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[RP] Réunion de famille

Zilofus
[Rodez, quelques jours après le départ ...]


Cela faisait déjà plusieurs jours que le groupe avait quitter Limoges, certains étaient partit en quête de retrouver des proches tandis que d'autres juste pour voyager à travers le pays, malgré qu'à l'origine personne ne se connaissait hormis la fauvette et ne normand il avait fallu assez peu de temps pour chacun trouve sa place et que la cohésion ne se forme, laissant à chacun la petite place qui lui était dû pour que la route se passe dans les meilleures conditions possibles. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, sans qu'il n'ait besoin d'écrire à chacun qu'il ne fallait pas oublier de grimper dans la charriote pour repartir le soir même tout le monde était encore présent, personne ne manquait à l'appel et ça franchement s'en était surprenant, c'était bien la première fois que ça lui arrivait.

Cette fois il n'avait pas prévu de coup fourré pour qui que se soit, même pas Fanette pour qui son imagination était débordante habituellement, il restait sage, si sage que ça en devenait inquiétant, ce n'était pas coutumier chez lui, on pouvait croire qu'il était malade et même si cela n'était pas tout à fait faux, son bras le faisant encore souffrir plus qu'il ne le laissait paraitre, il s'appliquait à se tenir à carreaux pour emmener tout le monde à destination. Alors certes il bouillait intérieurement, il peinait à contenir cette folle envie d'aller faire chier son monde, pourtant il n'en fit rien, il n'en fit rien jusqu'à ce que ...

Jusqu'à ce qu'ils recroisent les mêmes gus le soir, deux tourtereaux qu'ils avaient déjà croiser un jour auparavant et qui ne s'étaient pas gênés pour bien exhiber tout leur amour, allant même jusqu'à exagérer disproportionnément en s'échangeant leur bave mais cette fois il ne leur donnerait pas raison en allant voir ailleurs, s'ils voulaient jouer, il allait jouer aussi. La rouquine avait été préalablement mise en garde, si elle refaisait une scène torride avec son partenaire comme la veille la situation s'échaufferait, et pas dans le sens où ça lui ferait plaisir. Et forcément, elle avait fait fit de cet avertissement, roulant une pelle démesurée à son amant pour les narguer, sauf que cette fois il l'attendait au tournant et aussitôt fait, aussitôt il sauta sur l'occasion pour distiller les premières piques qui les obligerait à répondre, appuyer par son acolyte aux cheveux blancs ils s'étaient arrangés pour leur faire comprendre qu'ils n'étaient pas venu là pour voir un échange de salive, surtout aussi nuls. Comme prévu la situation empira légèrement et chacun pouvait à présent se foutre ouvertement de l'autre, sauf que contrairement à ce qu'il espérait ce n'était pas aussi intéressant que ça, rapidement le normand se rendit compte qu'il fallait pas s'attendre à une haute répartie émanant des deux interlocuteurs, le seul truc qu'ils avaient trouver à dire était qu'il allait violer des enfants, juste parce qu'il portait une bure. L'habit ne fait pas le moine pourtant, et il n'avait absolument rien d'un curé, même pas la tonsure, c'était à peine s'il connaissait le début du livre des vertus, c'est pour dire. Pourtant l'homme avait insisté, il avait répété la même chose une fois, deux fois, trois fois ... et ce jusqu'à ce qu'il se rende compte que le normand restait totalement indifférent à cette remarque, pire même, qu'il la retourne contre lui en lui demandant s'il ne faisait pas un fantasme sur les hommes saints à vouloir aller tremper sa grenouille dans le bénitier. Ça pour le coup ça l'avait fait rendu muet d'un coup. Plus rien. Le pauvre ne savait plus où se mettre. Il avait préféré retourner l'oreille de sa rouquine plutôt que de se risquer à pire. Enfin bon ... il avait été l'amusement d'un petit moment malgré tout, il ne fallait pas être trop exigent lui avait-on dit il y a peu.

Plus tard il avait été retrouvé une fauvette attristée de la méchanceté des gens, particulièrement de ceux qu'elles pensaient autrefois ses amis, on lui avait conseillé de lui ramener des fruits confits pour lui remonter le moral mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin, il était déjà gentil plus que de raison, il n'allait pas non plus lui faire des cadeaux pour redonner un peu de gaieté à sa journée, elle l'avait quand même trouer il y a semaine ! Pas de geste compatissant non plus, il s'était contenté de lui dire les choses en face, telles qu'elles étaient, telles qu'elles avaient toujours été et telles qu'elles seraient toujours, le Zilo avait été à sa place avant elle, il savait ce que ça faisait, il savait ce qu'on ressentait dans ces moments là et c'est pour cette raison qu'il ne l'encouragea pas à se plaindre mais plutôt à accepter les choses en soi pour qu'elle y soit plus préparer la prochaine fois, que malgré sa gentillesse innée elle ne se laisse pas berner par de belles paroles, car au fond seuls les actes comptent ...
Victoire.
[Et pendant ce temps-là, à Nîmes après avoir avoué à Fanette, par pigeon interposé, un truc invraisemblable ...]


On est d'accord ? Je suis Piuma et toi Streng, mon homme de main, on voyage dans le sud pour le plaisir et si on le voit, si on le croise, on ne fait rien et on attend sagement Roman !
On est d'accord !


Ce qui est bien avec Svan, c'est qu'elle monte des plans parfaitement huilés. Qu'elle ne suit absolument jamais ! Elle s'installe donc dans une taverne de Nîmes en attendant Brin comme tous les soirs pour discuter tranquillou et voilà qu'arrive un homme, plutôt pas mal, faut bien l'avouer. Si elle ne goûte pas, cela n'empêche pas de regarder, n'est-ce pas ? Elle l'observe, il est de bonne compagnie et ils discutent vraiment bien ensemble. Il repart le soir même avec une jeune femme blonde qui les a rejoints à peine quelques minutes, assez peu causante. Parfait ! Comme ça, Svan passe un agréable moment avec le jeune homme à parler de tout, de rien et elle ne sera pas détournée de son objectif premier : avoir des informations sur ce fameux Montparnasse que Fanette soupçonne être derrière l'enlèvement de son fils.

Car d'une réunion de famille, tout le monde souhaite qu'il y en ait deux. Pas seulement Tartine et son père mais aussi Fanette et son fils.

Et la danoise allait en avoir plus que nécessaire des informations car depuis une heure, elle ne le sait pas encore, ne s'en doute même pas un instant tellement l'homme est charmant mais elle discute avec le Montparnasse recherché. Elle aurait dû se méfier dès lors qu'elle lui a demandé pourquoi il portait des gants en plein été et qu'il n'avait pas voulu répondre. Elle sait. Elle sait que les initiales du père de Milo ont été gravées dans sa main.


Et au fait, je m'appelle Montparnasse.
Svanja.

Et là, Svan déglutit, elle se rend compte de sa boulette vu qu'elle devait se présenter sous un faux nom et que bien entendu, elle ne suit pas son propre plan mais surtout qu'elle discute avec plaisir avec un homme très peu recommandable. Elle l'observe sous toutes les coutures et il s'en rend compte et lui demande ce qui se passe. Euh ...

Vous êtes bien plus bel homme qu'on ne me l'avait dit et pourtant, on m'avait vanté vos charmes.
Qui est donc ce on ?


Oh putain ... Panique à bord ! Mayday ! Mayday ! Que répondre à ça ? Fanette ? Bah non, ça serait grillé direct ! Elle ne connait qu'elle qui aurait pu lui en parler. A moins que ...

Mon ex-mari.
Il a un nom, cet ex-mari ?
Zilo.


Il va la buter, l'ex-mari s'il apprend qu'elle raconte qu'il trouve les hommes beaux. Il est phobique de plein de choses mais alors les hommes qui aiment les hommes ... ça le révulse. Manquerait plus que ce soit deux étrangers dont un de couleur qui se roulent des pelles et là, on le perd définitivement ! Raciste, homophobe, xénophobe, on peut dire qu'elle avait épousé la perle rare. Mais c'était lui ou risquer de perdre la moindre info sur le petit de Fanette.

