Lison_bruyere
La discussion était presque légère, et Fanette engrangeaient d'utiles informations, comme ne pas aller dans le nord au printemps, au risque de périr en traversant la glace fragilisée par le redoux. Elle s'était confiée, un peu rêveusement à l'évocation de ces fameuses aurores boréales, qu'elle ne savait d'ailleurs pas nommer ainsi.
J'irai un jour Eirik, j'veux voir ça de mes yeux. Peut-être ... hésita-t-elle, peut-être que, si vous y retournez un jour, vous voudrez bien que je vous accompagne.
C'est quand il évoqua le signe des dieux qu'elle formula une réponse qui engageait davantage ses convictions.
Deos, j'suis pas sûre qu'il ait envie de nous transmettre des messages. En tout cas, à moi, il n'a jamais parlé. Vous savez, j'crois qu'il ne se préoccupe guère de nous autrement que pour nous envoyer des épreuves. Quand j'ai été grosse de Milo, j'ai voulu me réconcilier avec lui, pour mon fils. J'suis allée voir le curé, plusieurs fois, j'suis allée à l'église, j'ai fait toutes ces choses qu'il faut faire, comme écouter la messe ou se confesser. Le prêtre a même confirmé le baptême que j'avais reçu après ma naissance, à Craon. J'voulais que deos garde mon fils sous sa divine protection. Pourtant, il n'a rien fait, et Milo a été perdu dix mois durant, loin de ses parents. Et même à présent, je ne sais même pas si on peut considérer que mes enfants ont un père. Ils ne l'ont vu que quelques jours à l'été, quand vous et moi nous sommes rencontrés à Paris.
La fauvette avait manqué de son propre père, pour retrouver une fois adulte cet homme fragile et pleurnichard qui ne savait que pleurer son passé et ceux qu'il avait perdus pour en oublier ce qu'il avait encore à aimer. En dépit de ça, ou peut-être justement à cause de cela, elle s'était attachée à maintenir les liens de ses enfants avec leur famille paternelle, et, souffrait que l'Italien ne se soucie même pas de leur écrire, quand bien même ils ne savaient pas encore lire. Elle se tut sur cette dernière pensée, acquiesçant parfois d'un sourire, ou d'un hochement de tête à ce que lui expliquait le Nordique. Si bien que, quand la lune fut déjà haute, elle avait l'impression de le connaître un peu plus. S'il était sans nul doute de ces hommes durs aux sentiments, il n'en était assurément aucunement dépourvu. Peut-être même l'intimidait-il un peu moins ... peut-être ...
Elle approuva sa décision, les contes seraient pour demain, il était déjà bien trop tard sans doute.
Pour la première fois depuis le début de ce cauchemar, elle dormit d'une traite, d'un sommeil paisible et sans rêve. La proximité des flammes qu'Eirik avait entretenues au cours de la nuit avait tenu le froid éloigné, et sa présence, et celle de son chien-ours à l'oreille coupée était suffisamment rassurante pour qu'elle s'y abandonne totalement. Aussi, quand au matin, bien après lui, elle finit par s'éveiller, c'est un sourire reposé qu'elle lui adressa.
Huan s'éloigna, pistant sans doute quelque gibier pour son propre compte. Elle s'étira avant de se redresser, puis ramena les jambes contre sa poitrine en les ceinturant de ses bras. Elle resta un instant silencieuse, sans doute encore recluse aux brumes du sommeil, la joue appuyée à ses genoux. Le temps fila quelques instants, peut-être plus, avant qu'elle ne se lève, tapotant ses vêtements. Elle gagna la berge, prit un peu d'eau dans ses mains en coupe pour l'appliquer à son visage. Elle était bigrement froide. Ses traits dessinèrent une petite moue incertaine, tandis qu'elle scrutait les bords de rivière, espérant encore, mais en vain, y voir accrochés les vêtements qu'elle était en train de laver la veille, quand un maraud l'avait agressée. Elle revint, s'attardant près de Hunt. L'animal releva la tête à son approche, soufflant bruyamment des naseaux. Fanette n'était pas une bonne cavalière mais elle n'avait pas peur des chevaux, quand bien même était-elle minuscule à côté de celui-là. Elle passa une main sous l'épaisse crinière sombre, flattant son encolure quand l'autre glissa le long du chanfrein légèrement busqué de la monture. L'animal curieux approcha son nez de velours de la jeune femme pour la flairer, provoquant un sourire. Elle ne s'attendait pas à la réaction suivante, et le délaissa pour retourner près du feu, se méfiant encore davantage du chien du Nordique qu'elle contourna en veillant à ne pas le défier du regard. Elle tendit ses mains vers le feu et tourna son minois taché de son vers Eirik.
J'peux faire quoi ?
Ailleurs, ses enfants se réveillaient sûrement, bercés d'autres voix que la sienne. Elle ne se doutait aucunement que l'un des deux frères Beaurepaire s'efforçait d'adoucir l'absence de leur mère. Elle était prête à lever le camp, mais n'osa pas faire preuve d'impatience en se montrant directive. Eirik savait ce qu'il en était, il avait accepté une fois encore de lui venir en aide, elle se plierait au rythme qu'il imposerait.
