Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4   >   >>

[RP] Comment changer une fauvette en saucisson ...

Montparnasse.
    Angoulême


Les Corleones.
Pourquoi ou qu’il aille et quoi qu’il fasse, cette famille revenait encore et toujours ?
Il était leur ennemie. Il avait violé une de leur enfant et violer et assassiner l’une de leur épouse. Pas vraiment la meilleur façon d’être en bon terme avec cette famille dont le nom faisaient encore trembler certain pleutre. Montparnasse ne les craignait pas, et leur avait même fait face lors d’une violente altercation à Limoges quelque mois plus tôt... et le jeune galant avait fini battu quasiment à mort, sodomiser par un couteau et marqué à vie, comme un veau que l’on mène à l’abattage... Pas vraiment de quoi être en bon terme avec la famille n'est ce pas ?

Pourtant les Corleones c’était aussi Vivia. Son amie. Sa sœur. Celle à qui il vouait un amour sans borne et qui le tirer de ces mauvais pas jour après jour avec une fidélité sans failles. Elle connaissait tout de lui. Ses secrets. Sa noirceur. Mais aussi ses liens discordieux avec sa famille. Et pourtant elle continuait à se ranger de son côté.

Et Fanette dans tout cela ?

Fanette était une énigme. Un point d’interrogation dans ce merdier. Alors qu’il avait faillit perdre la vie par la main de son époux, elle avait accepté de lui parler. Alors que la petite Lili comptait bien plus que tout pour elle, elle avait fait l’effort d’essayer de le comprendre. Et ils avaient parlé. Beaucoup. Longtemps. Montparnasse lui avait confié une partie de sa vie, de ces doutes, de ces choix qui n’était pas toujours les bons, mais aussi il lui avait expliqué que chaque homme ne rentrer pas dans une case. Bon ou mauvais.
Il en était l’exemple typique.
Elle lui avait paru sensée, et douce. Elle s’était méfiée de lui pendant toute leur discussion alors qu’il n’était pas en état de faire du mal à une mouche. Elle était sage.
Mais pourtant…

Pourtant.

Voilà deux soirs de suite que Montparnasse croisé Fanette. Et ce qui le surprit fut son comportement à son égard. De nouveau en état de marcher, et de frapper, elle ne l’avait pas fui. Elle faisait pourtant partie de ces rares êtres qui savaient de quoi il était capable et elle était restée là, stoïque sur sa chaise. Montparnasse l’avait alors chercher, bousculer, menacé. Elle était restée de marbre. Quelque choses n’allait pas, il le sentait. Il fit donc ce que tout homme aurait fait.
Il lui imposa un ultimatum.
Trois seconds pour parler.
Ou se faire violer.
Montparnasse…. Ou l’art de négocier.

1…
Fanette le regardait avec de grands yeux affoler, cherchant à savoir s’il était sérieux.

2…
Il était on ne peut plus sérieux et Vivia le lui confirma alors qu’elle vint se coller à lui et le caresser pour le mettre en conditions au cas où la belle Fanette ne se mette pas à répondre…

2 et demi…
Oui Montparnasse savait se montrer clément. Après avoir volé un curé, on peut accorder une demi seconde de plus à une personne avant de la prendre de force non ? Nous ne sommes pas des bêtes toute de même...

Fanette parla. Enfin. Elle lui expliqua tous.

Un gentleman l’aurait sûrement aidé à se sortir de ce mauvais pas. Un gentleman l’aurait sans doute sortie des griffes de son agresseurs après tout ils étaient quatre et eux deux. Mais Montparnasse n’était pas un gentleman. Et pour dire vrai il était déjà dans une situation personnel précaire. Il ne pouvait se permettre d’aggraver son cas. Surtout pour la femme de celui qui avait gravé ses initiales dans sa paume gauche.
Alors il lui promit d’écrire à son époux. Mais il lui signifia bien qu’elle aurait une dette à son égard. Et les dettes envers Montparnasse sont souvent difficiles à porter.
Laissant Fanette à ces agresseurs Montparnasse partit avec Vivia...

Quelques mots furent rédiger rapidement et confier à un porteur avec une des bagues volé au curé d’Angoulême en guise de paiement. Il lui dit de trouver un homme, du nom de Roman qui était à l’auberge « aux violettes » à Toulouse.


Citation:
MC,

Fanette se trouve à Angoulême ce jour.
Elle est en compagnie d’un certain Zilofus et Lucus.
Ils se dirigent vers la Normandie pour trouver une certaines Svan à Avranches.
Elle a besoin de votre aide.

Vous devriez surveiller bien mieux les femmes de votre famille.



La lettre ne fut pas signée. Il se moquait bien que Roman sache d’où viennent ces quelques mots. Il n’avait aucune intention de se racheter un nom aux yeux de l’italien. S’il le faisait c’était pour elle. Et, parce que de temps en temps il faisait des actes sensé et bon.
Une fois le porteur parti il se retourna vers la Corleone qui se trouvait dans sa chambre. Son père avaient fait d’eux des parias pour la soirée. Bien. Ils allaient se réconforter l’un l’autre alors…Il faut dire qu’elle l’avait passablement excité....
Dans toute cette agitation Montparnasse en oublia de rendre ces deux armes à la jeune femme...

_________________
Lison_bruyere
La peur, ce sentiment pernicieux qui s'insinue dans votre raison et se propage insidieusement de votre cœur à tout votre corps. Cette peur qui noue votre gorge, imprime à vos épaules et votre dos une roideur dolente, fait trembler vos mains, flageoler vos jambes. Voici trop de jours que la peur broyait la volonté de Fanette, et la veille au soir, elle avait cru sans doute y succomber plus sûrement que si une lame l'avait transpercée, tant que, quand la salle commune s'était vidée enfin, elle s'était effondrée sur un banc, les mains portées sur son ventre douloureusement tendu par une crampe, comme si le petit loir en avait souffert tout autant qu'elle.

La peur portait le visage d'un Normand que la jeune femme avait appris à craindre tout au long d'une année où leurs rencontres et leurs courriers avaient si souvent été houleux. Elle le craignait plus encore à présent qu'il semblait déterminé à l'utiliser pour revoir cette enfançonne dont il était le père et qu'une Danoise lui avait arraché avant qu'il n'ait le temps de lui offrir un premier regard. Elle doutait que l'amitié que lui portait peut-être encore la Danoise puisse suffire à la sauver du mauvais pas dans lequel elle était engluée. Sans doute parce qu'elle n'avait jamais reçu le dernier courrier que la brune lui avait adressé, et qu'elle ne céderait pas au chantage d'un père désespéré, quand bien même démembrerait-il la fauvette pour l'y faire céder.

La peur portait aussi le visage de quatre voyageurs, et parmi eux, un sans doute, bien plus redoutable que le Normand. Quatre visages nourris de haine, de souffrances et de sadisme, à l'exception peut-être d'un seul. Un jeune homme d'une quinzaine d'années, qui empruntait à ce frère que Fanette avait eu à connaître déjà, les traits fins et délicats et la même silhouette oblongue, comme si le diable lui-même savait dissimuler sous de gracieuses apparences ses plus perfides avatars. Il avait voulu l'emmener avec eux à Limoges, ignorant combien elle ne pouvait se délier des promesses faites sous la menace de ne quitter sa place sous aucun prétexte et de ne rien révéler de ce qui la tenait là contre son gré. Sans doute avait-il songé que c'était la défiance des autres qui la forçait à l'immobilisme, alors, à défaut il lui avait laissé un couteau. Il avait rejoint sa botte, quand un autre avait été fixé à son avant-bras, par une aide exotique bien inattendue quand on sait le peu d'estime que les Angevins lui portaient d'ordinaire.

Mais la peur qui annihile toute volonté avait bien imposé à Fanette à une docilité, que son ventre de presque six mois contraignait plus encore. Pourtant quand Montparnasse l'avait giflé, elle avait laissé glisser le couteau de son avant-bras à sa main pour le défier de recommencer. Ultime soubresaut de vaillance, en espérant vainement que ses deux ravisseurs viendraient s'interposer et défendre celle qui devait leur servir de monnaie d'échange et qu'ils avaient tout intérêt à garder dans un relatif bon état. Hélas ou peut-être, heureusement pour elle, Zilo trop confiant dans ses talents de persuasion s'était suffisamment éloigné pour ne plus l'avoir dans son champ de vision. Et Fanette, lame serrée dans sa main tremblante n'était pas de taille à impressionner ni le brun, ni la Corleone sulfureuse qui s'était étroitement glissée contre lui.
Un bien étrange dilemme partageait ses craintes, mais le visage dépourvu de toute compassion de celui qui se tenait devant elle, soufflait qu'au moment présent, il était la menace dont elle devait se défaire en premier lieu, d'autant qu'il ne lui avait fallu qu'un rien de temps pour s'emparer de la seconde lame qu'elle dissimulait sur elle.
Alors, elle avait consenti à lui dire ce dont il se doutait déjà. Elle ne voyageait pas avec son époux, comme elle le lui avait déjà affirmé. Elle n'avait même aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Aux violettes sans doute, dans la chambre de cette plaisante auberge où une dernière fois elle avait baisé ses lèvres sèches et son front brûlant de fièvre avant de sortir cueillir quelques branches de houx. Un fugace instant, elle avait refermé les paupières sur cette image du quotidien simple et ordinaire qui lui manquait à présent cruellement. Mais la poursuite du décompte morbide l'avait précipitée dans des aveux dont elle craignait les retombées.

Alors quand l'homme avait annoncé qu'il consentait à prévenir l'Italien, elle avait sans doute pâli de surprise et le sang à ses tempes s'étaient mis à cogner un peu plus fort, emballant un palpitant qui voulait bondir hors de sa poitrine. Elle était encore aux prises de cette dualité qui remuait sa conscience. Celle qui la tourmentait à chaque fois qu'elle prenait plaisir à se soumettre aux désirs d'un homme qui savait torturer autant que tuer et chez qui elle ne voulait voir que le bon, tout comme celle qui lui laissait entrevoir une lueur d'espoir offerte justement par celui chez qui elle ne voulait voir que le mauvais.
Mais il semblait, malgré les violentes apparences, être sa chance, alors, elle s'était sans doute un peu trop affolée pour être claire, mais elle lui avait révélé ce qu'elle voulait que son époux sache, qu'elle faisait route sans doute vers Avranches, enlevée par Zilofus qui l'échangerait à Svan contre sa fille. Il devait écrire à l'auberge toulousaine où elle l'avait laissée, mais, y était-il encore seulement, recevrait-il ce courrier ? Elle ne devait dire que l'essentiel, rapidement, avant que le Normand ne surgisse pour l'empêcher de causer, avant que l'homme devant elle ne change d'avis, et la peur bousculait ses idées, les mots jaillissaient, chevrotants, empêtrés dans l'émoi qui tenait son cœur battant.

Et ils l'avaient laissée, emportant son secret pour le délivrer à qui de droit en échange d'une dette dont elle n'avait pas encore pris la mesure, une chose après l'autre. Et au matin, elle gisait, le ventre encore tout endolori, sur le matelas d'un lit, dans cette même auberge qui l'avait vu s'effondrer au soir précédent. Le plein jour agaçait ses paupières closes, et l'accent traînant des deux Normands sirotant leurs cervoises en jouant aux cartes, assis à même le sol de la chambre avait fini de la réveiller. Elle porta la main au petit loir qui se tenait immobile, au creux de ses entrailles, et le regard impassible que lui avait jeté Zilo en la voyant doucement émerger la rassura légèrement. Il ne savait rien de ce qu'elle avait dit la veille. Il ne savait pas que bientôt, l'Italien saurait où chercher son épouse, et qu'il aurait sans doute plus à craindre de lui que ce qu'il lui faisait craindre à elle.
_________________
Roman.
La pénombre feutrée bruissait de chuchotis dont le léger murmure finit par atteindre la conscience de l'homme étendu. Des voix de femmes, mais non point celle de la sienne. Qui était-ce donc ? Roman fit un pénible effort pour ouvrir ses yeux collés. Deux silhouettes, à son côté, s'activaient à gestes attentifs. Que faisaient-elles ? Il aperçut un baquet d'eau, des linges. La chambre sentait le renfermé, la sueur, la maladie, les plantes médicinales. La plus frêle des femmes inclina légèrement la tête aux dernières paroles de l'autre et s'éclipsa. Venait-elle de recevoir l'ordre de ramener quelque chose ? Roman tourna légèrement la tête vers celle qui restait et qui allait se détourner de lui.

- Hmm....

La femme se retourna, surprise, puis lui sourit et revint près du lit.


- Vous revoilà. Vous avez de la chance d'avoir passé la Noël, votre fièvre a été très violente et vous a tourmenté plusieurs jours.

Le regard de l'Italien accommoda un peu mieux sur le visage féminin. L'aubergiste, peut-être ? Il voulut s'humecter les lèvres pour parler.

- Attendez, je vais vous donner à boire. Essayez de vous redresser.

Elle se détourna pour aller prendre un pichet sur un meuble de la pièce. Roman fit un effort pour se soulever un peu les épaules et remonter un peu sa tête sur l'oreiller...


- Quel jour... ?
- Nous sommes déjà le septième jour de la nouvelle année.


Il poussa un soupir consterné. Voilà donc la raison de son extrême faiblesse ! Sa maladie avait duré trop longtemps. Son père n'avait pas été là pour le soigner. La femme lui porta aux lèvres une timbale dont l'effluve lui apporta l'arôme d'un vin léger, probablement coupé d'eau. Il but avec précaution, l'estomac vide et la tête cotonneuse.

