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[RP] Puisqu'elle a promis...

Dalerand
….Une fois n’était pas coutume, je prenais chambre en une taverne de la ville. Il faut dire aussi que ce n’est certes pas tous les jours que je vais marier ma petite peste blonde de Fanette, plus ronde qu’une barrique d’une fin de vendange pressée en un début d’octobre aux brouillards matinaux.

Pour ce jour, que de recommandations de la teigne culbutée devenue culbuto. Et patati et patata, j’avais l’impression de retrouver sa tante. Ressassant à haute voix les instructions. Molosse assis écoutant avec intérêt chaque mot prononcé.


Et faudra pas faire ceci et pas cela, et pas de confessionnal avec Svan! …

Franchement ! Comme si l’idée m’avait traversée l’esprit…. Quoi que ?

Molosse me regardait penchant la tête de droit et gauche semblant me dire « Pinocchio »


…. Oui ! Bon ! Elle m’a effleurée… Heu…. Oui ! J’y ai pensé ! Voilà !

Je regardais Molosse, sourire en coin. Ce dernier remuait la queue, martelant le sol de grands coups frénétiquement.

Et les sempiternelles préconisations de blondinette.


Faut bien laver derrière les oreilles, les dents et partout sans avoir peur de frotter !

Je vais t’en coller moi du nettoyage, astiquage, décrassage méthodique organisé… Bon j’ai compris mon erreur lorsqu’elle m’a dit.

Le poil et la queue aussi !

Là, je dois avouer, qu’une fraction de seconde au sablier, le temps s’est arrêté, suivi d’un éclat de rire résonnant dans tout l’établissement. L’ingénue enceinte jusqu’aux dents comprenant soudainement mon interprétation, à pivoines ressemblait en sa couleur rouge vif.

Je visais le baquet d’eau tiède que je venais d’utiliser, soupirant qu’un bain par an c’est bien assez suffisant. Là deux cela devenait du luxe ! Celui de l’été sur Nîmes dans l’eau clair de la rivière et sa douceur ensoleillé ne ressemblait en rien aux ablutions présentes.
Mais voir Molosse se jeter de tout son poids dans l’eau savonneuse que je venais d’utiliser et détremper l’intégralité de cette chambre suscitait un sourire en coin non refréné.

Une pensée venait s’égarer en mon esprit malicieux. Je regardais Molosse.


Vas-y !!! Tu peux te faire plaisir et t’ébrouer à souhait, j’espère que c’est Léo machin chose tout mou qui nettoiera le lieu.

Reprenant le fil de mes pensées éparpillées.
Fichtre quel coincé ce Léonirique, non Léontalgique, oui voilà le genre de truc qui vous fait roupiller des heures. Lui qui vous parle du monde sans jamais avoir bougé de sa chaise.

Molosse s’en donnait à cœur joie et contenant vacillant, contenu liquide débordant, j’irradiais lumineux de cette image.


Arf !!! La famille aussi ! Vaste sujet que celui là aussi.
Etre gentil avec Grincheux et le nain mal poli ! Ne pas baffer la teigne ni le chieur de frère etc etc … Plus le temps passait plus ma liste s’allongeait et plus je devais lui faire des promesses sur mon comportement lors de cette journée. Peste soit les filles et leurs exhortations !


Bon, après tout peu m’importe les Corléones, je ne couche pas avec et je ne coucherais pas avec non plus tard, juste le temps qu’il faut et adieu les ennuyeux.
Le seul sujet sensible restait Molosse et l’église car aux dires de l‘engrossée, lui dans le lieu Saint des Saints …Non !!!!

Autant dire que pour moi cela se révèle une véritable indignation. Lui qui a toujours veillé sur elle ne pourrait pas venir l’accompagner devant l’autel. Des nèfles !!! Il viendra !!!

Molosse !!! Oust !!! Tu sors de là et tu vas te sécher sur … le lit !

Joignant à la parole le geste d’un doigt en direction de l’infortunée literie, une masse de muscle s’élançait d’un bond éclaboussant tout en son entourage proche.

Une petite heure après nous étions propres comme neufs, arpentant les rues et ruelles de la cité ….
Victoire.
Svan ne savait pas encore que ce soir, elle n'assisterait pas au mariage de Fanette. Elle devrait faire face à son passé pour construire son avenir. Mais pour le moment, elle laçait la robe de la petite soeur Von Frayner en écoutant Fanette parler de ses doutes à l'approche du grand moment de sa vie.

Tu seras heureuse quand tu arrêteras de vouloir l'épouser pour les mauvaises raisons. Ton enfant ne sera pas bâtard suite à cette cérémonie mais pense à toi aussi. Ne pense à ta réputation, à ce que disent les gens de toi, à ce qu'on pense de vous. Que les autres te voient comme une fille déshonorée d'avoir cédé à un bellâtre italien ou comme une idiote qui ne pourra jamais comprendre la vie dissolue qu'ils ont, tu t'en fiches !

Svan tirait aussi fort qu'elle pouvait sur les lacets. Les deux étaient enceintes et la danoise ne pouvait pas trop forcer sur son dos pour ne pas se faire de nouveau mal et Fanette entrait pile dans la robe. Bien qu'elle se soit tout juste épaissie, la finesse de sa taille n'était plus désormais. Cette transformation, Svan l'avait connue quelques mois avant elle et tout irait très vite à présent. Une semaine de plus et Fanette ne pouvait plus porter la robe. Après les nausées, les vertiges et la fatigue, un regain d'énergie démultipliait tout et aussi les rondeurs !

Épouse-le par amour. Pour toi, pour lui. Pour vous. Pas pour les autres. En plus, tu m'as dit que certaines personnes de sa famille viendraient et qu'ils t'accueillaient à bras ouverts. Tant pis pour les autres ! Tout ce qui compte, c'est votre couple et le petit loir.

Svan se mit à genoux pour ajuster les bas de la robe. Un long silence s'installa tandis qu'elle tournait autour de Fanette pour tirer un peu sur certains pans afin que le début de ventre ne se voit pas trop. Pas par esthétique mais pour que Fanette ne se sente pas mal à l'aise de montrer à toute l'assemblée que le père Corleone avait raison, ils se mariaient pour avoir fauté. C'est alors qu'elle se laissa aller à la confidence. Asseyant Fanette sur une chaise pour commencer à la coiffer, il lui serait plus simple de parler si elle ne voyait pas le regard désolé de son amie.

