Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4, 5, 6, ..., 8, 9, 10   >   >>

[RP] Puisqu'elle a promis...

Alienor.
Fanette installée aussi confortablement que possible, Aliénor commence à s'éloigner mais la main de la future mère la retient. Elle la regarde et lit dans son regard une inquiétude immense. Cette inquiétude, Alie l'avait ressenti lors de la naissance d'Océane alors qu'elle était seule sur les routes entre Rieux et Saint Brieuc. Personne pour l'aider et elle était dans un tel état de désespérance.... Mais elle s'en était sortie. Elles étaient toutes deux vivantes! Aliénor ne pouvait plus porter d'enfants et Océane ne pouvait se porter elle-même mais elles étaient en vie et Fanette s'en sortirait. Elle plongea son regard dans le sien et murmura:

Fanette...ayez confiance dans le Très-Haut. Vous n'êtes pas seule, vous ne serez pas seule. Nous sommes là.

Et elle s'esquiva pour remplir ces missions. Elle happa un jeune garçon qui passait et lui dit:

Rentre, et tu iras porter ces trois messages s'il te plaît.

Rapidement, elle griffonna deux mots succincts, le même pour Joanne et Svan:



Le travail pour Fanette a commencé. Venez dès que vous pouvez!


Puis un mot plus long pour Roman:



Roman,

Bientôt vous serez père! Fanette a besoin de vous, de votre présence. Elle a peur, et elle a besoin que vous la rassuriez. Personne ne pourra avoir l'effet que vous purrez avoir sur Fanette. Elle vous a donné sa confiance aveugle, venez lui dire que vous avez confiance aussi!
Nous vous attendons!
Aliénor.


Les trois plis furent scellés et donnés au jeune garçon qui partit en courant accomplir sa mission et la bretonne rejoignit la jeune femme en souffrances.
Elle savait qu'il allait falloir qu'elle déploie des trésors d'ingéniosité pour la distraire en attendant que le travail commence sérieusement, afin de la détendre, de l'occuper, de l'apaiser.


Voilà Fanette! Et si vous me disiez où je peux trouver les vêtements pour le bébé? des draps propres? on va sortir tout ça en attendant. Et puis sûrement qu'il faudra vous faire chauffer de l'eau. Mais j'ai besoin que vous me disiez où je peux trouver ce dont j'ai besoin.

Elle parlait, surveillant d'un oeil la parturiente et de l'autre les arrivées de la ventrière et des deux amies de la jeune fille.
C'était un premier, le travail pouvait être long.
Victoire.
Svan fait la tête depuis mardi soir. Fanette avait sous-entendu qu'elle était enceinte ! Que Svan était enceinte hein, pas Fanette. Enfin si Fanette, elle est enceinte, tout le pays est au courant. Bref, Fanette avait sous-entendu que la fatigue extrême de Svan était due à une grossesse -au lieu d'avouer que la faire travailler dix-huit heures par jour c'était peut-être un peu trop même pour une vaillante viking- et la danoise l'avait super mal pris. Vu le bordel de sa première grossesse, il était hors de question qu'elle le soit de nouveau. Une fois épouse, une fois mère, ça lui avait suffit donc plus jamais ça ! Donc elle ne l'est pas, merci madame, elle fait la tronche. Et tout ceux qui lui diraient la même chose seraient mangés à la même sauce. Non mais ! Donc elle avait pris ses clics, ses clacs et elle avait déserté la chambre que Fanette mettait à sa disposition tant qu'elle était à Limoges pour aller vivre sa vie avec sa Tartinette baveuse dans leur petit appartement avec vue sur la Vienne.

Donc quand un petit bonhomme avait frappé à sa porte, elle lui avait ouvert fraîche et reposée. FAUX ! Elle lui ouvre avec les cheveux en l'air, l'haleine de poney et les yeux collés. De quoi l'effrayer pour dix ans et ne pas lui faire toucher une femme pendant quinze.

Un gros bâillement accompagne la porte qui claque au nez du gamin et elle retourne somnoler. Quelques minutes plus tard, le mot est lu et le parchemin jeté au loin.


J'irai pas travailler aujourd'hui, Fanette !

Ouais, elle n'a pas bien compris le message apparemment. Oreiller sur la tête, grognements en danois, elle la maudit de lui demander de venir bosser alors que Roman a été on ne peut plus clair, faut laisser dormir la danoise. Et le temps que deux neurones se connectent enfin, elle se lève d'un bond et va récupérer le petit mot pour le relire.

Merde ... merde ... merde ! MERDE !

Un ruban pour attacher un chignon flou, des braies n'importe lesquelles pour se couvrir les fesses et la gamine sous le bras, la voilà qui cavale dans les rues de Limoges. C'est bien, le mot n'est pas signé, on ne sait pas qui lui envoie, pas d'indications pour savoir où se trouve sa soeur, c'est d'un pratique. Donc première étape, l'auberge !

Et elle voit Fanette et Aliénor en mauvaise posture. Enfin surtout Fanette.
Svan regarde autour d'elle et il n'y a personne. Elle a dépensé deux cents écus pour une matrone fantôme, ça commence bien.


Personne n'a eu la présence d'esprit d'avertir Joséphine ?

Ouais, ça sonne comme un reproche.
Elle monte les escaliers quatre à quatre et dépose sa fille en haut pour la laisser dormir. Ou baver. Dégâts des eaux en vue, les gars. Les digues sont lâchées ! Et la danoise frappe, tambourine même à la porte de Joséphine. Quand celle-ci lui répond d'entrer, la porte vole.