- Fanette... est en bas ? Elle n'a pas été malade ?


Il se souvenait de son doux visage penché sur lui, de sa main fraîche sur son front et ses joues, de ses soins attentifs. N'était-elle pas venue ce matin, ou était-ce hier ? La femme hésita à lui répondre. Elle choisit de contourner légèrement la vérité, jugeant que l'état de santé de l'Italien ne permettait pas qu'il reçoive un fort choc émotionnel, ou pire, qu'il prenne une décision stupide en apprenant que son épouse avait disparu.

- Je ne l'ai pas vue aujourd'hui. Elle n'était pas souffrante la dernière fois que je l'ai croisée.

Ce n'était pas des mensonges. Roman acquiesça faiblement et se laissa glisser de nouveau sous la couverture, envahi d'un épuisement plus fort que sa volonté. Il sombrait déjà dans le sommeil au moment où la femme alla ouvrir la fenêtre qui déversa à grands flots l'air glacé, net et sain, de l'hiver toulousain.

Lorsque la fille de maison revint à l'étage, elle tendit à la matrone une petite liasse de lettres :

- Voilà, madame, c'est ce qu'il a reçu cette semaine. Plusieurs sont arrivées aujourd'hui.
- Bien. Pose-les sur la table à son chevet, il les trouvera à son prochain réveil. Viens, sortons, et laissons-le se reposer encore. Prépare-lui un gruau pour le repas, il voudra sans doute manger, à présent.


Les deux femmes sortirent, laissant au silence le soin de border le sommeil encore fiévreux de l'Italien.
_________________
Esneda
Dimanche 7 janvier 1466 - Angoulême.


C'est par un grand et heureux hasard que l'andalouse avait croisé plus tôt Fanette en taverne, à Angoulême. L'homme qui se trouvait en sa compagnie ne lui inspirait aucune confiance tant l'atmosphère été tendue en sa présence. Son frère qu'il avait dit. Soit, elle aurait pu y croire s'il ne s'était pas d'abord présenté comme étant son mari. Non décidément, ça ne tournait pas rond. Et puis Fanette qui restait là, silencieuse, épiant les réactions de son soit-disant "frangin". Esneda sentait que quelque chose clochait, mais quoi ? Elle réfléchit un instant, puis, prétextant quelques discussions intimes entre femmes, parvint à soustraire quelques instant la future mère à la surveillance de ce "frère" si "protecteur".

Enfin seules, la rousse lui avait tout expliqué. Horrifiée la brune lui proposa son aide.


Je peux faire appel au Maire, il pourra sans doute vous sortir de ce pétrin.

"Surtout pas !" Lui avait répondu Fanette. "Je crains qu'il n'ait quelques alliés dont j'ignore le nom qui seraient plus prompt à dénoncer ma délation qu'à me porter secours. Mais si vous pouviez écrire à la Princesse Melissandre Malemort, ce serait déjà un grand pas. Prévenez là, dites lui la ruse vous a permis de me parler et que l'on m'emmène contre mon gré vers la Normandie, il s'appelle Zilofus."

Après qu'elle l'eut ramenée auprès de son ravisseur, l'espagnole s'empressa d'écrire sa missive, s'assurant qu'aucun regard indiscret ne vienne se poser sur ses lignes.


Spoiler:





Courrier confidentiel.

À l'attention de Son Altesse Royale, la Princesse Mélissandre Jeanne Marie d'Armantia-Malemort

Bonsoir,

Nous ne nous connaissons pas, je ne me souviens pas que nos route se soient croisées un jour. Mais il est une personne que nous connaissons toute deux, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en taverne il y a quelques instant. Fanette. Je vous écris à sa demande.

Je l'ai trouvée en ce jour du dimanche 7 janvier à Angoulème. Elle était en compagnie d'un certain Zilofus, qui ne m'a pas fait bonne impression. Il répondait la plupart du temps à sa place à mes questions, et elle, semblait faussement assurée en sa compagnie. Il s'est d'abord présenté à moi comme étant l'époux de Fanette, or, je connais Roman et était donc certaine de son mensonge. Lorsque j'en ai rit, il s'est vexé et a alors finalement pretexté être son frère. Je ne l'ai pas cru non plus, mais n'en ai rien montré. Par un prétexte de question intime où j'aurais eu besoin d'un conseil de femme, j'ai pu la soustraire un instant à la surveillance de cet homme qui s'avère finalement être un dangeureux individu. En passant dans une taverne voisine, elle a enfin pu me décrire la situation réelle que je vous conte à présent.

Ce Zilofus la détient et l'emmène contre son grè en Normandie, où il aurait une fille. Il veut se servir de Fanette comme d'une monnaie d'échange pour récupérer l'enfant à ce que j'ai compris. Il la suit à chacun de ses pas, scrute chacun de ses gestes et ne lui laisse aucun instrument d'écriture. Il m'a d'ailleurs soupçonnée de lui avoir donné un vélin lorsque nous somme retournée vers lui. J'imagine qu'il doit également lire les lettres qu'elle reçoit, je vous demanderai donc de ne surtout pas lui écrire à ce sujet. La chose rendrait sa situation plus dangeureuse qu'elle ne l'est déjà.
Fanette a par ailleur ajouté qu'il connaissais un certains nombre de gens rallié à la cause de cet individu et que, par conséquent, elle ne savait pas à qui se fier. C'est une chance que j'ai pu la rencontrer.

Je prie pour que cette missive ne tombe pas entre de mauvaises mains, je ne saurais m'en pardonner si tel venais à être le cas.

En vous saluant.

Esneda.






Elle hésita un instant, puis écrit également à l'époux de Fanette. Deux missives en une journée risquait de ne pas être discret mais, mieux valait doubler les chance que l'alerte arrive entre de bonnes mains.
Elle cacheta proprement les deux lettres puis les confia à un coursier de confiance, le payant grassement d'une bourse pleine de ses économies.


Va ! Le plus vite et discrètement possible ! Ne confie ces lettres qu'à leur destinataires en main propre !
Victoire.
[Et elle pendant ce temps-là ...]

Non, elle ne tournait pas la manivelle.
Elle faisait les comptes.

Zilo : plus de nouvelles depuis Noël. Sa fille pourrait bien être morte, il n'en a rien à foutre.
Lucus : onze jours depuis qu'il lui avait proposé de se retrouver pour parler de ce qui s'était passé, de ce qu'ils avaient tu, de leur avenir. Sa Svan pourrait bien être morte, il n'en a rien à foutre lui non plus.
Fanette : plus rien depuis le nouvel an. Elle boude sûrement. Pourquoi ? Là est la question. Vraiment, elle avait tout bien fait Svan. Tout ! Et rien.

Seul le tonton et une amie lui écrivaient encore.
Heureusement sinon elle aurait vraiment imaginé que Thybald lui volait son courrier pour lui éviter de retomber dans son passé trouble et troublé. Thybald, médecin breton, tombé amoureux de la danoise quand elle s'est retrouvée seule.

Et là, bordel, elle se sentait seule. Vraiment.
Pire que quand, elle s'était barrée un soir sans rien dire.
Enfin sans rien expliquer.

Mais qui est Svan pour ceux qui n'ont pas suivi ? C'est elle la folle incapable de s'occuper d'elle-même et d'une enfant que Zilo recherchait. Ex-femme, ennemie numéro un, elle lui aura tout fait. Il lui aura tout fait également, faut dire. Tout raconter prendrait des heures et puis, l'important, c'est de savoir que là, elle est en Normandie. Elle squatte la chambre d'amis du médecin et se fait chier. Mais d'une force !

Si seulement, elle savait tout ce qui se trame en ce moment. Mais pire que Roman qui sort d'une longue fièvre et qui récupère, elle en sait encore moins et elle est pourtant consciente de la vie qui continue autour d'elle. Alors c'est décidé. Quitte à s'emmerder comme un rat mort, elle irait passer l'hiver dans un couvent. Puisque plus personne ne se préoccupait d'elles, fille et mère iraient se calfeutrer dans un couvent breton avec le doux espoir que le vin de messe serait remplacé par du cidre et les hosties par des crêpes.

Non vraiment, la vie est trop pénible à vivre sans les drames que Zilo et Fanette sont les seuls à pouvoir lui faire connaitre. Alors, après avoir récupéré ses pauvres possessions, Tartine collée contre son cœur, tête entre les nichons gonflés du lait maternel bien gras pour passer l'hiver, Svan laissa un mot au médecin pour lui dire qu'elle partait.




Thybald

Merci de m'avoir tendu la main pendant ces quelques semaines.
Mais l'acédie a pris mon âme et mon coeur en otage. Je me dois donc de suivre vos préceptes et de m'appliquer à retrouver les voies du Très-Haut qui restent aussi impénétrables pour moi que mon cul pour vous.


Ah non, elle ratura la fin parce qu'elle ne pouvait pas écrire ça quand même.
On ne sait jamais qui pourrait lire la lettre et elle ne voulait pas qu'il passe pour ce qu'il n'est ... enfin pour ce qu'il n'est pas totalement. Il avait été gentil, il fallait savoir se montrer reconnaissante. Déjà le vouvoiement, ça passerait mal ...




Je vous souhaite de revenir victorieux du tournoi et nous nous reverrons sûrement après.

Je vous embrasse.
Svanja


Mais elle prit le temps d'écrire aussi au vil Lucus.
Lucus, espèce de petit enfoiré, qui lui explique qu'il faut qu'ils se voient. Qui lui dit que les sentiments sont réciproques, qu'il l'aime, qu'il tient à elle et qui disparait dans la nature. Sans aucune nouvelle. Zilo avait écrit à Tartine que son tonton cuvait mais entre temps, Svan avait eu des lettres du Lucus. Elle s'était résignée en se disant qu'il s'était bien foutu de sa gueule et qu'encore une fois, il avait préféré Zilo à elle. Pourtant combien de fois, il lui avait dit que Zilo n'aurait pas été un problème ? Beaucoup trop pour être honnête.




Mon Lucus chéri que j'aime,


Bon, elle ne l'appelait jamais comme ça mais elle était un poil agacée et ironique.



Cela fait onze jours que je t'attends.
Onze jours que tu te foutrais pas un petit peu de ma gueule ?
Qui propose de se revoir pour disparaitre pendant onze jours ?
Qui ? Bah toi apparemment, espèce de fils de coureuse de remparts aviné !
Donc moi, je me barre pour t'éviter des ennuis avec Zilo après qu'on ait couché ensemble


Ce qui est faux mais avec un peu de chance, le Zilo va lire ça et il va être vénère et elle aura enfin des nouvelles de tout le monde. De toute façon, elle passe déjà pour une traînée à apparemment se taper son médecin partout où ils sont passés alors avoir couché avec le meilleur pote, c'est cadeau ! Elle était juste tombée amoureuse de Lucus. Rien de physique hormis quelques nuits dans ses bras. Lui tout nu mais faut avouer que la danoise a une température corporelle élevée et Fanette pourrait en témoigner, elle qui s'est réchauffée ses petits pieds froids contre les fesses danoises pendant quelques nuits.
Bon d'accord, c'était pas fair-play et elle raya la dernière phrase.




Je pars pour finir ma grossesse tranquillement et tu sais pourquoi j'ai fait ça, les disputes que je causais à cause de mes sentiments pour toi, toussa toussa ... On en a assez parlé. Je me fais littéralement pourrir par le père de Tartine et par toi en passant et tu fais le mort après ça ? Puisque tu ne te préoccupes ni de moi, ni de ce qui aurait pu être un "nous", je pars me reposer dans un couvent breton de haute sécurité. Les Normands y sont interdits, c'est bien pour cela que j'y vais. Pour oublier que tu me brises le cœur.

Svanja

Ps : Demande à Zilo, une chemise qu'il a porté une journée ou deux pour que je la donne à Tartine. Histoire qu'elle s'habitue à son odeur parce que j'imagine bien qu'il va vouloir la voir une fois le printemps arrivé et si elle hurle à la mort quand il va l'approcher, il va encore s'imaginer que je la monte contre lui. Et j'en veux bien une de toi aussi, je ne vois pas pourquoi, elle serait la seule à dormir avec un doudou.


Tout est en place.
Courriers déposé ou envoyé, bébé calé, besace pleine, on est parti.


Vi går til klosteret, Tartine !*

Nous allons au couvent, Tartine !
Lison_bruyere
Quelque part dans la campagne périgourdine, huitième jour de l'année.

Fanette et Esnada avaient sans doute passé trop peu de temps ensemble pour être devenue des amies, mais leurs conversations avaient toujours été faciles et plaisantes. Aussi, quand elle avait déboulé gaiement dans la taverne périgourdine au soir précédent, et quand elle avait réussi à convaincre un ravisseur sans doute un peu trop confiant de lui accorder une dizaine de minutes avec la jeune femme, au prétexte d'un petit désagrément tout féminin, l'espoir s'était subitement substitué à la peur.
Elle craignait que l'espagnole n'en fasse trop, mais elle avait insisté au moins pour alerter à son tour. Après tout, que risquait-elle à lui faire confiance ? Alors elle avait répondu aux interrogations de la brune, sans aucune autre crainte que celle que Zilo n'apprenne le détail de ce qu'elle lui avait confié. Mais leur premier jour à Angoulême lui avait démontré que le Normand la croyait docile, au point de lui accorder un semblant de confiance. Elle s'était efforcée d'être concise et avait songé à lui faire prévenir la Malemort, au cas où le courrier de Montparnasse ne puisse atteindre Roman pour une raison ou une autre, s'inspirant de l'adage qui veut qu'on ne mette pas tous ses œufs dans le même panier.

