Gerceval
Nuit du 17 au 18 Juin 1468 - Limoges
Forêt de Limoges - Quelques heures avant minuit
Une nuit déjà bien entamée, l'homme vieillissant était en bordure de la cité, à l'entrée de la forêt, non loin de là. Il avait allumé un feu, plus pour s'éclairer que se réchauffer, se remémorant la soirée passée. Le plan avait été parfait. Ils lui ont volé une chose, pire encore, il l'a personnellement provoqué. Ils avaient eu le mérite de le surprendre, de gagner cette manche. Pourtant, sa perte n'est que dérisoire, autre chose avait commencé.
Les flammes dansaient au rythme de la légère brise qui fouettait Limoges cette nuit-là. Le vent portait avec lui les odeurs crasseuses de la ville. Posé sur une souche, le mercenaire tenait dans sa main droite un bout de chair fraîchement dépecé tout en observant, songeur, le ballet ininterrompu du feu. Les derniers mois avaient été longs et douloureux où, peu à peu, l'homme raisonné perdait son âme. Chacune de ses nouvelles blessures le ramenait à ce passé qu'il haïssait autrefois. Son bras gauche était pris dans un tremblement, depuis de longues heures, qu'il ne cherchait même plus à contrôler, les claquements de ce dernier contre sa cuisse rendaient à l'atmosphère ambiante une lourdeur pesante. Il était affamé, une faim de cette folie oubliée, et la perte de contrôle de son bras l'y mener lentement.
Un appartement Limougeaud - Une heure plus tard
Elle n'était pas à son appartement, ce soir-là, et c'était une bonne chose. Il se devait de lui emprunter une chose précieuse et il se devrait de mettre rapidement de la distance entre eux, il savait qu'elle le traquerait. Quelque chose s'était brisée plus tôt dans la soirée et sa prudence lui imposait de la mettre à l'écart, de s'éloigner, elle reviendra, il la reverra, mais pas maintenant. Dextre avait appuyé sur la porte de l'appartement pour l'ouvrir, il s'était directement dirigé vers la chambre où trônait, fièrement, l'imposant lit. Il s'étonnait de trouver de pareils objets dans tous ses logis, voulait-elle se mentir à elle-même, gardait-elle un espoir, un souvenir ? Il avait jeté froidement la couverture sur le sol et, sur le drap blanc, senestre tremblante s'employait à dessiner un imposant "G" de son propre sang. Il n'était pas peu fier du rendu sanglant. Etait-ce un message caché ? Lui le savait surement mais, elle, qu'en était-il ?
Un grognement douloureux avait suffit à interrompre l'ouverture de la porte pour sortir, sa main gauche réclamait qu'on s'occupe d'elle. Il avait pris cette habitude efficace de faire taire les tremblements par de violents coups, de son poing fermé, contre toute chose se présentant face à lui. Cette nuit-là, la forêt lui avait offert beaucoup de cibles mais aucune n'était parvenue à le soulager. Le déchirement de ses chairs l'avait simplement enfoncé au plus près de ses anciens démons.
Cette main était dans un piteux état, victime de sa folie incontrôlée. Heureusement, il était dans le repaire d'une sorcière, du moins c'est l'image qu'il a de tous ceux qui se prétendent médecin. Lui n'avait jamais compris l'intérêt de tripoter les mourants et pustuleux, plus il en était loin, mieux sa respiration s'en portait. Mais pour l'heure, son métier lui était intéressant, ce qu'il n'avouerait jamais. Il fouillait les coffres et autres armoires à la recherche d'alcool. Gra'al en main, l'eau contenue dans la bassine de toilette se retrouvait à souiller le sol propre de l'appartement. Il avait mis sa main à plat dans le récipient et, sans attendre, avait renversé le contenu de la bouteille sur les plaies vives. La chaleur et la piqure de l'alcool sur ses chairs meurtries étaient difficiles à combattre mais le barbu avait su maintenir ses lèvres closes laissant seulement entendre une plainte étouffée sous sa barbe et les muscles de son corps se raidir.