Le petit Corleone est en route. Je répète le petit Corleone est en route !
Roman.
"Dovremmo mettere più passiflora."*
    *Nous devrions mettre davantage de passiflore.


Roman était en train de piler des herbes, debout devant la table de travail de son père, qui triait d'autres plantes en vue de confectionner l'un des remèdes dont il avait le secret. Dans la petite officine installée en lieu et place d'une ancienne échoppe de la ville, le père et le fils travaillaient à leurs occupations habituelles : confection et expérimentation de poisons et des remèdes associés. Bien sûr, quand ils n'étaient pas à cet ouvrage, les deux Italiens officiaient comme médecins à Limoges, ce qui leur permettait d'assoir une réputation d'hommes sérieux et fiables. Bien peu de gens avaient connaissance de leurs réelles occupations. Aussi, lorsqu'ils entendirent frapper à la porte du logis, s'empressèrent-ils de revenir dans la pièce principale en fermant derrière eux le lourd battant de bois qui séparait l'officine de la salle. Amalio s'approcha de la porte et demanda à voix haute :

- Qui est là ?

Une petite voix se fit entendre :

- J'ai un message pour Roman Corleone, m'sieur, on m'a dit qu j'le trouverai chez vous !

Roman s'avança, étonné, et ouvrit lui-même la porte. Le gosse lui tendit le message et il le parcourut rapidement, déchiffrant sans mal l'écriture soignée d'Aliénor, puis il le tendit à son père :

- Rassemble ce que nous avons préparé pour Fanette. Il est temps. Je t'enverrai chercher s'il le faut.

Un signe de tête du patriarche suffit à confirmer la mission, et Roman quitta la maison paternelle après avoir saisi sa cape, qu'il referma bientôt autour de lui pour se protéger de la bise froide qui parcourait les rues. Il ne fallut qu'une minute ou deux pour qu'il parvienne à l'auberge dont il était propriétaire avec sa douce épouse, qu'il trouva avachie sur un fauteuil, le ventre tendu à craquer, et toute angoissée. Il s'approcha rapidement, posant une main douce sur la joue féminine :

- Que se passe-t-il ? Est-ce déjà le moment de la naissance ?

Le temps de poser la question, il avait baissé les yeux sur les chausses trempées de sa compagne.

- Ha. J'imagine que oui. La ventrière est-elle prévenue ?

Ils avaient convenu que Roman n'interviendrait qu'en cas de danger pour la mère ou l'enfant, ses compétences de médecin dépassant, a priori, celles de la ventrière en question. Mais elle était réputée compétente, et après tout, les naissances sont choses de femmes, et les hommes n'y sont point les bienvenus. Fanette avait expressément interdit à son époux de l'assister le moment venu. Il lui fallait donc attendre qu'elle soit délivrée - ou en danger de mort - pour revenir à ses côtés...
_________________
La_josephine
Entrez !

On n'a pas idée de tambouriner comme ça ! Si ce n'est pas le service d'étage qui lui apporte enfin son petit-déjeuner, Joséphine fouettera avec des orties le vilain ou la vilaine qui l'empêche de finir ses préparations.

L'amie de la Fanette venait d'entrer en gueulant. Tête sur le côté, elle observa la danoise en plissant les yeux. Pouvait-on réellement sortir dans cette tenue ? Même en cas d'accouchement en pleine nuit, la matrone ne se précipitait jamais dehors sans être présentable. Elle a face à elle, une sorte de grande gigue avec de longs cheveux noirs attachés en chignon qui bougeaient au rythme de son énergie débordante. Elle avait appris par Fanette que cette jeune fille avait accouché, il y a quatre mois et toute matrone expérimentée qu'elle était, elle ne l'aurait jamais deviné. Le corps fin de la danoise ne laissait aucun indice : pas de hanches, peu de poitrine. Pourtant, toujours d'après la Fanette, la gamine était toute ronde et plus que bien portante. Hum ... Bref !


J'arrive.

Soulevant lentement son corps lourd pour s'extirper de la chaise, elle accompagna l'amie. Descendant doucement, marche par marche, après tout, premier enfant est la plupart du temps égal à accouchement interminable, elles avaient tout leur temps. Vu l'heure, il ne serait pas là avant demain. Dans la nuit au plus tôt. La matrone s'approcha de Fanette en regardant la scène. Elle avisa les chausses humides, le mari. Elle leva un doigt pour exiger le silence et une fois fait, elle posa ses mains sur le ventre de la petite.

Cela dura longtemps. Elle appuyait, tâtait pour voir comment l'enfant était positionné, elle attendit une contraction et compta le temps entre celle-ci et la prochaine, évaluant la longueur et la tension dans le ventre. Elle se retourna enfin vers Roman.


Amenez-la dans la chambre.
Sortez tout ce que j'ai demandé.
Faites chauffer de l'eau.
Et déguerpissez.


