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[RP] Entre Chienne et Louve.

Lililith
Elle s'installe entre les deux hommes, et son regard ambré se porte sur l'horizon, là-bas, droit devant.

- Ca va. Et toi ?

Banalités, certes ; mais les deux Corleone ne se connaissent pas, et ils doivent s'apprivoiser. Elle, est méfiante comme un chat sauvage ; ce n'est pas pour rien qu'elle considère Pandou (son chat roux) comme sa moitié ! Et lui ? Elle ne sait rien de lui. Elle reconnaît des traits Corleone, qui veut vraiment voir cherche des preuves n'importe où, alors...

Elle hausse les épaules : demander à Lili si elle va bien, c'est comme coller un sparadrap sur une jambe de bois. Pourtant, elle répond :


- Sì, grazie. Elle jette un coup d'œil en arrière quand il évoque la raison de leur voyage. Elle dort pas bien. Elle est très agitée... J'essai'rai d'lui faire une tisane à la prochain'ville.
[Oui, merci.]

Bien qu'elle ne le montre pas, elle est anxieuse : elle a peur de se tromper, et l'Étoile sait que la moindre erreur peut être fatale à la mère... Ou à l'enfant qu'elle porte. Pourtant, la blondine se force à respirer profondément.

- Allora, dis-moi... T'étais où tout c'temps ?

Père Castor, raconte-moi ton histoire !
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Munchlax
Assis sur le banc à coté du second homme de ce voyage, tournant le dos à la fauvette et à son ventre. Les deux hommes ne se parlaient pas vraiment, échangeant de brefs paroles de temps à autres.

Munchlax se méfie un peu de ce nouveau Corleone. Après tout ce qui lui a été dit sur cette famille, que ce soit par Fanette, ses amis ou même sa partenaire épistolaire lors de sa convalescence à l'Abbaye de Limoges, L'amnésique était devenu méfiant vis à vis de la famille Italienne.

Cela dit, il était forcé de constater que d'avoir Lilith et Lazare à ses côtés pour ce voyage le rassurer. Il n'était pas naturellement peureux ni même lâche, mais il faut bien dire qu'une dame enceinte et un amnésique incapable de se souvenir d'une quelqu'onc parade à l'épée, ils n'auraient pas formés les plus sûrs voyageurs du royaume. Au moins les deux Corleone amenaient davantage de sécurité pour la mère et le petit à naître. Et pour cela Munchlax se réjouissait de leur présences.

Perdu dans ses rêveries en admirant les étoiles, celui-ci ne pouvait s'empêcher si elles scintillaient autant dans sa terre natale et si il retrouverait un jour le chemin qui y mène.
Sorti de ses pensées par l’arrivée de Lilith,"- Tutti va bene ? ".

Le sans-racine ne connaissait pas cette langue, ou en tout cas il ne s'en souvenait pas. Il ne sut quoi répondre et hocha simplement la tête, se déplaçant à son tour pour laisser la place à la jeune enfant de venir s'asseoir.

Il savait peu de chose sur Lilith et bien moins sur Lazare. Drapé dans son mutisme il mit simplement à les écouter, curieux de voir ce que la nuit lui apporterait comme réponse.
Lison_bruyere
Marseille, le 24 janvier 1467

Quand la rousse s'était pointée à l'auberge où Fanette, les cousins Corleone et Galaad avaient pris pension, elle l'avait accueillie d'un sourire. Elles avaient conversé à la veillée précédente, et entre quelques sourires avaient même parié dix godets de vin si l'engrossée était encore capable de toucher ses pieds d'ici trois mois. La fauvette était loin de se douter que la jeune femme était l'ancienne épouse de Gabriele et plus loin encore d'imaginer ce qu'elle s'apprêtait à lui révéler.

- Celle que vous cherchez, il se pourrait qu'elle soit dans les environs de Genève. Mais on devrait pouvoir me donner d'autres informations bientôt.

Mille questions vinrent de nouveau se bousculer sous les boucles blondes. Des deux pistes qu'elle avait, le dénommé Malik et l'Italienne, elle n'avait rien su trouvé jusqu'ici, qui lui indique avec lequel des deux pouvaient être son fils.

- Elle a avec elle un jeune enfant, un garçon, Flavio, qu'elle dit avoir adopté.

Le regard de Fanette resta agrippé à celui de la rousse, ses traits figés dans la surprise. Son cœur assurément venait de manquer un battement, et si elle voulut parler, sa voix s'étrangla dans sa gorge. C'était la première fois qu'on lui faisait mention de l'enfançon. Elle s'efforça de reprendre contenance, essuyant les larmes qui perlaient à ses cils et ce nouvel espoir acheva d'ébaucher à ses lèvres un sourire. Daeneryss vint couvrir son bras d'une main bienveillante.

- Mon fils... Il s'appelle Milo Amalio, mais, oui, j'imagine qu'il doit avoir un autre nom. Pour le faire adopter, mieux valait que personne ne sache qu'il est un Corleone. Il aura neuf mois dans quatre jours.

Les mots étaient sortis, presque chuchotés, comme si c'est à elle-même que la jeune mère les adressait. Cela faisait sept mois et huit jours qu'on lui avait arraché son enfant, et tout ce temps, elle s'était appliqué à ne jamais perdre l'espoir de le revoir. Au fil des mois, elle avait pu glaner des informations cruciales sur l'identité de celui qui l'avait enlevé, et sur ses motifs. Ses recherches l'avaient conduit dans un orphelinat des miracles, puis sur la piste de quelques adoptants potentiels, dont la Valassi. Roman avait fini par baisser les bras, pour des raisons qu'elle persistait à ne pas vouloir comprendre, mais courageusement, elle poursuivait sa quête. Et jamais elle ne s'était senti si proche de son fils qu'en cet instant.
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Lison_bruyere
Marseille, le 25 janvier 1467
Salle commune de l'ortie d'or.



- Je peux vous demander ?
- Quoi ?
- Mon fils, vous qui l'avez connu, à quoi ressemble-t-il ?


Fanette affichait depuis l'instant où l'Italien lui avait parlé de l'enfançon un sourire presque béat. Elle pouvait enfin l'imaginer, un peu plus grand que quand, nourrisson de sept semaines à peine, on le lui avait arraché. C'est d'elle qu'il tenait sa peau claire. Qui sait si, dans un an ou deux, ses joues et son nez ne se piqueraient pas de petites taches rousses, comme celles qui ajoutaient aux traits de sa mère une douceur juvénile ? Le duvet qui couvrait son crâne s'était épaissi, mais il était toujours châtain, et le soleil y glissait encore des reflets de cuivre. Et puis, ses yeux d'ardoise s'étaient éclaircis, jusqu'à prendre cette teinte de lichen, hésitant entre le vert clair et le gris, que la fauvette aimait tant chez son Corleone.

- Et surtout, il ne manque pas de détermination, si jeune soit-il. On le devine quand il tient ses petits poings serrés, comme dans l'éclat qui couve au fond de son regard.

La jeune mère en aurait pleuré de bonheur, de chagrin, de ces émotions mêlées et qui depuis la veille se teintaient de l'espoir de le revoir bientôt. Elle avait opiné à la description du brun, et finalement, n'avait guère été surprise par ses derniers mots.

- Oh, déterminé, et courageux aussi, il l'est, ça, je n'en doute pas. Il s'est battu pour vivre bien avant de venir au monde vous savez, et encore au jour de sa naissance.

Elle n'en finissait plus de sourire, et plus encore quand Diego l'avait assuré de son aide. Elle devait oublier Genève. L'Italienne avait été aperçu à la frontière espagnole, et il avait par là-bas quelques contacts qui sauraient peut-être lui en dire plus. Il avait affirmé aussi qu'elle était courageuse, et qu'elle ne devrait laisser quiconque lui faire croire le contraire. Et de nouveau, la fauvette était gagnée de courage et de confiance, à ces quelques paroles bienveillantes, à cet espoir offert, elle qui si souvent passait pour faible et craintive et à qui, tant de fois, on en avait fait reproche.

