque d'ordonnance de l'endroit. Il eut suivi tous les gestes minutieux du Barbier, observé chacun de ses objets, tout a une place précise, tout est soigneusement rangé et nettoyé et là... Une plus fine observation vint porter son regard sur le sol, sur ce tapis animal. La luxure de la peau jura avec l'endroit et en intrigua l'Homme. Il ne l'eut pas remarqué plus tôt tant il s'imprègne à ce parterre. S'accroupissant devant l'une des quatre pattes affalées sur le sol, il l'empoigna et souleva la peau avant de la plier en diagonale sur elle-même. Un sourire se dessina sur son visage à la vue de cette trappe cachée. Il tendit son bras gauche et empoigna l'anneau métallique, qui permit de l'ouvrir, mais un verrou sembla empêcher toute curiosité. Il n'en fallut pas plus pour ouvrir plus encore l'appétit du Sans Visage. Il relâcha la poignée et perçu que sa paume fut maculée de rouge, du sang récent, presque autant que celui autour des dents. Peur, excitation, envie... il fut parcouru de nombreuses envies alors qu'il s'employa à remettre le tapis sur ses quatre pattes.

Il se redressa puis retourna vers la fenêtre, la discussion ne sembla pas encore achevée mais le Barbier eut l'une de ses mains pleine d'un petit coffret de bois.
Il retourna s'assoir en observant le tapis. Qu'est-ce qu'un barbier put chercher à cacher ? Il regarda sa main gauche, toujours rougi par le sang inconnu. Sa langue vint à passer sur sa paume, une fois, deux fois... six fois pour que celle-ci lape la dernière goutte de sang dans le creux de son majeur. Il ne trouva pas le goût désagréable, il ne le trouva pas non plus des plus délectables mais il lui fallut dissimuler toute trace de sa trop grande curiosité.

Le tintement de la cloche retentit de nouveau, le Barbier fut de retour.


Le Barbier posa son coffret nouvellement acquis sur un meuble puis revint vers son client, apportant de nouvelles saveurs à la pièce, il put sentir en lui l'état général des alentours de l'échoppe. Le pain sortant chaudement du four, le crottin de cheval, le pollen des fleurs aux balcons... Le Sans Visage eut su développer un sens aigu de son odorat, s'il fut souvent utile, ce jour, il fut dérangeant.
Soupirant bruyamment, l'Imposant se posa sur sa chaise avant de reprendre son outil de coupe.



- Où en étions-nous ?


- Nous en êt...

Un froncement de sourcils anima le visage du Client. Il fut clairement dérangé par ces odeurs qui accompagnèrent ce retour mais une profonde concentration lui fit retrouver l'intérêt de sa venue, ici. Il se redressa de son fauteuil et fit face à son interlocuteur.

- Ses faiblesses ! Qui, pour lui, est important. Suffisamment pour que son âme saigne, que son cœur se comprime dans sa poitrine, qu'il comprenne son erreur et que ce cauchemar ne fait que commencer.


La détermination put se lire dans le rythme de ses paroles, dans leurs intensités. Il sut à cet instant qui fut véritablement la proie, il ne resta plus qu'à trouver le talon d'Achille. Le Barbier acquiesça à la requête de son étrange Client puis appuya sur son front pour l'inciter à reprendre sa position initiale dans le fauteuil de coupe.


- Une demande bien spécifique, une finalité probablement des plus funestes pour cette faiblesse.


Il essuya son couteau de rasage sur un linge attaché à sa ceinture puis le repassa, pour quelques allers-venus, sur la langue de cuir afin de redonner à la lame une légère chaleur pour faciliter le rasage. Un silence embauma le salon durant un long moment. Les sens du Sans Visage furent à leur apogée. Son nez huma de nouveau les effluves environnants. Mais celles-ci eurent changé Il sentitles produits, les quelques fleurs qui manquèrent, sans nul doute, d'attention, du sang encore frais collé aux dents orphelines. Son ouïe fut captivée par le son chantant de la lame sur le cuir et sa vue dans une contemplation curieuse de son hôte.