Oui, elle sait à qui elle parle. Elle sait aussi que Fanette était de celles qui pensent que les hommes portent malheur. Joséphine n'est pas de cet avis. Mais les maris sont bien plus anxieux que les futures mères elles-mêmes et elle n'en voulait pas dans ses pattes. La pauvrette lui avait confié sa peur de finir comme sa mère. Et Joséphine le craignait également. Elle ne lui avait pas dit mais elle n'était pas vraiment confiante. Parce que la petite est petite justement et que l'enfant semble assez gros. Parce qu'à force de se dire qu'elle va mourir, elle va leur porter la poisse. Parce qu'à force de manger de la soupe sans viande, elle n'aurait peut-être pas la force de pousser longtemps si cela durait. L'expérience de la matrone est telle qu'elle sait que ça serait un accouchement difficile.
Alienor.
Manifestement la danoise est de mauvais poil quand elle arrive et ignore royalement la bretonne sauf pour lui faire des reproches. Joséphine, elle ne la connait pas et ne l'a jamais croisé. Et, de ce fait a oublié son existence. Et puis Fanette n'a réclamé que Svan et Joanne ainsi que son mari. Ce que Aliénor a fait.
S'il n'y avait pas Fanette et Roman à aider, belle lurette que la bretonne aurait pris ses cliques et ses claques et aurait, avant de partir, jeter ses 4 vérités à la tête de la danoise. Le climat limousin ne convient décidément pas à la bretonne et si elle apprécie les rares moments passés en compagnie de la rousse, malgré tout, elle a hâte de partir, de rentrer chez elle et de fuir tous ces limousins jaloux.


Au vu de l'état de Fanette, il n'est pas indispensable que la Joséphine vienne de suite. Le travail a à peine commencé. J'ai mis au monde 4 enfants, je peux quand même savoir ce qu'il faut faire.

Ce fut au tour de Roman de pointer son nez. Discrète, Aliénor s'esquiva pour aller s'occuper du lit de la parturiente. Elle installa les oreillers bien droit afin de mettre la jeune femme en position quand elle y viendrait. Machinalement, elle défit également les noeuds des rideaux. Une légende disait qu'il ne fallait pas qu'il y ait de noeuds dans la maison d'une parturiente.
Puis Joséphine apparut. Elle la regardait amusée évoluait dans la pièce. Elle lui rappelait vaguement quelqu'un. Elle aida Roman. Cela lui permettait d'être loin de Svan et c'était mieux pour tout le monde.
Jo_anne
La future grand-mère avait passé la soirée en bonne compagnie. Comme d'habitude, elle avait picolé. Ce matin, elle dormait à point fermé dans le lit du patriarche quand elle fut réveillée en sursaut par un messager. En ronchonnant discrètement, elle s'était donc levé, avait enfilé rapidement une chemise trop grande, et était partie ouvrir la porte au dit messager. Et là, la bouche s'ouvre en grand et lâche - d'un réveil inopiné et pas encore véritablement effectif :

Bordel, mais qui peut être assez stupide pour faire porter à l'aube une missive à une aveugle ?!

Bon, ce n'était plus tout à fat l'aube, mais mauvaise foi est reine. La gitane récupère donc le dit papelard et le retend immédiatement au messager en lui ordonnant de lui faire la lecture. Et bien que ce fut laborieux, elle finit par comprendre et laissé un quart de seconde sa bouche entrouverte. Puis, cela fait tilte dans sa tête vide. Elle récupère la missive comme elle peut, en tapant à moitié le pauvre garçon maltraité, et lui claque la porte au nez. Elle retourne vers le lit où trônent ses vêtements de la veille pour se vêtir décemment, tout en réfléchissant - si si ça lui arrive parfois ! Elle repensa à la conversation qu'elle avait eu dernièrement avec le grand-père. Il était inquiet, c'était incontestable. Peur que l'enfant meurt, lui qui avait vu le drame précédent... Etait-ce raisonnable de lui annoncer dès le début que le travail avait commencé ? En même temps si un problème survenait ne serait-il pas mieux qu'un médicastre exceptionnel ne soit pas loin ? En somme en se pétant la figure une fois ou deux sur le lit, l'Italienne s'habille. Faut dire que s'habiller, sans rien voir, tout en réfléchissant à un cruel dilemme ce n'est pas facile. Bref une fois prête, elle s'élance en se cognant contre quelques meubles. Des repères elle en a mais pas quand elle est pressée.

En se dirigeant vers la sortie, canne en main, elle finit par ouvrir la porte, et lâche pour elle même :

Ce soir, Amalio Corleone, tu dormiras avec une grand-mère... C'est mauvais pour ta réputation mais c'comme ça.

Et voilà qu'elle sort, en refermant la porte, et s'éloigne, faisant glisser sa canne sur le sol de droite à gauche, et empruntant le chemin de l'auberge de sa belle-fille. Clopin clopant, à son rythme de vieille aveugle boiteuse, elle se dirige vers Fanette. Et toutes les autres probablement. Forcément elle arrive après tout le monde ou presque. Forcément, elle arrive au moment où la grosse Joséphine ordonnait tout un tas de trucs à son figlio, notamment de déguerpir. Enfin, la gitane ne va pas râler d'entrer d'jeu. Elle se contente de lâcher un :

Bonjour !
Svan est là ?


Bah quoi, elle a entendu la Joséphine, elle sait que son fils est là. Et parmi la longue liste des amies de Fanette qu'elle voulait présent, elle n'a retenu que la danoise. Sans doute est-ce celle avec qui elle avait passé le plus de temps aussi. Enfin bref, elle pose les bases pour qui ne la connaît pas, surtout pour la Joséphine, tout en offrant un sourire rassurant à son fils.

Bon, j'suis juste là pour détendre l'atmosphère moi. J'peux raconter des vieilles anecdotes pour faire penser à autre chose. Ou chanter faux dans les oreilles de Fanette pour l'énerver et la faire pousser plus fort.

