Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Un vieux moulin.

Heloise_marie
[RP ouvert]

    Scènes de vie - Montmirail et des gosses acte I scène I


Elle avait les clés en main. La bonne veine ! Et après ça ? Que restait-il à faire ? Oui, il y avait bien l'envie d'y aller. S'y enfermer loin de tout sans rien dire à personne, un peu comme un départ au monastère sans rien dire, la facilité... Et ça, elle maîtrisait pas mal, le départ inopiné. Elle était même passée maître dans l'art. Cependant, et depuis son retour à la vie active, il n'était plus question d'un départ inopiné. Non, elle tenait trop à montrer qu'elle était là, se faire entendre, se faire désirer, se faire haïr même parfois. En tout cas, la clé, elle, avait valsé dans la poche de sa robe sombre avant de sombrer dans l'oubli durant quelques jours. Il n'était pas encore temps à fuir les gens non, il était temps à se faire entendre. Il était temps à crier sa douleur. Soigner ses plaies. Se plaindre... Les blessures étaient encore trop béantes et, après avoir survécu à celles physiques, elle devait maintenant faire face à des vieux démons qu'elle ne pensait plus jamais avoir à affronter : la peur, l'angoisse terrible et inhospitalière de la solitude. Il semblait évident que ses 5 années de réclusion avaient fait naître en elle un étrange de sentiment de manque et de dépendance. Une dépendance aux gens. La bonne veine, elle qui s'était targuée durant des décennies de pouvoir "faire et gérer seule", à vouloir s'affirmer de l'ascendance de ses parents et du lourd poids de son nom sur sa destinée, voilà qu'à présent elle chialait le soir de finir ses journées avec elle-même. Et là, ces quelques derniers jours avaient été "trop seuls". Même Elisa la fuyait. Bon, elle l'avait certes bien cherché et elle méritait amplement ses peines vis à vis d'Elisa mais ça n'aidait pas à ses problèmes. Puis, si elle avait pu gratter une nuit et quelques heures de proximité avec sa gracieuse grandeur le copain des angevins, elle restait malgré tout sur sa faim de compagnie et lui semblait avoir fondu comme neige au soleil : disparition inopinée.

Même l'envie d'écrire l'avait quittée. Elle qui passait pourtant des soirées entières en tête à tête avec son vélin et sa plume, sensation agréable qui brisait un peu la routine et lui donnait l'impression agréable d'être avec son interlocuteur, dernièrement, elle ne répondait que peu, ou plus du tout. Le pauvre doc, lui, se démenait pour parvenir jusqu'à elle et, dans un regard triste, elle procrastinait sur la réponse à donner. C'était le moment i-dé-al pour ressortir 'la clé'. Lorsqu'elle l'avait reçue quelques jours avant, jours qui lui semblaient être des années d'ailleurs, elle avait souri. Presque rit en fait. Il était étrange qu'un homme, rencontré de deux fois, propose à une Dame, rencontrée de deux fois, de s'en aller vivre dans sa garçonnière. Il était ironique que cela tombe sur la femme la plus curieuse, la plus invasive et perturbée du Saint Empire Germanique. Et, si cette confiance l'honorait d'une amitié probablement gagnée, elle restait tout de même mitigée quant à ce séjour et à sa décision. Plusieurs fois elle avait imaginé renvoyer la clé. C'était tout de même un peu trop, puis, l'oubli. Puis, finalement, elle s'était dit, pourquoi pas.

Le pourquoi pas était arrivé. Cinq jours de repos-soins-dodo. Cinq jours enfermée dans sa tête à lutter contre elle-même. Cinq jours dans cet hôpital moisi qui, même en rénovation, la rappelait chaque nuit à ses cauchemars d'épées et de soldats dégueulasses. Le pourquoi pas était aujourd'hui. Elle avait prévu presque la journée pour y arriver car, et il aurait eu raison de le signaler, mais le moulin était loin de la vie 'active', si tant est que Montmirail pouvait-être appelé comme une vie active. De loin, en sueur et surtout en douleurs, elle nota cependant qu'il avait une allure cocasse et plaisante et espéra que l'intérieur en serait de même. Traînant ses jambes et son maigre poids, elle parvint après ce qui sembla être des siècles à la porte de l'établissement. Un pied-à-terre. Un endroit rien qu'à lui qu'elle allait violer de sa présence austère et sombre. Un endroit qui, l’espérait-elle, lui rendrait le goût de la vie et la réconcilierait avec sa solitude. La clé glissa dans la fente de la porte dans un grincement et la Comtesse de Salins cligna plusieurs fois des yeux pour chasser la lumière de ses pupilles et s'habituer à l'ombre de l'intérieur. En deux pas elle fut dans la pièce principale et hocha la tête d'un air entendu. Elle ne pouvait pas dire être à l'aise dans la maison d'un vieux célibataire au passé douteux. Mais malgré tout, l'idée de pouvoir avoir un coin à elle loin des autres était une idée relativement plaisante.