D'un geste habile, la main armée du Barbier se posa sur la joue gauche de son Client. La lame fut posée à l'exacte jonction de ses cheveux et de sa barbe. Son pouce se posa sur l'arête de sa mâchoire et lentement l'instrument frotta contre la peau et la langue du Spécialiste se délia de concert.



- C'est un personnage intéressant, on pourrait croire que son fait le plus marquant soit la scarification de son visage.


On put sentir, ce bref instant, une sorte d'admiration dans la voix du Barbier. Fut-il frustré de n'être connu que par ses talents de dentiste ?
La lame courra le long de la mâchoire de l'Homme Fluet ne laissant aucune chance aux poils se trouvant en son passage.



- Il est mort! Un an avant de s'être lacéré le visage. Mais même la mort n'a pas voulu de lui, elle l'a rejeté comme on expulse le furoncle d'un front ! Du moins c'est ce que beaucoup ont pensé, tandis que d'autres ont simplement cru là à de la sorcellerie.


Le Sans Visage eut vent de cette histoire, habile stratagème mis en place pour vaincre la mort. Il est surprenant, par ailleurs, que rien n'eut été fait pour rattraper la bourde. Mais là ne fut pas la question.


- J'ai eu connaissance de cette fable, mais en quoi peut-elle m'aider dans ce que je cherche ?


Le Barbier, coupé dans son récit, lâcha un sifflement entre ses dents.


- Elle n'est d'aucun intérêt à elle seule. Attendez la suite !


Cet homme aima conter les récits même de détails sans réelles importances. Mais, pour avoir les informations, il se dut de céder aux caprices du narrateur.


- Viols, meurtres, enlèvements... Un châtiment bien doux pour ses multiples crimes. Ce fut sans saveur, sans spectacle ! Pourtant, la foule était là, nombreuse. Et lui, le condamné, souriait pour accueillir pleinement la Mort et provoquer, par la même occasion, son bourreau.


Le Barbier vécut son récit. Ses paroles furent dynamiques et ponctuées en fonction des différents actes narrés. Ces gestes restèrent cependant divinement concentrés sur sa tâche, le rasage de la peau clair se poursuivit sans fausse note.

Ce récit de bourreau ramena le Sans Visage des années, des décennies, en arrière. Il ne put repousser ses souvenirs, ces hurlements, ces os qui réagirent aux supplices. Ce goût âpre de sang dans la bouche, cette envie constante de...

L'haleine épicée du Barbier interrompu aussi net ses songes alors que ce dernier eut approché son visage au plus près du sien, chuchotant quelques paroles, toujours habité par son histoire.



- Mais c'est ce qui ne se voit pas qui est intéressant, vous le savez, n'est-ce pas ?


Rhétorique ou pas, il ne laissa pas de temps au Rasé de répondre. Il posa en douceur son arme de coupe avant de se saisir d'un linge propre qu'il plongea dans une bassine d'eau chaude. Ses deux mains s'activèrent à le gorger d'eau puis, fermement, ses velues jointes évacuèrent le trop-plein d'eau. Sans attendre davantage, il plaqua le tissu chaudement mouillé sur le visage de son Client.


- Une créature insignifiante se tenait dans la foule, personne n'y prêta guère d'attention. Une catin, une galante pour ceux qui aiment à croire qu'elles peuvent être différentes. Les deux êtres se sont rencontrés, jadis, dans leur bordel.


L'allocution du Barbier eut changé au moment d'évoquer cette femme. Une certaine aversion sembla habiter l'Homme Corpulent. Il pressa le tissu humide posé sur le visage de son client avant de l'utiliser pour en rincer minutieusement son visage, effaçant toute trace de savon ou de poils collés aux joues.


- Les sentiments d'un homme ne se commandent pas, ne s'achètent pas. Nombreux sont ceux pouvant graviter autour de cet homme, mais peu peuvent prétendre avoir son intérêt. Cette créature, aussi pitoyable soit-elle, en fait partie. Elle n'a pas supporté la scène, son corps a défailli au même moment où le corps du condamné flottait dans le vide, retenu par sa corde tendue.