Voilà qui était dit, et vu l'ambiance déjà présente, elle espérait vraiment que Svan serait là pour les aider à se dérider. Après tout, trop d'inquiétude ce n'est pas bon pour une jeune femme sur le point d'accoucher. Elle avait donc prévu quelques petites astuces... Il ne restait plus qu'à voir celles qu'elle aurait l'occasion d'utiliser. Et si elles auraient l'effet escompté ou pas. Enfin, si on la laissait faire...
Victoire.
Elle est là, la danoise.
Joanne, soyez rassurée !
Elle a un peu merdé ces derniers mois mais elle est là.
Elle a mis du temps à redescendre mais elle est là.
Pas bien mais présente.
Morte de trouille mais à son poste.

Si on attend après la danoise pour rigoler, va falloir être patient. Elle est encore plus pâle qu'à son habitude, ce qui revient à dire qu'elle est quasi translucide. Non mais une fois qu'elle aura fait mille rites de protection sur Fanette, un cercle de feu, mis du sel dans tous les recoins de la fauvette comme si elle allait la cuisiner et une petite fumigation à la sauge dans toute la ville pour éloigner les mauvais esprits, tout irait bien. A coup sûr, Fanette avait dû voir la vilaine tête de Zilo que la danoise avait vu arriver ce matin pendant qu'elle faisait la milice et il avait déclenché l'accouchement !

Depuis l'escalier, Svan regardait la matrone examiner Fanette. Tout lui paraissait si long. Elle s’en fichait à cet instant des regards assassins d’Alienor, de ce qu’elle pouvait bien penser d’elle. Dans une autre situation, elle lui aurait bien dit d’aller voir si l’océan est toujours à la Rochelle et si possible d’aller nager avec les cailloux tout au fond mais elle ne dit rien. Elle est morte d’inquiétude. A force d’avoir répété comme un mantra qu’elle allait mourir, Fanette avait implanté l’idée dans la tête de ceux qui l’entourent. Quand Joséphine a fini avec sa sœur, qu’elle se relève enfin pour que Roman l’installe, avant même qu’il ait pu faire un geste, la danoise se précipite sur elle.

Un sourire qu’elle veut bienveillant et confiant sur le visage contraste avec ses yeux inquiets et sûrement mouillés. Elle se met à genoux devant elle et lui ôte ses chausses trempées. Elle n’allait pas rester ainsi toute la journée quand même. Et puis qui aurait pensé à les lui enlever ? Grégory n’est même pas là ! Ah ils sont où les fétichistes des pieds quand on a besoin d’eux ?

Depuis deux jours, Svan devait se reposer et elle allait bien mieux. Mais elle n’est pas le genre de femmes à rester inactive. Même à la veille de son accouchement, elle crapahutait dans les landes bretonnes en plein hiver malgré les douleurs, les contractions, cette impression que ses hanches explosaient sous la pression de l’enfant. Alors, elle s’était baladée dans la forêt de Limoges et était tombée sur un bouleau. Un petit arbre qui ne payait pas de mine mais qui semblait bien parti pour durer. Comme Fanette ? Comme Fanette ! Comme Fanette. Alors la danoise avait pris une branche de cet arbre, dans un long rituel de remerciement. Elle faisait rarement ce genre de choses. Les trucs païens, c’est mal vu. Depuis son arrivée en France, la seule fois où elle avait fait ça, c’est pour fabriquer une rune de protection pour le père de sa fille. Peut-être avait-elle fini au feu, elle savait combien il détestait ce genre de lubies loin des religions monothéistes. Mais il leur arrivait parfois de parler des dieux nordiques … Svan avait donc passé son mercredi quasiment alitée, ne se relevant que pour s’occuper de sa fille et tandis qu’elle restait allongée, elle avait fabriqué une rune pour Fanette. Elle fouilla dans sa poche et la lui montra en cherchant ses yeux pour lui expliquer ce que c’était. C’était une petite rondelle de bois à l’écorce blanche sur laquelle elle avait gravé dans un rite connu des initiés une rune en forme de B aux bouts pointus. Tout bas, comme un secret entre elles, la danoise lui parlait d'une voix qu'elle voulait posée.


C’est Berkano. Cela signifie bouleau et je l’ai faite dans une branche de bouleau qui représente l’endurance et l’espoir même dans les pires épreuves. Berkano est la déesse-mère, elle représente la maternité et la naissance. Elle est le commencement. Parfois, l’achèvement. Tu vas donner la vie, tu vas en vivre une nouvelle. Tu pourras aussi reprendre la vie de ceux qui viendraient se mettre sur le chemin de ce petit. Tu vas être une mère, tu es le début et la fin. C’est en toi qu’il puisera sa force, sa détermination et son passé. Il est ton avenir.

Svan plante ses yeux dans les siens, prend son visage en coupe et l’embrasse longuement sur le front. Elles ne se touchent que rarement les sœurs. Pourtant, elle est tactile la danoise. Mais Fanette, elle ne la touche pratiquement jamais. Comme si, elles n’avaient pas besoin de cela. Mais là, à cet instant, elle a tellement peur que les prédictions morbides de Fanette se révèlent justes qu’elle ne peut pas s’empêcher de chercher le contact avec elle. Tant et si bien qu’elle ressent avec elle, la prochaine contraction qui arrive et elle la relâche enfin. Ce contact, ce monologue n'avaient duré que quelques secondes, pas de quoi entraver l'accouchement. Mais elles avaient besoin de ce moment, Svan tout autant que Fanette, elle le savait.