Connais pas.
Il n'a pas dû se présenter quand il vous a croisé ce malotru !


Montparnasse passe à autre chose, la conversation prend une autre tournure quand Marie-Clémence arrive. Mais elle doit savoir où il va. Svan ne doit pas perdre sa trace. Elle fait tout le contraire de ce qu'elle avait prévu avec Brin. A la base, elle devait à tout prix l'éviter, juste voir s'il était toujours là, écouter, tendre l'oreille si on parlait de lui et attendre sagement à Nîmes. Mais elle ne peut pas ! Elle ne peut pas rester là, à attendre sans rien faire. Et même si ce n'est pas lui, s'il a juste la moindre idée de qui a pu faire ça, s'il sait une seule chose, elle doit l'apprendre. Alors, elle fait ce qu'elle sait si bien faire. Elle sourit et y va cash. Quitte à avoir une réputation de merde autant que ça serve.

Vous me plaisez vraiment ... Mais le destin fera peut-être qu'on se retrouvera demain.
Vous allez où ?
Arles. Et vous ?
Montpellier.
Dommage ...


La conversation continue, on parle de tout, de rien, Marie-Clémence lui fait même son certificat de jeune femme bienveillante, gentille et dévouée à remettre à l'ex-mari pour preuve qu'elle n'est pas qu'une connasse sans coeur. Si si, elle regroupe des témoignages ! Svan continue de sourire à Montparnasse, de le zyeuter en coin, d'être légère et finit par lui dire que non, c'est vraiment trop dommage de se quitter ainsi, je vais venir avec vous à Montpellier. Svaaaaaaaaan mais qu'est-ce que tu fous ? Tu veux vraiment suivre un mec qui a violé une enfant, tué une femme enceinte et fait plein de choses trop horribles alors que Fanette t'avait expressément demandé d'être prudente ? Et surtout, Brin qui n'arrive toujours pas.

L'homme ne voit aucun inconvénient à ce qu'ils se revoient demain.
Parfait. Alors à demain.
Enfin s'il ne décide pas entre temps qu'elle est bien plus jolie la gorge tranchée dans un fourré ...
Lison_bruyere
Lodève, le 17 août 1466

L'avaloire plaquée derrière ses cuisses, Siena sentait tout le poids de la charrette qu'elle devait à présent retenir. Elle avait ralenti le pas, descendu légèrement sa croupe, et reporté prudemment sa masse sur son arrière-main. Elle semblait choisir avec soin l'endroit où elle posait ses pieds à chaque foulée. De grandes dalles de pierre affleuraient sous la couche caillouteuse, et les roues ferrées de l'attelage avaient facile d'y glisser. Zilo, en meneur attentif, jouait des guides autant que du frein, et son habileté, combinée à l'instinct de la jument saurait sans doute se défaire de cette route périlleuse. Le pas de l'Escalette était bien la partie la plus escarpée et la plus délicate qu'ils aient eu à franchir jusqu'ici. Il marquait la fin des grands causses arides du Rouergue que Fanette aimait tant. En contrebas d'un à pic de plus de deux cents toises, on devinait la Lergue, coulant paisiblement dans une vallée arborée. Ils ne la voyaient pas encore, mais Lodève s'y nichait, dans l'ombre de la tour Saint-Fulcran.

Elle serait leur prochaine halte. En attendant, la jeune femme avait sauté à bas de la charrette, et préférait grandement marcher derrière, Huan gambadant à ses côtés. En quelques jours de voyage, le dogue avait changé. Sa silhouette s'était un peu asséchée, laissant entrevoir une musculature forte qui roulait sous le poil ras et luisant, au gré de ses mouvements. Le chien de Yohanna s'était très vite adapté à ce nouveau rythme de vie, alternant les chemins vers le sud et les courtes étapes. La fauvette n'avait guère repris de poids, mais le grand air et l'exercice lui avaient finalement fait un peu de bien. Il lui arrivait de s'endormir plus facilement, recroquevillée sous une couverture dans le fond de l'attelage, boucles abandonnées au sac de toile grossière dans lequel elle trimballait tout son attirail, deux corsages, sa jupe, une chainse, l'écritoire de voyage, un peigne, une valve de miroir, la poudre de racine d'iris, et surtout, son précieux petit carnet au coquelicot. Son teint était encore pâle, mais les cernes sous ses yeux s'estompaient doucement.

Bientôt, ils laissaient derrière eux les dernières rocailles du pas de l'Escalette. Fanette s'était mise à courir pour rattraper la charrette. Une fois à sa hauteur, elle s'était vivement accrochée à la ridelle, et d'une impulsion était parvenue à faire basculer son corps par-dessus bord. L'attelage cheminait maintenant le long de la Lergue. Un claquement des guides de cuir sur la croupe, assorti d'un petit appel de langue, et Siena avait adopté un trot délié et soutenu. Le bruit des fers claquait sur le sentier. Parfois, le chien la doublait, obliquait subitement, disparaissant dans un fourré pour réapparaître un peu plus loin, haletant, et le fouet joyeux d'une course-poursuite dont le gibier sortait toujours vainqueur.

Le soleil était pleinement installé, éparpillant ses reflets d'or sur la rivière quand ils aperçurent la ville, nichée dans l'ombre de sa tour. Pour Fanette, cette étape marquait l'entrée dans le Languedoc, et la fin du voyage. Son cœur se serra sans doute un peu, quand silencieuse et pensive, elle regardait défiler le paysage. Roman était-il déjà rendu ? Avait-il retrouvé la trace de Montparnasse ? Comment réagirait-il en découvrant qu'elle s'était glissée dans ses traces. Sans qu'elle en ait conscience, son nez se plissait légèrement, imprimant une petite moue boudeuse à son visage. Il n'était pas encore temps de s'inquiéter de tout cela, les réponses, bonnes ou mauvaises, viendraient bien assez tôt. Et ce qui comptait le plus à ses yeux pour l'heure était de pouvoir serrer de nouveau son fils contre elle.
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Victoire.
[Béziers, le 20 août]

Une douleur lancinante étreint le crâne de notre danoise.
Est-ce à cause de ce soleil qui s'obstine à planter ses rayons dans ses yeux à peine ouverts ?
A cause de cette odeur de fleurs entêtante qui sature l'air et emplit ses narines ?
Les couinements d'un bébé grognon qui a faim ?
Son cœur qui tambourine dans sa poitrine si vite qu'il pourrait bien s'en échapper ?
Les mouettes qui se moquent de son mal de crâne de leur rire strident ?

Elle s'étire sur ce lit d'auberge. Les muscles ne sont pas douloureux, seule sa tête va exploser. Un coussin sur la caboche pour tenter de calmer le sang qui tape à ses tempes, Svan essaie de se remémorer pourquoi elle est là. Pourquoi elle a dormi tout habillée ? Elle déteste tellement ça ! Comment elle en est arrivée là ? C'est une excellente question, merci de la poser.

[Montpellier, ville du vice, la veille]

Fanette replie la lettre que Svan vient de lui tendre.

Tu vois, j'avais raison, il t'aime toujours.