Le Sans Visage fronça son regard en dévisageant le Conteur. Il ne sut que penser de son histoire, fut-elle vraie, ne fut-elle pas seulement là, la fantaisie d'un homme manipulateur ? Les dires semblèrent réels, mais pour l'Homme Fluet, ses tons changeant n'eurent pas de sens. Pour autant, il posa la question suivante.


- Qui est-elle ?


L'homme massif étira un sourire à la question en laissant choir le linge souillé dans la bassine d'eau avant de planter son regard dans celui de son interlocuteur.


- Elle ne vous est pas inconnue, vous avez, à de nombreuses reprises, réchauffé ses cuisses et humé son parfum floral. Elle est liée à vous depuis bien des années.




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Le_sans_visage



19 Juin 1468 - Paris - Quel prix peut-on payer ? - Partie 4




Quasimodo eut repris du service pour agiter les cordes afin que les lourdes et imposantes cloches, de la majestueuse cathédrale, sonnent les dix coups annonçant la nouvelle heure.
Une heure qu'il fut retenu dans ce bâtiment, entre les doigts habiles de son interlocuteur et jamais il n'eut cru jouir, un jour, d'un rasage aussi long.
Jusqu'où peut-on aller pour obtenir une information, quel prix sommes-nous prêt à en payer ?



Le Sans Visage sentit une vague de froid envahir son corps à cette nouvelle information. Il imposa son bras contre le puissant corps du Barbier pour se défaire de son fauteuil. Il parvint rapidement à se mettre sur ses deux pieds et de surpasser en taille, le Barbier, en le toisant et en pointant son index vers son visage, la patience ne fut plus au rendez-vous.


- Cessez donc de me raconter des chimères ! J'ai accepté le prix de réelles informations, on m'a vanté vos informations, leurs véracités, mais là, j'ai juste l'impression de vivre une comédie !


Le Sans Visage se montra soudainement moins menaçant en soupirant bruyamment.


- Ne vous jouez pas de moi. Comment le connaissez-vous aussi bien, ce Montparnasse ?


L'Imposant Marchand ne répondit pas par la violence à l'attaque de son Client, bien au contraire, son bouc taillé fut déformé d'un large sourire, presque ravi de cette perte de contrôle.


- Ah, il vous est pénible de comprendre que d'autres sont mieux informés que vous, je connais ce ressenti. Aujourd'hui, je le combats, l'information est le pouvoir. Pourquoi je connais autant de chose sur lui ? Et bien c'est simple, il m'a intéressé. Je me suis focalisé sur lui, des jours, des mois durant. Jusqu'à cette opportunité, cette vente.


Le Sans Visage observe son interlocuteur, cherchant à y détecter le mensonge ou la véracité. Son rythme cardiaque, pourtant, lui se calme peu à peu. Ses poings finissent même par se relâcher et ses muscles se décontracter.


- Ah, j'aurais pu l'acquérir, ce moment-là, mais me rabaisser à fournir un trésor à cette Chienne! Les brigands ne sont pas bons pour les affaires. Je me suis alors désintéressé de lui car, tout est pourri en lui, même ses ambitions.


Le Barbier sourit en se redressant de son assise, dépassant largement son Client avant d'incliner la tête vers lui, la respiration calme et lourde.


- La réponse calme vos angoisses ?


L'Homme Fluet ne prit même pas la peine de lever son visage et son regard vers son Interlocuteur, pris dans ses pensées, regroupant les différentes informations acquises rapidement. Il pivota la tête à droite puis à gauche, légèrement, avant de clore quelques instants ses yeux. Une autre interrogation trotta dans son esprit, il se dut de s'en défaire et redressa son visage.


- Et quelle est votre raison pour moi, vous me suivez, également ?


Le Barbier se mit à rire allègrement.


- Vous ? Vous suivre ? Non ! Mais quand on suit une proie, on parvient à découvrir ceux qui rôdent autour. Elle, vous... des tas d'autres.


La main gauche du Taulier s'enroula sur les flancs de son bouc pour effectuer une lente caresse de haut en bas tandis que l'Espion soupira longuement, des catins, il en a réchauffé des tas, sur Paris.


- Qui est-elle ?


