Roman.
Quelques heures s'étaient écoulées depuis la grande cavalcade qui avait ému toute la ville (en bien comme en mal, selon si l'opinion tendait à compatir plutôt vers les chevaux ou plutôt vers le maquignon). Roman et Fanette avaient repris leur route, l'Italien juché sur Brume qu'il avait finalement conservée, Fanette oscillant timidement sur sa nouvelle monture, qu'elle n'avait pas encore nommée. Elle se débrouillait très honorablement, bien que Roman pût deviner sans difficulté la tension de son dos qui gardait ses muscles bandés afin d'assurer son équilibre. Il viendrait prochainement un temps où elle saurait se détendre pour se laisser aller plus instinctivement aux mouvements de la croupe et du dos du cheval.
Ils avaient rejoint l'ensemble du petit groupe : Gabriele, Tigist, Lili, Fallone, Aubépine - qu'il avait décidé de nommer Mina, à défaut d'avoir un prénom à lui donner, et Cassia. Le soir venu, chacun s'était installé autour du feu pour partager un repas, puis les marcheurs s'étaient couchés, chacun avec ses préoccupations. Roman, comme probablement son frère gabriele, s'inquiétait pour l'état de santé de leur père blessé, qui ne donnait guère de nouvelles. Il finit cependant par s'assoupir.
À l'aube, il se leva pour remplacer Gabriele dans son tour de garde. Installé sur un tronc d'arbre, l'oeil aux aguets pendant un bon moment, il finit par décider qu'il était temps de profiter du sommeil des autres pour répondre tranquillement à la lettre de Nannou. Il utilisa le côté rigide d'une de ses fontes en cuir pour poser le vélin, et il commença à écrire...
Le jeune homme se relut pour vérifier qu'il n'avait effectivement laissé aucune mention de lieux ou de personnes. Son discours était assez clair à son goût, et honnête. Il n'avait pas besoin de cacher son métier, et il avait décidé d'en informer Fanette dès le début de leur relation, pour qu'elle ne se voile pas la face et qu'elle sache avec qui elle avait décidé de partager sa route... et donc, pour le moment, sa vie.
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Ils avaient rejoint l'ensemble du petit groupe : Gabriele, Tigist, Lili, Fallone, Aubépine - qu'il avait décidé de nommer Mina, à défaut d'avoir un prénom à lui donner, et Cassia. Le soir venu, chacun s'était installé autour du feu pour partager un repas, puis les marcheurs s'étaient couchés, chacun avec ses préoccupations. Roman, comme probablement son frère gabriele, s'inquiétait pour l'état de santé de leur père blessé, qui ne donnait guère de nouvelles. Il finit cependant par s'assoupir.
À l'aube, il se leva pour remplacer Gabriele dans son tour de garde. Installé sur un tronc d'arbre, l'oeil aux aguets pendant un bon moment, il finit par décider qu'il était temps de profiter du sommeil des autres pour répondre tranquillement à la lettre de Nannou. Il utilisa le côté rigide d'une de ses fontes en cuir pour poser le vélin, et il commença à écrire...
Citation:
Dame,
Nous n'avons, hélas, il est vrai, pas pu trouver le temps de discuter lors de notre brève étape commune, notre départ ayant été décidé rapidement. Votre lettre ne m'offusque pas, vous pouvez être directe avec moi. Cela me convient bien mieux que les mensonges, même ceux qu'on appelle mensonges de politesse. On sait ainsi à qui on a à faire.
Il est vrai que je n'ai pas bien rempli mon contrat en tant que garde du corps. Je ne suis pas à l'aise avec ce genre de métier, je m'y sens inutile lorqu'il s'agit de protéger simplement les jupons d'une dame alors qu'elle est déjà entourée de ses amis et que des hommes sont déjà autour d'elles prêts à tirer l'épée pour la défendre. Peut-être maniaient-ils l'épée moins bien que moi, mais ils étaient beaucoup plus proches d'elle que je ne pouvais l'être. Je ne me suis pas senti réellement à ma place : garde du corps n'est pas mon métier.
Ce qui me mène à répondre à votre question : je n'ai pas participé à des pillages avec ma famille ni avec leurs associés, non. Il m'est arrivé de brigander sur les routes, mais peu de fois. Cependant mon métier m'a déjà amené à tuer plusieurs fois. Votre amie le sait depuis le début de notre relation, je puis vous en assurer. Je ne souhaitais pas la laisser dans l'ignorance et dans la naïveté. Je ne me cache guère d'être un assassin. En revanche, il est de mon devoir et de ma sauvegarde de ne pas parler des contrats que j'effectue. Il n'est pas réellement gênant que les gens sachent quel métier j'exerce, mais il est impératif que l'on ne sache pas qui est responsable d'une mort : la vieillesse, la fatalité, le hasard, le malheur, ou moi.