Peut-on être plus blême qu'à cet instant ? Oui si tu es mort, certainement. Fanette avait pris le parti de se mêler de ce qui ne la regarde pas. Pour oublier ses propres malheurs peut-être. Elle viendra ici conter ce qu'elle a appris sur son fils, elle nous décrira ses malheurs, ses peurs, ses doutes, son histoire avec celui qu'elle pense déjà ne plus être son époux. Alors quitte à avoir foutu en l'air son propre mariage, elle tente d'en sauver un autre. Pourtant, Svan et Zilo ne sont plus mariés depuis si longtemps devant le Très-Haut. Mais elle le considère encore comme son unique époux et lui n'a eu qu'une femme. Alors Fanette lui dit ce que Zilo a bien voulu lui confier. Il l'aime toujours sa danoise. Il ne l'avouera pas, du moins pas aussi frontalement. Peur de se prendre une veste d'après la vagabonde. Peur que les sentiments ne soient pas réciproques. Svan ricane. Depuis quand Zilo a peur ? Peur de ça ? Peur de ... ah ouais ... elle a déjà brisé son coeur. Détail de taille. Que faire devant ses révélations ? Svan le sait qu'il l'aime, qu'elle l'aime mais elle pensait que ce n'était qu'un amour ... amical ? Peut-on être ami avec la personne qu'on aime le plus au monde ? Du moins, elle ne le pensait plus amoureux. Il avait eu une autre compagne, elle avait quelques aventures sans succès, les hommes ne supportent qu'un autre prenne toute la place. Zilo, Zilo, Zilo ... Il est là dans sa vie, chaque jour qui passe inlassablement, pas un jour sans parler de Zilo. Comment trouver sa place dans ce trio infernal ? Fanette, Zilo, Svan. Leur petit monde, leurs enfants, eux. Personne ne trouve sa place, pas d'autres amies, pas d'autres hommes, rien. La fin est toujours la même. Il jette l'éponge, s'en va, marre d'entendre parler que de lui, d'être un second choix en attendant que Zilo revienne, marre de devoir soutenir la comparaison. Ah oui, Zilo faisait ça aussi, ah mais Zilo faisait plutôt comme ça, avoir un sourire béat parce que Zilo a écrit. Peut-on vraiment leur reprocher d'être amoureux d'une femme qui n'a d'yeux que pour un autre et d'en souffrir ? Bien sûr que non.

Alors quand elle apprend ça, Svan prend sa plume et écrit à Zilo.
Elle veut savoir ce qu'il en est. Elle se la joue frontale.
Elle demande clairement ce qu'il en est. Elle balance Fanette.
De toute façon, si elle avait écrit "on m'a dit que ...", il aurait su qu'on était Fanette.
Alors, elle dit les choses comme elles viennent.
Parce que l'après-midi a été ... parfaite ? Il a été adorable, elle le lui a bien rendu.
Et puis, un autre détail de taille, elle n'est plus enceinte. Les hormones en pagaille, la peur de l'accouchement. Tout ça, c'est fini.
Alors, elle peut supporter quelques piques, elle les lui rend bien.
Tout est comme ... avant.
Plus jamais, elle n'aura d'enfant. C'est décidé. Ils en voulaient huit. Tartine en vaut au moins vingt.
En poids. En souffrance. En amour.
Fanette lui dit qu'elle est dingue d'y avoir été si brutalement, il va se braquer, c'est sûr.
Sauf qu'on ne joue plus là, y en a marre, on se dit les choses telles qu'elles sont et advienne que pourra.
Y en a marre de se tourner autour, de se courir après, de se déchirer, de se faire du mal.
Soit on s'aime, soit on se quitte, c'est pas plus compliqué.
Svan est danoise, elle aime les choses carrées, les situations claires.
Alors Zilo ne le prendra pas mal, elle le sait, il ne se braquera pas, il saisira l'occasion.
Elle a foi en lui à cet instant.
Il a été parfait.
Il le sera.
Encore.

La réponse est attendue. Crainte. Mais attendue. Elle tarde. Elle arrive enfin ... Svan aura attendu dix-sept heures. Oui, elle a compté les heures. Et peu importe, la réponse en fait. Elle doit savoir. Soit, il est un père et ne veut qu'une place avec sa fille. Soit il veut de nouveau sa place d'époux légitime et unique. La missive dépliée, juste le Svan du début, le premier mot, elle reconnait l'écriture, sa façon si particulière de faire le S de son prénom, elle sait que c'est lui. Excusez-la un instant, elle va aller jouer le reste de sa vie dans l'arrière-cuisine. Les premiers mots sont rapidement lus, elle le connait. Un blabla introductif comme elle le fait aussi avant les révélations. Une magnifique déclaration sincère. Puis les yeux sautent de mot en mot et arrivent rapidement à la conclusion. "Donc si tu veux une réponse courte et concise, voilà : Je t'aime."

Et on fait quoi maintenant ?

Rendez-vous est donné.
Pour explications.
Pour voir quoi faire.
Comment le faire.
Ils ne peuvent pas.
Non leur mariage est terminé.
C'est fini, bordel !
Hein, c'est fini ?
Fini ...


A moins qu'il voit ce rendez-vous autrement ...

PS : I love you
Zilofus
[Montpellier, l'arrivée]


Après un petit voyage d'une semaine pour gagner le sud du royaume, le groupe était enfin arrivé à Montpellier, ville du vice paraissait-il, comme sa dernière visite remontait à plusieurs mois, voire ans maintenant, c'était l'occasion rêver de voir si la réputation de la ville sulfureuse était fondée ou s'il ne s'agissait que d'une légende urbaine comme tant d'autres choses. Étrangement cette fois la fauvette ne s'était pas plainte qu'il n'y avait pas eu de pause en route, pourtant la route était beaucoup plus difficile, plus sinueuse, plus pentue, plus tout en fait, malgré cela il ne l'avait jamais entendu se plaindre. Enfin ... se plaindre si, le contraire aurait été synonyme qu'elle était mourante, mais en tout cas elle ne s'était pas plainte de la vitesse à laquelle ils avaient parcouru toutes ces lieux pour gagner le Languedoc. Sans doute parce que quand il s'agissait de sauver son bébé elle avait oublié d'y penser, trop préoccupée à se demander si elle allait le retrouver. Par contre, quand il s'agissait du bébé des autres, là elle en avait strictement rien à foutre, elle chouinait tout ce qu'elle savait pour prier qu'on fasse une pause, qu'importait si son enfant à lui avait un problème.

S'il avait su la première fois, il l'aurait laissé attaché à sa chaise, dans la ville voisine de Nîmes où ils s'étaient rencontrés, sur le coup ça avait été un bonheur de trouver la parfaite petite victime mais aujourd'hui c'était devenu son plus grand regret, il aurait mieux fait de rester coucher ce jour là. Cruel destin. Malgré cela il avait quand même lancer à la fauvette qu'il faudrait y aller pour fêter leur un an et demi de presque amitié fraternel, au moins par un saucisonnage en mémoire du passé, mais même ça elle n'avait pas voulu. Puis ça avait commencé à s'échauffer, la trêve était terminée, elle se risquait à chercher les ennuis avec lui alors qu'elle n'avait toujours pas de nouvelles de son nabot, quelle inconsciente, non pas que l'idée de se venger lui avait échapper mais pour le coup il avait mieux à faire que de perdre son temps avec elle et son pote qui jouait les preux chevaliers en s'interposant.

Et où est ce qu'il avait mieux à faire ?
Dans la taverne où il y avait son ex-épouse ! Évidemment !

La tenue du parfait poitevin niais revêtue, il était tout prêt et disposé à aller à sa rencontre. Cela faisait plusieurs jours qu'il s'était habillé ainsi pour s'essayer à la gentillesse, bien que ça lui paraissait étrange de devoir être aimable avec tout le monde il s'y était habitué et pouvait désormais aller rattraper son erreur de deux semaines plus tôt. Pour faire simple et paraitre aussi crédible que possible dans ce nouveau lui, il entre et va directement coller sa langue contre la joue de la danoise pour la saluer à sa façon avant de prendre place face à elle, un large sourire lui donnant un air béat coller aux lèvres. Ca aurait pu paraitre ridicule, peut être même insensé, pourtant, malgré quelques œillades d'incompréhension à ce soudain revirement elle joue le jeu. Ils se parlent, aussi simplement qu'ils puissent, ils se taquinent, aussi complices qu'ils l'aient toujours été, ils se font des passes de bébé, aussi responsables qu'ils soient, et tout se passe bien. S'en est presque trop louche. Pas de coups, pas de méchancetés, pas d'insultes, rien, juste quelques piques lancées pour s'assurer que c'est bien l'autre et qu'aucun d'eux n'allait mourir d'un surplus de gentillesse.