Quand l'homme s'en était allé, elle s'était empressée de glisser un mot sous la porte du Lisreux Corleone puis avait gratifié d'une pièce un gamin des rues pour en faire porter un autre chez la Danoise.





Lazare,
Je sais où chercher à présent. Retrouvons-nous ce soir, je t'expliquerai. Parles-en à Lili si tu la vois. Je suis si impatiente que nous puissions reprendre la route.
F.





Svan, 
Je dois te voir, c'est urgent, ce soir ou avant, quand tu veux peu importe mais pas demain.
F.

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Diego_corellio
Everyone of us is scared *
Chacun de nous a peur
Everyone of us is hurt
Chacun de nous a mal
Everyone of us has hope
Chacun de nous a l'espoir
For you
Pour toi


L'Espoir c'était elle.

J’avais croisé Fanette. Cette même Fanette dont j’avais entendu parler à plusieurs reprises par diverses personnes. Et alors que l’entrevue était passée j’en étais à me demander si son entrée dans ma vie avait été une bonne ou une mauvaise chose. Parce qu’avec sa quête, elle avait eu un impact que nul autre n’aurait pu avoir : elle avait fait remonter à la surface l’enlèvement des jumeaux que je m’évertuais depuis aout à enterrer avec constance (ou inconstance). Ils étaient morts. C’est ce que je m’étais répété assez de fois pour arriver à m’en convaincre. Et s’ils ne l’étaient pas, avec ce que leur aurait fait le Fol ils seraient trop abimés à vie pour espérer s’en remettre un jour et mener une vie normale. Alors je m’étais mis à prier pour qu’ils soient morts. Aussi cruel soit ce raisonnement, il était désormais ce que pouvait leur arriver de meilleur : mourir pour ne plus subir.
Me dire qu’ils reposaient quelque part, qu’ils en avaient fini avec la souffrance me permettait de garder la tête hors de l’eau et de continuer à faire ce à quoi et sans surprise tout être était destiné : vivre. Ils avaient été enterré en moi tellement profondément que j’arrivais à vivre et à être heureux, comme si le poids de leur disparition s’était atténué. Pourtant ça n’était qu’un mirage, qu’une douleur vive qui se rappelle par pic, qui couve jusqu’au jour ou elle explose.
Et elle avait explosé. Le jour ou Dae était venue me trouver avec cet air bien inquiet et bien étrange peint sur les traits. Ce jour ou elle avait cru qu’en minaudant et d’une paume de main appuyée sur le bras elle pourrait me tirer des informations sur Alaynna. Ce jour ou elle m’avait dit qu’elle avait volé le bébé de Fanette.

Clic-Clac.

Les choses s’étaient mises en place. Chaque pièce du puzzle était venue s’installer confortablement pour reconstituer le tableau : les mots de la lettre, le bébé, le mystère fait autour de ce dernier … Mais surtout, je revoyais le visage du bébé avec une netteté effrayante. La culpabilité était alors remontée en flèche comme un trop plein qu’on pourrait dégueuler à vie : celle d’avoir côtoyé le nourrisson pendant des semaines, presque des mois sans savoir qu’au loin, le sein et les larmes de sa mère l’attendaient. Et puis plus insidieuse … La culpabilité d’avoir fini par oublier les jumeaux à leur propre sort, avec le temps. Sans hésiter une seule seconde et mue par une force sur laquelle je n’aurai pas su mettre de provenance, j’avais offert mon aide à Dae et pire que ça, j’avais rallié la cause de la jeune mère : pour une fois que mon aide pourrait servir à quelque chose.

La chance semblait d’ailleurs lui sourire, puisque par une lettre en date du huit janvier, il m’avait été donné sa position. De là, il avait été simple d’écrire en précisant l’urgence de la situation pour connaitre d’une position plus actuelle. Elle tomberait. C’était la certitude qu’avait ranimé la cause de Fanette. Elle tomberait et la mère et l’enfant seraient réunis. Il ne pouvait en aller autrement, c’était comme ça que ça devait se passer. Probablement parce que dans cet espoir résidait aussi celui qu’un jour je reverrai mes enfants.

Clic-Clac.

Le second déclic était arrivé le jour où j’avais croisé physiquement Fanette. Si rien ne m’avait préparé à cette rencontre, elle avait pour le moins eu des conséquences inattendues. Elle m’avait frappé de plein fouet d’un vent de douceur, de courage et d’espoir. Sous l’apparente fragilité qui se dégageait de ses traits fins couvait en réalité le feu ardent d’une mère qui n’avait pas résolu d’être séparée de son petit. A la voir ainsi, on se demandait pourtant ou elle puisait la force et la vitalité nécessaire à ce combat qu’elle livrait avec des armes bien inégales. Sans doute la réponse se trouvait elle en partie dans le galbe doux de son ventre et l’autre dans son cœur de mère.

« Comment avez-vous fait pour ne jamais perdre espoir ? ».

J’avais posé la question comme si elle pouvait me livrer une recette miracle à cocoter en quelques heures seulement pour se draper du courage et de la combattivité dont elle transpirait. Pourtant elle n’avait pas eu de réponse à me donner. Probablement parce que la réponse se trouve en chacun de nous et qu’il existe autant de solutions qu’il existe de personnes : elle résidait dans la diversité. Pour autant, elle avait eu ce quelque chose, cette étincelle qui avait ravivé la flamme intérieure de l’espoir, celle-là même que je m’étais appliqué à souffler des mois plus tôt.

Elle retrouverait son fils, c’était une évidence, sinon le monde n’aurait plus de raison de fonctionner.
Il fallait qu’elle le retrouve.
Et qu’elle voit combien lui aussi avec été combattif. Qu’elle voit l’éclat que j’avais vu dans son regard de nourrisson curieux.
Elle retrouverait Milo, comme elle m’avait fait retrouver l’espoir et la force d’y croire.
Et rien ne pourrait résister devant la détermination maternelle.


* Coldplay - «For You».

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Ban : JD Calyce
Alaynna
Quelque part, dans une chambre d'auberge.