Plus de six mois plus tôt, elle avait épousé l'homme de sa vie. Celui qui avait planté en elle, un enfant robuste qui avait survécu à une armée. Elle lui raconta alors comment ce jour avait bouleversé sa vie. Comment elle était certainement à cet instant-là, la plus heureuse des femmes. Parce que leur mariage était une évidence. Leur amour indéfectible n'avait pas besoin de preuves devant Dieu pour qu'il les croit faits l'un pour l'autre. Si elle avait voulu se marier, c'était pour le symbole de l'union éternelle. Pour montrer aux autres, qu'ils ne faisaient plus qu'un. Leur complicité aux premiers regards n'avait fait aucun doute. Cela paraissait terriblement niais et cliché mais ce que l'un pensait, l'autre le pensait aussi. Ils avaient les mêmes envies au même moment, ils détestaient les mêmes personnes et en acceptaient d'autres dans leur cercle restreint d'amis. Elle n'alla pas jusqu'à lui dire que sexuellement, on avait atteint la définition même de l'osmose entre deux êtres.


Et quand il glissa l'alliance à mon doigt, je savais que lui et moi ...

C'était pour la vie ? Bah non cocotte, parce que de mari, tu n'en as plus. Il est tu ne sais où avec tu ne sais qui à faire tu ne sais quoi. Tu ne sais pas encore que ce soir, il sera là, il t'empêchera d'aller au mariage de Fanette. Ou alors que tu t'empêcheras d'y aller pour sauver ton mariage, pour que Tartine rencontre son père, pour voir dans ses yeux tout l'amour qu'il te porte encore et toujours et que rien n'a changé entre vous. Non, ça tu ne le sais pas encore et c'est avec les yeux embués que tu regardes l'anneau à ta main gauche et que là, maintenant, tu pourrais crever de son absence.

Profite de cette cérémonie.
Créez-vous votre bulle de bonheur.
La dure réalité du quotidien sera de nouveau là bien assez vite.
Lison_bruyere
Le bedeau appliqué, montait et descendait sur sa corde. Ses pieds, dans un bruit mat, heurtaient le sol dallé à chaque rebond, imprimant le rythme à la cloche qu'il sonnait à la volée, couvrant sans aucun doute le fracas du cœur de Fanette. S'il fallait attendre encore, ses jambes la trahiraient c'est sûr, et ni la main de Leorique posée sur son épaule, ni les doigts de Rose qui s'était discrètement noués aux siens n'y changeraient quelque chose. Puis, la nef résonna encore une fois du dernier écho de l'airain, et le silence se fit de nouveau, simplement troublé des respirations, qui laissaient échapper devant eux les fines volutes de vapeurs, dans le froid pénétrant des vieilles pierres de Saint-Michel-des-lions.

C'était une bien faible clarté qui s'écoulait des trois grands vitraux qui perçaient le chœur juste au-dessous des croisées d'ogives, dispensée par les seules étoiles abandonnées à un ciel sans lune. Restaient dans le sombre édifice enveloppé du linceul de la nuit, les parfums d'encens, et le fumet léger d'une vingtaine de cierges et de deux grands candélabres qui suffisaient à peine à éclairer les abords de l'autel, taillé dans un bois sombre, jusqu'à la première travée. Sur la gauche, une grande croix dressée sur un pied ouvragé retenait quelques lambeaux d'une lumière tremblante, et à ses côtés, la statue de l'archange, recueilli dans ses prières, disparaissait dans l'ombre.
Fanette saisit un peu plus loin, adossée à un pilier, la silhouette rassurante de son oncle, et plantée à ses côtés, celle du molosse sagement assis. Ses lèvres ébauchèrent un sourire en réponse à celui qu'elle devinait sur le visage de l'homme et que dissimulait la pénombre.

Le temps s'étirait, interminablement long, nourri des craintes qui empoignaient son cœur et lui rappelait combien le petit loir blotti aux creux de ses entrailles ajoutait à sa fragilité et sa dépendance. Enfin, la lourde porte s'ouvrit, laissant entrer un Roman dont la sobre tenue contrastait avec l'élégante robe rouge sang de sa cousine qui le suivait de près, précédent elle-même cette sœur dont Fanette avait tant de fois entendu parler, et son époux. Et le tourbillon italien, volubile, congratulant et râlant avec la même énergie, emplit le silence trop pesant de l'instant précédent. Rires, souhaits, remarques désobligeantes, pronostics, promesse de banquet, tout y était passé pour appeler un curé à célébrer ce mariage peu ordinaire, tant que Fanette, suspendue à leurs dires, en avait presque oublié que celui à qui elle allait lier sa vie était trop préoccupé par ses propres démons pour remarquer combien elle avait voulu être jolie pour lui en ce soir d'épousailles.

Même le bedeau avait fini par s'endormir sur son siège, bercé par l'accent italien qui résonnait sous les voûtes, car le curé les avait bel et bien abandonné dans le lieu saint. Somnolent d'avoir trop abusé du vin de messe, ou le ventre tordu par quelques décoctions savamment dosées par le patriarche, allez savoir ... Le secret serait suffisamment bien gardé pour qu'au matin suivant, il ne vienne, peut-être un peu honteux et sans faire d'histoire, officialiser le lien qu'il aurait dû consacrer la veille, distribuant ostie et signant le registre.
Alors, ce soir là, avant que Fanette ne défaille pour de bon, ou que son diable n'aille déloger l'homme de dieu à coups de pieds, c'est la cousine qui avait pris les choses en mains, offrant sous la jolie croix, un simulacre de mariage, façon Corleone, parce qu'ils n'allaient pas décemment attendre toute la nuit, et que la modeste assemblée voulait faire ripaille, rire et s'enivrer.

- Bon, nous sommes réunis ici, ce soir, pour unir dans l'amour et dans la maison du Très Haut Fanette Petersen et Roman di Medici Corleone.

Et la vagabonde, à l'heure de prendre époux tremblait tout à la fois de doutes, d'espoir et d'impatience, cherchant à trouver assurance dans les lichens de l'italien qui restaient sagement rivés sur cette officiante si particulière.

- Roman. Acceptez-vous d'aimer, de protéger, d'être fidèle, gentil, bienveillant et tout ça, envers Fanette, ici présente, de la prendre pour épouse et lui être fidèle jusqu'à la mort? Acceptez-vous de renoncer à votre égoïste liberté, pour la chérir, Roman di Medici Corleone, le voulez-vous ?
- Oui, je le veux.


Un sourire vint étirer les lèvres pâles de la promise, reprenant sans doute un brin de couleur dans le souffle qui lui avait manqué jusque-là.

- Fanette, acceptez-vous de devenir la femme de Roman, ici présent, de le chérir, de l'accepter, de l'aimer, de lui être fidèle, de renoncer à votre égoïste liberté, d'accepter sa famille, ses amies et tout ce qui va avec ? Acceptez vous de laisser Fanette Petersen pour devenir Fanette di Medici ... Corleone ? Fanette Petersen, l'acceptez-vous ?


Tout le monde avait pu noter le blanc de Jeni au moment d'associer le nom qui les rendait tous si fiers et orgueilleux, au prénom de la vagabonde. Elle relayait dans cette hésitation la désapprobation d'une bonne part de cette "famiglia" qui doutait de la légitimité de Fanette à en faire partie.