Ils discutent, de tout, de rien, se racontent leurs derniers jours, tout naturellement, sans a-priori, ils passent un agréable moment, peut être avec la crainte que ça dérape à un moment parce que c'est trop étonnant que ça se passe aussi bien alors que ça fait des mois qu'ils n'arrivent pas à finir une discussion sans que ça se termine en baston ou en envolée lyrique, mais non, même la fin se termine sur une bonne note. Pour preuve il repart même tout souriant et se donne la peine de venir lui coller une léchouille sur l'autre joue pour la saluer. Même Tartine en est restée bouche bée, c'est quand même pour dire que cette discussion était mémorable.



[Montpellier, le départ]


Le lendemain.
Il reçoit une lettre. De la veille certes, mais comme il a été faire une partie de pêche nocturne, il ne la découvre que le lendemain matin alors qu'il s'en allait à la messe du dimanche tandis qu'un petit coursier la lui livre en chemin. Rapidement il en fait la lecture. Une fois. Il secoue la tête, il rêve. Alors il recommence une deuxième fois. Toujours pas. La truite qu'il a pêché l'a ensorcelé. Il relit une troisième fois. Non mais c'est toujours écrit la même chose. Bordel ! Heureusement qu'à ce moment là il était assis sur un banc de l'église parce qu'autrement il se serait évanouit, petite nature qu'il est. Ça le tracasse, il est grillé, ou plutôt on l'a balancé. Alors il note, en gros, gras et souligné qu'il faudra vraiment qu'il fasse la peau à Fanette la grosse balance. Puis il va trainer en ville pour réfléchir, chercher l'inspiration, trouver le courage parce qu'il n'a plus le choix, il est au pied du mur, il doit jouer cartes sur table. Sur ce coup elle a géré la danoise, il n'a pas le choix, elle ne lui a pas laissé de choix, ou il avoue, ou il avoue ... Il n'y a pas d'autres issues possible. La question est ... comment avouer l'inavouable ? Les sous-entendus elle ne comprend pas, les blagues elle ne comprend pas, les dessins elle ne comprend pas non plus, il a quand même essayé de plusieurs façons avant ça mais aucune n'a été fructueuse alors ...

Alors le Zilo opte pour la méthode simple. Il introduit, il développe et il conclut.

Il mise tout sur la conclusion. Il ne pourra pas faire plus clair. Il s'abstient même le post scriptum habituel pour pas la distraire sur la fin et que sa conclusion perde de son ampleur. Il balance tout, grillé pour grillé, il y va franco, il n'a rien à perdre et au moins ça aura le mérite d'être clair pour tout le monde une bonne fois pour toute. Il plie le vélin et va rapidement trouver un coursier pour le faire parvenir à la destinataire, la connaissant elle doit être au bout de sa vie de devoir attendre autant de temps pour avoir une réponse, s'il avait été plus cruel il aurait pu la faire languir une journée de plus en faisant le mort pour qu'elle bouillonne intérieurement, seulement il n'était pas sûr de savoir si elle serait bien cuite ou s'il se brûlerait en la revoyant, alors quand certains ne jouent pas avec le feu, lui ne joue pas avec la danoise.

Sauf que la danoise est enflammée, un petit souffle et c'est le brasier. Ce soir il a rencart !

C'est pas le petit rencart montpelliérain là, non non, c'est un rendez vous galant messieurs, dames, et j'insiste sur le galant ! Svan sort carrément le grand jeu, elle va dépoussiéré sa garde robe pour dégoter des habits rouges, rouge vif pour bien représenter l'animosité de la flamme, pire même, elle ose la jupe ! Ça l'avait laissé sur le cul. La voir en jupe c'était bien la première fois que ça lui arrivait, elle qui auparavant trouvait tout un tas d'arguments pour pas en mettre se présentait aujourd'hui face à lui avec une ... Il restait stupéfait autant de l'évènement que de la voir ainsi, et le pire c'est que ce n'était pas un rêve, il avait vérifié plus tôt en allant se plonger la tête dans un baquet d'eau fraiche. Bien évidemment ce n'était pas tout, même si ça restait le plus surprenant elle n'avait omis aucun détail, les cheveux avaient été coiffé soigneusement en nattes avant d'être eux même noués à un ruban, rouge bien sûr, si les mots étaient importants, la couleur faisait tout aussi bien passer le message qui ne manqua pas de marquer le normand. Le "Wahou" avait été lâché, si elle avait eu l'intention de le surprendre, c'était très réussit, il s'attendait à tout sauf à ça. Ce rendez-vous s'annonçait d’ors et déjà intéressant.

Et il l'a été, bien plus qu'il ne l'espérait. En toute chasteté.

En toute chasteté vous dis-je ! Personne ne le croira et pourtant ... Les paris ont même été ouverts à cette occasion. Qui cèdera le premier à la tentation ? L'avenir nous le dira. Pourtant ils font un plan à trois quand même. Même si le troisième avis se cure le nez et fait des gazouillis avec sa bouche, il compte. C'est pas la taille qui compte dit-on. Elle a l'arme fatale. Le caca'tomique. Faut pas tester. Alors ils partent. Ailleurs. Gouter de la tortilla, danser le flamenco, porter des sombreros et surtout ... ils vont s'aimer !
Victoire.
Un jour je ferai tout pour être avec toi
Je te retrouverai comme tu étais
Je te retrouverai comme si rien n'avait changé
Un jour je reviendrai en notre mémoire
Un jour je serai de retour près de toi

Indochine, Memoria




[Montpellier, le rendez-vous galant]

Mode panique activé !

Svan n'avait jamais eu de rendez-vous galant ! Et encore moins de rendez-vous galant avec son propre mari ! Mais il avait répondu oui. Mais pour un rendez-vous galant. Putain ... Bon, cellule de crise, les enfants, comment qu'on fait pour se préparer pour un rendez-vous ? C'pas tant le côté galant qui était troublant, ça voulait dire qu'il y avait moyen de pécho et bon, ça va. Mais c'est le côté je joue ma vie quand même un peu, celle de ma fille, celle de mon mari. Si là avec ses aveux, ça passe pas, ça passera jamais. Alors, Svan maline quand même un peu se la joue sobre mais veut lui faire plaisir. Coiffure ? Une longue natte qui descendra sur sa poitrine et terminée par un joli ruban rouge. Quelques mèches voleront délicatement autour de son visage pour casser le côté trop strict. De la couleur dans les vêtements. Elle avait commencé en mars à acheter des fringues colorées. Déjà, à l'époque pour lui faire plaisir. Pas tellement pour lui plaire en fait mais pour lui montrer qu'elle l'écoutait et faisait un effort pour le voir. Chemise rouge, chausses rouges et ... jupe rouge. Jamais même pour leur mariage, elle n'avait mis une jupe pour lui. Elle adorait tellement les braies qui sont vraiment mille fois plus pratiques. La jupe est parfaitement ajustée, part en évasé et ne la fait pas paraître plus grande qu'elle ne l'est déjà. Les chausses sont plates ainsi elle reste plus petite que lui. Faut savoir flatter le mâle dans le moindre détail. Quelques gouttes de violette dans le cou, subtil parfum qu'elle laissera dans son sillage quand elle passera près de lui. Il l'avait connue se coiffant à peine, habillée tout en noir et se lavant dans les rivières. Pas vraiment féminine, elle lui avait plu pour autre chose que son allure. Mais là, elle voulait lui plaire tout court. Et surtout qu'il voit qu'elle fait l'effort pour lui.