En deux-deux, elle nota la décoration. Envisagea les meubles. Nota les victuailles fraîches et à disposition. Quelques fruits, une carafe d'eau. Les ordres avaient dû être donnés en bon temps, quel grand seigneur était ce Laudry. Avant même de prendre une décision futile du genre, j'vais ouvrir une fenêtre pour aérer, un énorme bruit brisa le silence et fit taire les quelques oiseaux qui semblaient nicher dans les corniches.


    CHKLIIIIINNNNNGGGGG


Main droite qui se porte à son cœur puis à sa bouche, puis tout son corps qui se tourne vers le dit bruit en mode panique à bord, j'vais me faire agresser, massacrer, découper en morceaux et les gens vont retrouver des pieds des oreilles et des membres dans la rivière de Montmirail puis personne pour pleurer à un enterrement car personne n'est au courant qu'elle crèvera ici d'une minute à l'autre. Ses yeux cherchent, comme fous, l'auteur du carnage : cruche d'eau brisée, en miette, rependant le liquide sur le tapis rongé de morceaux brisés. Un petit œil innocent et souriant se pose sur elle.

Bordel !!!! ROGIER ! Mais tu fiches quoi ici sale morveux ???

Le gamin se dandina sur ses deux pieds, pris en faute devant le regard outré de la Salins qui, le regard noir, avisait la bêtise. Manquait plus que ça ! Le sale mioche de Kran et Elisa qui lui collait aux basques. Est-ce que c'était une grosse blague ? Empaqueté dans ses vêtements légèrement trop sobres pour un gamin si pétillant, il haussa les épaules d'une manière totalement désinvolte qui eut l'art d'agacer Héloise. Mais sa petite voix aiguë eut tôt fait de l'attendrir une seconde.

Zé voulu buvre de l'eau.
Soupire.
Tu peux pas demander? Où est ta mère ?
Elle crie tout le temps sur lé zantômes.
Les quoi?... Mmmf peu importe... Ton père ?
Haussement des épaules du gamin.
Et merde !!
Sourire du mioche.
Moi ze va rester avec toi.
Nan tu "ze vas" pas rester avec moi ! Tu casses tout ! Je vais expliquer comment moi ça hein?
Ze va réparer
C'est ça oui ! Touche pas à ça, ton inconsciente de mère me tue si tu reviens les mains en sang ! Aller, hop, viens là je te ramène à elle.
Héloise tend la main valide vers le gamin en mode obéis moi parce que sinon j'ai pas d'alternative autre. Bien entendu il n'en fit rien et mis ses mains derrière son dos en s'encourant vers la porte, beuglant.
Ze veut pas z'irai pas merde merde meeeeerdeuuuu.
Et merde...

Il semblerait que la journée allait être longue... Longue... bruyante...
_________________
Heloise_marie
    Scènes de vie - Montmirail et des gosses acte I scène II


Elle est allongée dans l’herbe. Un bras retenu et bandé jusqu’à l’épaule, puis l’autre trifouillant dans l’herbe fraîche et douce. Collée en haut de sa tête, la chevelure blonde du petit gamin, à l’opposé d’elle gigote sans arrêt. Ils sont tous les deux allongés, non loin du vieux moulin à profiter des quelques rayons du soleil chaud qui, de temps en temps, passent à travers les nuages dont ils s’amusent à deviner les formes. Le gamin la colle depuis le matin. Après avoir pété un vase dans la maison, ils avaient été au marché du village en mode clopin-clopant pour elle et surexcité pour lui. Evidemment, elle avait craqué, après avoir passé commande auprès d’un artisan du Mans qui avait pied-à-terre ici pour un nouveau vase aux couleurs de Salins, d’or à la bande de gueule tout en gueulant très justement sur les mains baladeuses et dangereuses du mioche de trois ans et des raouettes qui s’amusait tranquillement à tâtonner tout ce qui semblait, de près ou de loin, un peu fragile. Elle avait craqué et, en échange de deux minutes et quarante-trois secondes de calme du morveux, le temps de passer un tiers de sa commande, il y avait eu promesse de surprises diverses et variées, tant à manger qu’à jouer.

Après la commande, ils s’étaient donc rendus au marchand de fruits qui, miracle ou bien gamin intelligent et manipulateur? vendait aussi des biscuits, brioches et du lait. Peste-soit de ces Ormerach suceur de richesses. Il lui avait fait débourser pour une brioche aux raisins, une bouteille de lait et des biscuits en quantité impossible à mesurer ni même à manger pour un gamin si petit, une fortune assez conséquente. Mais soit, afin d’éviter les cris et scandales contre lesquels elle n’avait aucune arme elle avait accepté. Puis, re clopin-clopant, après l’avoir vu s’extasier devant les poules oies et poussins à vendre à l’étal à côté, ils étaient retournés jusqu’au moulin où, déprimés à l’idée de s’enfermer, ils se posèrent dans l’herbe, couchés l’un en face de l’autre, têtes collées l’une à l’autre. Héloise était impressionnée par la quantité de nourriture qu’avait pu ingurgiter un si petit être alors qu’elle n’avait qu’à peine grignoté un petit coin de la brioche avant que la nausée de la gagne à nouveau. Les voilà donc, drôle de petit couple improbable pointant des doigts sur des nuages drôles et étranges.