La brune mit la rune dans la poche de sa blonde de petite sœur. De toute façon, ça ne pourrait pas lui faire de mal. Au pire, cela n’a aucun pouvoir et elle aura un bout de bois mort dans la poche. Au mieux, elle est protégée et tout ira bien. Svan la prend dans ses bras une dernière fois avant de la rendre à son mari et vient à son oreille pour lui dire tout bas, à l’abri des oreilles indiscrètes :


Les fougères ne meurent jamais.
Lison_bruyere
La main douce à sa joue fait naître un pâle sourire sur ses lèvres. Et quand Roman, reculant de quelques pas, cède la place à la matrone, Fanette s'accroche aux lichens italiens, refusant de les lâcher, même quand la douleur de nouveau contracte son bas-ventre. Elle mord sa lèvre à s'en faire saigner, pour ne pas geindre, ne laisser échapper aucun son. Parce que, si de son enfance, Fanette a appris à ne rien demander, elle a aussi retenu qu'il vaut mieux endurer en silence, protéger sa tête entre ses bras et étouffer ses pleurs pour le pas attiser la violence. Alors, elle ne dira rien, pas un son, pas un cri, elle supportera chaque douleur, et si elle doit mourir, elle le fera dignement. Enfin, ça c'est sans doute ce que croit la fauvette, quand entre deux contractions elle a encore le temps de reprendre son souffle, de desserrer ses dents, et d'emplir ses yeux du visage aimé, pour le voir encore, quand il la laissera aux mains de Joséphine. C'est ce qu'elle espère, sans doute, parce qu'elle ignore que chaque coup que le Messonier a gravé dans la chair de son dos d'enfant n'était qu'une caresse comparée à ce qui l'attend. Et qu'elle ne sera pas plus forte que toutes celles qui ont donné la vie avant elle, dans la souffrance et dans les cris.

Et soudainement, elle se sent à l'étroit dans ce fauteuil, dans cette pièce où tous, debout autour d'elle, lui donnent l'impression d'être si petite, si impuissante. Agrippant les accotoirs de bois elle tente de se redresser un peu, de se relever peut-être, avant que son diable ne soit obligé de la porter. Une mère ne devrait-elle pas être plus solide ? Mais Svan se précipite déjà sur elle, et de nouveau, un pâle sourire étire les lippes. Le visage de la brune se baisse à sa hauteur, presque rassurant si quelque larme ne perlait à ses longs cils noirs. Elle écoute chaque mot, le mesure, l'assimile, le comprend, hoche la tête, sans parvenir à répondre, tant l'émotion de cette femme, sa sœur, la gagne à son tour, lui faisant oublier presque un instant sa propre peur. Elle ferme les yeux quand les mains enrobent son visage, que les lèvres se posent à son front, elle sourit. Et le sourire se fige, se crispe de nouveau sur un autre mal, ses traits dans les mains de la Danoise se tendent, se contractent, les sourcils se froncent, et les dents se plantent dans un coin de lèvre.

Il l'installe. La main fine retient celle de l'Italien. Une dernière fois, ses lèvres quémandent leurs jumelles tant de fois baisées, et quand il se penche, elle laisse échapper un murmure inaudible.

- Quoiqu'il se passe, je ne regrette rien.

Elle lui sourit encore quand il referme la porte, poussant avec lui le dogue inquiet qui tournait autour du lit. Mais les douleurs suivantes déforment son visage un peu plus sûrement à chaque fois qu'elles broient son ventre, ses hanches, ses reins, et l'abandonnent pantelante.
Le regard tout à la fois résigné, et effrayé se tourne alors vers Joséphine, Aliénor ou Joanne. D'elles, elle veut entendre que tout cela est bien normal, elle attend sûrement d'être rassurée, de savoir ce qui à présent va se passer, et ce qu'elle devra faire. Et quand une fois de plus, son ventre durcit, elle cherche la main de Svan, y noue ses doigts, et enfonce ses ongles dans la peau claire, plante ses noisettes baignées de larmes dans les onyx Danois et espère qu'elle saura encore la protéger, comme elle l'a fait au cours de leurs longs mois de voyage.
_________________
La_josephine
Allez, allez !

Hop la danoise, elle dégage. Le mari, il installe la petite et il dégage aussi.
Enfin, on va pouvoir travailler. A croire que tout le monde se donne le mot pour s’embrasser, se serrer dans les bras, se dire qu’on s’aime. Mais on s’en fout en fait. Il y a eu neuf mois pour le dire, ce n’est pas le moment pour cela. La gamine a besoin de respirer, de supporter les longues contractions qui vont se faire de plus en plus douloureuses et régulières.

Les femmes se mettent d’elles-même à leur place. La danoise derrière Fanette pour lui tenir la main et l’éponger de temps en temps. Les deux autres de chaque côté de la petite. Joséphine n’aime pas tellement que les femmes s’installent sur un lit, elles ont du mal à se remettre sur pied pour pousser ensuite. Mais elle sait aussi que si certaines ne se reposent pas, elles finissent par s’épuiser et certaines meurent même avant d’avoir pu pousser. Des fragiles, des frappées par leur mari, des anxieuses … Beaucoup passait l’arme à gauche sans avoir pu voir au moins une fois leur enfant. Alors, elle relève les jupons de Fanette et écarte ses cuisses d’une main ferme. La plupart par réflexe ne se laisse pas faire et les referme. L’autre main experte mesure la dilatation du col de l’utérus de la jeune femme. Elle tâte de nouveau le ventre qui se durcit sous une nouvelle contraction. Ce ne sont pas encore les plus douloureuses, l’utérus va longuement se contracter pendant quelques heures avant que le travail ne commence réellement. Le col est à peine ouvert, cela sera long mais si la petite se donne du courage, tout ira pour le mieux. Du moins, c’est que Joséphine espère à chaque fois. Car une fois, l’enfant né, malheureusement, c’est là que les complications apparaissent.