Le box de Nyx - Trente minutes plus tard
Accolé à l'appartement, se situait le box d'un fidèle compagnon, mais pas celui du mercenaire. Lui n'avait rien d'autre que son ego pour faiblesse, du moins, c'est ce qu'il aimait à croire. L'odeur que dégageait la présence des chevaux était désagréable aux sinus délicats du grisonnant mais c'était surtout un moyen efficace de se faire repérer par les loups, Gwendoline s'en souviendrait! Et le box ne semblait clairement pas manquer à cette règle ou était-ce seulement celle de cette jument-là?
Bougie en main, il avait passé la double porte en faisant légèrement hennir la bête qui semblait somnoler tranquillement. Faut dire qu'ils ne l'avaient pas épargnée, elle enchaînait les lieux au rythme rarement reposant du duo de mercenaires. La main gauche, sauvagement bandée, s'était posée en douceur sur la crinière de l'animal vieillissant. Il l'avait flatté d'une longue caresse tout en lui parlant, lui contant la suite des événements, ce que sa colère lui guidait de faire et, surtout, ce que serait son rôle à elle. Lui qui détestait les animaux et plus encore les chevaux, se confiait à l'un d'eux, quelle ironie! Mais plus étonnant encore, pour qui connaissait le bougre, il avait pris le soin de seller Nyx. S'il n'aimait pas les équidés, l'art d'attacher quelque chose n'était clairement pas inconnu pour lui, même amoindri, ses mains étaient expertes en la matière. Tout d'abord la couverture, pour protéger le dos de l'animal, puis une tape suivie d'une caresse sur l'encolure pour rassurer la bête visiblement peu habituée à tant d'affection de la part de cet homme-là. Un soupir pour soulever la selle, reposant sur une barrière non loin, avant de la poser avec plus ou moins de délicatesse sur le dos de ce nouveau compagnon. Serrage fait, il avait pris le soin de nourrir la vieille carne d'une carotte qui craquait, telle une nuque, entre les dents du cheval. Le son était plaisant aux oreilles du mercenaire. Mais pas le temps de se perdre en contemplation. Un courage soupiré puis l'homme domine sa monture avec quelques craintes qu'il tente de dissimuler dans des sons qui sont surement plus là pour lui que pour rassurer l'animal. Quelques pas lents dans la cour pour dompter animal et peur puis, d'un son rageur, le fou avait agité les rênes pour faire trotter Nyx et quitter, enfin, cette ville.
Sur les routes Royales - Quarante minutes plus tard
Le trajet s'annonçait long et pénible pour le cavalier ainsi que sa monture, les lieux étaient nombreux avant d'arriver à destination. Près d'une heure, c'est le temps qui aura été nécessaire, cette nuit-là, pour que le cavalier puisse dominer pleinement Nyx et que les deux ne fassent presque plus qu'un. Le galop était alors devenu plus soutenu, il en demandait beaucoup à la vieille bête mais rien ne pouvait éteindre le feu qui consumait son esprit.
En plus de l'épuisement du cheval, Gerceval s'inquiétait des dangers sur les routes. Les chiens Angevins faisaient parler d'eux, tuant et pillant qui avaient malheur de croiser leurs routes. Mais ce n'était pas leur affrontement qu'il craignait, non, c'était le temps perdu à échanger les banalités viriles.
La destination - Des heures plus tard
Enfin, le soleil arrivait à son Zenith et les murs d'Orléans étaient en vue. Il avait pris le temps de s'arrêter à un bon kilomètre de la ville, flattant l'encolure de l'animal fatigué de cette longue chevauchée. Un sourire malaisant se devinait sur les lèvres dissimulées sous l'imposante barbe grise. Il avait bon espoir de sa venue ici, il savait qu'il pouvait compter sur lui pour cette mission.