Assise en tailleur sur le lit, je relis pour la énième fois, cette missive que le Sauvage m'a envoyé, il doit maintenant y avoir une semaine. Je l'ai relu, et relu, et relu, jusqu'à en connaitre chacun des mots par coeur. J'en ai souri. Et puis certains de ces écrits, m'ont violemment rappellé mon frère. Mon jumeau. Alors j'en ai pleuré.
Tout ce qu'il a pu écrire je le comprends. Et même si j'en veux toujours à sa soeur pour l'injustice à laquelle j'ai eu droit, ce n'est rien comparé à ce que je peux éprouver envers celle qui n'a pas hésité à me faire passer pour la menteuse que je n'étais pas, et se faire passer pour une pauvre petite victime. Je n'ai rien dit. J'ai même laissé Diego, celui qui était sensé être mon meilleur ami, le parrain de ma propre fille, le meilleur pote du père de ma fille, me mettre plus bas que terre sans broncher. Mais tout ce qu'il a dit est resté bloqué quelque part en travers de ma gorge, et rien, jamais, n'effacera les mots qu'il a pu avoir. Tout ça parce qu'il prenait la défense de la soit disant outragée. Qui parce que j'avais dit à Mike que nous étions allées faire une virée à Paris et à l'Aphrodite, m'avait accusé de l'avoir fait exprès pour foutre en l'air sa relation avec Diego. Franchement, qu'est ce que j'en ai à foutre ! Même si j'ai toujours pensé, en accord avec Niallan pour en avoir plusieurs fois discuté ensemble, que l'Italien était bien mieux avec Eliance. Mais c'est fini. Jamais plus Mahrya ne me fera passer pour une menteuse quand elle même est incapable d'assumer ses propres mots et s'empresse de jouer l'outragée et la victime, quand ses propres mots, répétés aux consonnes et voyelles identiques à ce qu'elle m'avait balancé, je les ai dit au Sauvage, qui venait d'arriver. Cet homme là avait le don de se trouver sur mon chemin toujours au bon moment. Le jour où Diego m'a fustigée, je l'ai vu passer la porte et être là, près de moi. Je crois que c'est à cet instant précis, que j'ai compris ce qu'était un ami. Un vrai. En Alessandro, je retrouvais beaucoup de la sagesse de mon défunt Serbe, Loras. Mais aussi, il avait cette perspicacité qui animait Gabriel quand il était encore le presque frère. Il avait aussi le côté protecteur de mon jumeau. Nous nous sommes entendus instantanément. Et même depuis mon départ, nous continuons de nous écrire et nous donner des nouvelles. Il a été le premier à savoir pour Flavio, à qui j'ai raconté l'histoire de ce nourrisson dérobé à ce type louche et qui est devenu mon fils. Avant que je n'en parle à Marzina. Dernièrement, je lui ai confié combien je me sentais bien avec le groupe qui m'avait adoptée. Une princesse bretonne, un rital (ouai, encore un), et une angevine avec qui j'avais sympathisé bien avant qu'elle nous rejoigne. Et même si l'épisode avec Malik m'avait perturbée, je me sentais en paix. Auprès de personnes vraies et non pas hypocrites. J'avais bien fait l'effort d'enterrer la hâche de guerre envers Mahrya lorsque je m'étais retrouvée devenue belle-mère de Percy. Mais ce n'est pas pour elle que je l'avais fait. Je l'avais fait pour Percy et pour Niallan. Malgré tous mes efforts, même si j'avais réussi à pardonner, je n'oubliais pas qu'elle n'avait pas hésité, me sachant pourtant enceinte et avec Niallan, à tenter de le détourner de nous en l'emmenant avec elle quelques jours. En revenant, Niallan m'avait tout raconté dans les moindres détails, et j'avais pardonné au père de ma fille. Plus tard, j'avais accordé mon pardon à Mahrya, mais je ne pouvais pas m'empêcher de rester sur ma réserve, la concernant, et quand elle m'avait reproché de ne pas me confier à elle, j'avais haussé les épaules. Parce que no, que ce soit elle ou une autre, jamais je ne me confierai à celles qui, en toute connaissance de cause, se seront immiscées dans le couple que nous formions alors avec Niallan. Neijin fut la seule exception, mais les circonstances étaient totalement différentes.
Aujourd'hui, je vivais enfin en paix avec mes enfants, au sein d'un groupe que j'appréciais. Et la missive du Sauvage m'avait tiré des larmes, me ramenant de plein fouet au souvenir de mon frère. Alors, ce n'était certainement pas moi, qui allait le blâmer d'être reparti auprès de sa soeur, et encore moins les juger l'un et l'autre. D'une parce que c'est leur histoire, et de deux, parce que ma relation avec mon jumeau n'à rien à leur envier. A la différence que j'ai fui mon jumeau, sachant ce qu'il attendait de moi. Et qu'il préfère vivre loin de moi que près de moi, aujourd'hui qu'il sait que, malgré tout l'amour que je lui porte, je ne lui accorderai jamais ce qu'il souhaite. Mais le manque fraternel est toujours là, rivé à la peau, et j'ai fait le choix de ne jamais en parler. Rares sont les personnes à qui je cause de mon frère. Et pourtant, l'amour que je lui porte reste inconditionnel. Alors si. Je comprends ce que peut ressentir Alessandro. Je le comprends parfaitement.
Je n'ai pas encore répondu au Sauvage. Je vais le faire sous peu, mais dans l'immédiat, il a soulevé un autre point important dans sa missive. Je lui ai fait part de mes ressentis au sujet de Flavio, de ce sentiment étrange d'être traquée depuis quelques temps et il m'a répondu sur le sujet. Et ce qu'il m'a dit n'était pas fait pour me rassurer. Il devient maintenant essentiel, pour la survie d'Anna et la mienne, que toutes les deux, nous ayons une conversation entre filles. Entre mère et fille. Aussi petite soit elle encore. Et là encore, les écrits d'Aless ont trouvé écho dans quelques paroles que Malik avait eu concernant l'affection particulière que porte Anna à Flavio. Et si à ce moment là, les mots ont fait écho sans que je n'y accorde vraiment cas, j'en viens aujourd'hui à me poser la question. Et je dois savoir. Pour le bien d'Anna, je dois savoir si le Barbare avait raisonné juste et si je dois m'inquiéter ou bien s'il n'en est rien.

Alors, tout en gardant Flavio endormi tout contre moi, j'ai tapoté la place près de moi sur le lit et j'y ait fait grimper Anna, nous enveloppant tous les trois au creux de la courtepointe, comme si celle-ci pouvait faire rempart entre nous et le monde extérieur. Ma fille est venu se glisser à califourchon sur l'un de mes genoux et s'est blottie contre mon épaule libre, glissant sa petite main dans le creux de mon cou.


" - Tesoro mio, il faut que l'on parle toutes les deux. On va parler de Flavio... Et on va parler de Papà."

Il est temps que je sache si ce que supputait Malik s'est produit ou pas. Ma fille joue t'elle sincèrement son rôle de grande soeur protectrice auprès de Flavio ou bien y'a t'il autre chose qui a déclenché ce comportement. Il est temps que j'en ai le coeur net, pour mieux appréhender la suite de ce qu'il adviendra dans les semaines à venir. Et le regard désespéré que vient de me lancer la petite à l'évocation de son père, ne me dit rien qui vaille. Allez ma grande, il est temps de prendre ton courage à deux mains et de parler à ta fille. Raconte lui l'histoire de Flavio, dis lui ce que tu as fait, et évalues les dégâts causés par un paternel absent. Vois ce qui peut encore être sauvé ou pas de tout ce carnage.
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Lison_bruyere
Narbonne, le 5 février 1467

La ville s'étalait entre la mer, et le roc de Fontfroide, dont l'abbaye veillait sur la route qui menait à l'Espagne. Le temps était gris et le soleil blafard. Pour autant, le vent sec et froid qui venait de se lever n'annonçait pas la pluie. Les chevaux bouchonnés de paille sèche, mâchouillaient un carré de foin, à l'abri d'une écurie louée pour la journée. Le groupe, arrivé aux laudes, avait posé ses bagages à la municipale avant de s'éparpiller dans les ruelles. Fanette pouvait compter sur l'aide de ses compagnons de route pour ratisser les environs, questionner les passants, et chercher quelques témoignages qui saurait lui indiquer une direction à suivre. La veille, ils avaient évoqué la possibilité de passer le col pour redescendre vers la Catalogne, mais en cette saison, la route serait sans aucun doute difficilement accessible. Au-delà de la peine qu'éprouveraient les chevaux à tirer l'attelage dans la neige, il serait difficile d'éviter les ornières dissimulées sous le manteau poudré.
Comment pouvait-elle savoir si Alaynna avait ou non passé la frontière quelques jours plus tôt, ou si elle était remontée au Nord. Diego conseillait dans le doute, d'explorer soigneusement les environs, et il restait encore quelques hameaux que Robin devait être en train de visiter. Quoi qu'il en fut, peu après sexte, la fauvette avait regagné l'auberge bredouille et abattue. Elle s'était efforcée de ne point trop inquiéter Daeneryss mais son teint, plus pâle qu'à l'habitude trahissait certainement ce qu'elle cherchait à taire.

Elle avait loué une chambre, et avait fait l'impasse sur un repas chaud pour s'y reposer. L'âtre occupait un coin de la petite pièce. Le tenancier avait pris soin d'étaler au sol la peau d'une génisse, qui protégeait des remontées d'air froid s'insinuant entre les lattes d'un plancher mal jointé. Le sac de toile, contenant quelques vêtements était posé près de l'entrée, à côté de la besace dont le cuir fauve était brodé des cinq lettres d'un prénom peu usité, Orphée. Sa cape de gros bureau, sa robe et sa chemise étaient pliées sur une escabelle, qui, avec le lit bas et une étroite table posée sous la fenêtre, constituait le seul mobilier de la modeste chambre. Les volets clos laissaient passer la lumière fade d'une après-midi d'hiver. Les coups douloureux à son ventre la réveillèrent. Allongée sur le matelas de paille, la chainse trempée de la sueur d'un mauvais sommeil, elle remonta la couverture sous son menton. Les braises qui couvaient dans le foyer à moins d'une toise d'elle, ne suffisaient pas à la réchauffer. Elle sentit son ventre se durcir de nouveau, et s'efforça de calmer sa respiration qui s'était emballée sous l'effet de la douleur.

