Lison_bruyere
Limoges, le 16 avril 1467
Estrella l'avait promis, Aless l'avait annoncé, et pourtant, Fanette refusait d'y croire tout à fait, de peur de souffrir plus encore si rien ne se passait comme on le lui avait dit. La date n'était sans doute pas anodine. Dix mois plus tôt, jour pour jour, Claquesous s'était introduit par la fenêtre de la chambre après avoir libéré la jument dans la rue. Depuis, le seize de chaque mois lui rappelait cruellement ces quelques instants où elle s'était précipitée pour récupérer sa bête affolée avant qu'elle ne piétine un passant, ces quelques instants de trop où son attention ne fut plus entièrement dévouée à son fils.
Le jour commençait à décroître, mais les nombreuses chandelles rallumées à la salle commune dispensaient une lumière tremblante, jouant de leurs reflets orangés dans la chevelure brune de l'Italienne installée près d'une croisée. Elle se retourna doucement à la plainte d'une marche de l'escalier de bois, révélant l'adorable frimousse d'un bambin de presque un an. Son regard d'émeraude émoussée crocheta celui de la fauvette, reflétant une lueur curieuse. Sans doute en cet instant ses jambes manquèrent de se dérober. Sa vue se brouilla de larmes. Son cur s'emballa, rendant son souffle hasardeux. Elle lâcha le panier qu'elle portait sous son bras et usa ses dernières forces à se porter vers l'enfant et celle qui le tenait tendrement sur elle. La main de la Napolitaine glissa sur la tête du petit pour faire tomber le capuchon qui le couvrait, libérant ses fins cheveux châtains rehaussés de cuivre.
Fanette clapa, incapable d'un son quand elle avait tant à dire. Indifférente au regard d'azur pâle dont la couvait la Napolitaine, elle était tout entière happée par l'enfant dont elle ne parvenait à se détacher. Ses dents étaient venues saisir le coin de sa lèvre inférieure, comme à chaque fois qu'une émotion la débordait. Elle se laissa choir sur une chaise, juste à côté de l'enfançon et de sa mère adoptive. Le fin sourire qui étirait ses lèvres contredisait les pleurs qui inondaient ses joues. Elle porta une main hésitante vers la pommette arrondie et rosée, parvenant enfin à articuler un mot dans un souffle.
- Milo...
Le regard de la brune se fit plus tendre quand elle saisit la main de l'enfançon pour l'agiter doucement vers la fauvette. Elle glissa à son oreille des mots qui sans nul doute possible, étaient une déchirure pour elle.
- Tua mamma.
Deux mots simples cruellement douloureux pour celle qui devrait faire le deuil d'un fils, et qui pourtant rendait à Fanette toute l'intensité de son cur de mère. Alaynna se pencha légèrement, pour déposer l'enfant sur ses genoux. Milo ne dit rien, semblant percevoir, à défaut de le comprendre, la gravité du moment. Il releva un regard vers l'Italienne, s'assurant sans doute qu'elle ne le laissait pas, puis avisa avec attention le visage de sa mère.
- Bene ! N'aie pas peur, je ne suis pas loin tesoro mio.
Fanette plissa légèrement le nez, mais tout autant que l'enfant, elle l'observait, cherchant dans ses traits le nourrisson qu'elle berçait dix mois plus tôt. Sa peau était toujours aussi pâle que la sienne, et le fin duvet de son crâne était maintenant une jolie chevelure aux mêmes reflets que ceux de son père. Les grands yeux d'ardoise avaient eux aussi pris la même belle teinte de lichen de Roman. Si l'enfantelet ne semblait pas être effrayé, son visage était empreint de gravité, et ses sourcils légèrement froncés, il continuait à dévisager sa mère.
Dix mois qu'elle en était privée, et Fanette le tenait enfin sur ses genoux, les gestes gauches et hésitants quand elle rêvait de le couvrir de baiser. Elle avait peur qu'il ne se mette à hurler, qu'il la rejette pour regagner le cocon rassurant des bras de sa mère adoptive. Elle avait peur et pourtant, elle le regardait, le cur bouffé d'espoir que tout s'arrange enfin, qu'elle sache renouer le lien brisé à l'été précédent, apprivoiser de nouveau ce bambin qui ne semblait pas décidé à sourire.