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Forêt de Limoges - Quelques heures avant minuit
Une nuit déjà bien entamée, l'homme vieillissant était en bordure de la cité, à l'entrée de la forêt, non loin de là. Il avait allumé un feu, plus pour s'éclairer que se réchauffer, se remémorant la soirée passée. Le plan avait été parfait. Ils lui ont volé une chose, pire encore, il l'a personnellement provoqué. Ils avaient eu le mérite de le surprendre, de gagner cette manche. Pourtant, sa perte n'est que dérisoire, autre chose avait commencé.
Les flammes dansaient au rythme de la légère brise qui fouettait Limoges cette nuit-là. Le vent portait avec lui les odeurs crasseuses de la ville. Posé sur une souche, le mercenaire tenait dans sa main droite un bout de chair fraîchement dépecé tout en observant, songeur, le ballet ininterrompu du feu. Les derniers mois avaient été longs et douloureux où, peu à peu, l'homme raisonné perdait son âme. Chacune de ses nouvelles blessures le ramenait à ce passé qu'il haïssait autrefois. Son bras gauche était pris dans un tremblement, depuis de longues heures, qu'il ne cherchait même plus à contrôler, les claquements de ce dernier contre sa cuisse rendaient à l'atmosphère ambiante une lourdeur pesante. Il était affamé, une faim de cette folie oubliée, et la perte de contrôle de son bras l'y mener lentement.
Un appartement Limougeaud - Une heure plus tard
Elle n'était pas à son appartement, ce soir-là, et c'était une bonne chose. Il se devait de lui emprunter une chose précieuse et il se devrait de mettre rapidement de la distance entre eux, il savait qu'elle le traquerait. Quelque chose s'était brisée plus tôt dans la soirée et sa prudence lui imposait de la mettre à l'écart, de s'éloigner, elle reviendra, il la reverra, mais pas maintenant. Dextre avait appuyé sur la porte de l'appartement pour l'ouvrir, il s'était directement dirigé vers la chambre où trônait, fièrement, l'imposant lit. Il s'étonnait de trouver de pareils objets dans tous ses logis, voulait-elle se mentir à elle-même, gardait-elle un espoir, un souvenir ? Il avait jeté froidement la couverture sur le sol et, sur le drap blanc, senestre tremblante s'employait à dessiner un imposant "G" de son propre sang. Il n'était pas peu fier du rendu sanglant. Etait-ce un message caché ? Lui le savait surement mais, elle, qu'en était-il ?
Un grognement douloureux avait suffit à interrompre l'ouverture de la porte pour sortir, sa main gauche réclamait qu'on s'occupe d'elle. Il avait pris cette habitude efficace de faire taire les tremblements par de violents coups, de son poing fermé, contre toute chose se présentant face à lui. Cette nuit-là, la forêt lui avait offert beaucoup de cibles mais aucune n'était parvenue à le soulager. Le déchirement de ses chairs l'avait simplement enfoncé au plus près de ses anciens démons.
Cette main était dans un piteux état, victime de sa folie incontrôlée. Heureusement, il était dans le repaire d'une sorcière, du moins c'est l'image qu'il a de tous ceux qui se prétendent médecin. Lui n'avait jamais compris l'intérêt de tripoter les mourants et pustuleux, plus il en était loin, mieux sa respiration s'en portait. Mais pour l'heure, son métier lui était intéressant, ce qu'il n'avouerait jamais. Il fouillait les coffres et autres armoires à la recherche d'alcool. Gra'al en main, l'eau contenue dans la bassine de toilette se retrouvait à souiller le sol propre de l'appartement. Il avait mis sa main à plat dans le récipient et, sans attendre, avait renversé le contenu de la bouteille sur les plaies vives. La chaleur et la piqure de l'alcool sur ses chairs meurtries étaient difficiles à combattre mais le barbu avait su maintenir ses lèvres closes laissant seulement entendre une plainte étouffée sous sa barbe et les muscles de son corps se raidir.