Nous allons passer une longue journée ensemble, Fanette. Vous allez devoir, vous décontracter. Quand vous sentez la contraction arriver, vous respirez, vous discutez avec vos amies et vous la laissez faire. Pour le moment, elles ne sont pas encore trop fortes. Je vais vous donner une décoction pour vous détendre et à tenir sur la longueur. D’accord ?

Joséphine attend que la petite lui réponde qu’elle a bien tout compris. Elle se lave les mains dans une bassin d’eau chaude et va préparer ses mélanges. Elle verse de la poudre de hase dans un verre de vin et va le donner à la petite.

Buvez moi ça d’une traite.

Elle repart pour préparer dans un petit sachet un mélange de feuilles de framboisier, de sauge, d’ortie et de millepertuis.

Se tournant vers les femmes.

Je sais que notre petite Fanette a entendu tout et n’importe quoi durant sa grossesse sur les rites et traditions. Je ne crois pas à ce genre de choses mais elle m’a fait part de ses besoins, de ses envies, de ses peurs et elle souhaite que tous les nœuds de cette maison soient défaits, n’est-ce pas Fanette ? Je laisse l’une d’entre vous le faire. Pendant ce temps-là, je vais chercher de l’huile d’amande douce. Si quoique ce soit se passait, n’hésitez pas à venir frapper à ma porte. Mais pour le moment, il faut laisser la nature faire. Je vous ai fait un mélange de plantes, si vous pouviez le faire infuser et le lui donner …

Elle se penche vers Fanette.

Si vous avez besoin de quelque chose, vous n’hésitez pas à demander. Vous allez avoir mal, ça va être long. Mais si vous ressentez quelque chose que vous pensez inhabituel, vous me le dites. Je vais chercher l’huile pour vous masser afin d’aider l’ouverture pour que ça vienne plus vite. Si vous avez peur, la main de votre amie semble déjà supporter vos ongles qui se plantent, alors continuez ainsi !

Encore une fois, elle attend que la petite hoche la tête pour lui dire qu’elle a compris et une fois fait, elle les laisse entre elle. La journée et la nuit seront longues, elle allait se reposer une petite heure. Normalement, tout devrait aller jusque là.
Lison_bruyere
Et la fin de journée s'était avérée bien longue en effet, parce que la fauvette ne savait aucunement ce qui était habituel et ce qui ne l'était pas en pareille circonstance. Alors, c'est vers ces trois femmes déjà mères que glissait son regard à chaque fois qu'une douleur s'emparait de son ventre. Aliénor faisait montre à elle seule d'un calme et d'une maîtrise qui suffisait à assurer Fanette que rien de ce qui survenait n'était anormal. Et pourtant, elle sentait bien, à chaque fois qu'elle resserrait ses doigts autour de la main de Svan, le même empressement de la Danoise à serrer la sienne tout autant, partageant sans doute avec elle, plus intimement chaque souffrance, et peut-être aussi chaque crainte. Et dans ce trio bienveillant, heureusement, Joanne n'avait pas oublié les conseils de la matrone, et si la parturiente ne pipait mot, sa matrigna parlait pour toutes, détendant l'atmosphère tendue de bavardages légers et optimistes, de promesses de fêtes, de bagues et de vin italien.

Et quand la nuit, enfin, avait tiré son voile sombre sur la cité, quand la matrone était redescendue et que dans la pièce on multipliait les chandelles et on livrait de nouveau quelques bûches aux flammes de la large cheminée, Fanette suait à grosses gouttes. D'une main maladroite, elle avait délacé les premières passes de son corsage, et d'autres mains l'avaient aidé à se défaire de sa robe, ne laissant sur son corps en souffrance qu'une chainse de lin légère.

Le temps s'était suspendu, interminable, à la douleur de la future mère. Les contractions s'étaient intensifiées, en durée comme en fréquence, déchirant son ventre, écartelant ses hanches. Chaque nouvelle douleur déformait ses traits, et, les dents crispées sur le coin de la lèvre exsangue, laissaient échapper un souffle bruyant.

- Combien ...


La phrase était restée en suspens.Abandonnée à une nouvelle attaque, Fanette n'avait pas eu la force de l'achever. Combien de temps encore avant que son enfant ne vienne au monde, voilà ce qu'elle aurait demandé à la matrone affairée entre ses cuisses, mais l'épuisement commençait à engourdir son esprit, quand tous ses sens restaient en proie à la douleur. La peau pâlissait davantage. Quelques tremblements agitaient parfois ses membres et si ses ongles, en réaction, se plantaient encore dans la main de Svan, son regard s'échappait, plus imprécis, plus flou, tandis que gémissements et pleurs mêlés accompagnaient à présent chaque contraction, sans qu'elle ne parvienne plus à les contrôler.
_________________
La_josephine
Rares sont les fois où la Joséphine avait sous-estimé le poids d'un enfant. En janvier, quand pour la première fois, elle avait vu Fanette, elle aurait parié son mari -oui, faut pas abuser, elle n'allait pas parier les trucs de valeur- que le petit serait un avorton. Mais quand elle avait revu Fanette, il y a huit jours, elle semblait enflée à chaque minute qui passait. Lors de la première auscultation, elle ne put réprimer sa mine inquiète. L'enfant était gros. Pas énorme, pas de ceux qui posaient problème en général mais Fanette était une petite femme. Ses hanches ne semblaient pas avoir voulu se développer à mesure de la grossesse et Joséphine redoutait qu'il mette du temps à venir. A passer en fait. Elle allait s'épuiser à pousser si elle tentait de le faire avant l'heure.