Au soir, ils avaient repris la route, pour faire halte dans une clairière sombre et humide. Fanette n'avait aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient. Une fois de plus, elle était abandonnée à leur cause, au milieu de nulle part. Au moins pouvait-elle voyager à présent autrement que ligotée.
Elle avait tenté de dissuader tour à tour Lucus et Zilo de poursuivre leur entreprise, prétextant qu'elle ne pourrait leur être d'aucune utilité, et que, s'ils persistaient, le Corleone n'aurait de compassion pour aucun d'eux. Mais le Normand persistait. Pourtant, il avait reconnu à demi-mot que Svan n'échangerait pas son enfant contre la vagabonde.

- Comme vous dites, elle n'aura rien à faire de vous, avait-il même consenti à lui répondre.
- Alors, pourquoi je suis là ?
- Vous le saurez en temps et en heure !


Elle avait insisté pourtant, sans obtenir plus de détails. De toute façon, il fallait attendre de connaître le point de rendez-vous, et ça, c'est Lucus qui devait en convenir avec la danoise. Alors, quand l'autre Normand, écritoire de voyage sur les genoux, avait sorti d'un ton innocent :

- Bon, j'lui écris quoi à la Svanou ?

Fanette, épuisée autant qu'agacée avait rétorqué du tac au tac :

- Que vous êtes deux gros crétins qui avaient décidé de me faire perdre l'enfant que je porte.

Et puis, elle avait supplié de ne pas passer par l'Anjou pour rejoindre la Normandie, et avait réussi à arracher à Zilo la promesse qu'ils s'arrêteraient bientôt deux jours pour qu'elle puisse récupérer un peu du rythme enlevé du voyage. Il avait parlé de La Rochelle, et si elle ne connaissait personne dans cette cité, elle espérait qu'ils y parviennent vite. Elle n'en était qu'à six mois de grossesse, peut-être même un peu moins, et si elle sentait chaque jour son enfant bouger, les douloureuses contractions qui lui tiraient de plus en plus régulièrement le ventre lui faisaient craindre le pire.

Fanette s'était allongée près du feu, résignée, espérant que l'un ou l'autre des courriers qui parviendraient à Limoges ou à Toulouse trouverait son destinataire et que quelques hommes seraient dépêchés pour la tirer des griffes de ce père déterminé.
_________________
Zilofus
Ce qu'il ne fallait pas raconter pour satisfaire la curiosité des personnes qui voulaient en savoir un peu trop, et encore fallait il qu'ils y croient, il avait prétexté être le frère de Fanette, faute de pouvoir être le mari de cette dernière qui était déjà connu c'était le seul autre lien suffisamment probable qui pouvait justifier son intérêt pour sa sécurité, son intégrité et ses activités. Même si cet intérêt était un peu voire beaucoup exagérer il n'en restait pas moins vrai pour le ravisseur dont il s'évertuait à être depuis le début de cette péripétie, si la kidnappée subissait quoi que se soit elle perdrait de sa valeur et aurait alors beaucoup moins d'importance lors des pourparlers, sans compter qu'ensuite il serait tenu pour responsable et c'est lui qui en subirait les conséquences, déjà qu'après ça il ne s'en tirerait surement pas sans figurer sur la liste des personnes à abattre du Corléone époux ou du moins sans se faire refaire le portrait par la famille, non il devait faire au mieux pour assurer le bien être de la victime, peu importe la forme que cela avait ce n'était rien de plus qu'une escorte de personne importante.

Forcément ce jour là à Angoulême il fallait qu'il y ait une pote à Fanette, il avait improvisé au mieux pour se faire passer pour ce qu'il n'était pas, c'est à dire le frère, se remémorant toutes ses rencontres précédentes avec la vagabonde pour avoir quelques détails à fournir afin de rendre son histoire plus probante il avait dit qu'il était là pour s'occuper de Fanette, une escapade pour lui faire prendre l'air et la dégourdir un peu, les fêtes ne lui avaient pas réussit elle avait encore grossit. Bon ça il ne l'avait pas dit parce qu'il n'en savait rien, il avait juste remarqué que le ventre avait un peu poussé depuis la dernière fois, le marmot à l'intérieur se développait et nécessitait de davantage de place pour parfaire son corps.

Toujours est il qu'il avait oublié que la victime avait des potes partout, elle se liait d'amitié avec quasiment tout les gens qu'elle croisait, tout le monde la connaissait plus ou moins, bref rien d'arrangeant pour passer inaperçu sans éveiller les soupçons. Heureusement pour lui, il était dans le même cas qu'elle, il connaissait beaucoup de gens un peu partout, à force de voyager de part et d'autre dans le royaume on finit par connaitre pas mal de monde et laisser son emprunte, il n'avait pas échappé à la règle et ses passages parfois courts dans les villes laissaient tout de même un souvenir dans les esprits. Cela aidait grandement pour donner de la crédibilité à son lien de parenté imaginaire ainsi que pour passer pour un gentil grand frère qui prenait soin de sa soeur.

Malgré ses tentatives détournées par des propos sous entendants qu'il était un vilain pas beau ou sous ses airs de jeune fille maltraitée, Fanette ne parvint pas à susciter l'intérêt des péquenots du coin, le curé déjà gravement atteint au niveau psychologique préférait accorder des noms d'animaux au normand alors qu'il comparait l'étendue de leur ... répartie. Bah oui, quoi d'autre ? Alors que l'autre ex conseillère essayait de vassaliser le religieux en le soudoyant avec quelques verres d'alcool et en incitant la prise du château de la province pour récupérer un fief, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter et intérieurement Zilo souriait de voir la tentative échouée. Il y avait la dernière, la brune qui se disait nonne parce que ... ah non faut pas le dire ça se fait pas. Elle ne comptait pas vraiment non plus puisqu'elle connaissait déjà la kidnappée et était la dites amie, enfin ... ça c'était avant qu'elle ne passe son temps à lécher l'oreille du saucisson, elle n'arrêtait pas, tellement pas qu'à un moment l'oreille de Fanette commençait à briller au reflet de la lumière avec la bave et les postillons restants. C'est dégueulasse l'amitié moi je vous le dit.

Même si la dernière évoquée parvint à extraire une fois Saucisson de la surveillance fraternelle, montrer les crocs dès leur rencontre avait suffit à lui faire comprendre qu'il fallait pas qu'elle ne fasse n'importe à sa charcuterie, c'était son précieux. Il ne savait d'ailleurs pas pourquoi elle tenait absolument à lui parler en privée, des trucs de filles avait-elle dit, pas très convaincante pour le coup mais il avait dit oui sans se faire trop de soucis, peut être à tord, il était confiant. De toute façon il leur avait dit qu'il resterait derrière la porte pour écouter ce qu'elles se raconteraient, il ne s'était pas donner la peine d'y aller pour connaitre le sujet de leur discute, juste l'aller retour au comptoir pour se dégoter de quoi boire en attendant leur retour. Si elle ne s'était contentée que de cette première entrevue privée, cela aurait pu paraitre normal, mais non cela n'était pas suffisant, il fallait qu'elle lui reparle une seconde fois. Franchement ... il n'était pas né de la dernière pluie et n'allait surement pas les laisser encore une fois toutes les deux comploter dans son dos je ne sais quoi sans qu'il ne sache quel était réellement le sujet de leur discussion. Alors cette fois il avait dramatisé la scène, si ceci, si cela, oui mais ... non mais ... tout y passa pour que s'assurer de garder le contrôle de la situation et que la première croisée n'immisce de mauvaises idées dans la tête de Fanette qui à coup sûr aurait encore fait une boulette à laquelle il aurait dû répliquer, encore une fois à cause d'autrui c'aurait été lui le méchant.

Cruel destin si ce rôle ne lui avait pas autant plu, indirectement cela pourvoirait à sa réputation en plus de flatter son égo si longtemps disparu. La nuit bien entamée, il était temps de reprendre la route pour poursuivre le chemin vers l'inévitable lieu où se déroulerait l'échange, il savait pas encore où s'était mais ce qui était sûr c'est qu'il y allait d'un pas déterminé sans se soucier de ce qui avait pu être dit ou fait durant la journée, il restait serein et focalisé sur l'objectif.
Victoire.
Un pied hors d'Avranches.
Une lettre.
De Lucus.
Neutre.
Pire qu'un contrat pour échanger des bulots contre des fromages de chèvre.

Cela faisait onze jours qu'elle attendait une réponse. Onze jours et elle avait droit à ça ? Il se foutait d'elle ou ça se passe comment ? Quitte à écrire une telle merde autant ne rien envoyer. Elle répond, elle se braque, elle est froide.

L'autre pied hors d'Avranches.
Une autre lettre.
Toujours de Lucus.
Drôle et amoureux.
Il se fout de sa gueule, là c'est sûr.
Peut-être oui qu'elle viendra à leur rendez-vous.
Peut-être ...
On verra.

Après tout, elle a privé Zilo de sa fille, sa fille d'une famille pour éviter de briser l'amitié entre les deux hommes. Et ... Elle soupira. Elle ne savait pas quoi faire. Elle était bien ces derniers jours en étant loin de tout, de tout ça, des drames. Certes, elle se faisait chier mais au moins, elle était au calme. Tartine s'agitait. Elle réfléchirait en route. Une réponse fut tout de même envoyée. Triste, la réponse.

Tartine et Svan ont enfin dépassé la porte sud d'Avranches.
Une troisième lettre.
Étonnante.
Il lui dit des mots d'amour tout en avouant que si elle vient ... il va se passer quelque chose et qu'elle devra lui pardonner.
Mère et fille échangent des coups d'œil circonspects. Bon, Tartine pas vraiment.


Donc ton père envoie son meilleur pote pour me la faire à l'envers et tonton Lucus me le dit sans me le dire ? D'accooooord ... En fait, je crois qu'ils me prennent tous les deux pour une conne. Hein, on est d'accord sur ce point. Oh ma Tartine, tu sais quand tu étais dans mon ventre, tu grignotais aussi mon cerveau parce que tu es une goulue. Et j'avais la tête à l'envers mais maintenant ? Franchement ? Ils me prennent pour la dernière des pécores ? Alors que papa, s'il veut te voir, il nous l'écrit et on va le voir, c'est facile non ? Nous, on l'aime papa hein. On aurait bien dormi avec sa chemise pour penser à lui mais tonton, il ne lui a même pas transmis le message ...

Elle lui fit un bisou sur le nez, les grands yeux bleus-gris de sa fille la fixant tandis qu'elle monologuait.

Tiens, on va dire à tonton qu'on rentre toutes les deux voir papi et mamie. Parce qu'après tout, on est ici parce qu'on voulait voir papa et aider tata à accoucher et personne ne veut de nous. Alors on rentre.

La petite famille mono-parentale et mono-infantile se dirigea vers la maison de Thybald. La danoise entra en silence pour récupérer le mot qu'elle lui avait laissé. Il n'était pas encore rentré et ne l'avait donc pas encore lu. Tout était encore à sa place. Le parchemin finit dans l'âtre. Elles n'iraient pas dans le couvent comme prévu mais Svan ne dirait à personne qu'elle rentrait chez elle. Enfin sauf à Lucus. Mais elle était certaine qu'il n'en dirait rien à Zilo. Il ne devait pas lui dire ce qu'ils échangeaient depuis des semaines. Parce que soit, il est sincère et Zilo le détesterait. Soit, il se foutait de sa gueule et Zilo le détesterait aussi vu qu'elle était partie à cause de lui. Elle ne revivrait pas une année comme elle venait de passer. Elle ressortit rapidement de la petite maison avec vue sur la mer. Fanette la haïrait aussi d'avoir laissé Thybald sans un mot. Mais vu qu'elles seraient à des milliers de lieues l'une de l'autre, la danoise n'en saurait jamais rien.

Une fois la porte nord passée, elle répondit une dernière fois à Lucus.




Lucus,

Rassurez-vous, je ne vous demanderai jamais de choisir.
Ne vous présentez pas à Niort pour moi.
Je rentre chez moi. Chez moi au Danemark.

Adieu.

S.


Elle hésita un instant à écrire au père.
Pour lui avouer la vérité.
Sur tout ce que Lucus et elle avaient vécu et échangé depuis le mois de novembre.
Mais non, elle passerait pour une folle, une inconséquente, une mère indigne.
Pas pour une briseuse d'amitié.

Quand on pense qu'elle ne sait toujours pas que Fanette ne la boude pas.
Qu'elle a été enlevée.
Qu'elle ne se sent pas bien.
Que Svan lui fait vivre le pire sans même en avoir conscience en s'éloignant encore de tout le monde.
En plus, le pigeon de Lucus est mort. Enfin celui qui la retrouvait à coup sûr.
Enfin mourant ... Il lui avait dit dans sa seconde lettre. Et il était triste à cause de ça.
Breeeeeef ...
Le nouveau ne saura jamais la pister.
Y a que celui de Fanou qui sait toujours où la trouver.
La magie de l'amour sororal sûrement.
Lison_bruyere
Saintes, le 9 janvier 1466
 
Les nuages s'étaient amoncelés au-dessus de la tête des quatre voyageurs et peu avant laudes, le ciel s'était crevé en une pluie drue et froide qui obscurcissait plus encore le chemin au-devant et noyait les ornières dans lesquelles l'attelage était brinquebalé. A plusieurs reprises, il ne s'en était sorti que  grâce à la puissance du roncin,  dans un concert de grincements et craquements en tous genres.  Fanette partageait le fond de la charrette avec la nouvelle recrue des deux Normands, une Bretonne pour laquelle elle réservait son jugement. Mais, si la Kerdraon l'avait agacée plus d'une fois, elle avait ressenti étrangement une bonne dose d'empathie à son égard et peut-être aussi, c'était-elle reconnue dans les difficultés de la nobliaute.