Papa !
Où ça ?
Là haut zé vu le long truc de papa.
Hein ? Quoi ?
Zé vu là il a une épée il tue des Saparte.
Pardon ? C’est ton père qui t’apprend ça ? Et on dit sParte.
Oui y dit les Saparte y doivent mourrure.
SpArte ! Ton père est un idiot.
C’est quoi un Nidio ?
Bah tu vois, c’est quelqu’un comme ton papa, qui n’aime pas trop les autres gens, les critique, les juge, veut les tuer.
Toi tes nidio alors.
Quoi ? non moi j’aime les gens hé !
Mé tu dis touzours des chozes méchantes sur eux.
Pas du tout, quand j’ai dit ça ?
T’as dit au monsieur du marché qu’il est vilain, pis t’as dit à la vieulle dame de dégager de ton chemin. Pis t’as dit merde à chaque fois que...
..oui oui, ça va c’est bon, on a compris. La ferme.
Nidio.
Petit silence brisé par le chant de quelques oiseaux nicheurs.
Regarde on dirait ta mère ! Le gros nuage là tout pas beau qui tire la langue.
Ma maman est la plus belle du l'Empire.
C'est elle qui t'a dit ça?
Nan mon papa.
Ton papa est un sacré menteur.
Ze sais maman elle dit touzours ça quand y dit qui buvre pas!
Sourire amusé.
Tu vas m'acheter un pitit noiseau?
Non !
C'ui qu'on a vu au marché. Ze veux.
Non!
Mais ze veux ! Ze veux ze veux ze veuuuuux
Bordel la ferme Léonard! On ira peut-être demain si t'es sage.
T'es la meilleure marraine ze t'aime.

Misère, comment voulez vous résister à ça !? Faudrait donc retourner au marché pour acheter au mioche un poussin qui crèverait sûrement quelques jours après et lui expliquer la vie la mort et la reproduction. Bien sa veine !
_________________
Marianne.m.courden


        [ Montmirail, à la même période. ]


Scènes de vie — Montmirail et des gosses, côté aînée de la fratrie.



« Maman ne va pas bien. »


Sa propre mère, cette femme dont rien ne pouvait visiblement atteindre sa personne, était au plus bas. C’était quelque chose qui était plus qu’inacceptable pour cette enfant d’une petite dizaine d’années. Et il s’agissait surtout de la première fois qu’elle voyait sa mère ne plus se battre, se laisser aller à quelque chose qui lui était parfaitement inconnue et dont elle ne parvenait pas à saisir : une douleur psychique. Elle connaissait la tristesse, pour sûre, de nombreuses fois, mais il y avait cette fois-ci quelque chose qui allait bien au-delà de la tristesse, une chose qui lui était parfaitement indescriptible et qui ne lui permettait pas d’endosser le rôle de « guérisseuse ». Ses petits frère et sœur, Rogier et Anatoline, étaient trop petits pour voir et surtout pour comprendre ce qu’elle voyait de ses propres yeux. Rogier était peut-être plus à même à constater que leur mère n’allait pas bien mais il ne pouvait l’exprimer comme le ferait Marianne. Pendant que celui-ci embêtait de mille et une façons leur marraine, Marianne, quant à elle, se laissa couler dans le flot de ses pensées les plus joyeuses, de ses souvenirs les plus vifs et les plus forts, comme ceux qu’elle avait dans son cœur d’une mère joyeuse qui souriait à la vie de la même manière qu’elle souriait à sa progéniture, du moins le pensait-elle jusqu’à maintenant …

Cet après-midi-là, sous un très beau soleil d’été, Marianne se décida à aller cueillir des fleurs. À commencer pour sa maman qui avait besoin qu’on la réconfortât, comme elle l’avait toujours fait lorsque la petite fille était triste. Peut-être cueillerait-elle des fleurs pour sa marraine, Héloïse ? Finalement, elle se dit qu’elle ne les méritait pas. Après tout, c’était bien cette dernière qui l’avait encore traité de bâtarde. D’ailleurs, il faudrait qu’elle sache ce que ce mot voulait dire. Bâtarde ? Elle ? N’importe quoi. C’était un mot qu’elle entendait toujours lorsque l’on parlait des chiens, en particulier des chiots. Et elle n’était pas un animal, elle était une petite fille de presque dix ans ! Elle se demanda aussi si elle pouvait offrir des fleurs à son beau-papa, mais se ravisa rapidement, se souvenant ce que sa mère se disait à ce propos : ls hommes ne recevaient pas de fleurs mais les offraient. Elle cherchera autre chose comme présent. L’objet cette fois-ci était de fait plaisir uniquement et avant tout pour sa mère. Elle ne parvenait pas à percer ce mal qui rongeait sa mère, et espérait que ses petits gestes du quotidien aideraient cette dernière à redevenir ce qu’elle était avant cet malencontreux accident.