Le souci c'est que Fanette ne laissait pas aller les contractions et tentait de pousser comme pour s'en débarrasser. La main enduite d'huile d'amande douce, elle la pénétra pour venir masser longuement son col afin de l'aider à s'ouvrir. Le travail allait doucement mais sûrement mais Fanette n'en pouvait déjà plus. La nuit était tombée mais l'enfant ne serait pas là avant le petit matin. A moins que tout s'accélère rapidement mais ce n'était pas toujours bon signe non plus. Là, il se pourrait que l'enfant soit mort et c'était comme si le corps essayait de s'en débarrasser. Elle ferait en sorte de ne perdre ni l'un ni l'autre. Malheureusement, l'expérience ne sauvait pas toujours les âmes destinées à retrouver leur Créateur.


Tout se passe bien Fanette. L'enfant descend doucement, votre col s'ouvre lentement mais tout se passe bien. Cela va être encore long mais vous devez arrêter de vous épuiser. Vous ne pourrez jamais arriver à la fin sinon ... Je vais vous refaire une décoction plus puissante pour vous permettre de vous reposer un peu. D'accord ?

Elle continua à donner à Fanette de quoi tenir. Elle l'obligeait à parler même faiblement, ses amies la sollicitaient. Il eut même une conversation complètement surréaliste à propos des fougères. Le massage à l'huile d'amande douce semblait faire son effet. Joséphine en avait des crampes aux mains. Mais quand le clocher de l'église la plus proche sonna les laudes, tout s'accéléra. Alors qu'elle tâtait le ventre dur de Fanette qui ne tenait plus que par la force qu'on retrouve chez toutes les mères, l'enfant semblait échapper à Joséphine. Elle alla fouiller de nouveau l'intimité de la petite et sentit un fin duvet sous ses doigts. Elle se redressa pour regarder Fanette.

Fanette, écoutez-moi bien. L'enfant arrive. Fanette !

La voix gronda pour la ramener avec elles.

Vous allez faire exactement ce que je vous dis. A la prochaine contraction, vous allez pousser. Aussi fort que vous pouvez. Plus même ! Aussi fort que vous êtes bête !

Cette expression faisait toujours rire et là, il n'y avait plus que le Très-Haut et l'humour pour la sauver la petite.

Cela va durer pendant quelques contractions. Il est bien engagé ...

La main de la matrone attendit patiemment sur le ventre de Fanette la prochaine contraction et la sentant arriver, elle lui ordonna de pousser. Longuement ... Encore, encore, encore ...

Le petit avait du mal à sortir et elle allait devoir l'aider. Une autre contraction et elle put attraper la tête de l'enfant. A la troisième, elle fit sortir le corps en entier. Mais comme prévu, il était assez gros et il déchira sur quelques centimètres la petite qui saignait déjà abondamment. Mais enfin, le petit était là. Il était d'une couleur grisâtre et avait dû manquer d'air à la fin. Elle dût taper doucement dans son dos pour faire repartir la respiration du petit être et enfin il hurla à pleins poumons.


Allez chercher son mari. Dites-lui qu'il va falloir la recoudre. Vous ! Donnez-moi, un linge ! Allez vite !

Joséphine avait eu pour ordre de ne pas la recoudre si cela était nécessaire. Et ça tombe bien, elle déteste ça ! Elle coupa à quatre doigts le cordon ombilical et mit l'enfant emmailloté sur le sein de sa mère pour lui faire téter le colostrum d'une fauvette évanouie.

Ah, au fait : C'est un garçon.
Lison_bruyere
Fanette perçut le cri de l'enfançon, sans que ses lippes trop blanches ne parviennent à sourire. Elle voulait le voir, elle devait le voir, depuis qu'elle attendait ce moment. Alors, elle tenta de se redresser légèrement, mais l'effort précédent, et les douleurs qui l'avaient écartelées plusieurs d'heures durant lui donnèrent une telle sensation de vertige qu'elle se laissa retomber mollement sur Svan, qui la tenait toujours calée contre elle. Elle lutta un instant, s'efforçant de suivre les gestes de la matrone mais déjà ses paupières éteignaient le regard incertain. Elle ne saisissait plus que de vagues mouvements, la sensation d'un corps chaud contre le sien, des voix, puis, plus rien. La tête rejetée sur le côté avait la mine pâle des mauvais jours. Ses boucles collées de sueur encadraient un visage creusé de larges cernes violacés. Le souffle discret et irrégulier qui s'échappait à peine des lèvres entrouvertes semblait s'amoindrir au fur et à mesure que le sang qui délaissait le ventre meurtri, imbibait de carmin le drap sur lequel elle reposait. Fanette se perdait dans les limbes de l'inconscience.
_________________
Victoire.
Svan était restée à côté de Fanette des heures durant. Sans pouvoir bouger car à chaque fois qu'elle tentait de s'éloigner, la main de sa soeur se resserrait sur la sienne comme pour lui demander de rester sans oser le dire. Sans manger, sans se plaindre. Et pourtant, Dieu sait qu'elle aime bouger, se plaindre et manger ! Ce sont là ses trois passe-temps favoris. Mais elle ne disait rien, prenant des fourmis dans les jambes, des crampes dans les bras. Laissant le soin à Alienor et à Joanne de parler avec Fanette, de lui donner les décoctions, de l'aider à se dévêtir. Elle tenait là en bon petit soldat. Son autre main venait éponger le front en sueur de sa petite sœur. Même si le sang ne les liait pas, ce moment les rendrait intimes à tout jamais.