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J'irai un jour Eirik, j'veux voir ça de mes yeux. Peut-être ... hésita-t-elle, peut-être que, si vous y retournez un jour, vous voudrez bien que je vous accompagne.
C'est quand il évoqua le signe des dieux qu'elle formula une réponse qui engageait davantage ses convictions.
Deos, j'suis pas sûre qu'il ait envie de nous transmettre des messages. En tout cas, à moi, il n'a jamais parlé. Vous savez, j'crois qu'il ne se préoccupe guère de nous autrement que pour nous envoyer des épreuves. Quand j'ai été grosse de Milo, j'ai voulu me réconcilier avec lui, pour mon fils. J'suis allée voir le curé, plusieurs fois, j'suis allée à l'église, j'ai fait toutes ces choses qu'il faut faire, comme écouter la messe ou se confesser. Le prêtre a même confirmé le baptême que j'avais reçu après ma naissance, à Craon. J'voulais que deos garde mon fils sous sa divine protection. Pourtant, il n'a rien fait, et Milo a été perdu dix mois durant, loin de ses parents. Et même à présent, je ne sais même pas si on peut considérer que mes enfants ont un père. Ils ne l'ont vu que quelques jours à l'été, quand vous et moi nous sommes rencontrés à Paris.
La fauvette avait manqué de son propre père, pour retrouver une fois adulte cet homme fragile et pleurnichard qui ne savait que pleurer son passé et ceux qu'il avait perdus pour en oublier ce qu'il avait encore à aimer. En dépit de ça, ou peut-être justement à cause de cela, elle s'était attachée à maintenir les liens de ses enfants avec leur famille paternelle, et, souffrait que l'Italien ne se soucie même pas de leur écrire, quand bien même ils ne savaient pas encore lire. Elle se tut sur cette dernière pensée, acquiesçant parfois d'un sourire, ou d'un hochement de tête à ce que lui expliquait le Nordique. Si bien que, quand la lune fut déjà haute, elle avait l'impression de le connaître un peu plus. S'il était sans nul doute de ces hommes durs aux sentiments, il n'en était assurément aucunement dépourvu. Peut-être même l'intimidait-il un peu moins ... peut-être ...
Elle approuva sa décision, les contes seraient pour demain, il était déjà bien trop tard sans doute.
Pour la première fois depuis le début de ce cauchemar, elle dormit d'une traite, d'un sommeil paisible et sans rêve. La proximité des flammes qu'Eirik avait entretenues au cours de la nuit avait tenu le froid éloigné, et sa présence, et celle de son chien-ours à l'oreille coupée était suffisamment rassurante pour qu'elle s'y abandonne totalement. Aussi, quand au matin, bien après lui, elle finit par s'éveiller, c'est un sourire reposé qu'elle lui adressa.
Huan s'éloigna, pistant sans doute quelque gibier pour son propre compte. Elle s'étira avant de se redresser, puis ramena les jambes contre sa poitrine en les ceinturant de ses bras. Elle resta un instant silencieuse, sans doute encore recluse aux brumes du sommeil, la joue appuyée à ses genoux. Le temps fila quelques instants, peut-être plus, avant qu'elle ne se lève, tapotant ses vêtements. Elle gagna la berge, prit un peu d'eau dans ses mains en coupe pour l'appliquer à son visage. Elle était bigrement froide. Ses traits dessinèrent une petite moue incertaine, tandis qu'elle scrutait les bords de rivière, espérant encore, mais en vain, y voir accrochés les vêtements qu'elle était en train de laver la veille, quand un maraud l'avait agressée. Elle revint, s'attardant près de Hunt. L'animal releva la tête à son approche, soufflant bruyamment des naseaux. Fanette n'était pas une bonne cavalière mais elle n'avait pas peur des chevaux, quand bien même était-elle minuscule à côté de celui-là. Elle passa une main sous l'épaisse crinière sombre, flattant son encolure quand l'autre glissa le long du chanfrein légèrement busqué de la monture. L'animal curieux approcha son nez de velours de la jeune femme pour la flairer, provoquant un sourire. Elle ne s'attendait pas à la réaction suivante, et le délaissa pour retourner près du feu, se méfiant encore davantage du chien du Nordique qu'elle contourna en veillant à ne pas le défier du regard. Elle tendit ses mains vers le feu et tourna son minois taché de son vers Eirik.
J'peux faire quoi ?
Ailleurs, ses enfants se réveillaient sûrement, bercés d'autres voix que la sienne. Elle ne se doutait aucunement que l'un des deux frères Beaurepaire s'efforçait d'adoucir l'absence de leur mère. Elle était prête à lever le camp, mais n'osa pas faire preuve d'impatience en se montrant directive. Eirik savait ce qu'il en était, il avait accepté une fois encore de lui venir en aide, elle se plierait au rythme qu'il imposerait.
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