- Oui, je l'accepte.

La voix chevrotante et sans doute à peine audible était en désaccord parfait avec sa réelle volonté, car elle n'avait jamais voulu que cela, être unie devant le très haut et aux yeux de tous. Bien sûr parce parce qu'elle n'avait jamais encore vibré d'autant d'amour pour un homme, depuis ce soir de la Saint-Jean où elle lui avait cédé son corps inexploré. Mais surtout, parce que depuis l'absence récente qui avait érodé sa confiance, elle voulait un nom pour son enfant, quand bien même déciderait-il de faire d'elle une épouse délaissée, elle ne porterait pas un bâtard.
L'insolite hyménée fut scellé de quelques gorgées d'un nectar italien partagé à même le goulot. Quand Roman l'attira enfin à lui, pour se repaître de sa bouche, venant en recueillir les dernières gouttes, ses doutes s'envolèrent. Les yeux mi-clos, elle savourait la douceur du baiser, et la chaleur de la main, qui, à sa taille, froissait les dentelles. Elle voulait un demain triomphant, où elle ferait de lui un père. N'était-elle pas devenue Fanette di Medici Corleone ?

- Ça y est Roman, t'es content ? Maintenant quand tu te barreras elle se sentira obligée de t'attendre, au lieu de vivre sa vie.

Même les paroles du vieux Corleone, à l'instant présent n'avaient pas su l'atteindre.
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Dalerand
….Et voilà le moment tant espéré de ma peste blonde, les cloches à la volée tintaient, tout le monde retenait souffle et gaz certainement pour le vieux grincheux des Corleone. Enfin que dire de plus si ce n’est qu’ils sont aussi vivants et joyeux qu’un linceul entourant une plaque de fonte.

Arf ! Et ce n’est pas fini, voici le cortège familiale, la smala Italienne avec le volubilis agitatis compulsatif. En gros celui qui s’agite de presque partout en parlant avec les mains.
Regardant sa charmante épouse j’espérais secrètement pour elle qu’il sache agiter d’autres choses que seulement ses mains, sinon cela serait gâcher.

Je regardais Fanette en coin, souriant, Molosse à mes pieds sagement assis, ne perdant pas une seule seconde la protection de Fanette. Le regard, la truffe, les oreilles poilues dressées… Oups non là c’est un Corleone ! Heu…non ! Avec la moustache c’est une Corleone ! Je me trompe toujours Tsssss .

Pfffff incorrigible en mes pensées les plus imaginatives je prenais sur moi de ne pas éclater de rire sous les voutes et arcades du lieu Saint.

Juste un clin d’œil à Fanette en direction du confessionnal, mimant du regard la recherche de Svan pour l’y emmener prier ….évidement !

Le temps passe toujours inexorablement et entre deux prières, bénédictions, je retenais mon souffle lors des vœux et du passage des alliances.

Mille culs d’vaches !!!! Ils ont dit oui !!!! ….
Roman.
Cette cérémonie était censée être le plus beau jour de la vie d'un couple. Enfin, ça, c'est ce qu'en disaient les idiots et les commères, pensait Roman. Et à vrai dire, la distance qu'il avait soudainement entretenue envers Fanette ne faisait que concourir au mauvais pressentiment qui le tenaillait depuis un moment.

Ne faisait-il pas la plus grosse erreur de sa vie, en l'épousant et en la laissant l'épouser lui ? N'était-elle pas trop naïve, trop douce, trop insupportablement adorable ?

Oui, c'était quelque chose comme ça. Insupportablement trop gentille. Et pourtant, ça lui faisait, à lui, un bien monstrueux.

Mais que c'était agaçant !

Mais ça lui rendait la vie plus belle.

Mais franchement, elle ne pourrait pas être un peu moins... un peu plus... non ?

Probablement non. Et elle était enceinte de lui. Et cela, par-dessus tout le reste, avait une importance capitale : il voulait être père, et il voulait qu'elle soit la mère de ses enfants. Il l'imaginait déjà trop bien, le bébé au creux du bras, le visage adouci par l'amour inconditionnel qu'elle porterait à leur progéniture...

Il se passa la main sur le visage. Pourquoi, avec elle, n'était-ce pas aussi facile qu'avec toutes ces filles qu'il charmait pour le plaisir ou pour le boulot ? Pourquoi n'avait-il pas, avec elle, cette absence totale de mauvaise conscience qui lui permettait d'habitude de coucher avec les servantes pour accéder aisément aux chambres des nobles, dignitaires ou généraux qu'il lui fallait assassiner ? Pourquoi, avec elle, ressentait-il cette espèce de culpabilité insupportable qui lui faisait s'en vouloir d'avoir disparu plusieurs jours sans donner de nouvelles, alors qu'il aimait plus que tout sa liberté ?

Tout cela était particulièrement pénible...

Aussi fut-ce un Roman à l'air notablement sérieux qui fit son entrée sous le porche du lieu consacré, avisant le petit public présent d'un oeil qu'il voulut garder neutre. Allons, il fallait officialiser la chose, donner un nom à l'enfant et soulager Fanette de toutes ces mauvaises langues qui lui reprochaient d'être engrossée sans être mariée. Si cela ne l'avait pas dérangée, elle, il se serait pour sa part fort bien passé d'une cérémonie inutile : il était acquis, malgré les récentes circonvolutions de son humeur indécise, qu'elle était sa compagne, sa femme, et la mère de ses enfants. Il n'avait que faire de l'opinion de ce planqué de Christos sur le sujet.

Et en plus, pas de curé à l'horizon. Mais que foutait donc Vera ?

Une soudaine angoisse le prit au ventre : son père ne l'avait quand même pas droguée pour empêcher le mariage ? Il en aurait été capable, par pur esprit de contradiction...

A défaut d'officiant, Roman se demanda comment allait se dérouler ce mariage qui avait déjà l'air d'être bancal... Jenifael se proposa, en sa qualité de noble - Roman n'était pas certain que déclarer un mariage faisait partie des attributions de sa grand-tante - et les déclara, après un discours qui n'avait pas l'air trop anormal, officiellement mari et femme.

À son propre étonnement, il ressentit une certaine satisfaction et un certain soulagement à passer l'anneau au doigt de sa belle, qu'enfin il embrassa, un peu pour se faire pardonner, et beaucoup pour lui montrer que même empêtré dans ses angoisses existentielles, il voulait d'elle à ses côtés.