Finalement, le mauvais temps avait poussé le cheval à allonger l'allure, sous les coups de chambrière de son meneur, et quand les remparts de Saintes s'étaient enfin imposés à leur vue, la jeune femme n'en avait rien aperçu. Trempée et transie de froid, elle s'était repliée, les deux mains sur son ventre qui à nouveau se contractait douloureusement. L'averse se déversait sur son visage, diluant les larmes de douleurs et de craintes, et malgré le feu crépitant de la salle commune qu'ils avaient investie dès leur arrivée, il lui avait fallu plusieurs heures avant de reprendre un peu de couleur. 
Quand les autres étaient repartis vaquer à quelque affaire, Fanette était restée, ses boucles plus encore en désordre et le visage creusé de fatigue. Elle avait écouté le clocher engrener les heures et peu avant vêpres, Zilo était venu s'asseoir à côté d'elle pour s'assurer qu'elle ne soit pas trop abîmée. La jeune femme l'avait accueilli d'un regard méprisant, et la souffrance avait cédé la place à la colère dans le ton de sa voix.
 
- Vous avez eu des nouvelles de votre copain Lucus, où ira-t-on ?
- C'est un boulet !

 
Fanette avait laissé un sourire un peu narquois étirer ses lèvres. Elle était persuadée que le Normand parlait de l'homme qui venait de sortir après l'avoir traité de crétin. Ne voulant pas laisser passer l'occasion d'un compliment elle avait approuvé.
 
- Qui, Lucus ? Oui, je sais.
 
Et s'était étonné de constater que c'était bien de son ami dont Zilo parlait. Et pourtant, tout comme elle n'avait jamais douté de l'amour qu'il portait à Svan, elle était persuadée que l'amitié qu'il portait à son acolyte était sincère et profonde. 
 
- J'sais pas ce qu'il lui a raconté mais il l'a fait partir dans l'autre sens ! De ce que j'ai compris, hein ! Et ne souriez pas, c'est vous qui allez-vous y coller par sa faute !
 
Pour appuyer ses dires, il sortait son nécessaire d'écriture. Avec application, il avait déroulé devant elle un vélin vierge et lui tendit une plume après avoir débouché le petit encrier. Elle le regardait un peu incrédule, mais il avait coupé court aux protestations, entamant la dictée.
 
- Svan ... virgule ... ton ex-mari me retient en otage ... virgule ... il me relâchera après t'avoir vu, toi et l'enfant ...
 
Fanette avait tourné vers lui un regard incrédule.
 
- Mais, vous disiez qu'elle n'en aurait rien à faire de moi, elle viendra pas !

 
Et elle s'était empressée d'ajouter de son propre chef  " et il est dingue..."
 
La précision ne dut pas lui plaire, car elle fut immédiatement saluée d'une calotte, tandis qu'il lui assénait d'un ton résigné : 

- Ce sera l'occasion pour tout le monde de savoir ce qu'il en est vraiment, et jusqu'où va son amitié pour vous.
 
La fauvette avait encaissé le coup et relevé une question inquiète : 
 
- Mais si elle vient pas ? 
- Elle viendra, et on ajoutera une mèche de vos cheveux  !

 
Là c'était trop ! Fanette avait lâché la plume précipitamment, tachant allègrement d'encre les braies de son voisin, qui tentait désespérément de limiter les dégâts en maugréant. Puis, après avoir relevé le pot d'encre il avait repris d'un ton sec : 

- Ecrivez et cessez de palabrer inutilement !
- Ce que je veux ?
- Non ! Vous mettez ... viens dans le Poitou ... virgule ...  avec le Breton si tu veux ... virgule ...  ou la moitié de la Normandie si ça te chante aussi ... virgule ...  mais le plus important c'est que tu ramènes Tartine sinon je meurs ... point. Le lieu exact te sera transmis plus tard ... virgule ... quand nous aurons pris position et vérifier que les lieux sont aptes à parlementer en paix ... point. Chaque jour de retard que tu auras ... virgule ... je perdrai un doigt ... virgule ...  alors je t'en supplie ne traîne pas en route ... point.

 
Elle tourna vers lui un regard tant affolé que surpris, mais le Normand ne s'en émut guère et lui fit signe de poursuivre.
 
- Vous n'oserez pas !
 
La main s'était malgré tout faite tremblante, souillant çà et là le vélin de quelques taches sombres dilué de larmes.
 
- Poursuivez j'ai dit ! Il détient aussi Lucus qu'il soudoie chaque jour avec un tonnelet de calva ... point.
- Elle ne le croira pas, Lucus lui écrit sans contrainte !
- Bon, le mettez pas alors, mettez une phrase personnelle si vous voulez.

 
La jeune fille avait glissé sur lui ses noisettes humides, avant de les reporter sur le vélin, la main hésitante. L'homme l'observait impatiemment, et consentit malgré tout à lui faire servir une tisane.
 
- Ajoutez que vous voulez revoir Roman, vos amis, retourner à Toulouse, j'en sais rien moi !
 
Fanette avait alors ajouté quelques mots, sans trop y avoir réfléchi, de regrets et d'espérance aussi, celle de voir les deux vilains disparaître, tués par une armée.  Elle dissimulait derrière un bras les déliés de sa plume et s'était empressée de souffler sur le vélin pour faire sécher l'encre et de le rouler avant qu'il ne le lise. Mais l'homme n'était pas si crétin, hélas. 
 
- Qu'est-ce que vous cachez encore ? Je vous rappelle que c'est moi qui vais envoyer le pigeon. 
 
Avant de lui remettre le courrier, elle avait tenté sans grande conviction une autre demande.
 
- Zilo, s'il vous plaît, je peux écrire un autre courrier ?
- A qui ?
- A Roman.
- Et pour lui dire quoi ?
- Ça vous regarde pas, c'est mon époux !
- Oh si ça me regarde, j'suis votre ravisseur ! Et votre frère  !

 
Il l'avait couvé d'un regard moqueur, certain qu'elle n'appréciait aucunement ce lien de parenté, quand bien même il était faux.

- Oh non non non !
- Et si ...

 
Puis il s'était emparé du courrier, en avait rayé les derniers mots avant de le confier au pigeon.
 
 


Svan, 
Ton ex-mari me retient en otage, il me relâchera après t'avoir vu, toi et l'enfant, et il est dingue. Viens dans le Poitou, avec le Breton si tu veux, ou la moitié de la Normandie si ça te chante, mais le plus important c'est que tu ramènes Tartine sinon je meurs. Le lieu exact te sera transmis plus tard, quand nous aurons pris position et vérifié que les lieux sont aptes à parlementer en paix. Chaque jour de retard que tu auras, je perdrai un doigt, alors je t'en supplie ne traîne pas en route.
Svan, j'aurai tant aimé connaître Astrid ... et ... ils vont finir par me faire perdre mon enfant tu sais j'ai des contractions qui me tirent le ventre de plus en plus souvent j'ai peur ... et ... ne viens pas, ou viens mais envoie avant toi une armée normande pour les tuer presse toi je t'en prie.
Je t'aime
Fanette


Ecrit avec JD Zilofus

_________________
Victoire.
[Sans toi]

Au loin, on entendait le bruit distinct d'une hache qui s'abattait sur le tronc d'un arbre.
Il faisait nuit et la demi-lune éclairait faiblement le spectacle de la danoise qui se défoulait sur un pauvre chêne. C'est ce qu'on appelle dans le milieu scientifique l'effet Zilo.
Zilo, jeune normand, fort bien fait de sa personne est un élément déclencheur quasi immédiat de la colère danoise. Quand elle était dans la même pièce que lui, quand elle entendait parler de lui, une irrépressible envie de défoncer des arbres à coups de hache prenait cette jeune fille innocente et douce qu'était Svan pour la transformer en furie nordique. Après avoir dépensé ses dernières forces sur le pauvre arbre, elle s'installa calmée. Enfin calmée ... Pas vraiment. Mais les lettres qu'elle écrirait aux trois grosses enflur... aux trois personnes qui la connaissaient le mieux au monde et qui se foutaient allégrement de sa gueule devraient finir de la calmer.

Tout d'abord, la petite Fanouchou chérie.




Fanette 

Un grand bravo. Je ne pensais pas que tu serais capable de faire ça. Quand je pense que j’ai dû m’excuser mille fois pour des taquineries et toi, tu oses me faire croire que « au secours, le vilain Zilo m’a enlevée ! ». Tu sais que ma séparation avec lui est encore douloureuse même si je ne t’ai jamais tout dit. Mais jouer avec ça, c’est petit. C’est mesquin. Crois-tu vraiment qu’il soit aussi taré que ça pour penser un seul instant que je vais lui donner ma fille contre toi ? Roman le tuerait, me tuerait, tuerait Tartine si quelque chose t’arrivait. Il n’oserait jamais te faire ça. Jamais mettre notre fille en danger plus qu’elle ne l’est sur les routes avec moi. Parce que si moi, il me déteste, je garde le vain espoir qu’il en a encore quelque chose à faire de notre fille. Et puis, tu n’aurais jamais appelé Thybald, « le Breton ». Tu n’aurais jamais appelé Zilo, « ton ex-mari ». Tu sais qu’il est et qu’il restera mon mari. Peut-être pas officiellement mais jamais, il ne sera mon ex-mari. Tu le sais, bordel ! Il est MON mari. Faut que tu salisses même le plus beau jour de ma vie ? Non mais quitte à vous foutre de ma gueule tous autant que vous êtes, vous auriez pu trouver un truc crédible. Je ne sais pas moi … Zilo a encore foutu la merde, il s’est fait casser son joli nez, faut vite venir le soigner. Là, je veux bien. Et tu me connais, je t’ai écrit mille fois que je ferai tout pour lui. Pourquoi jouer avec ça, Fanette ? Pour me punir ? Vraiment ? C’est réussi. Tous les trois, vous êtes bons. Vous vous êtes bien trouvés. Et me faire m’inquiéter pendant des jours et des jours en ne donnant aucune nouvelle. Tu crois que j’étais dans quel état ? Heureusement que ton oncle m’a rassurée en me disant que tu allais bien. Je te jure quand je pense à tout le tintouin que tu nous as fait parce qu’on t’avait taquinée une fois de trop … Au point où on en est, le matelas d’étoupe éventré c’était moi aussi. Oui quand je pense perdre celle que je considérais comme ma presque-sœur, je le vis mal et je pète des trucs. Les blagues les plus courtes sont les meilleures dit-on. Cela doit faire bien dix jours que je n’avais plus de nouvelles. Tu ne sais pas combien j’étais mal … Je pensais avoir encore fait quelque chose de mal. Je me demandais quoi. Tu es comme Zilo en fait. Tu aimes quand je me sens comme la dernière des moins que rien.


La lettre fut installée sur le couffin de Tartine en attente d'envoi.

Au tour de papa, tu veux écrire un petit truc pour lui ?


Silence.
Même Tartine fait la gueule.
Elle n'est pas joueuse la Tartine.
Et elle n'aime pas trop quand sa maman est pas contente contente après son papa.
Alors, elle dort. Vaut mieux.




Zilo 

Je n’ai pas grand-chose à te dire en fait. Tu ne veux que ton enfant. Tu t’en fiches bien de ce qui peut m’arriver. La preuve, au petit matin, je me suis faite brigander. Je leur ai échappé comme j’ai pu. Mais je me suis faite attaquer. Parce que je suis sur les routes. Parce que tu as demandé à ton ami de me mentir pour me faire venir. Parce que jouer avec mes sentiments, c’était pas assez odieux pour vous deux. Fallait aussi que tu nous mettes en danger. Moi à la rigueur … Mais ta fille, Zilo. Rassure-toi, elle va bien. Je suis une mère indigne, je sais. Une folle qui est partie pour rien … Alors que tout allait si bien. Les baffes dans la gueule, les méchancetés que tu distillais avec intelligence pour te faire passer pour un gentil mari. Je sais, c’est dans ma tête tout ça. Comme le reste de ma lettre. Cela arrangera bien tout le monde de le penser. Je suis folle, instable, la pire personne au monde. Enfin presque. Puisque je n’ai pas laissé Tartine se faire frapper. J’ai pris tous les coups. En mordant ma lèvre si fort qu’elle a éclaté sous mes dents pour ne pas pleurer. Peut-être que ça te rappelle quelque chose. Alors oui, tu as gagné. Tu as retourné ma presque sœur et Lucus contre moi. Les seules personnes en qui j’avais confiance. Une confiance aveugle. Ils ont accepté de rentrer dans tes plans tordus. Je ne sais pas comment tu as pu le faire mais bravo. Comme tu me l’as promis, ma vie en France est déjà un enfer. Mais je ne me laisserai pas faire. Je ne craindrai pas chaque instant que tu viennes, que tu me détruises au moment où je m’y attends le moins. Alors on part. On rentre chez nous. Au Danemark. Et pourtant, nous, on t’aime. On t’aimera toujours. Tu seras notre plus beau souvenir. Parce que je préfère élever notre fille dans le souvenir d’un homme amoureux plutôt que de la savoir avec un être abject qui détruit tout ce qui aurait pu être beau. Le pire ? C’est que j’ai fait tout ça pour toi. Parce que tu resteras la personne la plus importante pour moi après notre fille.


Et la dernière mais pas des moindres, celle de Lucus.
Alors lui ... Oh putain.
Elle passa en mode Super Saiyan de l'union de Kalmar.