Le voyage l'avait éprouvée, et la possibilité de perdre encore la trace de l'Italienne ajoutait sans aucun doute à son trouble. Les sept mois passés qui la séparaient de Milo ne se rattraperaient jamais. Quand bien même elle le retrouverait, avant que cette nouvelle grossesse ne la contraigne à regagner Limoges, l'enfant était certainement bien plus attaché à cette femme qui l'élevait comme son propre fils qu'à elle, qui ne l'avait chéri que sept semaines. Elle referma les yeux sur les larmes que ce triste constat ravivait à ses cils.

Elle glissa ses mains sur son ventre qui la tiraillait encore aussi péniblement que la veille. La douleur s'était installée soudainement, peut-être à cause de ses inquiétudes, à moins que l'homme qui était revenu au soir précédent l'humilier devant le couple avec lequel elle devisait en soit la cause. De nouveau, il l'avait injurié, monopolisant la parole pour la traîner plus bas que terre. Impuissante à se défendre, elle l'avait laissé se ridiculiser devant les voyageurs qui avaient fini par quitter la salle commune, las d'écouter les logorrhées malsaines. Le regard suppliant que leur avait lancé la fauvette pour les dissuader de partir avait été vain. Sa confiance était encore fragile, et, quand bien même ne voulait-elle accorder aucune importance au jugement d'un étranger qui ne la connaissait pas, elle se rendait compte que la nouvelle volée d'insultes la ramenait aux faiblesses qu'on ne cessait de lui rappeler depuis qu'elle était enfant.

Alors, elle s'était repliée sur le petit Corleone qui s'agitait plus encore qu'à l'ordinaire, occultant le barbu. Elle cherchait à reprendre son inspiration quand l'enfant s'était fait immobile, laissant place à une contraction qui lui avait coupé le souffle, mais l'intensité de la douleur qui ceinturait son ventre l'en empêchait. Incapable de se lever, elle avait calé sa cape roulée dans son dos et étendu ses jambes sur la chaise voisine. Les yeux fermés sur des larmes silencieuses, de souffrance ou de honte, elle tentait d'oublier l'homme qui continuait à l'invectiver. A quel moment s'était-il rendu compte qu'il dépassait les bornes ? Il était de nouveau devenu un autre, s'inquiétant soudain, cherchant à lui faire dire ce qu'elle avait quand elle était incapable d'un mot. Il avait alors pris soin d'ajouter du bois dans l'âtre, et avec une délicatesse qui contrastait avec la violence de ses propos, avait glissé à ses épaules d'un bras réconfortant pour lui faire boire quelques gorgées d'eau, en la berçant d'une voix douce. Elle aurait dû se manifester quand il avait posé sa bouche à ses cheveux, mais elle l'avait laissé faire, les yeux clos, épuisée par la douleur et le stress. C'est quand elle avait senti ses lèvres sur les siennes qu'elle s'était dérobée brusquement. Il s'était excusé de nouveau, invoquant l'égarement, et était resté encore, jusqu'à s'assurer qu'elle irait bien, avant de s'évanouir dans la nuit.
Mais les cahots de la route, aux heures suivantes, et la déconvenue de ne pas avoir retrouvé trace de l'Italienne, même si elle avait envisagé cette possibilité, avaient ravivé la douleur à son ventre , et entamait son courage et de sa détermination. Reverrait-elle son fils un jour ? Et comme pour la punir d'en douter, ou de faire preuve de faiblesse, l'enfant accroché au creux de ses entrailles se manifestait de nouveau douloureusement.
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Lison_bruyere
Bordeaux, le 16 février 1467


Lili, Luna et Fanette se partageait la même chambre à la sauvageonne. Le nom de l'auberge allait sans doute parfaitement aux deux jeunes filles, autant qu'à elle. Ce n'est pas celui qui la lui avait recommandée qui dirait le contraire. Elle avait réussi à le mettre mal à l'aise en s'éloignant un peu rapidement quand il était venu s'asseoir trop près d'elle, et avait retiré sa main dans un geste gêné quand il l'avait couverte de la sienne. Elle le connaissait pourtant, mais pas assez bien pour s'accommoder d'une trop grande proximité. Maryah lui avait amené un matin prétextant qu'il avait besoin de voir des gens gentils. C'était dans la Limoges des jours heureux, quand elle berçait tout le jour un enfançon contre son sein et perdait ses nuits en souffle moite, enroulée au corps de son diable Italien.

Dès que Rickard avait appris le drame, sans hésitation il avait décidé de se joindre aux recherches. S'il fallait pousser le voyage jusqu'à Paris, il offrait une lame experte pour les protéger, sa belle-mère, elle, et tous ceux qui voudraient bien les accompagner, et, au vu des réactions un peu farouches de la fauvette, il lui avait bien précisé que son geste n'attendait aucune contrepartie.

Peut-être avait-elle un peu de chance malgré tout, quand bien des gens se succédaient à ses côtés pour l'aider dans sa quête. L'ancien évêque pensait que si le Très-Haut mettait autant d'application à provoquer ces rencontres, c'est qu'il avait pour elle de grands projets. Ses lèvres s'étirèrent légèrement, dessinant un sourire indécis tandis qu'elle remontait l'escalier. Elle accordait si peu de confiance à Deos, jusqu'à s'en remettre à la déesse d'un homme du Nord, croisé au hasard de la route quelques jours plus tôt.

Elle poussa doucement la porte de la chambre qu'elle partageait avec Luna et Lili et abandonna la bougie de suif sur la console. Doucement, son regard s'acclimatait à la pénombre. Les deux jeunes filles semblaient déjà endormies, où, si elles ne l'étaient pas, aucune n'esquissa de mouvement. Fanette fouilla son sac de toile, et en extirpa une paire de jarretières qu'elle déposa sur les vêtements de Luna. Puis, précautionneusement, elle s'employa à retirer la robe à taille haute qui couvrait sa longue chainse de futaine. Les aiguillettes ferrées qui retenaient ses manches se dénouèrent. Elle les laissa glisser le long de ses bras, et plia le tout sur le coffre posé près de la fenêtre, puis souffla la flamme de la chandelle. Le fumet âcre vint picoter sa gorge mais elle se retint de toussoter pour ne pas déranger le sommeil de ses compagnes de route. Elle se glissa précautionneusement entre les couvertures.

Les yeux grands ouverts ne parvenaient à percer l'obscurité. Elle n'entendait que le souffle régulier des deux jeunes filles. Ses boucles indociles étalées sur l'oreiller se mêlaient sans doute aux longues mèches d'or clair de la jeune cousine Corleone. Lili lui avait concocté un mélange de plantes pour apaiser ses nuits, et elle se demanda comment les siennes pouvaient sembler sereines. Elle avait ravivé un peu plus tôt le souvenir des événements sordides qui avaient conduit à l'enlèvement de Milo. Rickard l'avait connu épouse, mère et heureuse, et, puisqu'il avait proposé son aide, il avait souhaité connaître les détails de l'histoire.

La silhouette de Lili semblait si frêle, bien plus que le réclamait son âge. Comment presque deux ans plus tôt, ce pervers de Montparnasse avait-il bien pu la souiller ? Fanette était restée évasive sur ce qu'avait subi la jeune cousine, et plus encore sur son identité. Elle avait simplement évoqué un homme qui avait agressé une fille du clan Corleone, ce qui avait conduit un an plus tôt Roman et Gabriele à le torturer pour venger l'une des leurs. Elle avait précisé que les représailles avaient suivi, immédiates et violentes, et que la famille du supplicié avait laissé l'aîné des deux frères entre la vie et la mort, puis quelques mois plus tard, ils avaient fait payer Roman en enlevant son fils. Milo avait été revendu ensuite à une femme en mal d'enfants, par le biais d'un orphelinat des Miracles. Voilà ce que ses recherches lui avaient permis d'apprendre jusque-là.