Un joli bouquet plus tard, il était temps à la petite fille de réfléchir à la manière de voir la vie renaître dans le regard de sa mère…
Heloise_marie
    Scènes de vie - Montmirail et des gosses acte I scène III


La nuit avait été relativement bonne. Nuls détails sur ce point pour le moment. Une nuit quasiment banalement cordiale, tout en prudesse, c'est à dire petite prudité. La journée était soleil. Et Héloise était sourire. Enfin, l'après midi était déjà bel et bien entamée quand, assise sur les marches qui portaient l'entrée du moulin, Héloise vit la tête blonde arriver du haut de la colline en courant comme un dératé. Misère, marmonna-t-elle entre ses lèvres. Il allait se ramasser les dents sur une pierre et, avec sa veine, Elisa allait lui faire pareil lorsqu'elle verrait l'état de son gamin. Mais bordel elle y tenait à ses dents. Alors, elle se leva pour venir à sa rencontre. Lui dû prendre ça pour un signe accueillant car il poussa un cri de joie et écarta ses bras comme pour se jeter dans ceux d'Héloise. Léonard n'oublie pas que je suis bless...Le reste de sa phrase resta en suspense et s'étouffa dans un râle de douleur. Evidemment. Un Mi-Courden mi-Ormerach n'avait pas une mémoire ou une réflexion très poussée il fallait s'en douter qu'il en aurait rien à foutre de ses blessures et se jetterai sur son corps blessé comme un taré. Un autre mioche elle l'aurait insulté comme un malpropre. Mais le ptit Rogier avait le don de la regarder comme s'il n'y avait qu'elle qui existait au monde et, contre toute attente, elle succombait. Du coup, elle accepta ses excuses mal présentées d'un sourire et d'un geste ébouriffa ses cheveux avant de retourner s'asseoir sur les marches, gamin la copiant au doigt et à l'oeil.

Assis côte à côte ils restent en silence un moment. Les yeux rivés sur le paysage calme et serein, seulement dérangée parfois par une mèche de ses cheveux qui, portée par le vent, venait chatouiller son visage. Elle, pensive sur sa vie, ses amours ses emmerdes et lui, bah, allez savoir ce qu'un mioche a dans le crâne hein? Sûrement des douces bêtises et, tant qu'il était silencieux, il n'y avait pas de questions indiscrètes ou de longues explications sur la manière dont son père avait tué la biche ou le sanglier lors de la dernière chasse et avait raconté ça au gamin innocent qui mimait le combat avec une épée imaginaire et des cris qui laissait penser qu'il n'avait jamais vu ou entendu de bête crier dans les bois, à part peut-être un Kran bourré.


Dis, pourquoi t'en as pas des nenfants toi?

Douce bêtise ou douce connerie? En fait, ça pense trop un gosse. Ça pense trop et mal même. Pourquoi d'un coup il s'était mis dans la tête de lui parler de ça. Héloise lui lança un regard et tomba sur la bouille ronde et innocente qui lui lançait un regard interrogateur et bien sérieux. Le bougre. Mais la question était bonne. Pourquoi n'en avait-elle pas. D'abord, elle s'était mis en tête avec toutes ces histoires de potions qu'elle allait finir stérile. Puis, avait décrété qu'elle l'était, malgré les sous-entendus grossiers qu'Elisabeth ne cessait de lui rabâcher dans les dents sur une pseudo-faute qu'elle aurait sois-disant commise jadis...

Bin tu vois, pour avoir des enfants il faut un papa, puis une maman..
T'as pas d'papa.
Si si j'ai un papa, enfin non, enfin, si, mais non, tu vois... c'est compliqué.
Maman m'a dit que ze devait te demander
Ah la garce.
Moi ze veux bien être ton namoureux.
T'es mignon.

Nouveau silence, seulement brisé par quelques coups de vent qui faisaient vibrer les arbres et les feuilles. Elle, pousse un bref soupir. Il vient de lui bouffer sa bonne journée le gamin. La rappeler à sa solitude quotidienne seulement rompue par une tête blonde pour la divertir. Un gamin qui n'était même pas le sien et pour lequel pourtant, elle développait un immense amour étonnant. Nouveau soupir alors qu'il se lève pour courir après un papillon qui voletait auprès de ses pieds. Le paysage idyllique, qui, pourtant, n'était qu'éphémère. Son cœur lui piquait légèrement alors qu'elle regardait le blondinet s'amuser à essayer, avec des mains maladroites, d'attraper le petit insecte fuyant. Quoi que puisse en dire Elisabeth, elle n'estimait pas être si mauvaise qu'elle l'avait affirmé l'autre jour en l'accusant de tous les torts. Elle sourit malgré elle en voyant Léonard arriver vers elle et chassa ses idées noires alors qu'il posa ses petites mains sur les genoux d'Héloise.

On va chercher le noiseau?
Oh, mais attends-moi là, j'ai une surprise.
Une supriiiise.

Quelques heures plus tard, un gamin endormi, poussin entre ses bras, endormi lui aussi offrait un spectacle assez ironique qu'elle contemplait avec un sourire futile au coin des lèvres. C'était pas le barbu qui allait causer sa perte. C'était ce sale gamin...