Lucus 

En fait pour toi, je n’ai qu’une question. Quel était ton but ? Depuis ce soir-là, à Limoges. Pourquoi t’es-tu montré si prévenant ? Pourquoi as-tu posé ta main sur mon ventre à me dire que tu étais heureux de rencontrer mon enfant ? Pourquoi ce soir-là, tu es revenu dans la nuit me chercher pour que je ne dorme pas seule ? Pourquoi t’endormir tout contre moi, me capturant dans tes bras ? Pourquoi jour après jour alors que Zilo et moi, on n’y arrivait plus, tu étais là, gentil, à l’écoute ? Pourquoi m’approcher tant, me toucher et me dire quand il n’était pas là que tu pourrais … Pourquoi me nourrir et passer tes journées avec moi ?


A croire que c'est à ce moment-là que Lucus, à des dizaines de lieues a eu un sursaut de romantisme et qu'il venait de lui envoyer un pigeon qui s'écrasa sur le couffin et fit peur à Tartine qui se mit à hurler à la mort. Elle s'interrompit pour prendre sa fille dans ses bras et laissa là la lettre à peine commencée. Oh parce qu'elle en avait des choses à déballer à ce crétin !

Si c'est pour encore me dire de la merde, j'y vais rien que pour le buter ...

Elle mit des minutes à calmer l'enfant et une fois fait, elle lut le courrier.

Raaaaaaaah ...

Grognement danois.
On ne sait jamais si c'est bon ou pas.
Les lettres précédentes furent déchirées.
Les trois.
En tout petits morceaux. Tout petits petits petits morceaux.
Quel gâchis !

Mais ...
Elle irait les retrouver.
Mais avant, elle devait répondre à Lucus.
Ce fut long. Éprouvant. Et pas comme elle aime.
Des pleurs, beaucoup.
De la rage.
De l'espoir un peu.
De la rage.
Des soupirs. Tellement.
Et une dernière dose de rage en prime.
Elle est comme ça, la Svan, généreuse.

Puis, elle répondit à Fanette.




Fanou,

Tu peux lui dire que ses instructions, il peut se les mettre au cul et faire la toupie. Je viens quand je veux et où je veux. Niort, lundi. Depuis quand tu es sa secrétaire particulière ? T'en as de la chance de passer sous le bureau, c'est un bon coup. Si tu aimes te prendre des calottes. Je viens sans le breton, j'ai pas besoin de mon crew pour faire un concours de celui qui a le plus à reprocher à l'autre.

Svan

Ps : C'est pas le breton, c'est le normand. L'autre.


Message codé.
Je répète message codé.
Fanette doit comprendre.

Svan prit la main de Tartine et l'encra pour écrire un petit mot au papa.
Elle appliqua la petite main sur le parchemin et laissa un petit quelque chose pour Zilo.




Far,

Jeg kommer til at se dig.
Jeg er meget glad.
Vi elsker dig meget.

Astrid.*

Bah oui, elle n'allait quand même pas lui faciliter la tâche et l'écrire en français.
S'il a vraiment séquestré sa presque-soeur, il n'allait pas s'en sortir avec des petits mots d'amour de sa fille en français.


*Papa,

Je viens te voir.
Je suis très contente.
On t'aime fort.

Astrid
Lison_bruyere
Salle commune de l'auberge municipale de Saintes, un peu plus tard dans la soirée

Les railleries avaient laissé place à une discussion un peu plus apaisée, mais ce qui préoccupait Fanette, c'était la crainte qu'elle avait de perdre son enfant, et qui la tenaillait chaque jour un peu plus, même si Zilo avait promis une étape à la Rochelle, un lit pour une nuit au moins, un vrai repos, au chaud dans des draps de lin et des couvertures de laine, de bons repas.

- Zilo, je vous en prie là. Je sais qu'on s'arrête, mais ce que je veux, c'est qu'une matrone m'examine, pour être sûre.
- Arrêtez de dramatiser tout le temps, fallait demander à petit Caramel hier.
- Je dramatise pas, j'ai peur, vous pouvez comprendre ça ? Et vous devriez avoir peur vous aussi, s'il arrive quelque chose par votre faute.


Il souriait, une lueur narquoise résolument ancrée dans son regard d'océan.

- Elle vous aurait fait une potion avec des plantes, ou des cailloux, enfin, un truc de druide breton quoi ..
- J'ai pas besoin d'une sorcière, j'ai besoin d'une matrone !
- Han ! J'vais lui répéter ! Elle vous empoisonnera dans votre sommeil.
- Vous pouvez ! Et elle connaîtra le même sort que Lucus et vous.
- Sauf qu'elle est une princesse Fanette, comme la bidule de Malemort.
- Je me fiche de qui elle est, je m'en fiche bien. La seule chose qui m'importe, c'est l'enfant que je porte.


Il balaya l'air devant lui en un geste agacé et peu convaincu.

- Quand vous saurez combien un enfant peut devenir une obsession, vous comprendrez enfin pourquoi on fait ce voyage.
- Et vous êtes prêt à me faire perdre le mien pour revoir la vôtre ?


Il fallait croire que oui, il voulait revoir sa fille. Quand il lui avait demandé ce que ferait Roman si d'aventure elle s'enfuyait avec son enfant, la fauvette avait craqué. Elle avait enfoui la tête dans ses bras en pleurant, assurant que Roman ne mettrait jamais la vie d'un enfant en devenir en danger, quand bien même n'aurait-il pas été le sien.

- Alors , faites en sorte que Svan coopère, lui avait-il répondu sèchement.

Elle avait relevé la tête de ses bras, les yeux baignés de larmes.

- La lettre est partie, qu'est-ce que j'y peux moi ?

Le mercenaire avait alors fait une chose aussi surprenante qu'incongrue. Il avait sorti de sa besace un autre vélin, plume et encrier et lui avait proposé d'écrire, à Svan évidemment, personne d'autre, mais de lui dire ce qu'elle voulait cette fois, sans aucune contrainte. Elle l'avait regardé surprise, essuyant ses yeux en saisissant la plume.

Elle avait jeté les mots rapidement, avant qu'il ne change d'avis, sans trop réfléchir, et surtout pas dans le but de la faire venir non. Elle se souvenait du dernier courrier qu'elle avait reçu de la danoise, et à son tour, elle voulait lui faire part de ce qu'elle ressentait à l'instant présent, rien de plus que des nouvelles, même si elles n'étaient pas réjouissantes.




Svan,
Je ne sais pas pourquoi, mais Zilo vient de me donner de quoi t'écrire et il me dit que je peux cette fois-ci choisir de mes mots.

Il t'a envoyé un courrier déjà, de ma main. Il est venu au début de l'année là où j'étais, il m'a emmené contre mon gré, profitant que Roman était souffrant. J'étais obligée de le suivre Svan, tu sais combien il me fait peur parfois, surtout qu'il a estafilé mon ventre d'un coup de couteau pour me convaincre qu'il n'hésiterait pas si je ne me montrais pas docile.
Ce soir, je sais pas, peut-être qu'il semble moins déterminé, plus résigné, mais il parle d'elle, d'Astrid comme en parlerait un père aimant, il l'aime, vraiment et qu'il veut la connaître. Je lui ai demandé pourquoi il t'écrit pas, mais il croit que tu prêteras plus attention à ce que je dis moi qu'à ce qu'il dit lui.
Moi je sais pas.
Il dit que tu as écrit à Lucus que tu repartais chez toi, au Danemark. C'est vrai ? Tu rentres définitivement ? On se verra plus jamais ? Je peux comprendre Svan, rassure-toi. Tant de fois tu m'as parlé de tes parents, et de tes frères, et il y avait tant d'amour dans ce que tu décrivais. C'est pour qu'Astrid connaisse cela aussi, c'est ça ?
Tu sais, je ne veux pas ce qui arrive, je voudrais te revoir, mais dans d'autres circonstances, mais je peux admettre qu'à présent Astrid doit être plus importante que tout, tu as raison.

Je me rappelle le dernier courrier que tu m'as écrit, ou tu me parles de ta vie avec elle, dix jours déjà tu te rends compte, c'est ça que tu m'écrivais, et aussi que tu grandissais avec elle et que tu étais heureuse. Je t'envie Svan, je t'envie d'être heureuse, et pouvoir la serrer contre ton cœur, ou la voir gigoter. J'ai peur de ne jamais connaître ce bonheur Svan, du moins, pas au printemps.
J'ai été malade plusieurs mois au début de ma grossesse, mais à présent, ça allait. Et cette première fois où je l'ai senti bouger, c'était si ... étrangement merveilleux. Mais à présent, je suis inquiète, parce que, depuis que Zilo est venu m'enlever, je ressens de nouveau de plus en plus souvent de méchantes contractions et je me souviens de ce que m'ont dit Roman et sa cousine à ce sujet. C'est pas bon signe si ça dure et que ça nécessite du repos. Il a dit que demain on ferait une pause à la Rochelle, mais moi, je voudrais y rester plusieurs jours, je voudrais qu'il m'y laisse en vérité, pour que Roman puisse venir m'y chercher.
Je ne veux plus les suivre, tu comprends. Je vais y perdre mon enfant, et je ne sais pas si je pourrais le supporter. Quand Roman est parti à Limoges tu te souviens, j'étais malade, je ne gardais rien de ce que je mangeais, et je n'arrivais plus à dormir. Le padre Corleone est venu me donner des remèdes et il m'a dit que si je perdais cet enfant, son fils en mourrait.
Je peux pas faire ça, je peux pas le perdre, en premier lieu pour cet enfant, parce qu'il est un petit être innocent, et qu'il doit être protégé, même s'il n'a pas encore pris son premier souffle.
En second lieu, parce que je l'aime déjà tant, et que son père aussi l'aime, j'en suis convaincue.
Enfin, parce que j'ai peur que jamais Roman ne me pardonne si je perdais son enfant. Il sait ce que c'est déjà de pleurer un fils, même deux. Je ne veux pas être celle qui serait responsable d'autres larmes de ce genre.

Je t'envie Svan d'avoir cette chance de chérir ta fille. Je t'en prie, écris à Zilo, parle-lui d'elle comme tu m'en as parlé. Dis-lui qu'elle saura qui il est. Je ne peux t'en vouloir de préférer renter chez toi, mais je n'arrive pas à t'imaginer la priver de son père, et j'ignore pourquoi lui le croit. Dis-lui de me laisser à la Rochelle, et de prévenir Roman que je suis là-bas, et que je l'y attendrai.
J'ai peur Svan, mais j'ai confiance en toi.
Je ne pensais pas te perdre avant de t'avoir retrouvée, mais, je comprends que tu veuilles revoir ta famille.
Continue d'être heureuse, ne m'oublie pas, car moi, je ne t'oublierai pas.
Au revoir ma sœur,
Fanette



Si elle avait eu en main la réponse que Svan faisait partir au même moment, la teneur de son courrier aurait été bien différent, voire inexistant. Mais pour l'heure, elle n'en savait encore rien. Elle ne s'était pas relue, sans doute trop incertaine sur le devenir de l'enfant qu'elle portait, et partagée entre la peur qui lui tordait le ventre, l'envie d'être heureuse pour Svan et Astrid qui seraient dans quelques semaines entourées d'amour, et l'espoir qu'un père serait assuré qu'un jour, il verrait sa fille. Zilo s'était éloigné après une dernière menace, à laquelle elle n'avait pas prêté attention, et le pigeon sur la table s'était envolé avant qu'elle ne lui confie le courrier, sans doute retrouver la main qui le nourrissait. Il ne lui restait plus qu'à attendre le retour du mercenaire, puisqu'il n'avait nulle intention de l'oublier à Saintes, et espérer qu'il enverrait ce courrier dans y porter de ratures.
Étonnamment, c'est ce qu'il avait fait. Et l'oiseau les avait précédés survolant la route qui quittait Saintes vers le nord-ouest avant de disparaître, engloutit par les cieux noirs.

L'étape s'était avérée longue. Quatorze lieues séparaient Saintes de la Rochelle. Ils avaient traversé la Charente dans l'un de ses méandres, en avait suivi le cours quelques heures avant de l'abandonner pour suivre la côte. Le vent ramenait en rafale les embruns et le parfum iodé et sauvage de l'océan, alors qu'en d'autres endroits s'y substituait l'odeur saumâtre de l'eau immobile de grands marécages où il était malaisé, à la seule clarté de la lune de choisir le chemin le plus sûr. A plusieurs reprises, la vase nauséabonde, mêlée de boue, aspirait les grandes roues ferrées, obligeant à redoubler de voix, de claquement de fouet et de force pour éviter au chariot de s'enliser.

Le soleil était bien haut dans le ciel quand les quatre voyageurs, menés par une bête épuisée s'engageaient sur la petite côte qui serpentait le long d'un promontoire calcaire. A son sommet, les courtines de la ville se dressaient, surmontées de hourds de bois, reliant solidement entre elle les nombreuses tours en suivant le relief pour descendre jusqu'à un port important, doté d'un chantier naval.
Jamais Fanette n'avait vu encore plus importante cité maritime. Elle était bien au-delà de Honfleur, avec son havre du dedans qui pourtant, voyait affréter les navires qui partaient parfois pour de lointains horizons. Elle s'en rendit compte plus sûrement quand ils pénétrèrent en ville, à la recherche d'une auberge. Une foule bruyante à laquelle volailles et porcins se mêlaient allègrement, encombrait les rues boueuses et mal pavées, rendant la circulation difficile. Les camelots haranguaient le chaland, étalant leurs marchandises sur des tréteaux le long des hautes maisons de pierre blanches. Et au-dessus du port, le concert des oiseaux marins arrivait parfois à couvrir les ordres criés par les matelots, qui, en équilibre sur les vergues, vérifiaient les voilures, pendant que d'autres déchargeaient sur les quais d'encombrantes cargaisons qui se retrouveraient bientôt dans les échoppes des artisans. Elle ferma les yeux un instant, se demandant si pareille cité était propice à ce repos qu'elle réclamait depuis plusieurs jours déjà.
Les doigts se tendirent vers le dosseret du siège, agrippant du bout des ongles le pourpoint d'un des Normands.