Première arrivée au rendez-vous, elle couche Tartine dans la chambre adjacente à la pièce de vie de la maison qu'ils squattent pour la soirée. C'est leur truc ça, quand ils veulent être seuls, ils cherchent une maison avec un garde-manger, un lit, un baquet, des meubles, un truc un peu cossu quoi. Même si c'est juste pour discuter. Elle attend, lisse mille fois sa jupe, change sa natte cent fois de côté et il apparait. Elle lui sourit tout naturellement. C'est étrange comme tout est naturel entre eux ... Pas comme en mars. Pas comme à chacune de leurs retrouvailles. Là, c'est réellement naturel. Il la regarde, semble ne pas en croire ses yeux. Charmé même. Il s'étonne de la voir si apprêtée, note chaque détail, voit tout ce qu'elle a fait. Svan finit par se prendre au jeu et tournoie sur elle-même. Et ils s'installent. Discutent encore une fois tout naturellement. Aucun des deux ne revient sur ce qui s'est passé, aucun des deux ne remet en cause ce qui va se passer. En fait, ils se retrouvent comme le jour de leur mariage. Le plus beau jour de la vie de Svan pendant longtemps. Elle avait tellement voulu effacer ce souvenir de sa tête ... Elle ne le voulait plus comme mari et pourtant, elle l'appelait toujours son mari. C'est bizarre. Elle avait pourtant cru dans les quelques histoires qu'elle avait vécues. A chaque fois, elle y croyait même. Elle ne voyait pas le mal de parler de temps en temps de Zilo, après tout, c'est le père de sa fille. Sauf que de temps en temps ... Il n'y avait qu'elle pour penser ça. C'était au quotidien. Elle ne comprenait pas que tous finissaient par craquer à devoir subir un Zilo absent. Un Zilo qui la faisait tant souffrir de ne pas être là.

Il ouvre ses bras pour avoir un câlin.
Il se fait rassurant en posant sa main sur la sienne.
Il y va doucement, il réapprivoise la danoise sauvage.
Il parle d'une voix calme, douce et apaisante.
Elle se crispe un dixième de seconde puis se laisse approcher.

Une seule question sera posée.
Que veut-il ?
Une famille aimante et soudée.
Avec un papa et une maman ensemble et qui s'aiment ?
Oui.

Le reste.
Disputes.
Déchirures.
Incompréhensions.
Trahisons.
Tout est balayé d'un sourire.
Ont-ils des questions l'un pour l'autre ?
Non. Rien.
Tout laisser derrière soi et avancer.
Après tout ... Ils n'ont plus rien à perdre.
Ils n'ont plus qu'eux.
Toutes les autres relations sont un désastre annoncé.
Même s'ils y croient ... un temps.
Ils doivent se résoudre à accepter l'évidence : il n'y a qu'eux.

Svan a l'impression de vivre ses premiers émois. Tout est ... simple. C'est apaisant de simplicité cette soirée. C'est déroutant de légèreté. Elle en a connu des moments de rires, de bonheur partagé avec d'autres personnes mais ce n'est jamais si beau qu'avec Zilo. Et ce n'est pas seulement des corps qui se retrouvent chastement ou des sourires qui se répondent, c'est de sentir qu'on est avec LA personne. Pas besoin de se parler. On sait.



[A Béziers, le lendemain]

Mais pourquoi avait-elle si mal à la tête alors en se réveillant ? Comme une vieille gueule de bois ? Elle regrette déjà de l'avoir suivi ? Elle veut faire demi-tour et tout abandonner ? Rien de tout cela. Elle est complètement déchirée. Elle se traine un mal de crâne depuis la veille, au moment de recevoir la lettre. Le choc, le stress, l'angoisse. Fanette lui avait conseillé l'alcool de menthe. Mais elle n'avait pas précisé qu'il fallait se masser les tempes avec. Alors la danoise avait bu. Encore et encore toute l'après-midi. Puis un peu en soirée. Puis en route. Puis en se couchant.

Alors les mouettes qui rient tout près de son oreille parce que Zilo avait choisi une chambre avec vue sur la mer, ça lui pète le crâne.
Les fleurs qu'il avait cueillies pour les déposer en forme de cœur avec un mot d'amour, ça lui donnait la nausée.
Tartine, son petit bébé d'amour qui chouine pour manger, ça lui vrillait les tympans.
Le soleil de cette magnifique journée qui s'annonçait lui explosait la tête en passant par ses yeux.
Son cœur qui explose d'amour pour son normand, ça l'achève.

Tout ce qui aurait dû être merveilleux la rendait malade.

De là à dire que Fanette avait torpillé leurs retrouvailles, il n'y avait qu'un pas !
Victoire.
Je vais pouvoir me la péter en mode "moi, mon mari, il m'emmène aux Baléares !"
Demain, on ira se baigner.


Tout est si simple à présent. Après tant de mois à se déchirer, ils ont retrouvé mari et femme et vont se baigner en famille en Espagne, heureux. Mars à Murat est si loin ... Lui qui alors avait éclaté sa colonne vertébrale contre une poutre avant de lui annoncer la mort dans l'âme que tout était fini. Il était brisé et n'aimerait plus. Elle qui avait tenté de l'étrangler dans un dernier sursaut de désespoir pour que tout soit réellement terminé. Dans une taverne qui s'appelle Au poney qui tousse. Même tenter de se tuer, fallait que ça porte à rire !

Les jours se suivent et se ressemblent. Pour le moment, c'est très certainement ce dont ils ont besoin. De pouvoir se retrouver, se réapprendre, parler, même si tout est naturel comme s'ils s'étaient quittés hier. L'amour a perduré tout ce temps, ce lien indéfectible tissé entre eux d'un simple regard en avril 1465 n'a pas cédé. Il est des évidences que chacun ne peut nier. Si eux ont été assez bêtes pour croire que se haïr fort pouvait enfin les délivrer, le destin est facétieux et ne sépare pas toujours les gens qui s'aiment. C'est à croire que même le Très-Haut qui a dissous leur mariage ne peut rien contre les forces de la destinée. Parce que c'était écrit et que ça devait se faire. Mais chacun reste humain et la peur s'invite parfois. Balayée par les gestes tendres d'un mari à sa femme, par la sincérité de l'amour d'une épouse à son mari. De temps en temps, on revient sur le passé et la conclusion est toujours la même : tout ce temps, je t'ai aimé(e). Malgré les autres, malgré les coups bas, malgré les rendez-vous manqués, ils ne peuvent nier ce que tout le monde leur disait. Alors autant l'accepter et les jours se suivent et se rassemblent.

Le matin, il a toujours une gentillesse pour elle. Un bouquet de fleurs, un repas, une lettre d'amour. Chacun vit sa vie de son côté pour se donner de l'air sinon ils se boufferaient de baisers (ou de baiser) à en perdre le souffle. Alternant la garde de Tartine. Et le soir, ils se retrouvent. Ils se cherchent, ils se titillent, ils ont toujours vécu ainsi. Les petites piques fusent et Svan qui les prenait si mal en étant enceinte, répond sans sourciller et n'est pas la dernière à se moquer de lui. Ils se châtient tant qu'on est au-delà de l'amour. Ils se cherchent et se trouvent. Ils se surprennent l'un l'autre. Et on parle aussi de Fanette pour qui on s'inquiète terriblement. Comme une enfant avec laquelle on ne sait plus quoi faire ... C'est terrible, on dirait deux parents inquiets qui se demandent si un redressement en école militaire ne lui ferait pas le plus grand bien. Et ils repartent à faire des projets. Rien de bien fou. Chercher un endroit où habiter. Quand Zilo lui a dit qu'il lui offrirait un si gros cadeau qu'il ne rentrerait que dans leur maison ... leur maison ... notre maison avait-elle répété lentement, susurrant presque les mots ... notre maison. Peut-on être bouleversé par des mots si simples ? Assurément. Notre maison, notre famille, mon épouse, son mari. Que demander de plus ? Rien.