Je suis au service d'une famille influente de mon pays natal. J'effectue des contrats liés à la politique en faveur de cette famille. Vous demandiez dans quelles circonstances j'avais tué : il s'agit bien sûr de discrétion et d'agissements en solitaire, ainsi que de dissimulation. Je ne juge pas nécessaire de vous expliquer mes méthodes.
J'aurais apprécié avoir le temps d'en discuter plus directement avec vous. Je compte sur votre compréhension pour brûler cette lettre une fois lue. Vous noterez qu'elle ne contient de toute façon aucun nom ni mention géographique, au cas où elle soit lue par quelqu'un à qui elle n'était pas destinée.
Sachez que mes courriers pourraient être interceptés, de même que les vôtres à destination de ma personne. Soyez consciente que dans mon métier, nous sommes parfois rivaux, et que si je suis un danger pour certains, je suis une cible pour ceux qui doivent ou souhaitent les protéger.
Recevez mes sincères amitiés.
R.
Dame,
Nous n'avons, hélas, il est vrai, pas pu trouver le temps de discuter lors de notre brève étape commune, notre départ ayant été décidé rapidement. Votre lettre ne m'offusque pas, vous pouvez être directe avec moi. Cela me convient bien mieux que les mensonges, même ceux qu'on appelle mensonges de politesse. On sait ainsi à qui on a à faire.
Il est vrai que je n'ai pas bien rempli mon contrat en tant que garde du corps. Je ne suis pas à l'aise avec ce genre de métier, je m'y sens inutile lorqu'il s'agit de protéger simplement les jupons d'une dame alors qu'elle est déjà entourée de ses amis et que des hommes sont déjà autour d'elles prêts à tirer l'épée pour la défendre. Peut-être maniaient-ils l'épée moins bien que moi, mais ils étaient beaucoup plus proches d'elle que je ne pouvais l'être. Je ne me suis pas senti réellement à ma place : garde du corps n'est pas mon métier.
Ce qui me mène à répondre à votre question : je n'ai pas participé à des pillages avec ma famille ni avec leurs associés, non. Il m'est arrivé de brigander sur les routes, mais peu de fois. Cependant mon métier m'a déjà amené à tuer plusieurs fois. Votre amie le sait depuis le début de notre relation, je puis vous en assurer. Je ne souhaitais pas la laisser dans l'ignorance et dans la naïveté. Je ne me cache guère d'être un assassin. En revanche, il est de mon devoir et de ma sauvegarde de ne pas parler des contrats que j'effectue. Il n'est pas réellement gênant que les gens sachent quel métier j'exerce, mais il est impératif que l'on ne sache pas qui est responsable d'une mort : la vieillesse, la fatalité, le hasard, le malheur, ou moi.
Je suis au service d'une famille influente de mon pays natal. J'effectue des contrats liés à la politique en faveur de cette famille. Vous demandiez dans quelles circonstances j'avais tué : il s'agit bien sûr de discrétion et d'agissements en solitaire, ainsi que de dissimulation. Je ne juge pas nécessaire de vous expliquer mes méthodes.
J'aurais apprécié avoir le temps d'en discuter plus directement avec vous. Je compte sur votre compréhension pour brûler cette lettre une fois lue. Vous noterez qu'elle ne contient de toute façon aucun nom ni mention géographique, au cas où elle soit lue par quelqu'un à qui elle n'était pas destinée.
Sachez que mes courriers pourraient être interceptés, de même que les vôtres à destination de ma personne. Soyez consciente que dans mon métier, nous sommes parfois rivaux, et que si je suis un danger pour certains, je suis une cible pour ceux qui doivent ou souhaitent les protéger.
Recevez mes sincères amitiés.
R.
Le jeune homme se relut pour vérifier qu'il n'avait effectivement laissé aucune mention de lieux ou de personnes. Son discours était assez clair à son goût, et honnête. Il n'avait pas besoin de cacher son métier, et il avait décidé d'en informer Fanette dès le début de leur relation, pour qu'elle ne se voile pas la face et qu'elle sache avec qui elle avait décidé de partager sa route... et donc, pour le moment, sa vie.
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