- La fine bulle...

C'était le nom de l'auberge dont on lui avait parlé à Saintes, cette qui était tenue par un médecin. La literie était garantie sans puces, et les repas y étaient bons, quand le prix de la pension restait malgré tout convenable. Pour dire vrai, elle avait soumis cette idée, mais se moquait bien de l'endroit où ils la conduiraient. Ce qu'elle voulait, c'était d'un endroit chauffé pour s'allonger sous de chaudes couvertures et ne plus bouger. Elle voulait ne plus être brinquebalée dans tous les sens et surtout que cessent les douleurs qui lui tenaient le ventre depuis quatre jours. Et peu lui importait que les deux vilains la traitent de petite nature et lui donnent sans cesse en exemple la Danoise.

Les trois cloches du haut beffroi carré sonnaient sexte quand le Normand, fidèle à sa promesse, précédait Fanette dans la salle commune d'une auberge, dont l'entrée se tenait un peu en retrait de la grande place. Elle semblait bien loin à présent, l'âme bohémienne, trouvant dans les voyages mille occasions d'émerveillement, de découvertes et de plaisir. Les traits tirés, son teint était pâlot, simplement rehaussé de cernes sombres qui soulignait un regard fatigué. Ses cheveux en désordre et sa pèlerine poussiéreuse ajoutaient à son air dépenaillé. Elle semblait compter ses pas, une main posée sur son ventre. Et si son expression affichait quelque inquiétude, elle ne prêtait guère attention à ce qui se passait autour, attendant simplement qu'on lui indique la chambre où elle pourrait bientôt s'étendre, en se persuadant qu'à présent qu'ils allaient faire ici une étape un peu plus longue, tout rentrerait bientôt dans l'ordre.

Mais la douleur fulgurante qui contracta sa matrice vint crisper soudainement son visage. Elle se laissa tomber sur la première chaise venue, souffle coupé, en fermant les yeux, tentant une nouvelle fois de comprendre ce que son corps lui faisait endurer, pour en apprivoiser la souffrance. Son bras cherchait l'appui sur la table toute proche, quand sa dextre continuait de tenir son ventre. Lentement, elle s'efforçait d'imposer à sa respiration un rythme normal, prenant de profondes goulées d'air et les relâchant tout aussi longuement. Mais, la sensation tiède entre ses cuisses l'effraya. Elle se releva aussitôt, courbée sur la douleur que sa respiration affolée ne jugulait plus, et dégrafa rapidement pèlerine, l'abandonnant au dossier. La main tremblante se porta sur le surcot taillé dans une étoffe de laine grossière, à l'endroit où reposait son séant, et elle en ramena la pulpe de ses doigts taché de carmin. De nouveau, elle s'effondra sur le siège, maudissant le Normand occupé à négocier le prix de la chambre. La frayeur prenait le pas sur la douleur qui lui durcissait toujours le ventre, et entre deux sanglots tout y passait, de son refus de perdre le petit loir, des reproches à son ravisseur de ne pas avoir pris ses plaintes au sérieux, et les pires menaces s'il ne lui trouvait pas dans l'instant une matrone ou cette femme qui avait appris la médecine et qu'il comptait dans ses connaissances. Et pour appuyer ses dires, quand il s'était retourné vers elle, pensant qu'elle se lamentait encore, elle lui tendit ses doigts, rougis du sang qui avait taché son vêtement.


Dialogues toujours écrits avec jd Zilofus

_________________
Victoire.
[Construire un foyer]

Espèce de petite pute menteuse !
Sac à foutre italien !
Bouffeuse de chibre vérolé !


Svan est énervée.
On se demande bien pourquoi.
Quand Zilo lui brise menu menu les … pieds, Fanette, elle n’est jamais loin pour en faire autant.
Un vrai petit duo de casse-bonbons. Une chorégraphie bien huilée. A croire qu’ils sont vraiment cousins. Depuis que Svan avait appris que Fanette avait un grand-père normand, la ressemblance entre les deux lui paraissait flagrante ! La preuve : si elle se prenait la tête avec l’un, elle se prenait forcément la tête avec l’autre dans les heures qui suivent. Sans parler de la couleur de leurs cheveux. Donc là, ils ont réussi à l’énerver tous les deux. Merci les gars. Elle venait de se coltiner trois semaines d’ennui ultime en Normandie pour retrouver son calme et la voici de nouveau sur le point de tout brûler.

Elle est énervée mais elle est surtout dans le déni. Franchement, comment Svan pouvait-elle s’imaginer un seul instant que Zilo, SON Zilo, SON mari, le père de LEUR fille fasse ce genre de choses ? Non parce que Zilo bon … on commence à le connaître. Il lui a promis le pire, blablablabla. Mais pas à Fanette. Jamais, il ne ferait de mal à Fanette. Enfin pas plus que nécessaire. Un petit ligotage. Allez tout au plus, un taquet entre les deux oreilles parce qu’elle est pénible. Mais JAMAIS, il ne ferait ça. Svan ne voit pas son époux comme ça, il est et restera l’homme parfait malgré tout. Les pleurs, les nuits où elle dormait seule, les cris, le désespoir, tout s’estompait quand elle se trouvait loin de lui. Elle se résignait à en faire un homme parfait et à se flageller d’avoir encore tout pourri. Parce qu’un autre avait su s’immiscer dans sa vie en s’occupant d’elle plus que nécessaire. En se montrant présent, gentil, à l’écoute, amoureux sans l’avouer … Et elle, boule d’hormones en folie avait fini par se dire qu’elle était elle aussi entrain de tomber amoureuse. Mais Zilo, malgré n’importe quel autre homme, c’est sa déraison à la danoise. C’est viscéral, elle le voit, elle devient dingue. C’est aussi pour ça qu’elle le fuit. Surtout enceinte, elle ne pouvait plus gérer les mille émotions à la minute qu’elle vivait avec lui. Malgré les lettres de menaces, elle ne peut pas le rayer de sa vie. Et il pourrait bien tuer devant ses yeux, Fanette qu’elle ne le croirait toujours pas capable de la moindre mauvaise chose. Alors non, il n’avait pas fait ça, c’était tout bonnement impossible. Le désespoir n’excuse et n’explique pas tout. Il n’est pas débile, il ne ferait pas de mal à la femme de Roman, à la sœur de sa femme, enfin de son ex-femme.

Donc Svan éclatait des chopes en taverne en hurlant contre cette menteuse, cette malsaine amie. Elle maltraitait à coups de pieds, un comptoir et à coups de poings, les murs. Tout doux, jeune fougueuse, tu vas encore te péter la main. Elle fouilla nerveusement dans sa besace et en tira le courrier précédent. Celui qu’elle pensait être une vaste blague pour la faire venir dans le Poitou. Elle se mit devant une fenêtre et plissa les yeux en essayant de lire ce qui avait été raturé. Elle allait se bousiller la rétine mais elle lirait cette putain de phrase. Quelques mots ressortaient et elle s’assit sur le rebord de la fenêtre. Son regard se perdit dehors et elle aurait aimé se laisser porter par la douceur angevine. Elle se pinça le nez et soupira de dépit. Un soupir si long qu’elle était certaine que Zilo pourrait l’entendre de là où il séquestrait Fanette. Mais pourquoi ? Pourquoi ils arrivaient toujours à ce genre de situation ? Rien ne pouvait être simple ? En fait, elle aurait dû rester avec lui. Se taire beaucoup, subir parfois, aimer tous les jours ce père à qui elle avait arraché son enfant. Mais elle était partie et si Fanette, sa sœur, en était là, tout était sa faute. Et un peu la faute de Tartine. On n’a pas idée d’être si mignonne au point que son papa veuille la voir à tout prix.

Elle relut la lettre.
Prenant soin de ne pas manquer un mot, un sens, une rature.
Fanette allait mal. Physiquement. La danoise savait trop ce que c’était que de souffrir mais surtout d’avoir peur de perdre ce petit être qu’on aime déjà tant. Svan avait tellement souffert à la fin de sa grossesse qu’elle était partie pour retrouver un peu de calme et de sérénité. Elle aurait pu perdre sa fille tellement les douleurs étaient intenables, sans parler des disputes quotidiennes avec Zilo qui l’affaiblissaient. Elle avait eu la chance de mettre au monde une adorable enfant, dodue à souhait, aux joues rebondies mais elle avait cru y passer pendant deux jours à ne pas pouvoir la sortir.

Elle se devait d’aider Fanette.
Les mots seraient-ils assez forts pour que son mari se rende compte enfin de ce qu’il faisait ?
Assurément, il avait perdu la raison.
Elle devait l’aider lui aussi. Surtout lui. Sa priorité, c’est lui.




Je sais que je t’ai promis par l’intermédiaire de notre fille de ne plus jamais t’écrire. De ne te donner des nouvelles de notre enfant que lors de tes demandes. Qui se font bien trop rares à mon goût. J’aimerais tous les jours t’écrire pour te décrire les soupirs qu’elle pousse, les sourires qui n’existent que dans ma tête, la couleur de ses yeux qui change chaque jour. Elle te ressemble tant. A moins que ce ne soit moi qui cherche en elle à me souvenir de toi … Elle dort d’une façon si mignonne, tu verrais. Tu verras. Elle dort sur le ventre, ses petites jambes repliées sous elle, les fesses en l’air, les poings serrés. Et j’aurai encore mille choses à te raconter. Mais je me restreins à ce que tu m’as demandé et je ne m’impose pas dans ta vie. Ta vie est bien plus belle sans moi. Mais tu t’ennuies sinon tu n’aurais pas enlevé Fanette. Comme je m’ennuie de toi.

Si cette lettre doit être la dernière que je t’écris alors lis-la avec toute l’attention qu’elle mérite.
Chaque mot sera pesé. Sincère. Réfléchi. Je vais mettre des heures à l’écrire. Mais ce ne seront pas des heures perdues.

Hier, j’ai reçu un courrier de Fanette. Très étrange, tu en conviens. Je suppose que tu sais de quoi je parle. Je l’ai pris pour une farce grotesque comme on lui en faisait. J’ai d’abord été très énervée, j’ai écrit des horreurs à tout le monde sans les envoyer. Puis j’ai répondu sur un ton badin puisque je ne prenais pas le courrier au sérieux. Bordel, si Fanette t’a vraiment fait des trucs sous un bureau, je vous jure de vous tuer tous les deux de mes propres mains ! Mais ma réponse comportait une information essentielle. Je serai bien à Niort lundi. Ou dimanche même, si Tartine n’est pas trop fatiguée. Je devrais être dans le Poitou, à Thouars dès vendredi. Sauf si entre temps, Roman enlève à son tour femme et enfant zilofusiennes. Sinon je serai bien là.

Zilo, je te le demande comme un ultime service, si au fond de ton cœur, tout au fond, tu sais, bien planqué entre rancune et rancœur, entre haine et dégoût, il te reste un peu de l’amour qu’un jour, tu as eu pour moi, laisse-la partir. Ou prends soin d’elle, le temps qu’elle se remette. Elle souffre mais plus encore, elle a peur Zilo. Tu le comprends, je le sais. Elle a peur de toi mais surtout, elle a peur de perdre son enfant. Imagine, si quelqu’un nous avait fait du mal à Tartine et à moi ? Qu’aurais-tu ressenti ? Te souviens-tu de mon ventre énorme, de mes douleurs, de mes peurs ? Je sais ô combien tu as pu me haïr de pleurer, de geindre, de me morfondre. Mais je t’assure que rien n’est surjoué. Nous sommes si vulnérables dans ces moments-là. Hier, deux hommes ont tenté de me brigander sur les routes. Je me suis battue, j’ai pris des coups pour protéger Tartine, j’ai griffé, frappé, menacé de ma dague. Je ne suis plus une petite chose fragile mais je l’ai été. Pendant neuf mois … Pendant neuf putains de longs mois, j’ai été une épave naviguant entre rires et larmes. Sinon j’aurais su te tenir tête de façon constructive et on serait peut-être encore ensemble, qui sait ? Alors imagine Fanette. De base, c’est déjà une petite chose fragile.

Dis-moi qu’elle ment. Que tu n’as pas fait tout ce qu’elle raconte. Que tu souffres de ne pas voir notre fille mais que tu auras la présence d’esprit de m’écrire le jour où tu voudras la voir. Que tu sais que je ne t’en priverai pas. Jamais. Te rappelles-tu de ce que tu as écrit ? Nous sommes ta famille. Moi, je le vois toujours comme ça. Si tu veux qu’on vive avec toi, même si tu ne m’aimes plus, on viendra. On fera comme tu veux. On trouvera des maisons voisines et tu pourras la voir tous les jours. Tu pourras l’aimer et la voir grandir comme tu veux. La trimballer fièrement dans sa brouette. Te vanter qu’on est une famille unie, que ta fille est extraordinaire. Lui offrir oreilles de lapin en bonnet ou hache en bois. Ce n’est pas une invitation à reformer un couple, Zilo. Ta haine puis ton indifférence envers moi ne laissent aucun doute à ce que tu peux bien penser de moi. C’est une promesse de famille. Tu peux continuer à me détester, à me faire fuir, à ternir ma réputation déjà pas très glorieuse. On peut se faire la guerre, passer nos prochaines années à jouer au chat et à la souris. Trimballer notre fille loin l’un de l’autre à tour de rôle pour se venger sans cesse. La détruire à petit feu et nous aussi par la même occasion. Ou alors, on peut vivre en bonne intelligence. Lui offrir ce que j’ai vécu dans mon enfance et tout ce dont tu as manqué. Dans le respect de l’autre pour que Tartine soit fière d’avoir son papa et sa maman qui se … tolèrent. On vivra chacun notre vie, tu ne seras même pas obligé de me parler ou de me croiser en dehors de tout ce qui concernera notre fille. On sera ensemble parce que Tartine a besoin de nous deux. Qu’on a toutes les deux besoin de toi pour tellement de choses. Comme Fanette et son enfant ont besoin de Roman. Laisse-la partir.