Et lorsqu'Amalio débarqua et déclara sans ambages sa sentence funeste, le fils n'eut plus qu'à se taire, car les mots de son père faisaient écho à ses propres craintes. Il eut un coup au coeur, une sourde angoisse, mais il n'en montra rien, et lorsque le patriarche repartit, un silence embarrassé retomba sur l'assemblée... Fanette aurait, d'ailleurs, certainement apprécié des félicitations plus agréables que celles-là

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Lison_bruyere
Limoges, le 19 mars 1466

Svan l'avait mise en garde, si elle attendait trop pour écrire à la matrone rochelaise, celle-ci pourrait prendre d'autres engagements, et la future mère devrait se débrouiller sans aide, autre que celle de quelques amies dépourvues des mêmes connaissances. Le fait est que la fauvette avait hésité longtemps, ne sachant trop ce que cela coûterait si la femme acceptait de venir. Il faudrait rembourser sans doute le voyage, l'achat d'une charrette, le paiement d'une escorte, la loger la nourrir, et payer le prix demandé pour sa prestation, ses soins, et tout le matériel qui lui serait nécessaire, poudre de hase, herbes diverses, enfin toutes ses choses qui étaient bien étrangères à la jeune femme.

Roman n'était pas dans le besoin, loin de là, et quelles que soient les sommes à débourser, il assurait toujours qu'il paierait, mais il n'était pas rentré encore, et voilà plus de cinq semaines qu'elle était sans nouvelles de lui. Qui sait s'il serait de retour pour la naissance de son enfant, qui sait même s'il serait un jour de retour ?

Fanette ne pouvait plus attendre, Svan avait raison. Il lui fallait écrire, elle tâcherait de trouver une solution. Elle ne doutait pas que Melissandre accepterait de payer les talents de la grosse femme, mais, oserait-elle demander une telle chose ?
Elle chassa ses questions d'un soupir et sortit de quoi écrire. Une chose après l'autre, il serait temps de trouver une solution le moment venu, et puis, qui dit que la Joséphine accepterait de venir. Rien n'était moins sûr.





De Fanette di Medici Corleone
à Joséphine, matrone de la Rochelle

Ma dame,

Vous souvenez-vous de moi ? Vous êtes venue m'examiner au mois de janvier, à l'auberge de la fine bulle, dans la ville de la Rochelle. J'étais grosse de cinq mois et je saignais anormalement.
Comme vous l'avez dit alors, tout est rentré dans l'ordre et mon époux m'a ramené chez nous, à Limoges. Dame Joséphine, il n'y a pas de matrone ici. Le seul nom qu'on ait pu me donner est celui d'un homme, mais je refuse qu'un homme, fût-il médecin m'aide à mettre au monde mon enfant, et celui-ci plus encore qu'aucun autre.

Accepteriez-vous de venir jusqu'à Limoges. Il est évident que vos frais vous serez payés, en plus de votre savoir-faire, dont vous me ferez connaître le montant. Je loge dans une auberge, au 2 rues des godets, dans le quartier de l'Abbessaille. Je pourrais vous y réserver la meilleure chambre, et les convives qui viennent y prendre leurs repas disent que la soupe est bonne.

Ma dame, acceptez, je vous en prie. Je ne veux pas avoir enduré tout cela pour risquer de perdre mon enfant le jour de sa naissance, faute d'avoir été accompagnée dans cette épreuve. Ou, à défaut, peut-être saurez-vous me donner le nom d'une de vos comparses, plus près de chez moi.

Bien à vous
Fanette di Medici Corleone

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La_josephine
La Rochelle, une semaine plus tard

Pfffffff …

Voilà. Elle en a sa claque la Jo des gamins. Déjà que les siens, elle ne les aimait pas bien mais alors ceux des autres … Accoucher. Voilà bien sa veine que le seul don que le Très-Haut lui ait donné soit de mettre au monde des chiards. Et encore une qui a besoin de son aide. Voyager, ce n’était pas non plus le plus gros kif de Joséphine. Mais là, c’était Limoges. Limoges, ce sont les nobles avec leurs belles robes, leurs hommes jeunes et musclés et leurs jolies parures. Et si Joséphine ne pouvait pas prétendre à tout cela, elle pourrait avoir au moins le plaisir des yeux. Et puis, quelques jours loin de son mari ne pourrait que leur faire du bien. Le printemps, ça le rend fou. Et fort heureusement que la matrone n’est plus féconde sinon elle serait déjà enceinte. Et ça la fatigue ce genre de choses … La conception, c’est presque pire que l’accouchement ! Du moins avec celui-là.

Elle se décide donc à écrire à la petite qu’elle avait rassurée, il y a quelques mois à la Rochelle.





De Joséphine Rougemont
A Fanette di Medici Corleone

Je me souviens.

Voici mes conditions. J’arrive deux semaines avant le terme et je reste une semaine après l’accouchement pour assurer les soins à la mère et à l’enfant. Je suis bien entendu nourrie et logée. Je prends 5 écus par jour en plus des repas et du logement pendant les deux semaines avant et 10 par jour pendant la semaine qui suit. L’accouchement sera facturé selon les difficultés rencontrées. Je vous préciserai le coût exact de chaque acte si vous le souhaitez. Je ne rembourse pas si la mère et/ou l’enfant meurt. J’exige qu’aucun homme ne vienne dans la salle de travail et j’apporterai mes propres plantes que je facturerai en sus. Une escorte doit m’accompagner à l’aller comme au retour depuis et jusqu’à chez moi à la Rochelle.

Si vous acceptez ces conditions, j’attends donc par retour de coursier la date de vos dernières menstrues pour calculer la date de votre accouchement. Je vous ferai alors parvenir un contrat nous liant, la tarification de tout ce que je vais vous facturer et le nom des personnes qui m’escorteront jusqu’à chez vous.

Joséphine Rougemont

PS : Si vous préférez une matrone plus proche, moins chère et sûrement moins compétente, il y a une certaine Andaine par chez vous qui exerce.


Joséphine ajoute le post-scriptum pour permettre à la petite de trouver quelqu’un d’autre au cas où. Elle sait que ses tarifs sont élevés mais elle est la meilleure. Et la meilleure, ça se paye. Bah oui, les gars, ils veulent tous tirer leur coup mais quand il faut assumer un gosse et en plus payer pour que la mère ne décède pas dans d’affreuses souffrances, ça fait la fine bouche et ça pinaille pour deux écus. Si ça les amuse de changer de bonnes femmes tous les deux ans après tout …
Lison_bruyere
Limoges, le 28 mars 1466

Si elle n'était pas en possession de la somme exigée par Joséphine Rougemont, Fanette n'allait pas manquer d'argent. En l'absence de Roman, Guise avait proposé de s'acquitter des frais de la matrone. Svan, quant à elle, avait assuré qu'elle paierait, et s'il en était encore besoin, elle était bien certaine que Melissandre l'aiderait, pour peu qu'elle ose le demander.
Mais Roman était rentré, et Fanette ne voulait accepter d'aide de quiconque autre que lui. Il était son époux, et le père de l'enfant à naître, et l'argent pour lui, n'était pas un problème. Il était toujours grassement rémunéré par ses funestes missions.