Le Savoyard trépignait, pire, Fanette l'avait cru enclin à faire porter la responsabilité aux deux frères Corleone qui, par leur soif de vengeance et l'escalade de violence, avaient conduit à la disparition de l'enfançon. Elle s'était opposée à cette idée. Bien sûr, elle souffrait de la situation, mais jamais elle n'aurait pu en faire reproche à Roman et Gabriele. Ils avaient agi exactement comme ils le devaient, faisant eux-même justice, quand celle des juges étaient si corrompue. Alors, quand tout le clan s'était rassemblé autour de la jeune Lili, elle s'était sentie rassurée, et même si elle n'appréciait guère Jenifael, et moins encore Gabriele, elle les avait vu sous un autre jour. Elle était fière d'eux, et fière d'appartenir à ce clan capable de gommer ses rancœurs pour défendre l'une des leurs.

Et ce soir-là, bien avant d'aller rejoindre dans le grand lit de l'auberge Lili et Luna, elle avait pris la défense de tout le clan Corleone, et pas seulement de cet époux qui ne voulait plus d'elle. Il n'en restait pas moins que son fils lui manquait cruellement, et que les récentes informations la poussaient à remonter vers Paris rapidement.
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Alaynna
Les semaines passent, sans que rien ne viennent perturber notre routine quotidienne, aux enfants et moi-même. Si ce n'est Delio, pour me prévenir des activités imminentes. Je vis en cocon fermé auprès de mes deux bambinos et il semblerait qu'en ce moment, seul Delio, soit en mesure de me trouver pour me fournir les informations nécessaires. De sauvageonne, je suis devenue vraiment sauvage et renfermée, et mes sourires n'éclairent mon minois que lorsqu'ils s'adressent à ma fille et mon fils. Les deux trésors de ma vie. En ce moment, je n'ai même pas l'envie de passer en taverne. Pas que j'évite Marzina, ou Yseult, ou même le Ritalien, loin de là, mais j'ai toujours le sentiment d'avoir cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête, cette impression bizarre d'être traquée sans que je n'en sois vraiment certaine. Je sens un danger. Une tempête qui se prépare. Et dans l'immédiat, c'est dans l'oeil du cyclone que je me suis réfugiée. Auprès de mes enfants, que je ne quitte pas et que je couve comme une louve sauvage. S'il y a une chose dont je suis certaine, c'est que malgré mes silences, malgré le fait que je m'enferme dans mon mutisme et une sauvagesque attitude ; je peux compter sur mes trois compagnons de route. J'ai en eux une confiance absolue.
Néanmoins, aucun des trois n'est au courant de ce qui se passe vraiment dans ma vie avec les enfants. Ils savent que j'ai dérobé Flavio à un type dans une auberge minable, et j'ai informé Marzina que Malik avait commencé un semblant de recherches pour retrouver les parents du nourrisson, si ceux-ci étaient encore en vie. Et j'ai compris qu'aucun des trois, ne parleraient de moi ou de mes enfants à des étrangers. La loi du silence prime. Et puis ce n'est pas leur habitudes de causer à des étrangers. Je sais que je n'ai pas à me tourmenter de ce côté là.
No. Ce qui m'a fracassée, c'est la discussion que j'ai pu avoir avec ma fille. Je lui ai expliqué avec des mots très simples ce que j'avais fait. Je lui ai raconté l'histoire de Flavio. Je lui ai dit que ce bébé là, n'était pas, comme elle, sorti de mon ventre. Que je l'avais trouvé au creux d'un panier dans une vilaine auberge, qu'un type masqué à la chevelure d'ange mais trop étrange pour être honnête était avec lui, et qu'en regardant le bébé, j'avais vu Andrea. Et que j'avais pris l'enfant et était partie avec lui.
Je lui ai expliqué que Malik avait lancé des recherches pour retrouver son papà et sa mamma s'ils étaient encore en vie, et que si c'était le cas, il faudrait que l'on se range à la raison et qu'on leur rende l'enfant.
C'est là que ça c'est corsé avec Anna-Gabriela. Du haut de ses pas encore, mais bientôt trois ans, elle a commencé à me dire que c'était pas moi la voleuse mais le vilain monsieur. Elle a dit que c'était lui le grand méchant loup. Et elle s'est fâchée et s'est mise à pleurer en décrétant que Flavio, c'est SON petit frère, et que personne ne viendrait le lui reprendre. Et c'est là que le reste a suivi. Vu qu'elle n'a plus son papà adulé, c'est sur le petit bout de chou qu'elle a reporté l'amour qu'elle lui portait. Son père s'est fait la malle, mais il est hors de question que son petit frère fasse pareil. Et depuis notre discussion, elle s'est remise à mouiller ses draps et à avoir des nuits agitées. Et moi je n'arrête pas de culpabiliser en me disant que j'aurai du le voir venir, et qu'il aurait fallu qu'elle reporte son trop plein d'émotion sur Njörd son chiot Danois, ou sur Cassie, sa petite pouliche. Mais certainement pas sur un bébé ! Qui de surcroît n'est même pas la chair de ma chair ! La douleur de ma fille a ravivé ma propre douleur, et ma détermination à lutter contre la raison, pour favoriser la protection de mes enfants. Et même si pour protéger ma fille, je dois quelque part, sans doute, le faire au détriment de Flavio. Parce que depuis que nous avons eu cette discussion et que j'ai compris la détresse enfantine face au manque paternel, je me fous de tout ce qui peut-être sensé et raisonnable. Et il n'y a pas de Niallan, ni son humour parfois au ras des pâquerettes et sa façon minable de vouloir me protéger, pour me remettre sur le bon chemin. Pour moi il est porté disparu. Pour Anna, il l'a abandonnée et elle n'a plus de papà. Et la seule autre personne qui aurait pu me raisonner, ne le fera plus jamais puisque mon Serbe est décédé. Et j'ai beau quelquefois avoir perçu sa présence et l'avoir entendu me souffler des paroles, je sais aujourd'hui, qu'un mort, ça reste mort et que ça ne revient pas à la vie dès qu'on a ce besoin vital qu'il soit près de nous. Tout comme je sais très bien qu'Andrea est mort, et que mon petit guerrier Corleone ne reviendra jamais. Même s'il continue de hanter mes nuits il n'est pas Flavio, et Flavio n'est pas lui. Cela je le sais. Mais malgré tout, il y a ces putains de petits détails qui ne cessent de venir me frapper, au fil des mois que je partage avec Flavio. Cette foutue ressemblance qui ne cesse de me remuer les entrailles. Et cet amour qui nous lie tous les trois. Qu'est ce qu'il en resterait si vraiment, ce petit bout de chou avait encore ses parents en vie ? Et comment je gèrerai la situation ? No. No, no et no. Il n'est pas question que l'on m'arrache mon fils d'adoption. Et qu'on arrache son petit frère à Anna.
En ce moment, son jeu favori est de nous lancer à Anna et moi, tout ce que ses petites mains peuvent arriver à attrapper. Si sa soeur s'en amuse, moi je m'en méfies et j'observe mon petit rebelle d'un oeil avisé. Anna m'a fait le coup alors maintenant j'ai compris la manoeuvre. Le petit mâle est en pleine période de test et il étudie plus particulièrement mes réactions. Est ce que mamma va dire que j'ai le droit de faire, ou pas ! Flavio est aujourd'hui en plein apprentissage de nouveaux jeux. Il adore également que je le maintienne sous ses aisselles pour tenter d'avancer mais depuis quelques jours, c'est une nouvelle méthode qu'il emploie : celle de me tenir les deux mains et de mettre une jambe devant l'autre. Alors si, c'est encore très cahotique, et sans mon soutien, il finirait régulièrement au sol ou à quatre pattes. Mais petit mâle est têtu et si j'ai le malheur de vouloir arrêter pour qu'il se repose un peu, il ne cesse de s'accroupir et se relever en tirant sur mes mains, pour que l'on reparte pour un tour ! Le rituel du coucher s'est vu enjolivé par un nouveau jeu. Après le bisou de sa soeur, c'est sa petite menotte que bébé agite pour faire au-revoir à Anna. Et forcément, mes deux petits diablotins, en profitent pour grignoter encore quelques minutes d'amusement et d'éclats de rires. Soupes, purées et compotes sont aux repas du jour, agrémentés désormais de quelques petits morceaux de framboises , de fraises, et même de pulpe de raisin que je prends soin de lui préparer en ôtant les petits pépins.
Chaque jour est un nouvel émerveillement au contact de mes deux enfants et j'en profite sans modération. Et je les protège telle une louve sauvage et impitoyable le ferait avec ses petits.