La danoise n’échangeait donc pas sa fille contre Fanette.
Elle échangeait sa précieuse liberté contre Fanette.
Elle s’engageait à rester auprès de lui avec leur fille, à le regarder aimer cette enfant tout en haïssant au plus profond de son être cette femme qui lui avait offert ce qu’il attendait depuis si longtemps.
Bien que quelques minutes plus tôt, elle insultait la vagabonde de tous les noms, elle se sacrifiait pour elle et pour son petit loir. Parce que fuir Zilo était une chose à laquelle elle aurait pu s'habituer à la longue, autant le voir tous les jours, la détester, c’était le pire des châtiments.
Il lui avait promis qu'il ferait de sa vie un enfer. Qu'il deviendrait son pire cauchemar en la traquant. Mais c'est à croire qu'il ne connait pas celle qui avait été son épouse. Il ne la connait pas parce qu'il saurait que ça ne lui fait pas peur ce genre de choses. Bien entendu, elle avait répondu qu'elle tuerait Tartine plutôt que de vivre ça mais elle était si énervée et fatiguée et elle lui avait déjà tendu la main une fois et il l'avait rejetée. Mais il ne la connait pas sinon il saurait que le fait de voir qu'il ne l'aimait plus, jour après jour, serait bien pire que tout ce qu'il pouvait promettre de lui faire vivre. Parce que son pire cauchemar, ce n'était pas lui, c'était l'absence de lui.




Notre Zilo, père et époux, deux liens indéfectibles à nos yeux. J’ai pris un mauvais coup hier mais je me dépêche d’arriver. Tartine pèse son pesant de confiture mais je fais aussi vite que possible. Pour Fanette, si tu ne veux pas la laisser écrire à Roman, laisse-la m’écrire au moins. Que je la rassure. Et puis Zilo, soyons honnête. Tu sais combien ça va te coûter tes conneries ? Il va falloir lui offrir des nuits dans une auberge avec matelas d’étoupe et tout le bordel, des repas chauds, copieux, du vin pour la fortifier, des fringues propres, une nouvelle coupe de cheveux -parce que je ne sais pas pourquoi mais je t’imagine bien te venger sur la paille qui lui sert de cheveux-, un médicastre … et j’en passe. Est-ce que ça valait le coup alors que si tu m’avais écrit, je serai venue parce qu’on attendait que ça ? Alors qu’à moi, tu n’as offert qu’un collier de bulots et ta haine éternelle ? Je suis bien trop gentille, tiens ! Est-ce que ça valait le coup de te lever chaque matin en ayant peur que l’italien se soit vengé dans la nuit même des années après en t’enlevant Tartine ? Est-ce que tout ça valait vraiment le coup ? Je sais combien tu me détestes, que je ne suis et n’ai été que déception pour toi. Parfois même, tu regarderas ta fille et tu y verras un peu de moi et tu te surprendras à la détester d’avoir mon sourire, qui sait ? Mais crois-tu qu’à un seul instant tout ce que j’ai pu faire, c’était pour te faire du mal ? Ne peux-tu pas t’imaginer qu’au contraire, j’ai voulu protéger notre enfant ? Et même, soyons fous, nous protéger nous ? Tout n’était pas rose entre nous. Tout n’était pas à jeter non plus. Mais quand je me suis réveillée ce matin-là, encore seule sur le port, parce que la veille, tu étais encore parti en colère, Zilo … C’était la fois de trop. Mon corps m’a dit que je ne pouvais pas subir une autre nuit à pleurer sur l’homme que j’aimais. Que je devais prendre soin de moi et de notre enfant. Que je ne la sentais plus bouger, que j’ai eu peur. Que la seule personne vers qui je pouvais encore me tourner commençait aussi à me détester. Et mon coeur se détachait de toi, inexorablement. Je commençais à te haïr, à craindre chaque mot que tu disais, chaque geste que tu avais envers moi. Je suis partie, Zilo. Qu’aurais-tu fait à ma place ? Toi aussi, tu aurais protégé ton enfant. Et paradoxalement, ton couple. Non ?


Éviter de parler de Lucus était la meilleure chose à faire. De toute façon, l’un comme l’autre ne savaient pas ce qu’il adviendrait de leur histoire qui n’avait jamais vraiment commencé. Des lettres, des nuits chastes ensemble … Jamais l’un ou l’autre n’avait pu se décider à passer outre leur fidélité pour lui. L’amitié de l’un était aussi forte et intense que l’amour de l’autre pour Zilo. Il pensait qu’elle partirait de nouveau, elle savait qu’il choisirait toujours Zilo. Parce que Zilo a beau penser que Lucus est un boulet et que Svan est la dernière des trainées, ils ne feraient jamais rien contre lui. Pas intentionnellement. Cette relation leur était interdite parce qu’il a toujours été leur priorité à chacun. Ironiquement.




Si tu dois ne retenir qu’une chose, Zilo, une seule, c’est celle-ci : tu seras toujours notre priorité. Quoiqu’il arrive, tu es celui qui passe avant tout et tout le monde. Ne doute pas de l’amour qu’on te porte et de notre fidélité. Quoiqu’il se passe, tu seras toujours le choix qu’on prendra, Tartine et moi. Si Roman doit venir se venger, je me prendrai le coup de dague ; si une armée venait encore à te rouler dessus, je me jetterais à nouveau devant toi pour te protéger. Savoir que tu me hais, c’est difficile. Mais qu’il puisse t’arriver quoique ce soit, c’est inconcevable. Tu ne me comprends certainement pas et tu te demandes comment je peux dire ça après être partie sans une explication, sans même me mettre en colère, après t’avoir arraché ton enfant, après avoir fait éclater notre famille. Mais je crois que c’était écrit que je devais partir. J’aurai même dû écouter mon corps bien avant. Et partir avant. J’ai mis deux jours à accoucher. Tartine ne respirait pas en venant au monde. Je sais que tu aurais assuré mais je ne suis pas certaine que ça aurait suffit. J’ai brisé ton cœur en partant. J’aurai tué notre famille en restant. Rien n’arrive par hasard. Sauf nous dans ta vie, peut-être. Et encore …

Je t’ai promis que tout irait bien maintenant, Zilo. Je tiendrai cette promesse.
Parce qu’il est temps qu’on soit heureux avec notre fille.
Tu es le seul à pouvoir décider de la suite.
Parce que si tu veux cette famille, je n’y arriverai pas seule.
Je ne te dis pas que ça sera facile, je te dis juste que ça en vaut la peine.

Rappelle-toi que tout est merveilleux à Kysseland.
Et que ta fille a besoin de nous pour s’y rendre.

Jeg elsker dig.
Tartine aussi.

Svanja

PS : Même si tu ne veux pas me répondre, même si tu me détestes au point de ne pas retrouver un peu d’amour dans ton coeur, même si comme tu me l’as écrit, tu me vomis et me voues une haine sans limite, j’aimerais avant de te présenter ta fille que tu m’envoies une chemise à toi. Ou quelque chose qui a ton odeur pour qu’elle s’y habitue. Et pas ton chapeau de paille, il est si moche qu’elle y mettrait le feu. Mais elle ne supporte rien ni personne hormis moi alors je ne veux pas que ta première rencontre avec ta fille te laisse le goût amer de ses larmes. Elle doit apprendre à te connaître et j’aimerai qu’elle dorme avec ton odeur pour que quand tu la prendras dans tes bras, elle se sente en sécurité.


Elle était étrangement calme. Apaisée d’avoir pu dire ce qu’elle avait sur le coeur. Avoir pu se reposer quelques jours en Normandie lui avait permis de se poser aussi les bonnes questions. Qu’est-ce qu’elle voulait ? Qu’est-ce qu’elle attendait de la vie ? De l’amour ? Qu’est-ce qu’est l’amour ? Peut-être découvrait-elle que l’amour, ce n’est pas que des sentiments intenses et de passion enflammée. Et si le véritable amour, c’était juste vouloir faire passer l’autre avant soi. Avant son propre bien-être. Avant tout le reste. Elle allait finir vieille fille à ne pas pouvoir offrir une place à un autre homme dans sa vie. Qui voudrait vivre avec une femme qui n’en avait que pour le père de sa fille ? Personne. Le breton s’était cassé les dents sur le fantôme de Zilo. Elle ne parlait que de lui, ne vivait que par lui. Elle trouvait toujours quelque chose à dire sur lui, quelque soit le sujet, Zilo était là. Et elle était triste aussi. Parce que Zilo la détestait, Lucus ne pourrait jamais l’aimer, que Fanette ne lui pardonnerait jamais d’avoir été enlevée. Que Roman devait être furieux et déjà à la recherche du normand. Que tout allait mal finir malgré ce qu’elle disait à Zilo. Elle allait avoir peur pour leur fille. Pour lui. Pour tout le monde. Elle allait morfler encore. D’une façon ou d’une autre, elle appréhendait la suite. Elle ne savait pas encore que Fanette perdait peut-être en ce moment-même son enfant. Comment serait leur vie quand Roman allait apprendre cela ?
Tout aurait été différent s’ils s’étaient parlés. Il y avait eu de l’amour entre eux. Mais il y avait surtout cette peur de l’abandon. L’un pensant que l’autre l’abandonnerait. Lui la poussant à bout, elle cherchant une bonne excuse pour fuir. Tout briser avant que ça se finisse.
Mais pour le moment, elle espérait juste que ses mots sincères toucheraient le coeur meurtri de ce père.
Avant d’envoyer des mots réconfortants à Fanette, elle s’octroya même une petite sieste avec sa fille tellement le courrier l’avait vidée de toute son énergie. Elle la berçait contre son coeur, doucement, en chantant une comptine danoise.


Far og Mor og Tartine vil tage til Kysseland … Jeg lover dig.*

Et comme à chaque fois qu’elle câlinait sa fille, sa main gauche caressait les cheveux bruns de l’enfant. Et sous ses yeux, son alliance brillait. Leur mariage n’était rien de plus qu'un lointain souvenir. Le plus beau souvenir de sa vie depuis des mois et pourtant, jamais cette alliance n’avait quitté son doigt. Comme si la quitter signifiait que tout était définitivement fini. Une larme solitaire perla doucement sur la joue danoise pour tomber sur le nez de l’enfant qui se mit à se trémousser et sa petite main malhabile tenta d’essuyer ce qui la gênait.

*Papa et maman et Tartine iront au pays du bisou … Je te le promets.
Zilofus
La charrette avait suivit les chemins, du moins sur ceux que le conducteur lui avait indiqué pour rejoindre la ville suivante sans détours, sans arrêts inutiles, lieu où encore une fois le petit groupe ferait une brève halte le temps de se reposer un petit peu et de se réchauffer au coin d'un feu dans une taverne. Cette fois les autochtones étaient moins amusant de ce ceux de la dernière fois, le niveau était bien plus déplorable, pour dire que même Fanette n'avait pas cherché à leur demander une quelconque aide pour s'enfuir ou trouver un soutien pour lutter contre ses ravisseurs, c'est pour dire ... Non cette fois ils étaient bizarres, ils parlaient une variable du dialecte français en plus de ne pas savoir construire une phrase complète, d'ailleurs l'un d'eux avait encore essayé de le comparer à des animaux, un comble pour quelqu'un qui était bête à bouffer du foin, puis l'autre qui cherchait désespérément à jouter alors qu'elle était encore au niveau bac à sable ... Alors pour tourner court et ne pas avoir à les supporter trop longtemps il les avait insulté pour qu'ils s'en aillent rapidement et ça avait marché !

Après ce petit épisode pour bien s'échauffer et entamer la soirée il pouvait enfin torturer sa petite victime sans se soucier de ce que les témoins pourraient répéter, forcément puisqu'il n'y en avait plus, comme son acolyte avait faillit à sa tâche de trouver un point de rendez-vous dans les environs il devait passer au plan B et se servir de Saucisson comme d'un appât pour donner une véritable raison à la cible de venir le rejoindre, c'était l'une des raisons pour laquelle il avait kidnappé Fanette parmi d'autres. Le message qu'il lui avait fait écrire était direct et concis, aller droit au but et ne faire part que de l'essentiel, juste de quoi susciter l'intérêt de la danoise pour espérer avoir une réponse dans de brefs délais. Il ne s'y trompa pas et le retour se fit rapidement, non pas en une unique lettre comme réponse mais bel et bien une chacun, tout le monde avait eu droit à son petit mot rageur, enfin du moins c'était plus que probable étant donner qu'il avait reçu le sien et celui de Fanette puisqu'il passait son temps à la surveiller et l'empêchait d'écrire à qui que se soit.