Alors la veille au soir, elle attendait son avis avant de retourner par courrier sa réponse à la Jo. Quelques jours plus tôt, l'Italien s'était agacé que la femme fasse monter les enchères. Il n'était pas loin de l'envoyer se faire voir, pour faire venir à la place, de Florence, l'une de ses tantes. Mais finalement, il semblait ce soir-là mieux disposé.

- Négocions un peu. Dis-lui que les plantes ne seront pas en supplément, son salaire y suffira bien.

C'est que Fanette n'était pas très douée pour le marchandage. Elle aurait laissé ce soin à Roman, mais, il pensait à juste raison, que ces choses-là étaient affaires de femmes. Alors, devant les hésitations de son épouse, il avait donc consenti à accepter les conditions exigées par la matrone.

Au matin, réponse fut donc confiée au grouillot postal, à destination de la Rochelle.




De Fanette di Medici Corleone
à Joséphine Rougemont.


Ma dame,

Par cette lettre je vous informe que nous sommes d'accord avec vos conditions. Concernant les simples dont vous aurez besoin, Est-il utile de vous préciser que mon époux est médecin et que nous possédons ici déjà beaucoup d'herbes et de potions. Vous n'aurez peut-être pas nécessité de trop vous charger.

Pour la question que vous posez, je suis un peu ennuyée. Je n'ai pas de souvenir de la date exacte. Je me rappelle que c'était dans le courant du mois de juillet, et pas dans les dix derniers jours.
Un médecin alors m'avait dit que la naissance aurait lieu au tout début de mai, mais sans certitude.
J'espère que cela vous suffira pour savoir quand vous devrez venir.

Je ferai parvenir par retour du contrat que vous devez me renvoyer, une bourse de soixante écus, pour quelque avance de frais.
Votre chambre sera réservée à l'auberge sise au 2, rue des godets, dans le quartier de l'Abbessaille, à Limoges. L'enseigne donne pour nom : "il lupo e l'uccellino".
Je vous y attendrai ensuite à la date qui vous semblera raisonnable.

Bien à vous
Fanette

_________________
La_josephine
Je vais à Limoges pour trois semaines.

La sentence était tombée. Le mari se retrouverait seul avec les petits derniers à assumer. Des vacances pour la Jo cet accouchement loin de son Poitou. Si son corps massif le lui avait permis, elle en aurait trépigné d'impatience.

Elle répond à la petite qui acceptait les conditions. Vu comme elle était la pauvrette quand elle l'avait rencontrée, elle ne lui avait pas fait payer la consultation de nuit et elle ne lui faisait pas payer le prix fort. Surtout qu'à première vue, le radin qui l'avait engrossée refusait déjà de payer pour des plantes. Ils n'assumeront donc jamais ...

Elle prit plume, encre et vélin pour répondre cette fois-ci plus longuement.




De Joséphine Rougemont
A Fanette di Medici Corleone


Vous trouverez joint à cette lettre le total des sommes à me verser. Je vous ai détaillé le coût de chaque acte que j’effectuerai. En annexe, je vous joins le coût des actes qui pourraient être nécessaires de faire si l’accouchement ne se passe pas aussi bien qu’il le devrait. Si vraiment, vous préférez utiliser les plantes de votre époux, je vous donnerai également une liste complète de ce que j’utilise. Il me les faudra dès mon arrivée pour que je puisse composer mes mélanges moi-même. Ne voyez pas là un manque de confiance dans le professionnalisme de votre époux mais ce sont des recettes mises au point de longue date et les secrets des ventrières ne se transmettent qu’entre elles.

Les honoraires pour l’accouchement correspondent à une présence totale à vos côtés pendant tout le temps de l’expulsion, ainsi que tous les actes nécessaires au bon déroulement de la naissance. Les honoraires pour la semaine post accouchement correspondent à deux soins et/ou examens par jour pour la mère et l’enfant ainsi que des conseils si besoin pour la tétée ou les langes ou toute autre question en rapport avec la maternité.

Je vous laisse également le soin de trouver le lieu adéquat pour votre accouchement. Un endroit à l’abri des regards, sec, nettoyé et où on peut faire chauffer de l’eau donc au rez-de-chaussée pour éviter de devoir monter des seaux en étage. Je ne veux pas plus de trois personnes autour de vous. Si possible des femmes ayant déjà donné naissance. Pas d’hommes. Pas d’émotives. Pas de voyeuses. Des personnes de confiance et aux nerfs solides. Il faudra également des linges propres en quantité, un baquet, un lit, des chaises en nombre suffisant. D’autres choses seront utiles mais facilement disponibles surtout dans une capitale telle que Limoges, nous les réunirons ensemble, cela fera votre marche de la journée. N’oubliez pas de bouger autant que vous le pouvez. Même quelques minutes pour détendre vos muscles. Même si cela vous paraît douloureux, si votre dos, votre bassin, vos jambes souffrent, ne pas bouger peut paraître la meilleure chose à faire sur le moment mais vous souffrirez encore plus par la suite.

Je vous prierai donc de me renvoyer les devis signés par vous et votre époux. Dans le cas où vous mourriez, il ne pourrait pas nier l’existence de ce contrat pour échapper au paiement de mes honoraires.

Selon vos dires, vous entrez donc dans votre dernier mois. Je souhaite être là deux semaines avant comme je vous le disais. Disons pour le 18 avril au plus tard. Après réception du contrat d’honoraires signés, j’attendrai donc votre escorte pour arriver à Limoges à cette date.

Bien à vous.

Joséphine Rougemont




A renvoyer signé pour accord au plus tard le 10 avril 1466.

Date d’arrivée prévue : 18 avril
Date d’accouchement approximative : 5 mai

Matériel médical apporté par mes soins.
Matériel de confort, huiles, potions : à acheter sur place.

Honoraires dans le cas d’un accouchement normal :

Journée avant l’accouchement avec un examen par jour : 5 écus par jour
Semaine après l’accouchement avec deux soins par jour : 70 écus la semaine
Accouchement de moins de douze heures : 20 écus
Accouchement de douze à vingt-quatre heures : 30 écus
Accouchement supérieur à une journée : 40 écus
Préparation pour le mélange des herbes : 7 écus


Si difficultés :

Enfant mort qu’il faut extraire : 25 écus
Mère morte qu’il faut ouvrir pour sauver l’enfant : 20 écus
Accouchement par le siège : 10 écus
Cordon ombilical qui empêche l’expulsion : 10 écus
Hémorragie après accouchement : 5 écus
Déchirure à recoudre : 5 écus
Fièvre après l’accouchement : 10 écus par jour après la première semaine jusqu’à ce que la mère soit remise ou morte.
Lison_bruyere
Elle tournait et retournait le courrier reçu du matin, de la Rochelle. Il n'y avait pas lieu de s'effarer, Joséphine Rougemont énumérait simplement la liste des actes possible et le prix s'y rapportant afin que le couple ait une idée précise de l'argent qu'il devrait débourser pour ses services. Cependant, de nombreuses phrases avaient ravivé ses craintes. La ventrière exigeait que le fameux contrat soit signé de la main de Roman, ainsi, il s'engageait à lui verser son salaire, même si enfant et épouse mouraient au cours de l'accouchement ou dans les jours suivants. Elle détaillait ensuite tous les frais supplémentaires, pour chaque complication qui pourrait survenir. Bien sûr, la fauvette se doutait que ces choses-là arrivaient parfois, mais les voir ainsi couchées dans l'encre les rendaient bien plus réelles. Et, déjà qu'elle était bêtement persuadée de ne pas survivre à cette naissance... Elle apposa malgré tout sa signature au bas de la page. Il n'en manquait plus qu'une.

