Hope
Chapitre XXXVI
- Fragment de Vie Retour vers le futur, en passant par la case présent.
Dernier jour, de son immersion profonde dans la nature, elle redescend sur la ville de Chalon pour retourner à l'auberge chargée comme une mule de tout son matériel de survie et rejoindre la chambre qu'elle avait réservé avant son départ.
Loin d'être luxueuse, la pièce offre malgré tout, un certain confort, et des prestations tout à fait satisfaisantes, comme un bain préparé spécialement à son attention.
Elle congédie la bonniche mise à sa disposition, voulant restée seule, et lâche ses affaires qui retombent lourdement au sol dans un bruit sourd.
L'introspection de ces derniers jours, la construction de sa cabane, la recherche de nourriture, la chaleur écrasante, le violent orage et l'averse de grêlons destructeurs qui s'ensuivit inévitablement, avaient eu raison d'elle.
Fourbue, fatiguée, sale, la mine épouvantable, elle se déshabille et sans plus attendre, glisse dans le baquet d'eau chaude, en fermant les yeux.
Pour autant, elle n'éprouve aucun regret face à ce besoin d'isolement, qu'elle avait certes payer assez cher au même titre que cette chambre au demeurant.
Laissant s'échapper un profond soupir, la probable plus fauchée des Riddermark songe à la nécessité d'augmenter les impôts du domaine de Beaufay, histoire de renflouer les caisses qui se vident peu à peu, à force de dépenser son argent à tout-va.
Les paupières toujours closes, elle repense à ces instants, plongée en plein cur de la forêt, comme au bon vieux temps.
Elle n'avait point perdu les essentiels réflexes de survie, comme allumer un feu, poser des pièges pour attraper du petit gibier, pêcher - un peu - dans la rivière malgré l'interdiction du seigneur, se nourrir de baies et autres noix.
Seul la construction de son abri de fortune, lui avait donné du fil à retordre.
C'est au bout de quelques heures et au prix d'efforts intenses entrecoupés de jurons qu'elle était enfin parvenu à se créer un petit cocon fidèle à ce qu'elle souhaitait.
La journée, elle parvenait ainsi à trouver diverses occupations, tels les entraînements - évidemment - la cueillette d'herbes médicinales, de la sculpture sur bois, un peu de lecture aussi, couper du bois pour son suzerain, et penser à lui.
Penser à lui pour faire taire le manque, en l'imaginant à ses côtés, lui donnant ses consignes lors des exercices, des conseils pour monter son campement ou débuter un feu, bref, l'accompagner dans son quotidien.
D'ailleurs, elle en fût surprise.
Cela voulait-il dire qu'elle était finalement prête pour une vie à deux ?
Après tout quelques semaines auparavant, leur relation lui avait parue comme évidente, les choses se mettant en place avec facilité, sans réels obstacles.
Alors qu'est ce qui avait changé ?
Le caractère officiel ?
Le statut ?
D'amants, devenir un couple ?
Juste avant son départ, il lui avait demandé si elle avait peur de l'engagement.
Comment lui expliquer que la simple prononciation de ce mot la faisait tressaillir.
Et pas uniquement dans le domaine sentimental.
Elle, l'intrépide, ayant peur de rien, osant tout, redoute une seule chose : perdre sa liberté.
Se sentir coincée, piégée, entravée dans ses pensées, ses actions, ses objectifs, ses rêves.
Cependant, à mesure que le temps passait, elle réalisait qu'elle se trompait, faisait fausse route, s'enlisait dans une indéfectible exagération.
Pataugeant dans son bain, elle ouvre subitement les yeux, un constat s'imposant de lui-même : elle a désormais hâte de retrouver la chaleur de ses bras.
L'eau froide picotant sa peau, la pousse à sortir du baquet, recouvrir son corps d'un linge, lorsque ses jades se posent sur un tas de missives déposé sur le guéridon, dont l'une provient justement d'Arioce.
Le coeur cognant dans sa poitrine, elle la parcourt, non sans esquisser un tendre sourire qui s'efface rapidement.
Une escorte pour venir la chercher.
Il n'est donc pas ici ?
Passée la seconde de déception, elle se dit que c'est de bonne guerre, après tout, elle l'a fait attendre une semaine entière, elle peut donc tout aussi bien patienter quelques jours encore.
Terminant la lecture, elle relève les yeux d'étonnement - Myelie est là ? - repose le vélin et fronce les sourcils, se demandant ce qu'il peut bien avoir à discuter, le maudissant quelque peu de la faire languir avec ses airs mystérieux, le soupçonnant fortement d'y prendre un certain plaisir.
Soit...
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