Roxane_cardinal
- Fragment de vie Soirée et nuit du 12 avril Béziers.
Solyaane nétait jamais en retard. Elle avait toujours mis un point dhonneur à être à lheure, et même en avance, quel que soit le rendez-vous. Et elle détestait quon la fasse attendre. Le manque de ponctualité était à ses yeux un défaut particulièrement réprimandable, qui trahissait un manque de rigueur potentiellement dans certains cas.
Nous disions donc : Solyaane nétait jamais en retard.
Sauf ce soir.
Étendue sur son lit, épuisée par les lents changements dun corps qui ne tarderait pas à trahir son secret, elle avait fermé les yeux quelques instants, juste un peu, en attendant le moment de se rendre à lentraînement avec Hope. Mais, une fois nétant pas coutume, Morphée lavait acceptée dans ses bras, elle, linsomniaque notoire qui peinait à rassembler ne fût-ce que deux heures de sommeil par nuit.
Son bref repos fut hanté par une présence diffuse, douloureuse. Le souvenir lointain dune peau satinée sous ses doigts, dun grand regard dazur pétillant, de boucles rousses effleurant son cou Un manque qui lui rongeait le coeur et lâme, en dépit de ses efforts pour tourner la page. Cétait elle, Solyaane, qui avait décidé de partir, après tout. Elle navait pas le droit de regretter.
Elle se réveilla en sursaut, le palpitant cognant à tout rompre, la nausée au bord des lèvres, et se redressa brusquement sur son lit. La pénombre qui laccueillit lorsquelle rouvrit les yeux linforma que quelque chose ne tournait pas rond.
Son regard se tourna vers la fenêtre. Il faisait nuit noire, et le crépitement diffus et paisible de la pluie contrastait avec sa fébrilité. Solyaane se laissa retomber sur le matelas, en proie à une agitation inexpliquée. Ces dernières semaines, sa sensibilité était exacerbée. Elle en connaissait les raisons, mais il devenait de plus en plus difficile de sen cacher. Bientôt, les autres membres du groupe seraient au courant.
En parlant du groupe
- - Bordel !
Lentraînement !
Solyaane se releva dun bond. Un bref vertige sempara delle lorsque ses pieds revinrent en contact avec le sol. Elle lignora ; ce nétait pas le moment. Elle attrapa son sac, son épée, sa dague, et sans prendre le temps de fixer tout cela, elle se précipita hors de sa chambre. Elle navait aucune idée dà quel point elle était en retard, mais elle se maudissait déjà pour cet écart.
Elle tomba nez à nez avec un homme qui sapprêtait à frapper à sa porte. Solyaane sarrêta, interdite, le toisa de haut en bas, et lui demanda un peu brutalement ce quil lui voulait.
Elle ne fut pas déçue de la réponse
Quelques minutes plus tard, elle était dehors, courant sous laverse battante. Le messager navait pu prévenir que Solyaane. Elle était presque à court de souffle lorsquelle parvint au point de rendez-vous fixé pour lentraînement. Les yeux plissés, elle distinguait vaguement une silhouette familière à travers lépais rideau de pluie, déjà en mouvement. Fidèle au poste.
Dans un fracas métallique, le Corbeau laissa tomber sac et armes au sol. Elle sapprêtait à héler Hope, mais un haut-le-coeur sournois lui coupa la parole. Pliée en deux, elle se précipita quelques pas plus loin pour vomir son maigre dîner, cachée dans lombre dun arbre.
Elle se redressa, tremblante, passant le dos de sa main sur ses lèvres. Pourvu que la jeune élève dArioce nait pas assisté à cette faiblesse passagère Du moins, pas si passagère puisque Solyaane sefforçait de dissimuler son état depuis maintenant plusieurs jours, si ce nétait plus.
Le visage levé vers le ciel, accueillant leau glacée mais salvatrice sur sa peau, elle prit quelques secondes pour reprendre contenance, avant de se diriger vers Hope.
- - Bonsoir Hope. Jespère que vous me pardonnerez mon retard. Il y a eu un
fâcheux contretemps.
Elle devait parler fort, pour couvrir le bourdonnement incessant de la pluie. Ce qui ne lempêcha pas de sourire lorsquelle fut assez près de Hope pour quelles se reconnaissent.
- - On va faire lentraînement à deux, cette nuit. Arioce ne viendra pas, il a préféré rester au chaud
en prison.
Les derniers mots sétaient parés dun ton narquois, sans même quelle ne le fasse exprès. Mais elle aurait tout le temps, plus tard, de se moquer de lui.
- - Elvyna est allée le chercher, je crois. Je pense quils vont avoir une petite discussion, qui risque de durer. Mais ça ne nous empêche pas de faire ce pour quoi nous sommes ici, si vous le voulez bien. Surtout dans de telles conditions
lentraînement risque dêtre intéressant.
Et, le plus naturellement du monde, elle se mit à courir à petites foulées pour léchauffement.