_________________
Heloise_marie
    Scènes de vie - Montmirail et des gosses acte I Scène IV

L'aube pointait le bout de son nez sur le haut de la colline. Elle, était en bas. La chambre d'amis du vieux moulin qui l'accueillait n'avait rien de déplaisant ni d'inconfortable, que du contraire. Elle s'y sentait plutôt bien malgré le cadre sommaire peu habituel pour elle. Oh oui, il y avait eu des nuits plus chaotiques, les bois, le château de Dole, des auberges miteuses quelques soirées minables dans certains bleds pourris, mais le moulin, lui, avait quelque chose de rassurant. Cependant, cette nuit, elle n'avait pas dormi dans la chambre d'amis. Elle avait commencé dans l'herbe encore chaude de la journée à contempler les étoiles. Tenter de les compter afin qu'elles parviennent à l'aider à trouver le sommeil. Peine perdue. Des flashs ne cessaient de venir hanter ses pensées et désorienter son comptage. Alors, elle tenta de se souvenir de ses vieilles leçons d'astronomie en cherchant ci et là une constellation connue. Peine perdue aussi, si déjà elle ne parvenait pas à se souvenir des détails d'une rencontre ou d'une rupture, peu de chance d'y arriver pour des étoiles. Lorsque l'humidité commença à s'infiltrer dans les pans de sa robe et réveiller la blessure de son bras, elle s'assit et poussa un long soupir. La nuit serait longue. Elle se leva afin de retrouver l'intérieur du moulin, tout aussi humide car aucun feu n'y avait été allumé et se laissa tomber dans la chaise à bascule qui trônait au milieu de la pièce.

Il y régnait une odeur de renfermé qui laissait présager que personne n'y habitait plus de quelques jours. Une odeur de vieux foin. Une odeur de cuisine et de feu de bois. Une odeur inconnue dans les pièces de ses châteaux Comtois. Se basculant d'avant en arrière pendant plusieurs minutes, elle sembla somnoler un moment, chavirant dans ses rêves cauchemardesques où rien n'avait de sens et qu'elle oublia instantanément en ouvrant les yeux. Du coup, elle termina les quelques heures de sa courte nuit à se promener dans les pièces, fouillant parfois avec gêne dans quelques tiroirs et armoires. Bref, on y revient. L'aube pointait le bout de son nez sur le haut de la colline. Héloise avait repris sa place préférée : sur les marches qui soutenaient l'entrée de la porte principale. Elle attendait, impatiente, que les premiers rayons viennent réchauffer le bout de son nez glacé ainsi que ses habits humides. Les yeux fermés, la tête posée sur le rebord de la rampe d'escalier, elle savourait la chaleur qui chatouillait ses joues et piquait son nez si souvent torturé. La nuit avait été dégueulasse, mais, l'optimisme régnait. Malgré les péripéties, la journée serait bonne.

Lorsque le soleil fut assez haut et que tous les oiseaux avaient entamés leur chant, Héloise se leva, dérouillant ses os endoloris par l'humidité et le froid de la nuit, se pencha pour virer ses chausses les envoyer valser dans l'herbe et se dirigea, pieds nus dans l'herbe froide du matin jusqu'à la rivière qui coulait en contrebas. Assise sur le rebord, jupons remontés jusqu'aux genoux, elle glisse ses pieds dans l'eau glacée jusqu'à ses chevilles, ferme ses yeux à nouveau et reste un long moment dans le vide de ses pensées. Elle ne fit pas attention aux bruits de pas qui arrivaient derrière elle, étouffés par le maigre poids du gamin sur l'herbe. Elle ne réagit que lorsqu'elle sentit les petites mains fraîches se poser sur ses yeux mouillés.

Devin...Oh mais Néloise tu pleures?
Léonard? Non, oh non non.
Mais si t'as des gouttes des zieux.
D'un revers de manche elle essuie ses yeux et ses joues, elle ne s'était même pas rendue compte de sa faiblesse et s'en voulait de l'avoir affichée aux yeux du gamin.
Non, c'est l'eau de la rivière...
Pourquoi t'es triste? Lui demande-t-il de ses grands yeux bleus en ponctuant son regard d'un mouvement de sa main qu'il glisse dans celle de Héloise, s'asseyant tout contre elle. Elle ne répond pas tout de suite. Qu'expliquer à un mioche sur la vie? Il croit aux dragons aux fées et joue aux chevaliers avec un bout de bois. D'un mouvement, elle glisse son bras autour du corps frêle du gamin pour l'attirer contre lui. Il s'y blottit.
Tu veux faire quoi aujourd'hui?
Ze veux nazer dans l'eau. Ze veux cueillir des baies. Ze veux zouer avec mon noiseau, maman dit que c'est un pinssin.. Mais ze crois elle sait pas elle hein? Tu vas zouer avec moi?
Bien sûr, tout ce que tu veux.
Ze t'aime moi quand ze sera grand ze va tuer qui te fait des gouttes des zieux.
Bien, j'en conclus donc qu'on commencera par jouer au chevalier?
Sans réponse autre qu'un cri de joie, le mioche se lève pour courir vers le moulin récupérer leurs armes factices tandis qu'Héloise le suit du regard déjà épuisée par sa journée à peine commencée. Mais le doc arrivait aujourd'hui, ni une ni deux, elle sera remise sur pieds et pourra se barrer loin de ses soucis. En attendant, l'idée qu'un Laudry ou un Angelotti puisse la voir jouer au chevalier en maniant une fausse épée de bois contre un gamin et perdre l'amusait pas mal...