Décidément, personne ne comprenait rien, ce n'était pas parce qu'il détenait Fanette en otage qu'il avait l'intention de l'échanger pourtant c'est ce que tous s'obstinait à croire, il était con mais pas à ce point là quand même, il savait parfaitement que n'importe quelle mère ne donnerait son enfant contre quoi que se soit, puis menacer la vie de sa victime apporterait plus de soucis que de solutions aux problèmes. Ce n'était pas une nouveauté que de savoir que la fauvette ne valait rien, aux yeux de qui que se soit, elle le disait elle même par ailleurs, que même contre une très faible rançon personne ne viendrait la récupérer, même pas son oncle, c'était pour dire. Cet enlèvement devait simplement suffire à susciter l'intérêt de la personne pour qui tout ce remue avait été fait, c'était là une simple démonstration que les mots pouvaient parfois se muer en actes et que ce qu'il disait n'était pas que des paroles en l'air.

Un courrier écrit en danois lui parvint, sans chercher bien longtemps il devina qui en était l'auteur, il ne connaissait pas grand monde qui usait du germanique nordique pour écrire ses lettres. D'ailleurs il ne l'avait même pas montrer à Fanette pour lui demander de la lui traduire il n'avait donc pas pigé ce qu'elle disait cette lettre, même si quelques mots lui étaient familiers cela lui était insuffisant pour en comprendre le sens de la lettre. Puis il avait beau être idiot, ce n'était qu'une apparence qu'il se plaisait à donner aux gens pour mieux s'amuser de la situation, alors prétendre qu'une enfant d'à peine trois semaines sache déjà écrire fallait pas trop pousser quand même, ça manquait de crédibilité.

Le lendemain rebelote, un autre courrier arrivait, vu la longueur il avait prit le temps de s'assoir pour le lire. Certains passages le firent sourire légèrement, d'autres moins, voir pas du tout, ses yeux parcoururent les lignes les unes après les autres à essayer de comprendre l'intérêt d'une telle lettre qui finalement n'avouait rien d'autre que ce qu'il avait dit dans le dernier message qu'il lui avait envoyé, ce n'était qu'une pâle reprise pour tenter de racheter ses erreurs, encore des suppositions complètement infondées sur des faits inavérés et dont elle ne connaissait aucunement la profondeur. Il ne savait pas qu'en penser, ni ce qu'il devait en faire ... Le bouffer ? Le jeter au feu ? Le laisser trainer là ? Il n'en avait aucune idée et se résout finalement à la mettre dans sa besace pour plus tard.

De toute façon maintenant qu'il s'était trouvé un scribe qui pouvait écrire à sa place il n'allait surement pas se fouler le poignet à la tâche, il lui ramènerait ce qu'il faut pour écrire et lui dicterais pendant qu'il siroterait une choppe assis sur une place voisine, il userait des bons talents d'écrivain de Saucisson si jamais l'occasion se présentait de nouveau mais pas cette fois, s'en était terminé des intermédiaires, il prendrait la plume pour changer le lieu du rendez vous, confirmer la date et quelques modalités supplémentaires sans importance, rien de plus.




Svan,

Tu n'es pas en mesure de négocier quoi que se soit. Il ne s'agit pas là d'un échange mais de la vie de Fanette et de son enfant.
Voudrais tu que ton amie perde le sien ? Qu'à défaut de connaitre le bonheur d'être mère elle perde sa joie de vivre ? Qu'un père de plus n'ait pas la chance d'avoir ce qu'il a tant espéré ?

Le rendez vous aura lieu à La Rochelle. Même jour, soit lundi.
Elle possède la chemise demandée.

Ce n'est là qu'une démonstration de ma capacité à agir, tu n'as aucun arguments pour exiger ne serait ce qu'un terme d'apaisement de la situation.
Tu doutais, voici les preuves, voila les victimes.
Ne viens pas pleurer si d'autres personnes sont prises à parti par ta faute.
N'aggrave pas la situation et sois là en temps et en heure.

Z


Dans la foulée et pour ne pas casser le rythme auquel son poignet s'était échauffé il écrivit une seconde lettre, celle-ci était destinée à l'italien époux de la kidnappée pour le rassurer sur l'état de sa femme et lui dire ce qu'il devait savoir.



Roman,

Votre épouse va bien. Quoi qu'un peu fatiguée par le voyage et pas très aimable de ne pas avoir son bagage avec elle sinon tout va pour le mieux. Vous la retrouverez en un seul et unique morceau, sa touffe sur la tête et son art de dramatiser tout toujours présent. L'enfant aussi va bien. Nous n'avons guère trouvé de matrone pour nous en assurer mais les signes démontrent qu'il est toujours présent en son ventre. L'entêtement de votre épouse à ce que se soit une femme et non un homme, qui plus est une matrone et non un médecin rend la tâche plus ardue que prévu, n'étant parvenu à lui faire entendre qu'à quelques détails près c'était la même chose et que le médecin serait tout autant apte à la rassurer que si c'était une sage femme.

Elle est actuellement à La Rochelle et n'en bougera pas avant votre arrivée ou que vous lui indiquiez qu'elle peut partir autrement, enfin vous vous arrangerez comme vous l'entendez le moment venu. Néanmoins il serait préférable que se soit vous qui veniez la chercher, au moins pendant ce temps elle pourra se reposer et de profiter de l'air salin qui est bon pour la santé, ainsi que pour le bébé. Même si je ne suis parvenu à l'inciter à se baigner dans la mer tant ça lui ferait du bien, que l'eau lui raffermirait les pores et la décontracterait, je garde espoir qu'elle change d'avis d'ici votre venue, ne serait ce qu'une fois, aussi brève soit elle cela lui ferait le plus grand bien.

Par ailleurs elle dispose d'une chambre à l'auberge, louée à mes frais, tout le nécessaire s'y trouve et elle ne manque de rien. Elle s'est dégotée quelques chemises et des braies pour palier son manque de vêtements en route, hélas se sont des habits d'homme trop grands pour elle, bien qu'elle nage dedans cela lui permet de ne pas avoir froid en cet hiver.

Suite à ce message elle disposera de tout le nécessaire pour les jours à venir, elle pourra aussi vous donnez de ses nouvelles si vous le souhaitez, en bref elle retrouvera sa liberté, elle a joué son rôle avec brio et ses services ne sont plus sollicités.

*gribouillis en guise de signature*
Les ravisseurs.


Les deux s'étaient regardés d'un air entendu, approuvant chacun la lettre de l'autre, même si celle que Fanette avait écrit n'était pas vraiment d'elle mais ça ce n'était qu'un détail, elle l'avait écrit tout de même sous une main menaçante prête à lui décoller une calotte si jamais elle avait refusé d'apporter sa contribution. Les deux furent roulées et attachées à la patte de pigeons prêt à s'envoler vers la destinataire.

L'épisode était terminé mais l'histoire pas encore, il lui restait à écrire cet ultime message de sa propre main, acter une dernière fois, du Zilo dans toute sa splendeur.
Initialement il n'avait pas de plan car il savait par expérience que rien ne se passait comme prévu, jamais même, il y avait toujours une couille qui venait s'imniscier dans le pâté, il faisait au jour le jour en fonction des évènements et des cartes qu'il avait en main, toujours en s'assurant d'avoir un joker de rechange au cas où.
Mais là ... l'aboutissement de cette aventure était tel qu'il ne pouvait s'empêcher de la nommer, alors il baptisa son plan de Plan Z.
Sainte Boulasse seule savait ce qu'il en était. Les autres le sauraient en temps voulu.
Morgaine_
J'ignore comment tout ça est arrivé, mais c'est arrivé. A qui la faute ? Je ne sais pas, je ne sais plus. La mienne peut-être. J'ai cessé de me poser la question. Les jours s'étirent et se ressembles, ils sont aussi abyssales que mes nuits, si bien que je perds la notion du temps qui passe. Combien de jours, de semaines ? ça ne peut pas être des mois, pas déjà. Je ne sais plus. J'ai l'impression d'être une imposture. Ce n'est pas mon corps, ce n'est pas ma vie, ce n'est même pas moi qui souffre. C’est l’affaire d’une autre. Moi je flotte au dessus, spectatrice silencieuse, je la regarde sombrer. Et le fruit qui germe dans son ventre n'est pas le mien. Il parasite, il dévore. Alors il faut l'endormir, qu'il l'oublie un peu et la laisse en paix.

De ces dernières semaines j'ai appris et retenu bien des choses, souvent contre mon gré, mais celle-ci est salutaire : La résine de pavot se présente sous la forme d'une pâte brune, compacte, odorante. Elle est fabriquée à partir de la sève de la plante, lorsque la capsule se dévoile après la chute des derniers pétales. C'est de ce précieux suintement que dépend désormais ma tranquillité. Je le consomme, le respire, le vénère. Je ne sais plus trouver le sommeil sans lui, car je redoute les rêves. J'ai besoin de cette léthargie cotonneuse qui enveloppe mon esprit pour me laisser sombrer dans un sommeil sans image.

J’aurais dû retourner à Dinan quand il était encore temps de faire machine arrière. Mais j’ai préféré m’enfoncer, inexorablement dans ce qui était une catastrophe annoncée. Je le savais, bien sûr que je le savais. Je l’ai su dès que je l’ai vu.


« Je sais qu’il ne me rendra jamais heureuse, mais si je ne pars pas avec lui je vais en mourir ».

Se sont les paroles que j’ai dites à ma sœur, le jour de mon départ. Et j’y croyais dur comme fer. En dépit de ce qu’il était. Ça aussi je l’ai toujours su au fond et je l’ai aimé comme ça. Sombre, fou à lier, violent et meurtrier. Alors quand je suis partie et que je me suis rendue compte que je n’étais pas morte, j’ai éprouvé un lourd sentiment d’injustice car ce qui me restait était pire que la mort, c’était l’espoir.

« Je t’écrirais. » m’a t-il dit.

Mais il n’a pas écrit, bien sûr. Ça aussi je le savais, mais j’ai voulu le croire, parce que ça rendait mon départ plus facile et la séparation moins rude. Il n’écrira pas, il n’écrira jamais.

Alors je suis retournée à Limoges, seule et j’y ai retrouvé le Moustique qui m’avait déjà, la première fois, détournée de mes obscures pensées à grand renfort de piques et d’insultes. Il m’a plu immédiatement. Parce que c’était rafraichissant, parce qu’en dépit des boutades et des moqueries, je ne ressentais pas cette haine viscérale qu’ils m’avaient tous craché au visage les uns après les autres et parfois tous en même temps.


Je me demande encore comment je trouve la force de donner le change, de parler, de bouger. Probablement parce que ce n’est pas moi, ce n’est pas mon corps. Quand le Moustique a parlé de son projet de départ, j’ai saisi l’occasion. Limoges est une ville abominable où chacun semble vivre sa vie sans se soucier des autres. On est transparents à Limoges, invisibles même. Alors je me suis imposée sans savoir, sans connaître les tenants et les aboutissants. Je me suis laissée embarquer dans une sinistre affaire de kidnapping, de haine, d’amour bafoué et de tartines sans beurre salé.

Nous avons laissé dernière nous Limoges et ses mœurs claniques pour gagner le Périgord. C’est là que le Moustique a commit son forfait. Près de Périgueux, il a kidnappé cette femme, grosse des œuvres d’un Corléone pour en faire une monnaie d’échange. Une monnaie d’échange pour quoi faire ? Avoir le droit d’être père ? Je n’ai pas compris tout de suite à quoi elle pourrait bien servir ni quel lien elle avait avec la mère, mais pour ainsi dire je m’en fichais comme de ma première paire de poulaines.

Elle s’est beaucoup plainte durant le voyage, j’imagine qu’être saucissonnée à l’arrière d’une carriole n’aide pas à rester dans de bonnes dispositions, d’autant plus lorsqu’on est sur le point de donner la vie. Mais j’étais moi-même peu disposée à l’empathie, trop préoccupée par mes propres problèmes pour être en mesure d’être sensible à ceux des autres.

Nous sommes finalement arrivés à La Rochelle et avons fait halte dans une auberge. Le teint blême, l’œil cerné de violet, la Fanette ne payait pas de mine. Elle semblait éprouvée, je m’en étais tout de même aperçu. Tandis que le Moustique réservait les chambres qui nous dissimuleraient aux regards des plus curieux, je gardais un œil sur l’otage. Non pas que je redoutais une tentative d’évasion, mais plutôt parce qu’il me semblait que tout ne tournait pas rond.


Se sont ses doigts souillés qui m’alarmèrent. J’ai eu la sensation, alors, de sentir sur ma langue le goût du fer, celui du sang. Sa vue m’a porté sur le cœur et j’ai d’abord détourné les yeux avant de lâcher :

« Qu’est-ce qu’on fait ? »

Question idiote s’il en est. Il était clair que seul un médecin pouvait nous être utile.
Lison_bruyere
La question ne s'adressait pas à elle. Pour tout dire, Fanette n'avait même pas vu la Kerdraon entrer à leur suite dans la salle commune, mais le visage déchiré par la douleur et l'inquiétude, elle s'efforça de répondre avant que le mercenaire ne lui dise qu'il s'en fichait bien.

- Faut que quelqu'un m'examine.

Elle jeta un œil inquiet au Normand avant de revenir poser sur la brune un regard suppliant.

- J'veux pas l'perdre ... j'ai ...

Elle s'interrompit, fermant les yeux un instant, rassemblant un peu de force pour parler, tant que pour mettre en ordre ses idées, alors que la panique l'avait déjà submergée.

- Une femme ... une matrone ... quelqu'un qui sache ... il va mourir Morgaine ... cet homme veut tuer l'enfant de Roman ... J'vous en prie, je ne veux pas que ça arrive...
_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)