Leon_ys
Armée "Furor Draconis"
Les lignes se brisaient sous ses doigts. Il jetait les mots dans le feu de l'action. Et bien qu'elle se résumait à de longues chevauchées sous le soleil paresseux de l'été, il n'écrivait à personne et personne ne lui écrivait. Et de ce qu'il lisait de ses compagnons de route, il les méprisait tous. Lors des veillées, le flot des conversations se détournait de ce bloc de granit. Il s'arrangeait pour ne rien devoir à personne, pas même la plus élémentaire des politesses. Il signait d'une caresse à son chien ou à l'encolure de ses chevaux la seule preuve de ses sentiments. Et encore, quand cette boule de poil tentait de l'amadouer se retenait-il à grand peine de lui foutre un coup de pied. C'est qu'il se respectait encore, même si, pour cela, sa haine brûlait contre le monde entier, d'une flamme bleue, vespérale.
La seule vue, en cette terre étrangère des hommes étrangers, qui donnait à son coeur un petit battement d'âme était le déploiement de la bannière brodée de latin. Cette langue de feu gansaillée par le vent chantait en mémoire de son sang. Certes, le peuple de métal voyait dans le moindre asticot un dragon de bataille et protégeait sa peau fragile d'écailles chitineuses. Tout comme le voleur fourre ses larcins du panache élégant du goupil. Mais la référence, si commune soit-elle, plaisait à cet homme de dix-neuves années.
"Le Dragon qui ronfle est une cheminée qui gronde,
Toujours ouverts ses yeux rêveurs embrasent le monde."
La prose, discutable, léguée par ce père inconnu surprenait les lèvres de Léon. Lui redonnait ce brin de courage à glisser entre les dents. Après tout, s'il errait depuis des années, peut-être n'était-il pas tout à fait perdu. Sa main se raffermissait alors sur les rênes de son cheval de bataille, qu'il guidait à ses côtés pendant qu'il chevauchait sa monture de voyage. Oui, sous cette bannière il pourrait trouver quelque fierté à ôter la vie ou à la donner. Seul comme un Dieu.