Une journée de plus à Montmirail... Une première des dernières.

_________________
Heloise_marie
    Scènes de vie - Montmirail et des gosses acte I Scène V


Néloise?
Ouhou !
T'arrêtes de dorme !

Petite claque sur les joues. Pas de réactions.
Boucher le nez. Ah, ça gémit.

Rmmmmhhfff
Néloise?
Mmmrrrff Rogier qu'est-ce que tu fiches ...
Ouverture des yeux paniqués sur la chambre.
Sur le lit.
Vide.
Ouf.

...dans ma chambre?
Ze té attendu en bas, zé crié personne y répondait.
Héloise s'assied, yeux gonflés et visage marqué.
Alors ze suis monté voir que t'es pas mourrue.
Je suis pas morte, va-t-en.
Elle se recouche, couverture sur le visage.
T'es encore triste comme hier?
Fatiguée, Rogier.
Rève toi, ze veux zouer.
Il est trop tôt !
Quelle heure était-il d'ailleurs? Le visage se découvre pour lancer un regard par la fenêtre, soleil bien trop haut. Midi bien passé entammé.
Zé pas envie de dorme.
Soupire de la blonde.
Vas-y on joue à cache-cache, vite cache-toi je compte !
Le gamin s'encourt en sautant à bas du lit pour se planquer.
Un...
Un gros Boum inquiétant.
Deux...
Un truc qui tombe et se brise sur le sol.
Trois...
Un "ze va réparer après" sonore du gamin.
Quatre...
Elle ferme les yeux. Quelques secondes.
...

Néloise?
Ouhou ! Tu dormes tu zoues même pas.

Mmmrf? TROUVE !
Nan cé pas zuste tu triches.
Ah non la règle c'est tu te caches je te trouve.
Mé toi tu dormes !
Moue boudeuse.
T'as pas dorme cette nuit?
J'ai joué au chevalier beaucoup trop ça m'a fatiguée.
T'as zoué sans moi?
Heuu..
T'as zoué avec qui?
Ne t'appuie pas sur moi Rogier, tu sais que je suis toute cassée.
Pardon.
Moment de silence.
Tu m'aimes plus?
Hein? Mais non voyons. Pourquoi dis-tu ça?
Tu zoues plus avec moi.
Gros gros soupir.
Bien bien. Descends, entraîne-toi et laisse moi m'habiller.
Puis on zoue?
Puis on zou.. heuu joue.
Un youpie plus tard le gamin s'encourt et sautille les marches.
Elle se lève, s'étire, soupire.
Il lui faudrait confronter Elisa rapidement.

Néloiiiiiiiise? Tu n'arrives??
Vraiment rapidement.
_________________
Heloise_marie
    Scènes de vie - Montmirail et des nouilles acte II Scène I


La plume est posée à droite du parchemin sablé tandis que la Comtesse se lève pour parcourir l’horizon du regard. La fenêtre donne droit sur la rivière dans laquelle ils s’étaient baignés quelques jours avant. Sa main, inconsciente, se dirige mollement vers l’aine parcourant le tissu sous lequel se soignait lentement la cicatrice, dernier vestige de leur attaque. Elle se sentait plus forte à présent. Capable de pouvoir partir de ce bled. Capable de reprendre sa quête utopique. Mensonges et manipulations. C’était son credo depuis plus d’une quinzaine d’années. Les miasmes de ses décisions n’avaient jamais influé sur sa vie à elle, mais beaucoup sur celle des autres. Jamais elle n’avait éprouvé un quelconque regret d’avoir détruit des vies. Jamais sauf une seule fois. Et tout son être lui imposait de soigner ce tort. Depuis le jour de son retour à la vie active à Vesoul, jusqu’à sa décision de quitter l’Empire pour la France. Stupide, avaient dit certains. Tu es folle ? S’était entêté son cousin qu’elle avait planté à la Cathédrale pour de plus pâles desseins. Seule Elisabeth l’avait suivie, mais même elle ignorait ses profondes intentions. On frappe à la porte. Le coursier qui était revenu le matin même alors qu’elle profitait des rayons du soleil sur ses fidèles marches d’entrée passa sa tête par l’embrasure. L’homme, triste mine revenue bredouille de sa première quête, s’apprêtait à partir pour une nouvelle.

Votre Grandeur, je suis prêt à partir.
Bien, une minute.

Deux pas pour s’approcher du parchemin. Souffler le sable. Relire ses écrits un pincement au cœur en manipulant son collier d’une main distraite. La brebis à la recherche du loup. Douce ironie qu’est sa vie. Si un jour, on lui avait dit qu'elle en arriverait à de pareils états d'âme, elle aurait rit de cette idée ridicule tout en dédaignant un regard hautain à celui qui aurait raconté pareille sornette. Les jours avaient été mouvementés et les derniers événements en date l'avaient un peu écartée de ses décisions. Montmirail, bled vide et mort fut une parenthèse douce et sucrée pour son âme. L'arrivée du coursier l'avait rappelée à ses démons premiers. Elle n'était qu'à l'exorde de la mission qu'elle s'était imposée à Vesoul en retrouvant la société comtoise. La voix du barbon la sort un moment de son tracas.