Le temps en ferait son affaire.
_________________
Estrella l'avait promis, Aless l'avait annoncé, et pourtant, Fanette refusait d'y croire tout à fait, de peur de souffrir plus encore si rien ne se passait comme on le lui avait dit. La date n'était sans doute pas anodine. Dix mois plus tôt, jour pour jour, Claquesous s'était introduit par la fenêtre de la chambre après avoir libéré la jument dans la rue. Depuis, le seize de chaque mois lui rappelait cruellement ces quelques instants où elle s'était précipitée pour récupérer sa bête affolée avant qu'elle ne piétine un passant, ces quelques instants de trop où son attention ne fut plus entièrement dévouée à son fils.
Le jour commençait à décroître, mais les nombreuses chandelles rallumées à la salle commune dispensaient une lumière tremblante, jouant de leurs reflets orangés dans la chevelure brune de l'Italienne installée près d'une croisée. Elle se retourna doucement à la plainte d'une marche de l'escalier de bois, révélant l'adorable frimousse d'un bambin de presque un an. Son regard d'émeraude émoussée crocheta celui de la fauvette, reflétant une lueur curieuse. Sans doute en cet instant ses jambes manquèrent de se dérober. Sa vue se brouilla de larmes. Son cur s'emballa, rendant son souffle hasardeux. Elle lâcha le panier qu'elle portait sous son bras et usa ses dernières forces à se porter vers l'enfant et celle qui le tenait tendrement sur elle. La main de la Napolitaine glissa sur la tête du petit pour faire tomber le capuchon qui le couvrait, libérant ses fins cheveux châtains rehaussés de cuivre.
Fanette clapa, incapable d'un son quand elle avait tant à dire. Indifférente au regard d'azur pâle dont la couvait la Napolitaine, elle était tout entière happée par l'enfant dont elle ne parvenait à se détacher. Ses dents étaient venues saisir le coin de sa lèvre inférieure, comme à chaque fois qu'une émotion la débordait. Elle se laissa choir sur une chaise, juste à côté de l'enfançon et de sa mère adoptive. Le fin sourire qui étirait ses lèvres contredisait les pleurs qui inondaient ses joues. Elle porta une main hésitante vers la pommette arrondie et rosée, parvenant enfin à articuler un mot dans un souffle.
- Milo...
Le regard de la brune se fit plus tendre quand elle saisit la main de l'enfançon pour l'agiter doucement vers la fauvette. Elle glissa à son oreille des mots qui sans nul doute possible, étaient une déchirure pour elle.
- Tua mamma.
Deux mots simples cruellement douloureux pour celle qui devrait faire le deuil d'un fils, et qui pourtant rendait à Fanette toute l'intensité de son cur de mère. Alaynna se pencha légèrement, pour déposer l'enfant sur ses genoux. Milo ne dit rien, semblant percevoir, à défaut de le comprendre, la gravité du moment. Il releva un regard vers l'Italienne, s'assurant sans doute qu'elle ne le laissait pas, puis avisa avec attention le visage de sa mère.
- Bene ! N'aie pas peur, je ne suis pas loin tesoro mio.
Fanette plissa légèrement le nez, mais tout autant que l'enfant, elle l'observait, cherchant dans ses traits le nourrisson qu'elle berçait dix mois plus tôt. Sa peau était toujours aussi pâle que la sienne, et le fin duvet de son crâne était maintenant une jolie chevelure aux mêmes reflets que ceux de son père. Les grands yeux d'ardoise avaient eux aussi pris la même belle teinte de lichen de Roman. Si l'enfantelet ne semblait pas être effrayé, son visage était empreint de gravité, et ses sourcils légèrement froncés, il continuait à dévisager sa mère.
Dix mois qu'elle en était privée, et Fanette le tenait enfin sur ses genoux, les gestes gauches et hésitants quand elle rêvait de le couvrir de baiser. Elle avait peur qu'il ne se mette à hurler, qu'il la rejette pour regagner le cocon rassurant des bras de sa mère adoptive. Elle avait peur et pourtant, elle le regardait, le cur bouffé d'espoir que tout s'arrange enfin, qu'elle sache renouer le lien brisé à l'été précédent, apprivoiser de nouveau ce bambin qui ne semblait pas décidé à sourire.
Le temps en ferait son affaire.
_________________