Et ils ont des projets un peu plus ... un peu plus eux. Des délires d'adolescents. Comme l'idée de la danoise d'aller à Patay pour dire que leur fille s'appelle Tartine de Patay. Et bien entendu, ça avait fait ricaner le père. C'est acté avait-il annoncé. On va la faire baptiser là-bas. Et ça tombe bien, il a quinze écus à récupérer pas loin. Et quand on connait le niveau de radinerie du gars ... Il lui avait tout de même offert un poussin à cinquante écus, c'est dire combien il l'aime sa danoise. Il ne tombe pas dans la facilité d'une babiole, d'un bijou qu'il aurait acheté, non chaque cadeau est réfléchi pour sortir de l'ordinaire. A la première poule, elle avait un peu pincé des lèvres, la danoise. C'est pas banal une poule comme cadeau de mariage, faut dire. Mais ça va tellement plus loin qu'un simple gallinacé. A présent, il rêve d'œufs durs qu'ils mangeraient en famille sur les routes, lors de pique-nique. C'est con hein ... mais c'est si simple d'amour et de bonheur familial que ça émeut sa danoise. Ils se sont bien trouvés de toute façon. Hormis lors de sa grossesse où leur bébé vorace lui mangeait le cerveau, elle avait toujours su rebondir sur ses idées les plus folles, ils n'avaient pas besoin de se concerter, ils savaient quoi dire, comme agir, quoi faire.

Doutait-elle à cet instant de lui ? Encore un peu. Mais elle doutait surtout d'elle-même. Le bonheur ne dure pas. Pourtant, tout va si bien. Et si pour une fois, elle acceptait juste que son mari soit là, aimant, gentil et prévenant ? Si elle acceptait qu'il soit à la fois son meilleur ami, son amant, son époux ? Elle pense à tout ça quand précisément à cet instant, ses longs doigts fins remettent en place une mèche de Zilo. Quand elle regarde son torse se lever lentement et redescendre encore plus doucement alors qu'il dort. Il semble apaisé. Il est en toute confiance à côté d'elle. A quoi pense-t-il à cet instant ? A quoi rêve-t-il ? Parfois, elle aimerait être dans sa tête pour savoir qui il est vraiment. Car elle ne le connaitra jamais réellement. Et elle aime pourtant chaque facette de lui. Même les pires et les plus dures car tout le mal qu'il aura pu lui faire, c'était seulement parce qu'il ne savait pas exprimer tout l'amour qu'il lui portait. Elle l'avait rendu malheureux et en avait longtemps payé le prix, le payant encore parfois quand sa voix se fait un peu plus dure malgré lui et qu'il lui dit qu'elle est partie, qu'elle est celle qui a décidé de le quitter. Il lui en veut encore, c'est certain. Mais son cœur bat à nouveau grâce à elle ou du moins pour elle. C'est ce que Svan aime à penser à cet instant. Elle le sent battre sous ses doigts qui à présent effleurent son torse. Lentement comme pour reprendre enfin contenance après avoir été brisé.

Et une journée recommencera ... inlassablement, ils feront les mêmes choses comme pour ancrer leur unité dans le temps. Quoiqu'il arrive, malheur ou bonheur, ils se retrouveront chaque soir. Ils seront le pilier l'un de l'autre. Même si ça tempête en danois ou que le silence normand plombe les lieux. Ils se sont trop déchirés pour se laisser encore être séparés par leur ego, par les autres, par la vie. A cet instant, quand il fait une tête bizarre à froncer le nez dans son sommeil, elle sait qu'il est son absolu. Que par lui, le pire pourrait arriver comme le meilleur. Mais elle ne l'aimera plus dans l'absolu, elle l'aimera pour qui il est. Car nourrie aux histoires d'amour légendaires et chevaleresques, elle pourrait se perdre d'attendre tant et tant de cet homme qui distille son amour à sa façon, dans des gouttes de bonheur et d'humour qu'elle seule pourra déchiffrer à présent. On n'offre pas une poule à la première dinde qui passe et pendant longtemps, ça, Svan ne l'avait pas compris.
Zilofus
[La Catalogne, début d'une longue marche]


" Catalouuuuunyaaaaaa, sous le soleil avec ma nanaaaaa, lalaaaaaa ti la tataaaaaaaaa " voila comment ça résonnait dans la tête du normand à partir du moment où ils avaient quitté Montpellier, ils avaient prit la route du sud pour gagner l'Espagne, partir loin de tout, juste eux, en famille, et il s'en réjouissait d'avance de pouvoir profiter de ce voyage pour se retrouver avec elles, juste sa danoise et son bébé ... Les jours défilaient les uns après les autres toujours aussi inexorablement, et pourtant, chaque nouvelle journée était synonyme de bonheur, il avait l'impression de revivre ses premiers émois, autant avec son amour qu'en s'émerveillant un peu plus chaque jour à découvrir sa fille faire de nouvelles choses, dans un cas comme dans l'autre il était surpris, il avait l'impression de redécouvrir Svan sous un nouveau jour, c'était sans aucun doute le fait qu'elle porte des vêtements plus colorés qui la rendait plus joyeuse, pas seulement dans l'apparence mais aussi dans ses propos, cela lui donnait quelque chose de différent, avec une couleur aussi sensuelle ça la rendait encore plus .... amoureuse. Quant à sa fille il se demandait encore comment une si petite chose pouvait autant baver, plus qu'un escargot, fallait le dire ! Sans compter que maintenant qu'elle commençait à bien savoir se déplacer à quatre il lui arrivait fréquemment de la perdre, un coup sous le lit à faire la poussière, un autre à la plage à la voir faire des trous pour s'apprêter à faire une construction, une autre encore dans la forêt à bouffer des troncs comme un castor, et quand elle ne savait pas quoi faire c'était avec le doigt dans le nez qu'il la retrouvait. Les deux réunies allaient lui retourner la tête avant qu'il n'ait eu le temps de s'y préparer, pire même, il se laissait faire parce qu'il aimait ça, depuis leurs retrouvailles il avait viré poitevin et se laissait aller à tout l'amour qu'il pouvait recevoir de ses deux petites femmes chéries ...

Une fois en Espagne il avait commencé par laissé une lettre à Svan, une lettre d'amour et des fleurs disposées tout autour de cette dernière pour lui rappeler qu'il l'aimait, encore et toujours, au cas où elle l'aurait oublié depuis la veille, des mots simples, un message court, le tout pour qu'elle puisse comprendre à peine réveillée. La fois suivante il avait été cherché le petit déjeuner, il était aller s'approvisionner au marché de spécialités locales, comme ils en avaient parlé la veille et qu'il savait que l'appétit de la mère était aussi grand que la fille il n'avait pas compté la quantité et avait acheté de quoi faire un festin, de quoi se gaver pour la journée. Il y avait de tout, du salami, du chorizo, du jambon ibérique, des tomates juteuses, de la tortilla, de la bière du coin, juste pour la danoise ça par contre, Tartine avait dû se contenter de fraises à l'eau en contrepartie mais il se doutait bien que gourmandes comme étaient les deux, elles avaient partagés jusqu'à la boisson dès qu'il était reparti pour aller remplir sa bourse qui criait déjà au désespoir d'être si leste.

Puis les jours suivants avaient été similaires, quand ce n'était pas lui qui était réveillé le premier c'est elle qui lui faisait une lettre ou tout autre quelconque marque d'affection qu'il pouvait constaté en ouvrant les yeux le matin, se réjouissant de cette nouvelle journée qui s'annonçait. Bon certes il déchantait vite en s'apercevant qu'elle avait prit la fuite en lui laissant leur fille pour la journée alors que celle-ci avait les langes a changé, et pas pour une petite commission sinon ça aurait été trop facile, mais il s'évertua à les lui changer pour que le reste de la journée soit plus agréable pour tout le monde.

Ce voyage faisait office de belles vacances, que rêver de mieux que de visiter de nouvelles contrées en famille, profiter des plages de sables fins, de la mer encore plus bleu que ses yeux, du soleil encore plus cuisant que celui du sud de la France et tant d'autres choses ... Il avait même dit à Svan qu'il ferait office de voyage de pré-noces, ça voulait dire ce que ça voulait dire, le temps qu'il puisse se retrouver pleinement, mettre les choses à plat, s'accorder sur les quelques détails où ils pouvaient encore s'accrocher et le tout serait bon pour reprendre là où ils s'étaient arrêtés quelques mois plus tôt, où malgré tout ce qui les avait séparé ils se retrouveraient pour honorer cette promesse d'éternité.
Victoire.
Je te plante, tu pousses, il te cueille.
Nous nous aimons, vous vivez, ils idolâtrent.