Vous savez, si on ne l'a pas trouvé à Montpellier, j’doute que...
Je ne vous paye pas pour avoir votre avis.

Le silence qui suivit fut pesant. Comme un poids sur son âme qui s’abat testant la gravité et la solidité des lames du parquet brut de la chambre. Un soupir passe au travers ses lèvres mi-closes alors qu’elle plie le parchemin, cachant le H signant et le E l’introduisant, le scella du sceau ensoleillé de Lure comme il aimait à l’appeler et remis au coursier.

Ne revenez pas sans au moins un indice. Un endroit où me rendre. Et hâtez-vous, je suis sur le départ.
Bien votre Grandeur.

L'homme s'en alla. L'oreille tendue, elle suit ses pas dans les escaliers du moulin avant de s'avancer vers la fenêtre, mains posées négligemment sur le rebord afin de suivre l'homme des yeux. Destrier monté, lancé au galop et disparaître par-delà la colline qui surplombait le moulin. Un sourire d'espoir traversa son visage. La brebis avait perdu le contrôle. S'entêtait. N'était plus ni innocence ni heureuse. Mais le loup restait terré quelque part. Et son cœur désespéré ne pouvait croire qu'il était mort. Un rayon de soleil vint cependant illuminer sa journée : une tête plus très blonde, car, couverte de boue sembla apparaître de la rivière et courir vers le moulin. Rogier, enfermant dans ses mains une petite chose qui semblait à la fois précieuse et dégueulasse vu l'état de ses vêtements. Il criait, la voyant sans doute à la fenêtre de loin, heureux comme toujours.

NELOISE NELOISE ZAI ATTRAPÉ UNE NENOUILLE.

Merveilleux. Une bête de plus dans son sillage. Au moins ça expliquait qu'il soit si crotté. Assurément, il avait dû tomber dans la mare de boue dans laquelle grenouilles et crapauds pataugeaient allègrement. Pour sûr qu'avec l’histoire qu'elle lui avait conté la veille, il allait lui proposer d'embrasser la pauvre bête. Un soupir plus tard, Héloise avait rejoint l'enfant pour de nouvelles aventures loufoques.
_________________
Elisaabeth.
      « Ne me quitte pas… »
      Jacques Brel.


    Scènes de vie — le quinzième jour du mois de juillet 1468 — Montmirail, point de vue élisabéthain.


En dehors de la tristesse, plus aucun sentiment n’avait traversé la Courden. On pourrait même dire qu’elle était littéralement vide de tout sentiment existant, hormis la tristesse. Elle ne trouvait plus le goût de la vie, celui qu’elle appréciait tellement depuis qu’elle avait saisi une chance de voir la vie autrement, celui qu’elle appréciait surtout aux côtés de son époux qu’elle aimait et chérissait tant. Ses enfants, qui comptaient plus que tout à ses yeux, ne parvenaient même plus à étirer un sourire sur les lèvres élisabéthaines. C’était un néant total. Plus rien n’animait ces yeux si verts de cette femme qui aurait pourtant juré ne plus rien avoir à se reprocher auprès du Très-Haut, hormis une faute. Cette faute. Celle dont l’orgueil l’avait poussé à ne jamais la confesser. Celle dont elle était persuadée qu’elle en payait les conséquences aujourd’hui même. Durant sa convalescence, après une auscultation des soigneurs qui lui confirmaient que sa jambe garderait des séquelles de cette nuit affreuse, elle décida, armée de ses béquilles, de se rendre à l’église de Montmirail pour essayer d’expier le plus possible cette faute. Elle ne trouva point le curé habituel, mais un autre, qui parvint à lire la détresse dans le comportement las de cette femme si morne. Il l’invita à se confesser, et ce qu’elle fit. Lorsqu’elle lui expliqua qu’il risquait de prendre ses jambes à son cou une fois qu’il aurait entendu ses confessions, il lui promit d’essayer de sauver cette âme en péril avant même de songer à fuir. Il était calme, rassurant, voire même apaisant. Elle se laissa aller. Elle raconta tout. En détails. Comment elle avait mis au monde un enfant dont le Malin s’était penché dessus. Comment, au bout de deux années de vie, elle finit par lui ôter la vie en voyant que le Malin l’envahissait de plus en plus, qu’elle ne voyait non pas un enfant pleine de vie et débordant de santé mais un enfant chétif dont la vie semblait s’éteindre à mesure que les jours s’écroulèrent. Elle était pourtant assise dans le confessionnal, sa jambe ne lui permettant pas de s’accroupir, lorsqu’elle éclata en sanglots, sentant le malaise prendre le dessus. Il n’y avait plus aucune retenue dans ses larmes. Les quelques fidèles priant furent pour certains étonnés d’entendre ce qu’ils entendaient : un cri douloureusement étouffé. Des pleurs. De la tristesse trop longtemps réprimée. De la détresse trop longtemps contenue et cachée. Malgré les paroles réconfortantes de ce curé parfaitement adorable, la Courden n’entendit plus rien mais surtout, ne vit plus rien tant les larmes s’accumulaient.