Le box de Nyx - Trente minutes plus tard
Accolé à l'appartement, se situait le box d'un fidèle compagnon, mais pas celui du mercenaire. Lui n'avait rien d'autre que son ego pour faiblesse, du moins, c'est ce qu'il aimait à croire. L'odeur que dégageait la présence des chevaux était désagréable aux sinus délicats du grisonnant mais c'était surtout un moyen efficace de se faire repérer par les loups, Gwendoline s'en souviendrait! Et le box ne semblait clairement pas manquer à cette règle ou était-ce seulement celle de cette jument-là?
Bougie en main, il avait passé la double porte en faisant légèrement hennir la bête qui semblait somnoler tranquillement. Faut dire qu'ils ne l'avaient pas épargnée, elle enchaînait les lieux au rythme rarement reposant du duo de mercenaires. La main gauche, sauvagement bandée, s'était posée en douceur sur la crinière de l'animal vieillissant. Il l'avait flatté d'une longue caresse tout en lui parlant, lui contant la suite des événements, ce que sa colère lui guidait de faire et, surtout, ce que serait son rôle à elle. Lui qui détestait les animaux et plus encore les chevaux, se confiait à l'un d'eux, quelle ironie! Mais plus étonnant encore, pour qui connaissait le bougre, il avait pris le soin de seller Nyx. S'il n'aimait pas les équidés, l'art d'attacher quelque chose n'était clairement pas inconnu pour lui, même amoindri, ses mains étaient expertes en la matière. Tout d'abord la couverture, pour protéger le dos de l'animal, puis une tape suivie d'une caresse sur l'encolure pour rassurer la bête visiblement peu habituée à tant d'affection de la part de cet homme-là. Un soupir pour soulever la selle, reposant sur une barrière non loin, avant de la poser avec plus ou moins de délicatesse sur le dos de ce nouveau compagnon. Serrage fait, il avait pris le soin de nourrir la vieille carne d'une carotte qui craquait, telle une nuque, entre les dents du cheval. Le son était plaisant aux oreilles du mercenaire. Mais pas le temps de se perdre en contemplation. Un courage soupiré puis l'homme domine sa monture avec quelques craintes qu'il tente de dissimuler dans des sons qui sont surement plus là pour lui que pour rassurer l'animal. Quelques pas lents dans la cour pour dompter animal et peur puis, d'un son rageur, le fou avait agité les rênes pour faire trotter Nyx et quitter, enfin, cette ville.
Sur les routes Royales - Quarante minutes plus tard
Le trajet s'annonçait long et pénible pour le cavalier ainsi que sa monture, les lieux étaient nombreux avant d'arriver à destination. Près d'une heure, c'est le temps qui aura été nécessaire, cette nuit-là, pour que le cavalier puisse dominer pleinement Nyx et que les deux ne fassent presque plus qu'un. Le galop était alors devenu plus soutenu, il en demandait beaucoup à la vieille bête mais rien ne pouvait éteindre le feu qui consumait son esprit.
En plus de l'épuisement du cheval, Gerceval s'inquiétait des dangers sur les routes. Les chiens Angevins faisaient parler d'eux, tuant et pillant qui avaient malheur de croiser leurs routes. Mais ce n'était pas leur affrontement qu'il craignait, non, c'était le temps perdu à échanger les banalités viriles.
La destination - Des heures plus tard
Enfin, le soleil arrivait à son Zenith et les murs d'Orléans étaient en vue. Il avait pris le temps de s'arrêter à un bon kilomètre de la ville, flattant l'encolure de l'animal fatigué de cette longue chevauchée. Un sourire malaisant se devinait sur les lèvres dissimulées sous l'imposante barbe grise. Il avait bon espoir de sa venue ici, il savait qu'il pouvait compter sur lui pour cette mission.
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