Zilo, poète grammairien.



Il faut se rendre à l'évidence : elle avait épousé un vieux con. Merde ! C'est déjà pas facile d'avoir épousé un vieux, d'avoir épousé un con mais alors un vieux con ... Pire, ça serait un vieux beau, le genre avec la mèche qui cache une calvitie plus que naissante, à se balader avec des vêtements bien trop colorés pour lui, à bord d'une charrette dernier cri à lancer des clins d'œil à tout ce qui passe et qui a une paire de nichons. Elle avait échappé au pire mais quand même, ça craint. Mais la danoise l'aime son vieux con alors elle s'accommode de ça, bien qu'il bougonne et rechigne à s'occuper des langes de sa progéniture, il souffle quand elle a raison et le lui prouve, il mange à dix-neuf heures pile tous les soirs (et puis, ils ne sont plus vraiment mariés alors si elle décide que les petits jeunes sympa et pas ronchons, c'est mieux, elle pourra toujours se carapater en douce mais chuuuuuut, faut pas le dire !). Et aussi parce que vieux chez un homme, ça donne du charme et con, bah ... non ça elle le savait déjà qu'il était con. Elle n'est pas tellement mieux, faut dire et c'est sûrement ça qui les réunit. Sauf qu'elle est jeune. Le coquinou a bien raison de taper dans de la jeunette, autant se faire plaiz'.

Donc la jeunette est très très con. Elle est excessivement con. Elle veut tout de lui et plus encore et elle va finir par nous l'épuiser son vieux. Elle lui demande preuves d'amour, mots d'amour, bisous d'amour, lettres d'amour, elle l'englue dans du miel d'amour pour l'empêcher de s'enfuir. Elle profite de ses vieilles jambes toutes ankylosées de vieillesse pour qu'il ne puisse plus partir en courant. Elle lui a préparé un voyage qui allait leur faire faire trois fois le tour du monde rien qu'en France, Bretagne comprise (oui elle tente vraiment de le tuer son vieux normand !). Elle va faire mettre dans le contrat de mariage qu'il va devoir l'honorer au moins quatre fois par semaine de façon satisfaisante. Et quand ils ne seront pas sur les routes ou en train de faire des saloperies, il devra s'occuper de leur gamine qui d'ici là courra plus vite qu'un jamaïcain dopé. Elle s'est même mis en tête de lui trouver un meilleur pote : un casting va bientôt avoir lieu si ça vous intéresse. Il faut avoir entre vingt et quarante ans, ne pas être roux, avoir de la discussion, être bon délire, apparemment ne pas s'appeler Aymeric et ne pas trop reluquer la danoise. Vous pouvez candidater en envoyant un petit curriculum vitae et une lettre de motivation à Svan. Elle se fera un plaisir de vous répondre ! Il y avait également cette histoire de mariage à thème où les invités qui ne respecteraient pas le dress code auraient l'honneur d'être décapités par la mariée avec une ancestrale hache danoise. Tout un programme !

Donc revenons à la mort prochaine de notre normand. Parce que ce n'est pas tout ce que lui réserve l'avenir, ça serait bien trop simple.

Car c'est sans compter les crises de jalousie parce que monsieur a eu une assistante pour la chasse à la mouette, un jour de grande solitude. Sans les crises à base de "je suis nulle, tu m'aimeras jamais, qu'est-ce que tu fais avec moi ?" Sans les caprices du style, "Fanette me manque, je sais qu'on vient d'arriver à Brest parce que j'avais envie de tremper mes orteils dans la mer d'Iroise mais on doit impérativement, urgentissimement même, retourner à Limoges". Et bien entendu, une petite Tartine s'invitera dans ce joyeux bordel et couplera aux crises de sa mère, ses propres conneries. Un petit pois coincé dans le pif, aplatissement accidentel du chat de la voisine avec sa mini-charrette ce qui fera qu'ils devront repartir sur les routes pour trouver un autre endroit où vivre, mise à mort du stock de maïs de son père par le feu parce que le maïs qui pète, c'est marrant. Et encore ça, ça sera quand elle sera petite. Car à mesure que la mère se rassurera de voir son vieux à ses côtés malgré les crises en danois, les bouderies à coups de chausses dans la tronche, les invasions viking dans ses braies, la petite grandira et là ... les premiers garçons qui vont lui tourner autour et le carnet de gens à tabasser du Zilo va se remplir bien plus vite qu'il ne pourra rayer les noms ! C'est que d'ici qu'elle ait quinze ans la gosse, il en aura déjà quarante passés son vieux pas encore si vieux pour le moment. Il va falloir assurer parce qu'avec les yeux et la tête qu'elle a, la petite Tartine, ça va se bousculer au portillon. Les premiers bisous, les premières fois où elle fera le mur pour rejoindre un garçon, les premiers chagrins d'amour ...

Ah ça, son vieux mari, il voulait de l'aventure, ne pas s'ennuyer, vivre ! Il n'est pas au bout de ses peines.
Et le pire, c'est qu'on peut être à peu près sûr qu'il en redemandera le con !
Vous savez pourquoi ? Parce que malgré tout, ils s'aiment tous les trois et que rien ne peut les séparer.
Même pas eux !
Victoire.
Doit-on tout accepter par amour ? Certainement pas.
Et s'il y a bien une chose sur laquelle ils sont d'accord, c'était de ne pas faire ce qu'on voulait ne pas faire rien que par amour.

Dont-on accepter l'autre tel qu'il est ? Assurément oui.
Si on tombe amoureux, c'est d'un tout, d'une personne avec des qualités mais aussi des défauts. Savoir s'en arranger sans que cela devienne un poids.

Svan est pétrie de défauts qui pourraient briser n'importe quelle bonne volonté et depuis des mois, elle tente de les gommer. Et si parfois, elle pouvait se sentir blessée par la radinerie de son mari ou son côté moqueur, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle. Il ne le faisait pas juste pour l'ennuyer non. Il est ainsi. C'était donc à elle de savoir si elle acceptait cet homme entièrement ou si malgré tout l'amour qu'elle lui porte, elle ne pourrait pas vivre avec certains pans de sa personnalité. Elle ne voulait pas le changer parce que déjà ça ne fonctionne jamais et puis, elle devait accepter que l'autre n'était pas parfait. Qu'il n'était pas gentil pile au moment où elle le voudrait, qu'il ne dise pas exactement ce qu'elle aimerait entendre, que certains gestes ne sont pas exécutés au millimètre près. Car elle est aussi excessive qu'intransigeante. Et malgré tout l'amour qu'elle a pour lui, elle n'est pas aveuglée et les défauts de son époux lui apparaissent clairement. Il peut se montrer critique, râleur, lunatique ou encore jaloux. Comme il peut avoir des qualités de coeur comme la fidélité à sa femme et à ses idées, il reste attentif à ses besoins et ses envies, il la concerte toujours pour savoir quoi faire et l'inclut dans ses projets, il est vif d'esprit et toujours prêt à suivre ses dernières lubies. Il a les qualités d'un ami, d'un amant, d'un amour.

Alors ce matin, encore, elle le regarde dormir. Il semble si serein, si en paix. Et quand il se réveillera, il lui offrira un regard aimant, une caresse sur sa joue. Et ce soir, il la taquinera ou restera parfois silencieux. Si certains pans de sa personnalité semblaient plus faciles à vivre, d'autres angoissaient encore parfois la danoise.

Mais elle devait l'aimer pour lui, pour qui il est. Pas pour ce qu'elle aimerait qu'il soit.
Alors elle le lui écrit ...