Quand le soir lui ramena son diable, elle déposa devant lui un grand verre d'un vin fraîchement tiré d'une des bouteilles qu'il avait ramenées quelques jours plus tôt. Puis, elle glissa à côté de lui le contrat de la Rougemont. A travers les volutes parfumées d'une infusion, elle observait sa réaction. Sa mâchoire s'était imperceptiblement crispée, tandis qu'un regard froid parcourait les lignes. Fanette ne pipait mot, et elle sentait bien que ces échanges l'agaçaient. S'il ne tenait qu'à lui, il aurait envoyé paître la ventrière et se serait lui-même chargé de faire naître son enfant. Il l'avait déjà fait, en Italie, auprès d'une tante accoucheuse qui avait tenu, bien que cela ne soit pas très ordinaire, à lui enseigner ce savoir. Il l'avait également aidé son père à mettre au monde un enfant, ici, dans cette ville de Limoges, presque un an plus tôt.

Mais Fanette, malgré toute la confiance qu'elle lui portait, s'entêtait depuis le début à refuser son aide, voulant ne s'en remettre qu'à une femme pour l'aider à passer cette épreuve. Et l'Italien n'avait pas su la contredire. Alors, adoucissant l'expression sévère de ses traits d'un sourire destiné à la rassurer, il acquiesça d'un « bene ! » et posa son paraphe au bas du contrat. Son souffle était resté suspendu aux gestes du Corleone, et quand la plume crissa enfin sur le parchemin, elle enroula un bras à son cou et vint poser avec tendresse un baiser au coin de ses lèvres. Pour autant, elle ne s'était départie de son air soucieux, et face à elle, les lichens Italiens brûlaient d'une lueur interrogative.

- Tu as bien lu jusqu'au bout Roman. Si je ne veux pas que tu sois présent quand ton enfant verra le jour, pour tout ce qui risque de se passer après, je préférerais que ce soit toi.


Le nez légèrement plissé, le coin de sa lèvre inférieure discrètement pincée entre les dents, et le regard pailleté d'or, comme à chaque fois qu'une émotion s'emparait d'elle, elle affichait cette petite moue incertaine qui la trahissait immanquablement quand elle omettait de dire le fond de sa pensée. Mais il eut beau l'envelopper de ses bras, et poser ses lèvres à son front, elle se tut. Etait-il encore utile de dire combien elle était effrayée, et combien elle avait peur de mourir avant même de voir le visage de son enfant, avant de lire dans les yeux de son père la fierté qui serait sienne quand il le tiendrait pour la première fois dans ses bras. Il savait, alors, elle se contenta de fermer les yeux en s'abandonnant un instant à sa réconfortante étreinte.

Ce n'est que plus tard, quand il se fut détaché d'elle, qu'elle reprit plume et vélin pour renvoyer le dernier courrier à la matrone, précisant le retour du contrat signé, mais aussi les menus détails, comme les noms des deux jeunes femmes qui se chargeraient de l'escorte.
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Lison_bruyere
Limoges, le 11 avril 1466

Entre chien et loup, l'heure doucement étendait son voile d'ombre sur Limoges. Les oiseaux s'étaient tus, cédant leurs places aux bruits de la nuit, et dans la campagne environnante, bientôt, les prédateurs nocturnes reprendraient leurs chasses, tandis que d'autres, vêtus de sombre, trouveraient leurs victimes aux venelles étroites des cités. Quelques brins de jour accrochaient le halo tremblant des chandelles et trouvaient reflet dans l'éclat rêveur d'un regard.

Fanette, dos inconfortable calé dans des coussins, deux mains caressantes tendrement posées sur son ventre, imaginait demain en chantonnant une berceuse. L'enfançon blotti sous son nombril prenait toutes ses aises, et tout son souffle, attisant plus encore l'impatience de cette mère en devenir. Si elle avait cherché à se réconcilier avec le Très Haut, c'était pour lui, et sans doute aussi parce qu'elle craignait tant, en lui donnant la vie, d'y perdre la sienne. Mais ce jourd'hui, rêvassant dans la salle commune encore déserte, elle était apaisée.

Elle voulait croire que tout irait bien, au moins pour son petit loir, parce qu'une matrone aguerrie s'apprêtait à faire un voyage d'une cinquantaine de lieues pour l'accueillir dans ce monde. Parce qu'une Nonna saluerait son premier cri par un sourire débordant de tendresse. Parce qu'une sœur veillerait sur eux, épaulée de l'amitié bienveillante de deux autres mères. Et parce que même si son diable avait promis d'attendre dans la pièce à côté, il ne laisserait pas un malheur s’abattre.

Ses lèvres ébauchaient un sourire sur l'image d'un enfant du sud, jouant à l'ombre d'un olivier, dans une cour ensoleillée. Ses doigts se firent plus pressants, sentant un relief se dessiner sous l'étoffe de sa robe comme elle arrêtait de chantonner.

- Entends-tu ma voix quand je chante, et celle de ton père quand il murmure à mon flanc ? Sais-tu ressentir mon bonheur à chaque fois que je t'imagine ?

Et sous sa main, doucement, s'esquissait un autre mouvement, éclairant le visage fatigué d'un sourire plus tendre encore.
Fanette languissait de rencontrer cet enfant qu'elle portait depuis presque neuf mois et qui avait partagé avec elle tant d'épreuves.

- Qui es-tu mon tout petit ?


Anna Lucia ... c'était un joli prénom sur lequel Roman et elle étaient tout de suite tombés d'accord. Il chantait à l'oreille, comme le chuchotement d'une fontaine, dans la cour abritée de hauts murs tissés de lierre et de jasmin, que l'Italien achèterait un jour, pour eux, à Florence. Mais si cet enfant voulait naître aventurier, alors la jeune mère avait décidé que le fils porterait le prénom de son grand-père à la suite du sien. Lorenzo Amalio. Elle ignorait si tel était encore le choix de son époux, mais il était le sien à présent.