Quand enfin, le petit fut né, elle sentit Fanette partir. Elle la resserra contre elle pour lui éviter de tomber, les boucles mouillées de la blonde collaient à la poitrine danoise. Elle lui tenait terriblement chaud mais Svan était morte d'inquiétude. Faisait-elle de la fièvre ? Il fallait vite que Roman arrive. Pouvaient-elles être encore plus pâle que d'habitude l'une comme l'autre ? L'une par l'angoisse qui montait de la voir dans cet état, l'autre parce qu'elle avait tout donné. Svan regardait le petit qui tentait désespérément de trouver le sein maternel. Il ressemblait à son père. Comme elle disait toujours, les enfants ressemblent à leur père à la naissance pour qu'on sache qui était le père.

Fanette serait fière de cet enfant.
Enfin si elle ne meurt pas quoi ...
Alienor.
Les noeuds de la chambre étaient tous dénoués. Aliénor entreprit d'aller dénouer tous ceux de la maison. Pour ses accouchements, cela avait été fait ainsi. Superstition? légende? tradition? Nul le savait mais ça se faisait.

Puis, toujours silencieuse, elle revint prendre place auprès de Fanette, lui serrant doucement la main et la rassurant d'un sourire quand celle-ci venait à la regarder. Le temps s'égrena lentement. Fanette était épuisée. Les contractions se suivaient sans déclencher le travail et enfin:


Citation:
Fanette, écoutez-moi bien. L'enfant arrive. Fanette !


Mais de Fanette, il ne restait plus grand chose. Malgré les conversations, les serre-mains, les contractions, elle semblait disparaître peu à peu, se déconnecter... La dure voix de joséphine la ramena quelques secondes à la réalité, juste assez pour pousser une dernière fois et elle s'écroula.
Le bébé était là, un gros petit garçon. Fanette avait mené sa mission à bien! Un beau petit gars!
Il fut aussitôt déposé sur le sein de sa mère afin qu'il mange. Mais celle-ci trop faible et surtout évanouie, ne put le tenir. Aliénor, lui lâchant les mains tint le bébé, le laissant téter quelques instants pour qu'il s'habitue à sa mère et prenne des forces. Mais le sang baignait l'entrejambe de Fanette. Il faut agir et vite. Sans réfléchir plus avant, elle cale le bébé avec un oreiller contre Fanette et court à la recherche du mari. EN courant, elle dévale les escaliers en criant:


Roman!! Roman!! On a besoin de vous!! Viite!

Mais parce qu'une naissance reste merveilleux, elle ne put s'empêcher d'ajouter plus bas:

C'est un beau garçon...


Et de remonter auprès de Fanette et du bébé. Il était toujours là... Pour faciliter le travail à Roman et Joséphine, et voyant Svan concentrée sur sa "soeur", elle prit le bébé contre elle pour le réchauffer, et pria le Très Haut. Elle n'osait aller le laver sans l'accord de la joséphine qui semblait pourtant bien occupée.
Roman.
L'époux, viré par la ventrière, tournait en rond dans une autre pièce. Le chien à ses côtés le regardait faire des allers-retours. Ils étaient sortis faire un tour, homme et chien, pour passer le temps, pour se distraire et respirer de l'air frais... une fois, deux fois, trois fois. Les heures s'étaient écoulées lentement et le médecin Corleone savait que le temps qui passait épuisait davantage son épouse en couches.

Lorsqu'Aliénor débarqua pour l'appeler, il sentit l'urgence dans sa voix. Il s'était préparé à ce moment, à ce déferlement de peur, de consternation et de désespoir. Il savait Fanette fragile. Il la savait susceptible de ne point survivre à la naissance. Cette idée hantait ses pensées depuis plusieurs semaines bien qu'il n'eût pas évoqué le sujet avec la concernée. Elle s'était déjà bien assez mis en tête - toute seule - qu'elle risquait de mourir.

Sa main se referma sur sa besace de médecin. Vérifiée une demi-douzaine de fois depuis le début du travail, celle-ci contenait tout son matériel, ainsi que quelques onguents, potions et cataplasmes préparés de frais pour l'occasion. Il suivit Aliénor en maîtrisant son inquiétude : Fanette aurait besoin de ne voir que son sérieux.

C'est la consternation qui l'emporta sur le bonheur de voir son enfant, lorsqu'il découvrit Fanette inconsciente sur ses draps souillés de bien trop de sang. Aliénor avait pris le petit garçon dans ses bras pour le bercer et le réchauffer. Il fallut qu'il se fasse violence pour détourner son regard du visage exsangue de son épouse et le poser sur son entrejambe...

L'enfant était gros, la femme était menue. Il avait déchiré l'intimité de la jeune fille, profondément et sévèrement, et l'idée de devoir recoudre lui-même sa propre épouse et amante le répugnait (bien que probablement moins que celle de laisser quelqu'un d'autre le faire). Alors, il repoussa les draps souillés, s'assit au bout du lit, demanda à ce que l'on tienne ouvertes les jambes de la pauvre Fanette dont nul ne songeait plus à préserver la pudeur, puisqu'il fallait préserver sa vie.

Et il recousit, le visage pâle et concentré, les yeux fixés sur son travail, l'esprit concentré sur les seules tâches mécaniques qu'il devait effectuer, le coeur soigneusement verrouillé.

Il avait déjà perdu deux enfants morts-nés, et haï leur mère pour cela.

Il ne voulait pas d'une épouse décédée, même avec un enfant en bonne santé.

Cela serait au-delà de ses capacités de résilience.

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4, 5, 6, ..., 8, 9, 10   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)