Et mon nouveau crédo, est que si je dois tuer pour eux, je le ferai. Pour les protéger du monde entier. Et cela inclue, la protection de ma fille envers son lâche de paternel, ou des pseudos personnes qui n'hésiteraient pas à se faire passer pour les parents de Flavio, quitte à ce que ce soit les parents biologiques eux-mêmes.
Il n'y a plus personne qui soit en mesure de me raisonner à l'heure actuelle. Personne ne fera le moindre mal à mon petit guerrier et à ma petite pirate-princesse. Où ils en paieront chèrement les conséquences.

On a assez morflées Anna et moi pour avoir enfin le droit de vivre en paix avec Flavio.

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Alaynna
J'ai cauchemardé. Encore. Des années que je vis avec mes cauchemars. Depuis que notre paternel nous avait séparés mon jumeau et moi. Mais quand j'avais retrouvé Julian dans le Béarn, mes terribles rêves s'étaient comme miraculeusement envolés. Pour revenir en force et sans répit depuis maintenant quatre années. Depuis les pertes de mes bébés.
En sueur, assise au milieu des draps qui semblent avoir essuyé une tempête, je m'assure, encore groggy, du silence autour de moi. Il semblerait que je n'ai pas hurlé cette fois, et que je n'ai réveillé personne. Pas de petits pas qui se font entendre pour venir me rejoindre dans la couche, pas de pleurs non plus de Flavio.
Tout va bien. Ou presque. Resserrant les draps et couvertures autour de mon corps nu, j'essuies la sueur sur mon front tout en respirant profondément pour calmer les battements douloureux de ma cavité thoracique, et je me prends la tête entre les mains. Cela n'arrive pas tout le temps, mais parfois, lors de mes réveils cauchemardesques, j'ai comme quelques flash qui me restent en mémoire. C'est toujours assez nauséeux mais la plupart du temps, il s'agit d'Andréa. C'est loin d'être la première fois qu'il me hante pendant mon sommeil, mais là, j'ai le souvenir très net de ce que j'ai vu. Andréa, mon petit guerrier du feu, penché au-dessus de Flavio, mais il n'était pas seul. Il y avait une haute silhouette masculine auprès de lui. Et c'est à cet homme qu'il s'adressait, sourire fier et empli d'orgueil dansant sur les lèvres.

Guarda papà come ci somiglia, siamo molto generati di un stesso fuoco tutti i tre.

C'est flou, je suis encore à demi dans les limbes, mais je me remémore la scène. Le petit visage de Flavio qui se tourne vers moi, me happant de son regard. Puis celui d'Andréa, pur, limpide, et si envoûtant. Identique au regard de Flavio. La silhouette masculine reste floue, mais lorsque la tête mâle s'en prend la même direction que celles des deux plus jeunes, je me prend de plein fouet un troisième regard, identique aux deux premiers. Et ce regard, je le connais par coeur. Je connais cette lumière, sous toutes ses différentes facettes. J'ai connu ces éclats rieurs, audacieux, séduisants, passionnés, amoureux. J'ai aussi vu ces éclats mordorés dans toute leur souffrance, leur colère, leur haine, leur dépit, leur sarcasme. J'y ai déjà lu des envies de meurtre dans ce regard. Des envies de renouveau lorsque je les avais recroisés complètement par hasard en Anjou, ces lueurs de douceur et de protection qui avaient alors effleuré le visage de ma fille, Anna-Gabriella, alors juste âgée de quelques mois.
Ce putain de regard aux effluves si particulières, pétri d'orgueil, qui s'en venait affronter mes océans qui ne rivalisaient pas moins de cette satané fierté.
Ce regard Corleone. Et je le connais bien, car il est présent chez la plupart des membres de la fratrie italienne. Outre le fait qu'Esmée m'ait sauvé la vie, ce qui m'avait le plus frappé chez elle, c'était ce regard qu'elle portait, recelant les mêmes lueurs et le même tempérament d'orgueil que ne peuvent le refléter les prunelles de Roman ou mêmes celles de cet autre frère, Gabriele, dont elle m'avait tant parlé et à qui j'ai du remettre une missive porteuse de mort.
Alors comment cela a t'il pu m'échapper jusqu'à présent ? Il y a bien eu un autre de ces cauchemars dont parmi les méandres de ouate, je me souvenais distinctement avoir entendu Andrea dire que Flavio ressemblait à leur père.

Dans un élan de panique, je me faufile hors de la couche et j'enfile à la va vite un bustier et un jupon avant de m'emmitoufler dans la plus chaude des couvertures et rejoindre le berçeau de mon fils, me penchant au-dessus de lui, et éclairant son visage endormi à la lueur de la chandelle.
Je ne sais pas ce que je cherche, mais mes bleus, fixent intensément le petit visage, tout en écoutant son souffle paisible. Les petites paupières sont fermées, mes bleus glissent le long de la chevelure châtain, jusqu'aux petites pommettes potelées et je me rassure d'un léger sourire. C'est impossible. C'est totalement impossible. Même si je reste persuadée que mon fils a une disposition précoce pour la langue italienne que je lui inculque sans modération à tout moment de ses journées, en lui parlant italien, en lui chantant dans ma langue maternelle. Il y est réceptif, c'est certain. Il dort à poing fermés. Ses petites paupières bien closes.
Je devrai oublier ça. Je devrais oublier ce moment qui n'est sans doute rien d'autre qu'un phénomène du à mes cauchemars persistants. Mon inconscient me joue sûrement des tours depuis que Malik m'avait fait comprendre que peut-être Flavio a des parents qui sont toujours en vie.
Si. Voilà. Ce ne peut être que ça. Et cela n'a strictement rien à voir avec Roman. Le mois de mars approche et avec lui, les putains de souvenir de cette première fausse couche dans les geôles béarnaises. Ou alors est-ce le fait d'être repassé par là qui a déclenché ces cauchemars ci. Et la visite sur la sépulture d'Andréa.

Derrière moi, j'entends le petit souffle endormi d'Anna-Gabriella. Je sais qu'il est inutile que je retourne me coucher. Je me laisse donc glisser au pied du berceau de Flavio et Apollo s'en vient se coucher près de moi, sa tête sur mes genoux.

Je veillerai ainsi jusqu'à l'éveil de mes enfants. Et je refoule loin de moi, le regard Corleone et ces étranges perceptions qui m'ont effleurées. Parce que c'est complètement ridicule, et que même si Flavio et Andréa partagent quelques ressemblances, il est un fait avéré que chez les nourrissons, cela est très plausible.