- J'ai promis de ne rien dire mon enfant, mais à toi, je le puis je crois. Ce sera un secret, entre toi, tua Nonna et moi mon tout petit, notre secret.

Et elle susurra d'une voix audible de lui seul ce merci qu'elle ne pouvait donner autrement qu'en posant un nom à la suite d'un autre, pour que, quand bien des années se seraient écoulés, un sang plus jeune fasse encore vivre le souvenir du patriarche. Le secret que lui avait révélé au soir précédent la mère de son diable l'avait touchée, sans doute plus que de mesure.

Le padre Corleone avait écrit aux Medici de Florence pour reprendre à son compte les contrats de Roman. S'il s'était gardé de lui dire, il donnait ainsi la possibilité à son fils de n'avoir plus à repartir pour de sombres missions jusqu'à devenir père à son tour. Fanette se doutait bien qu'il n'avait pas fait cela pour elle. Elle gardait en mémoire ce douloureux soir d'octobre où elle s'était efforcée de ravaler ses larmes aux propos qu'il lui avait tenus. Elle ne serait jamais pour lui qu'une agnelle née de la dernière pluie, dont l'innocence se briserait à la cruauté du loup dont elle était éprise. Il ignorait sans doute qu'elle l'était déjà, depuis une terrible nuit d'août, quand elle l'avait surpris à égorger un diplomate alors qu'une blessure entamait son flanc, et combien il l'avait déjà entraîné dans ses ténèbres quand elle avait souillé ses mains du sang d'un garde pour épargner sa vie. Elle n'avait rien oublié non plus des félicitations qu'il leur avait adressées au soir de leur mariage, avant de s'enfuir en claquant une porte. Et depuis ce jour, elle pensait que jamais, le vieux Corleone ne saurait accepter cette union, ni se réjouir de savoir son fils heureux.

Elle s'était trompée, elle réalisait soudain combien, dans ce généreux geste d'amour pour son fils, Amalio Corleone se montrait clément envers un enfançon, et une mère en devenir, et une bouffée de reconnaissance vint baigner ses cils de larmes qu'elle s'empressa d'essuyer d'un revers de manche.

- Je n'en révélerai rien Joanne, avait-elle affirmé, ni à Roman, ni au sieur Corleone, mais j'aurai toujours un regret, celui de ne pouvoir le remercier.

Elle le remercierait, à sa manière et sans qu'il n'en sache rien, car il penserait sans doute que l'idée ne pouvait être que de son fils, mais si l'enfant blotti contre sa main était un garçon, il s'appellerait Lorenzo Amalio.
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Lison_bruyere
Emotivité, subst. Fém. : Aptitude à s'émouvoir facilement, à réagir trop vivement aux stimuli même très faibles,
caractérisée aussi par une insuffisance de l'inhibition, une incapacité à s'adapter aux situations nouvelles, imprévues.



Limoges, le 19 avril 1466

Si la grossesse rendait plus sensible ou plus vulnérable, peut-être que Fanette était grosse depuis son enfance, elle qui toujours avait su se régaler de ses doigts glissant dans les fougères, s'émerveiller d'un vol d'étourneaux, rire du vent ou s'émouvoir d'un simple souvenir. Mais quand deux soirs plus tôt, elle lisait le courrier de Mary, son regard, crocheté à une phrase, s'était empli de larmes jusqu'à s'en brûler ses yeux.

"Je préfère que ça soit lui qui crève, et pas toi comme il le dit !"

Alors Svan l'avait vu, impuissante, se replier dans sa chambre, le visage inondé de pleurs, traçant sur ses joues d'amers sillons de sel. La Danoise s'était approprié le vélin que la main tremblante d'incompréhension avait lâché, et elle avait évoqué le chagrin de la fauvette et le courrier de l'Irlandaise à la mère de Roman.

Alors la veille, quand la madre avait assuré qu'elle en parlerait à son fils, voir au patriarche, la future mère avait secoué la tête, se refusant à être la raison d'une brouille, au prétexte que celui qui souhaitait la voir crever était l'aîné de la fratrie Corleone.

- C'est de ma faute Joanne, ce ne sont que des mots, je n'ai qu'à apprendre à y faire moins attention. C'est sans importance.

L'était-ce réellement ? Et pourquoi avaient-ils autant touché la jeune femme ? Elle avait beau tourner et retourner sans cesse le cinglant souhait de Gabriele, elle n'avait fini par le comprendre qu'au retour de Mary.

- Il dit que t'es pas de sa famille, que ça se mérite par le sang et les actes, et qu'il préférerait que tu crèves.

Les rats crevaient, les chiens parfois, mais les hommes eux, mouraient. Elle ne trouvait aucune raison qui pouvait lui faire mériter à ce point la morgue insolente du frère aîné, et même s'il ne l'appréciait pas, la sentence semblait disproportionnée, quand bien même portait elle, par un simple mariage, ce nom qui le bouffait d'orgueil. En attendant, elle avait souillé ses mains du sang d'un garde qu'elle avait tué avant qu'il n'achève son Italien. Elle se demanda, un peu amère, si ce sang et cet acte qui la rongeait de culpabilité lui permettaient de mériter sa place. Peut-être que Gabriele avait appris son geste, et lui en voulait plus encore de cela, quand sa propre épouse avait trahi le clan.

Mais surtout, ce cruel vœu l'avait ramenée à sa crainte de perdre la vie, quand viendrait l'heure de mettre au monde l'enfant de Roman.
Fanette pouvait se répéter que tout irait bien, qu'elle était en bonne santé, que la matrone était aguerrie, et que, s'il en était encore besoin, son diable et le vieux Corleone connaissaient la médecine et ne seraient pas très loin. Elle était terrifiée. Bien sûr, elle n'en disait plus rien, tant la peur irraisonnée qui la tenait lui semblait ridicule. Mais plus l'échéance approchait, plus son angoisse grandissait.

Alors elle pleurait encore.
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Lison_bruyere
Limoges, le 27 avril 1466

Le printemps semblait définitivement installé, chassant les dernières plaques de neige, même au sol des venelles exiguës que jamais le soleil n'effleurait. L'herbe reverdissait, aux berges des rivières comme sur les collines voisines, et partout, le bois nu de l'hiver se parait de frondaisons vert tendre. Les fauvettes étaient revenues prendre leur quartier d'été dans les taillis qui bordaient le fleuve. Bien plus que le chant des autres oiseaux, c'est celui de ces farouches petits passereaux que préférait Fanette. Alors, chaque matin, s'appliquant à suivre les conseils de la Rougemont, elle s'octroyait une promenade, accompagnée du chien de Yohanna, et depuis peu, de celui de son oncle, pour aller les écouter. Devant elle, les deux dogues folâtraient, se coursant parfois pour un morceau de bois, ou se liguant contre quelque gibier, l'un reflet parfait de l'autre à tel point qu'on aurait pu les croire nés d'une même portée.