Citation:
Tu es un homme différent à chaque instant de la journée. Le matin, le reflet des premiers rayons du soleil dévoile la blondeur de tes cheveux. Et au fil de la journée, la rousseur de certaines mèches explosent et prennent le dessus, surtout le soir, sous la lueur des torches. J'aime te voir passer négligemment ta main dans ta tignasse, tu le fais naturellement sans vraiment y réfléchir. J'aime cet homme spontané que tu es parfois, à ne pas avoir peur de ce que pensent les gens, à vouloir ce que toi tu veux quand tu le désires. Et puis parfois, tu es posé et réfléchi. Certainement que le jour où tu m'as avoué l'amour que tu éprouvais toujours pour moi, cette lettre était faite des deux. Tu as pensé longuement à comment le dire et l'écrire et après quelques mots ta main s'est baladée laissant parler ton coeur. Ton coeur que je sens chaque matin sous ma tempe, battre lentement, calmement, ma tête sur ton torse. Ce torse qui s'abaisse et remonte avec cette même lenteur, auquel je m'accroche car tu es mon roc. Je ne veux pas t'éroder alors je prends un peu, un peu de toi, chaque matin pour ne pas abuser. Je réprime encore parfois mes envies pour ne pas t'abimer. Si je le pouvais, je croquerai chaque partie sans me rassasier jamais de toi. Alors je caresse seulement de la pulpe de mes doigts ce corps que je découvre chaque jour. Je mourrai un jour et ce dernier jour, je découvrirai encore un pli de peau, une ride, une cicatrice sur ton corps. Je m'émerveillerai de la douceur de ta peau à cet endroit-là ... Je souffrirai avec toi d'une ancienne douleur gravée dans ton épiderme. Je mourrai sans être repue de toi. Sans être lassée de toi. Et chaque jour, inlassablement, j'observerai tes silences entremêlés de ton regard froid. J'admirerai ton visage rayonnant quand tu ris d'une situation cocasse que seul toi fait rire. J'épierai la moindre de tes réactions quand je t'avouerai encore et chaque jour combien je t'aime. Je redouterai ton sourire moqueur et accueillerai tes yeux emplis d'amour. Je m'abandonnerai à toutes les facettes de tes baisers. Mords brutalement ma bouche, embrasse-la comme la plus fragile des petites choses, mordille-la pour t'en amuser et la goûter, cherche ma langue passionnément et partage mon air. Happe-moi et vole mon souffle vital. Je te l'offre, je t'offre tout. A chacun de toi. Tu es tant et un seul pourtant. Tu es un homme différent parfois et je les aimerai tous jusqu'à la fin.
Victoire.
Le bonheur c’est ...


Il en existe des milliers des citations sur le bonheur. Et il existe autant de formes de bonheur, de façon de le vivre que de personnes sur terre. Mais une chose reste universelle, on ne doit compte que sur soi pour être heureux. On doit se connaître et savoir ce qu'on attend de la vie. On doit accepter le fait que son bonheur passe par soi-même et non par les autres. Le bonheur est un état d'esprit avant d'être un état de fait. Et ce voyage prénuptial l'apprend à Svan.

Il ne se passe rien durant leur voyage. Strictement rien. Aucun événement extérieur à leur bulle. Ils ne rencontrent que peu de monde et ce peu de monde est totalement inintéressant. Des villes vides, des gens creux, des politiques absents ou qui se tirent la bourre en place publique. Piètre amusement pour les amoureux. Il ne se passe rien et pourtant, hier le constat est tombé : ils n'ont jamais été si heureux. Ils ont sûrement besoin de tout ce temps à deux pour se retrouver et les choses sont bien faites. Seize jours déjà. Le temps passe à une vitesse quand on se lève heureux et qu'on se couche le cœur gonflé d'amour. C'est aussi niais à écrire qu'à vivre. Mais cette niaiserie ne les effraie pas et ils l'assument même plutôt bien, ils l'ont même toujours assuré et revendiqué. Et Dieu sait qu'ils sont pudiques du sentiment. Il y a eu une journée difficile en seize jours. Une seule journée et pourtant Svan avait cru tout perdre. Elle est excessive et pourtant, il n'y avait pas eu de cris, de larmes, de disputes, juste un amer constat sur les huit mois qu'ils venaient de passer. Ils s'aimaient et n'avaient pas su se retrouver. Temps perdu. A jamais. Mais elle ne pouvait pas vivre ainsi la danoise. A se laisser tomber de si haut et si bas pour ... rien. Alors elle avait réfléchi, pensé à tout cet ascenseur émotionnel qu'elle se fait vivre toute seule en fait. Car si son bonheur ne tient qu'à elle, son malheur également.

Et là, elle doit bien avouer que ce gros hypocrite retourneur de cerveau de Leorique avait raison, il existe chaque jour des petits bonheurs qui assemblés ensemble font une existence douce à vivre. Elle souffle de devoir se rendre à l'évidence. Et puis, il faut savoir être positive aussi. Alors chaque soir quand elle arrive pour le rejoindre en taverne son mari, elle a toujours le sourire. Toujours. Le sourire appelle le sourire. Avant, elle appréhendait de le voir. Enceinte, elle avait peur que chaque soir, il décide de partir. Chaque matin, elle se levait avec une boule dans le ventre. Elle se refermait sur elle-même et dès qu'il arrivait, l'ambiance se plombait. C'est terrible de le faire, de le vivre mais surtout de ne s'en rendre compte que des mois plus tard. A présent, tout est si ... facile à vivre. Elle lui sourit, il lui répond par le même sourire. Et si ... et si elle avait décidé de lui faire confiance ? Et si c'était aussi ça la clé du bonheur ? La confiance en lui. Puisqu'elle ne se fait pas encore entièrement confiance, en bon père de famille, c'est en lui qu'elle devait avoir confiance. La confiance. C'est certainement ce qu'il lui avait fait défaut tout ce temps mariée avec lui. Jamais, elle n'avait eu confiance en lui et pourtant, jamais il ne lui avait donné la moindre occasion de douter. Certes, il n'est pas le genre d'époux à faire des grandes déclarations enflammées, à la couvrir de cadeaux plus chers les uns que les autres mais il était là, jour après jour, présent et amoureux.

Alors les jours se suivent et se ressemblent dans l'ensemble. Ils voient peu de monde pour le moment et se contentent d'eux-mêmes et des petits bonheurs. Leur fille vit sa vie de nourrisson de huit mois, elle découvre le monde, mange de la poussière, poursuit des souris. Tout va bien pour elle merci ! Et c'est là leur premier petit gros bonheur, cette gosse maline, jolie et en parfaite santé. Et puis, il y a ceux qu'ils provoquent ... Quand il improvise une piste de danse dans une taverne vide alors qu'il ne sait pas danser, le cœur de l'épouse explose. Il ne l'avait jamais fait danser et il le lui dit, il ne s'excusera jamais de la rendre heureuse quand elle prend sa main pour la déposer sur son palpitant qui manque de se sauver de sa poitrine. Et quand sa païenne d'épouse lui avait lu l'avenir dans les runes et qu'"une goutte d'eau était tombée du plafond en plein sur la joue de Zilo" parce que la rune tirée correspondait parfaitement à ses attentes, ses envies, ses besoins et que si son avenir était celui que les dieux nordiques lui prédisait, il serait alors un homme parfaitement accompli. Svan sentit son cœur se serrer de le voir pleurer. C'est terrible parce que même pendant les disputes des huit derniers mois, il était resté un homme dur et ne montrant jamais ses sentiments. Même quand il lui avait asséné qu'elle n'était qu'une connasse sans cœur qui avait brisé le sien de cœur, il n'avait rien montré, visage fermé, mâchoires serrées. Et là, peut-être qu'enfin, lui aussi se sent assez en confiance pour pleurer devant elle.

Cette larme qui roulait était celle du bonheur. Celui qu'ils construisent chaque jour et celui qui s'annonce.
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