Le Béarn ne me réussit vraiment pas. Trop de souvenirs y sont encore rattachés. Ceux avec mon frère. Ceux avec le Corleone. Et les plus douloureux, ceux de mes bébés. Quoiqu'à y bien réfléchir, niveau souffrance, Roman, Andrea et Raffaele sont sur une même vague. Parce que l'une ne peut pas être dissociée des deux autres et vice-versa. Roman avait fait de moi une épouse et une femme. Certes, j'avais connu Niallan avant lui, mais c'est bien le Corleone qui avait ainsi posé ses marques. Il a fait de moi une mère qui s'ignorait. Et même si son putain d'orgueil et ma foutue fierté ont envoyé valser le meilleur de nous mêmes dans notre relation, il n'en reste pas moins que c'est l'italien qui a mis fin à notre mariage sans même chercher à braver la tempête. Et moi je l'ai laissé faire. J'ai même fait pire. J'ai joué l'autruche quand Niallan lui même m'a enjointe de retrouver le Corleone. Au lieu de ça, je me suis isolée, même de mon frère, et je n'ai pas été foutue de comprendre à temps que je portais la vie. Je n'ai pas eu de mère pour m'apprendre toutes ces choses et ce n'est certainement pas mon père qui était trop occupé à me cogner et à m'empêcher de fuguer rejoindre mon frère qui m'aurait expliqué ces choses là de la vie. Si Roman avait tenu son rôle d'époux envers et contre tout, il se serait aperçu lui, de ce qui se passait. Mais il avait pris la poudre d'escampette dans d'autres jupons après m'avoir balancé son alliance à la tronche. Par simple orgueil. Et encore à ce jour, il me le faisait payer bien cher. J'avais encore en travers la découverte, quand j'avais voulu m'empoisonner, que le Corleone m'avait vendu de la m.erda, mais certainement pas du poison. Bien sûr, l'italien ignorait que j'étais au courant. Et jamais je ne le lui en causerait de toute façon. Cela reviendrait à avouer que j'avais voulu m'empoisonner avec sa fiole. Et ça. je n'avais aucunement l'intention qu'il soit au courant. De toutes façons, cela faisait belle lurette que je n'avais plus entendu parler du Corleone, et vu qu'il est en parti responsable de ma haine envers Limoges, c'est tant mieux. C'est Maryah un soir qui avait commencé à m'en causer et je l'avais arrêté net en lui disant que je ne voulais pas entendre parler de l'Italien, de quelque manière que ce soit.
Malgré tout, il semblait que Corleone hante toujours mes nuits. Que ce soit sous la forme du fils, et occasionnellement, comme cette nuit, du fils et du padre. Quand ce n'est pas Esmée qui se rappelle à moi avec cette boite recueillant l'édelweiss que j'aurai du remettre à son frère avec cette foutue missive. Mais finalement la petite boîte était toujours en ma possession et s'était vu enrichie par mes soins d'une immortelle et d'une rose blanche. Evidemment.

Demain serait un autre jour. Et toute l'agitation de cette nuit, serait oubliée. Il fallait qu'il en soit ainsi et pas autrement.
Fort heureusement, Delio nous avait trouvé quelques lucratives activités à mener et cela m'occupait l'esprit quand je n'étais pas auprès de mes enfants, qui, à ces moment là, restaient sous la garde de mon fidèle homme de main et intendant familial.


Regarde papà comme il nous ressemble, nous sommes bien issus d'un même feu tous les trois.

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Lison_bruyere
Limoges, le 17 mars 1467
Il lupo e l'uccellino.



Limoges ne lui offrait qu'un semblant de repos. En réalité, le souffle rendu souvent court par l'enfant qui alourdissait son ventre, elle écrivait, organisait, s'impatientait, mais au moins, lui avait-on de nouveau offert la possibilité de ne pas se décourager.
Le clocher de la cathédrale toute proche sonnait vêpres. La salle commune à cette heure était encore vide, et Fanette s'y était installée d'autant plus volontiers. Le dos calé dans quelques coussins, les deux mains pressées sur le petit Corleone, elle surveillait la porte d'entrée.

L'espoir était-il rattaché au prénom de Diego ?

Le Corellio lui avait offert les souvenirs qui lui manquaient, ceux d'un enfant dont le regard de lichen brillait de curiosité, dont les petits poings affichaient parfois sa détermination. Et voici qu'elle en guettait un autre, parce que Lenù lui avait affirmé qu'il saurait l'aider. Elle lui avait fait amener un bref la veille, et depuis, elle était là, à se demander s'il viendrait, à languir de voir sa silhouette se dessiner dans l'embrasure de la porte. Elle ignorait si elle saurait le reconnaître, et songea au souvenir de la gitane qu'elle avait admirée ici même quelques mois plus tôt et que le duc de Messey venait de raviver dans sa dernière lettre.
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Axelle_casas
La missive avait cueilli sa curiosité. La femme n'en disait que peu, mais avait eu la bonne idée de mentionner le Renard. Les deux hommes se connaissaient à peine et c'était bien en cela que la recommandation n'en était que plus intrigante. Et si sa paresse à écrire avait eu gain de cause face à la politesse d'une réponse, il n'avait pas hésité bien longtemps avant de déplacer sa longue silhouette jusqu'à la taverne indiquée. Le souci étant qu'à la Saint Noël, lors de cette soirée « gitane » qui n'avait su que le mettre en rogne, il n'avait guère pris garde aux visages qui s'y promenaient, son attention bien davantage ancrée aux mains des convives. Et plus encore, à celles, fines et délicieuses, des petites pies.

Comme toutes bonnes portes de taverne qui se respectent, celle de l'Il lupo e l'uccellino grinça sous la poussée de sa main. Planté sur le seuil, le Casas inspecta rapidement les lieux avant d'y faire un pas. La nuit était encore jeune et la plupart des tables restaient encore désertées de braillements et de beuveries. Un carré d'hommes jouant aux cartes, un couple roucoulant des mots d'amour qu'ils oublieraient bientôt, un pochetron endormi, la joue écrasée sur la bois de la table, et une jeune femme, seule, malgré son ventre rond comme une barrique. Le regard noir noir, à l'ombre de son chapeau, l'observa avec plus d'attention, attendant un signe pour s'assurer qu'il s'agissait bien de la bonne donzelle. Si un époux traînait dans le coin, le gitan espérait bien, autant se faire que peut, éviter un poing jaloux en pleine poire.

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Lison_bruyere
Etait-ce lui ?

Fanette détaillait l'homme qui venait de s'immobiliser dans l'entrebâillement de la porte. La lumière vacillante des chandelles de suif et des lampes à huile soulignait à peine la silhouette, que l'on devinait sèche et haute, sous l'épaisseur d'une vêture de toile épaisse et de cuir. L'ombre du chapeau dissimulait le regard, ne consentant à laisser entrevoir qu'une barbe sombre et parfaitement taillée, et l'éclat d'or d'un anneau à une oreille. Si elle ne pouvait distinguer le regard qui l'enveloppait, soudain elle en sentit le poids.

C'était lui, assurément.

Son cœur s'affola un peu, suspendu à l'importance que revêtait sa demande, et à la crainte qu'il ne refuse. Elle glissa une main sous son ventre, et s'appuya au dossier de sa chaise pour se relever doucement. Le chien vautré devant le feu leva nonchalamment la tête, puis la reposa sur ses deux pattes croisées, suivant de son œil de velours le déplacement de la fauvette. Elle s'efforça de prendre un air assuré, que sa voix contredirait à coup sûr. Passant près de lui, elle l'accueillit d'un sourire discret.

- Sieur Casas ? Je vous remercie d'être venu.

Elle balaya la salle du regard, s'attardant sur les quelques convives qui ne prêtaient attention à eux. Malgré tout, elle n'avait guère envie de formuler sa demande au milieu d'oreilles peut-être indiscrètes. Elle l'entraîna à sa suite par l'ouverture perçant le mur à côté du comptoir, dénichant au passage un pichet de ce fameux vin de Toscane, dégoté par Lili à la veille de leur départ, et deux godets. Elle traversa la pièce tenant lieu de cuisine et d'office, pour pousser la porte suivante, s'ouvrant sur ce qui était il y a quelques mois encore le bureau de Roman.
Quelques chandelles furent rapidement allumées aux flammes moribondes qui chuchotaient dans l'âtre. Elle invita l'homme à s'asseoir, jouant du tisonnier pour raviver un peu les braises et y déposer une nouvelle bûche. Puis, un fugace instant, elle s'éclipsa à la chambre voisine pour en revenir avec une petite cassette de bois clair, aux pentures mangées de rouille. Elle la déposa sur le bureau, après quoi, retardant sans doute le moment de lui causer, elle s'appliqua à emplir les gobelets d'étain du liquide grenat et velouté, et lui en tendit un. Le souffle légèrement court, les joues rosies des efforts que ces gestes pourtant simples devenaient sous le poids de l'enfant qui grignotait ses entrailles, elle s'installa précautionneusement dans un fauteuil garni de quelques coussins. Elle glissa un regard dans les prunelles charbonneuses, ourlées de longs cils. L'éclat ténébreux qu'elles couvaient l'intimida presque, pourtant, elle s'arma une fois de plus de la détermination dont elle faisait montre depuis qu'on lui avait arraché son fils, et plus encore depuis que le Corleone l'avait privé de son soutien. Elle reposa le gobelet de vin, après s'en être à peine humecté les lèvres, et s'obligea à aller droit au but.