Ce jourd'hui cependant, aussitôt levée, Fanette ressentait déjà une lassitude plus vive qu'à l'accoutumée. Depuis la veille au soir, les petites manifestations de son ventre, que Josephine disait normales, s'étaient multipliées, la réveillant plusieurs fois au cours de la nuit, comme si son dos douloureux ne suffisait pas déjà bien assez à l'empêcher de trouver le sommeil. Aussi, elle avait laissé le chien filer seul, se contentant de lui ouvrir la porte, puis s'était affairée, un peu plus lentement qu'à l'ordinaire, à nettoyer les tables et la vaisselle. Le désordre témoignait de l'ambiance festive qui avait animé la veille au soir la salle commune à présent déserte. Déjà, le clocher de la cathédrale toute proche égrenait les neuf coups de none, sans que la jeune femme, tout à ses efforts ne voit passer le début de l'après-midi.

Elle s'appliquait, en maugréant après son dos, à remettre les tables en place, les chaises soigneusement alignées autour, quand une pointe un peu plus vive que les autres vint irradier ses reins. Elle y plaqua vigoureusement ses deux mains et écarta une chaise pour s'y poser, reprenant son souffle quand la douleur s'était effacée. Fanette n'osait plus bouger, se contraignant à l'immobilité, guettant à nouveau un mal qui ne venait pas. Alors, rassurée, elle balaya la salle d'un regard satisfait. Tout était à peu près en ordre pour les convives du soir. Maintenant une main au bas de son dos, l'autre s’agrippait au rebord de la table pour l'aider à se remettre debout. Elle n'eut le temps de s'avancer que de quelques pas vers la pièce adjacente, qu'elle sentit un liquide tiède couler soudainement entre ses cuisses et inonder ses chausses. Baissant les yeux sur le sol, elle fut prise d'un excès de panique. Ses deux mains se portèrent immédiatement sur son ventre, elle chancela, tandis qu'une autre douleur venait de nouveau s'emparer de ses entrailles.

Elle tourna la tête affolée vers la porte d'entrée, hésitant sur la marche à suivre. Le petit loir ne pouvait pas décider de venir à présent. Elle, qui était toujours entourée se trouvait bien trop seule en l'instant pour faire face. Elle rebroussa chemin vers la salle commune, espérant gagner la porte pour ameuter de l'aide dans la rue. S'appuyant au mur, le dos voûté sur la souffrance qui commençait à relâcher son ventre, elle le soutenait de sa main libre et tremblante. Mais ses jambes, sous l'effet de la peur sans doute, menaçaient de se dérober sous elle. Elle s'immobilisa finalement, à hauteur du comptoir de bois, n'osant plus bouger de crainte de réveiller une autre contraction et se laissa lentement glisser le long du mur.
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Alienor.
Encore une belle matinée de printemps qui s'annonce. Blottie contre son époux, Aliénor ouvre les yeux, s'étire et regarde son homme. Il dort encore du sommeil du juste. Délicatement, elle sort du lit, enfile ses vêtements et sort sur la pointe des pieds de la chambre. Elle le laisse dormir car bientôt, dès leur retour à la Rochelle, il reprendrait son travail titanesque.
D'un pas allègre, elle descend l'escalier pour aller comme chaque matin déguster son petit déjeuner préparé par la maîtresse des lieux, lui sourit et sort se promener comme elle a l'habitude de le faire. Toutefois, elle remarque son air encore plus fatigué qu'à l'accoutumée et se promet de rentrer tôt. Et c'est ce qu'elle ne fait pas. Tout occupée à admirer la nature, à dorer sa peau au soleil si chaud du début de printemps, à contempler les fleurs, les coccinelles qu' elle en oublie l'heure et c'est en courant qu'elle rejoint l'auberge. Elle ouvre la porte et s'apprête à appeler Fanette quand elle la voit assise sur le sol contre un mur. Ses pieds mouillés permettent à Aliénor de réaliser la situation. Elle s'approche d'elle et l'aide à se relever, doucement, lentement.


Tout va bien Fanette. Tu as juste perdu les eaux. Nous avons le temps avant que le bébé n'arrive. Nous allons aller jusqu'à tes appartements et appeler Joséphine. D'accord?
Lison_bruyere
Elle accueillit Aliénor avec soulagement, acceptant son aide, pour doucement se remettre debout. La douleur l'avait relâchée, mais la fauvette craignait qu'en bougeant, de nouveau elle ne revienne. Les quelques contractions qu'elle venait d'avoir n'étaient en rien comparables à celles ressenties depuis quelques jours déjà, qui, plus que douloureuses, la mettaient surtout dans une situation d'inconfort. Un instant, l'idée lui traversa le crâne que, si elle ne bougeait plus, il ne se passerait rien. Alors, elle mesurait ses pas, appuyée largement sur l'épaule de la Nauériels qui la soutenait, en une vaine tentative pour rendormir l'enfant qui s'annonçait.

Même la voix calme et maîtrisée d'Aliénor ne parvenait à calmer le fracas de son cœur. Bien sûr, Fanette n'était pas d'accord. Depuis l'instant où elle s'était su grosse, la peur irraisonnée de mourir en couches s'était insinuée sournoisement dans son esprit ... comme sa mère ... au même âge que sa mère... Après tout, ces choses-là arrivaient encore trop souvent. Elle s'était parfois résignée à cette idée, espérant que l'enfant de Roman pourrait être sauvé. Et bien heureusement, la présence bienveillante de tout son entourage avait fini par la rassurer, jusqu'au funeste souhait de Gabriele, qui, huit jours plus tôt, l'avait renvoyée à sa crainte de perdre la vie.

Alors, elle s'était laissée guider jusqu'au fauteuil où Aliénor l'avait calée soigneusement dans quelques coussins, tout en la berçant de paroles rassurantes. Elle allait s'en retourner, mais les doigts fins de la fauvette s'étaient refermés sur le poignet de la brune. Son regard, d'inquiet, venait de se faire suppliant.

- Je ne veux pas Aliénor. Je ne peux pas ... pas sans Svan. Vous avez dit que nous avions le temps, vous allez me la ramener, n'est-ce pas ? La maman de Roman aussi, il faut la prévenir.

Elle hésita un instant, persistant à agripper la chair. Si elle devait crever, Fanette voulait une dernière fois glisser ses yeux dans les lichens de son diable, emporter avec elle la douceur d'une bouche, mêlée à la sienne. L'idée ébaucha à ses lèvres un discret sourire.

- Aliénor, je vous en prie, trouvez Roman.

Et quand la femme s'était empressée de sortir, promettant de faire au plus vite, une nouvelle douleur venait tordre les entrailles de la parturiente.
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