Le Barbier joignit ses mains l'une dans l'autre, entrelaçant ses larges doigts, avant de bruyamment faire craquer ses articulations en allongeant ses bras et en se dirigeant vers l'un des murs de l'édifice où il prit appui en posant son dos contre.


- Je vais vous conter une dernière histoire passionnante et vous serez combler de votre visite.


Le Sans Visage fit une moue consternée mais accepta d'un hochement de tête.


- Elle est l'outil qui vous permettra d'affaiblir votre adversaire. Il se souviendra que trop bien de sa douleur. La douleur qu'il a ressenti alors qu'elle se faisait punir. Souillée, humiliée, violée, pour les simples plaisirs d'autrui.


Le Barbier prit un plaisir malsain à conter cet épisode, il put le lire dans son regard et son sourire, comme comblé du malheur de la pauvresse. Ses larges bras mimèrent même les à-coups qu'elle put prendre.

Le Sans Visage ne fut guère sensible aux malheurs des autres, bien au contraire, mais là, la jouissance dont il fit part dans son récit, même lui en fut écœuré.



- Le plus beau, dans ce tableau, c'est qu'il était là depuis le début. Il a assisté à la scène, il en aura surement pris du plaisir. De longues minutes, des souffrances infinies pour la catin, mais il ne bougea pas.


Les sourcils de l'Homme Sans Visage se froncèrent à l'écoute de l'histoire.


- Quel intérêt de la violer, faire violer une catin ?


Le Barbier lâcha un rictus amusé à la question tant elle fut cohérente.


- Quand on ne sait gérer un bordel, on ne peut savoir comment punir ses catins ! Le propriétaire est à l'image du grotesque spectacle donné ce jour, pitoyable !


Un long frisson caressa l'échine du Sans Visage, une soudaine idée, des cartes qui reprirent places dans son esprit, l'éclaircit qui chassa la brume.


- L'Aphrodite ?


Le Barbier claqua vivement dans ses mains, ne cachant pas sa satisfaction.


- Oui ! Vous y êtes enfin.


Le vertige, le froid, la peur... Non, il ne put s'agir d'elle... Sa main gauche, frêle, se posa sur la console de rasage, s'évitant une chute ou du moins un déséquilibre.


- Elle... C'est Rose ?


L'Imposant Patron se mordit les lèvres en voyant l'impact que la révélation lui fit avant d'écarter ses bras en signe de libération.


- Elle est sa faiblesse, sa faille. Son parfum et sa chaleur lui manqueront.


Avant de poursuivre, il se décolla du mur pour s'approcher lentement, les pas lourds, de son Client.


- La question est, et vous êtes-vous prêt à la sacrifier ?


Il se mit à rire tel un damné devant le dilemme qu'il offrit là.

Le Sans Visage grimaça en s'élançant vers la sortie de l'échoppe, laissant tomber sur le sol 5 écus, le prix du rasage. Aucun remerciement ne vint à ponctuer le geste. La poignée fut prise et tournée, la porte ouverte et, finalement, l'air pur extérieur fouetta agréablement son visage. Il fut enfin libéré de ce long et infernal moment. Pourtant, alors même que son pied toucha le sol du pont, le Propriétaire fit un dernier commentaire.



- Le prix sera bientôt réclamé!


Il referma rapidement la porte derrière lui, soupirant bruyamment, il eut les informations cherchées mais à quel prix ? L'inquiétude ne fut pourtant pas pour tout de suite, il fut le temps pour un fou de rembourser sa dette et pour une victime d'en payer le tribut.

Elle... Elle... Elle... Adieu.

Des murmures dans sa tête, il se dut de lui faire ses adieux. Elle ne fut plus que proie pour lui, un objet de vengeance. Pourquoi si vite ? Oh, il eut pris une décision limpide, un choix finalement simple, Elle ou Lui... Pour autant, il voulut lui faire une disparition des plus dramatiques, des plus spectaculaires, après tout, il excella dans cet art.

A ce même moment, au sud de Paris, un homme grisonnant de cheveux et de barbe s'approcha d'un lieu à l'écart du monde, caché dans une épaisse forêt.




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