- J'ai besoin de quelqu'un à Paris, pour surveiller un appartement. On m'a dit que vous seriez l'homme idéal à qui demander cela. Je peux payer sieur Casas.

Ses yeux glissèrent sur la cassette qu'elle avait ramenée un peu plus tôt de la chambre, se demandant si les quelques écus qu'elle avait pu prélever aux recettes de l'auberge y suffiraient. Bien sûr, sa belle-mère rallongerait, et même le Messey, ainsi qu'il lui avait proposé dans son dernier courrier, mais, s'il était une chose que la fauvette avait du mal à faire, c'était bien réclamer, et plus encore quand il s'agissait d'argent. Même à son propre époux elle n'osait pas, si bien qu'il avait fini par croire qu'elle avait peur de lui. Non, s'il en était besoin, elle se débrouillerait autrement. Elle vendrait la jument ou la robe orangée, cousues d'étoffes aussi délicates que précieuses, que lui avait donnée le Von Frayner il y a bien longtemps, et dans laquelle elle s'était mariée. Noisettes s'échouèrent sur sa main, accrochant un instant les deux anneaux qu'elle n'avait pu se résoudre à ôter. Ils avaient au moins la valeur des métaux précieux dont ils étaient faits, et il y avait aussi la chevalière en or, dérobée dans le bureau de l'orphelinat. Elle releva vers le Gitan son minois taché de son, et planta son regard dans le sien.

- A vrai dire, je dois aussi réussir à localiser ledit appartement. Puis, l’idéal serait de pouvoir intercepter celle qui y reviendra, enfin ... quand elle y reviendra. Elle a une chose qui ne lui appartient pas, et que j'entends bien ne pas le lui laisser. C'est important sieur Casas, vraiment important, et j'ai besoin d'aide. Mon ventre ne me laisse guère loisir de m'occuper de cela par moi-même.

Ton ventre Fanette ? Pour être tout à fait honnête, il fallait reconnaître que la jeune femme n'avait jamais été bien douée pour les rapports de force, grosse ou pas. Peut-être même n'avait-elle jamais été douée pour rien d'autre que de sentir le vent sur son visage, de marcher les pieds nus dans l'herbe, et écrire des contes. Alors, elle appréhendait ce jour, où elle serait confrontée à l'Italienne, craignant pour l'enfant dont elle était mère et que l'autre se pensait sans doute légitime à élever. Elle conclut cette pensée d'un soupir. Elle s'était bornée à l'essentiel, ce qu'elle attendait, sans même songer à en invoquer les raisons avec plus de détails.
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Axelle_casas
A la mention de son nom, il se contenta de hocher la tête, la laissant décider de la suite de l'entretien. Et il n'eut sans doute pas tort au vu de toutes les précautions prises par la donzelle pour que ses mots ne tombent pas dans les premières oreilles venues. Calquant son silence sur celui de la femme, ce qui n'était pas bien difficile tant il aimait à reposer sa langue autant que son poignet dès lors qu'il s’agissait de travail. Travail dans lequel, en outre, le silence était la meilleure des défenses et gage de réussite. Aussi, comme un petit chien sage, une fois n'est pas coutume, il la suivit dans le ventre de la taverne. Au moins la donzelle n'était pas effarouchée par sa trogne ténébreuse de manouche, et la confiance étant un point essentiel à toute mission confiée, l'entrevue s'engageait sous de bons auspices.

Et les auspices se confirmèrent cléments quand sa main se vit orner d'un godet de vin. Soit, s'il buvait facilement du lait, il préférait, quant à plonger son nez dans l'alcool, des liqueurs bien plus fortes, mais se garda bien d'ouvrir la bouche à ce sujet. Se murger devant une potentielle cliente n'étant pas du meilleur effet.

Aux explications qui franchirent enfin la bouche maternelle, il accorda toute son attention, sans en accorder la moindre à la petite cassette. Ces choses là se discuteraient après. Avec une lenteur voulue, il retira son chapeau et le déposa sur la table avant de plonger son regard dans celui de la future mère. Elle avait de beaux yeux. Telle fut sa première pensée. Idiote et déplacée sans doute. Mais incontournable. Il se dégageait une aura douce et tendre de cette femme, et c'était bien le souci du gitan. Tant devant les garces la bouche pleine de provocations, de défis et même d'insultes, il était à son aise, tant devant l'apparence de la douceur et de la fragilité, il se sentait démuni et lourdaud.

Inspirant pour se redonner constance, il se concentra non plus sur ce regard trop joli, mais sur les raisons de sa présence ici. Parce qu'une chose était certaine, le moment n'était pas à se laisser embarquer dans un sac de nœuds à cause d'une trop mignonnette paire de mirettes.


Il va falloir m'en dire plus. Que je sache où je risque de mettre les pieds. Qui est cette femme ? Et quelle est cette chose qui vous appartient ?
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Lison_bruyere
Elle s'efforça de sourire en acquiesçant, mais une petite moue incertaine chiffonna néanmoins ses traits. Elle tentait toujours d'adopter un ton distant et détaché en relatant le drame qui s'était déroulé ce funeste jour de juin, comme si elle évoquait un fait divers arrivé à de parfaits inconnus. Bien sûr au début, elle fondait en larmes sitôt que les premiers mots passaient la barrière de ses lèvres, et le temps aidant, elle apprenait le contrôle. Elle y parvenait plus ou moins, même si souvent, son regard pris d'émotions trop vives s'éclaircissait de paillettes d'or, ou si une canine venait pincer un coin de lippe. Après tout, et à son grand désarroi, elle n'avait jamais été rien d'autre qu'une eau claire.

Son regard sans doute moins assuré esquiva celui de l'homme pour venir effleurer le galbe que dessinait sous ses jupes cet autre enfant qui s'agitait presque douloureusement. Elle posa une main à son ventre, espérant l'apaiser, ou peut-être, puisant courage à son contact.

- Elle s'appelle Alaynna Valassi. C'est une Italienne. On m'a dit qu'elle envisageait de revenir suivre des cours de médecine à l'Hostel-Dieu. Elle s'installera sans doute dans son appartement, dans le quartier des Halles. J'ignore l'adresse exacte. Quant à ce qu'elle a ...

Elle ferma rapidement les yeux, avant de les rouvrir sur une longue inspiration.

- C'est mon fils.

Elle marqua une légère hésitation, pressant plus encore la main à son ventre. De nouveau son cœur s'emballait, trahissant l'émoi des souvenirs, et l'importance pour elle des enjeux de cette discussion.

- Elle l'appelle Flavio, mais en réalité, il s'appelle Milo, Milo Amalio. Elle dit l'avoir adopté, et du reste, c'est probablement vrai. Elle en avait fait les démarches dans un orphelinat des Miracles. On se sera bien gardé de lui dire que c'était un enfant volé et non un orphelin.


Elle glissa de nouveau son regard dans celui du Gitan, accrochant à la lueur ténébreuse que couvaient ses prunelles de charbon une tacite supplique.

- On me l'a pris sieur Casas ... le seize juin ...

La voix était moins affirmée, ménageant quelques silences dans lesquels elle s'appliquait à refouler au loin les chagrins que ravivait l'énoncé froid et cruel des faits.

- Une vengeance ... contre mon époux. Et celui qui l'a pris l'a vendu, par le biais de cet orphelinat que dirigeait son frère ... Il n'avait que sept semaines ... On ne m'a laissé que sept semaines pour être sa mère ... et tous ces mois pour le chercher ... et souffrir de devenir pour mon enfant une étrangère quand je crève d'amour pour lui ...
Je vous en prie Sieur Casas, ne me refusez pas votre aide.

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