    « La pénitence sera lourde et longue, mais l’âme sera sauvée une fois cette dernière effectuée, soyez sans crainte. »


Ceci se voulait réconfortant. Ceci se révéla être une condamnation. À perpétuité. Le curé ne pouvait savoir si son âme serait sauvée. Ce curé ne pouvait savoir quelle pénitence il faudrait réaliser pour que le Très-Haut daigne lui pardonner cette faute. Sa faute. Personne ne pouvait savoir comment s’en sortir après s’être sali les mains de la sorte. Encore moins lorsque la victime de cet acte se trouve être ta propre chair. Une âme purement innocente. Héloïse avait probablement raison : la pécheresse qu’elle était ne pouvait survivre sans avoir payé ses crimes, notamment cet infanticide affreux. Le curé sentit que son travail serait bâclé : elle avait pris ses béquilles, n’écoutant plus ce que lui disait cet homme et elle sortit de l’église, le laissant dépourvu et affecté de n’avoir pu sauver cette âme en détresse. Ce qui s’était passé à l’église resterait à l’église. Personne n’en saurait rien. Pas même son époux. Pas même son amie. Cette pensée lui fit avoir une grimace. Tu parles d’une amie. Cette moralisatrice sans scrupule, qui se prétendait être blanche de toute crasse possible alors qu’il n’en était rien. S’approchant doucement de l’auberge où ils résidaient depuis l’accident, elle lâcha l’une des deux béquilles qu’elle tenait et se rendit dans sa chambre, se laissant aller à ses plus sombres pensées. Marianne fut celle qui l’extirpa de ses pensées, y parvenant avec beaucoup de difficulté. L’enfant voulait jouer aux échecs avec sa mère, qui déclina poliment. Elle voulait savoir ce qu’elle pouvait faire comme activité pour divertir sa mère. Cette dernière déclina de nouveau et lui demanda de la laisser seule. S’y refusant, Élisabeth parvint finalement à un pacte avec sa fille : lui laisser du répit pendant quelques heures tandis que la jeune enfant irait observer les rudiments de la chasse avec son beau-père. La chose fut difficilement négociable mais elle fut acceptée malgré tout. Assise sur son lit, seule dans cette pièce, Élisabeth se laissa de nouveau emporter par les sombres pensées qui l’habitaient depuis quelques semaines. Elle en fut de nouveau extirpée lorsque l’on toqua à sa porte. Mollement, elle rechigna avant d’inviter la personne à entrer. Un gamin se pointa devant elle, tenant quelque chose en main, puis après l’avoir bassiné en lui expliquant qu’il avait une lettre importante à remettre et qu’il fallait que ce soit en main propre, Élisabeth attrapa sans conviction la lettre et demanda gentiment une première fois à être tranquille. Probablement attendait-il d’avoir une réponse en retour, il ne bougea point. Ce fut à une remarque sèche et désagréable qu’il daigna partir, pestant après les humeurs de ces « foutus poudrés ». Elle ne releva pas. Elle se fichait éperdument des remarques de ce sale mioche, trop occupée à méditer sur ses actes à venir. Serait-elle suffisamment forte pour supporter la punition terrestre en plus de la punition divine ?

Elle s’était assurée de se retrouver seule. Pendant quelques heures au moins. Suffisamment de temps pour méditer à ce que le Très-Haut attendait d’elle pour réaliser sa peine. Elle avait gardé la lettre d’Héloïse dans les mains, sans même savoir qu’elle en était l’expéditrice. Elle se leva douloureusement, traîna sa jambe jusqu’au coffre où se trouvaient tous ses effets personnels, et put trouver sa dague sans aucune difficulté. Se souvenir de la manière dont elle la reçut lui fit revenir les larmes qu’elle avait tant refoulée. Elle se rendit compte qu’avoir perdu ses parents si tôt ne lui avait pas permis de finir son apprentissage de la vie; et cela lui avait retiré la part d’enfance qui existait en elle à cette époque. Si seulement ses parents avaient conscience du manque que leur absence avait provoqué en cette petite fille qu’elle était à cette époque… En effleurant sa dague, elle prit fermement le pommeau de cette dernière et la serra le plus fortement possible dans sa main. Elle retourna lentement s’asseoir sur son lit et fixa un point invisible, hésitant ou réfléchissant à ce qu’elle voulait faire. Elle posa sa dague à côté d’elle et brisa le sceau qui avait scellé la lettre. Elle parcourut lentement les mots inscrits et essaya d’en comprendre la signification. Tout ce qui avait été écrit, noir sur blanc, aurait dû faire réagir cette partie d’Élisabeth qui était tout le temps gaie, prête à tout pour que tout se passe pour le meilleur des mondes mais il n’en fut rien. Cette partie-là fut engloutie par la partie la plus glauque, la partie la plus déprimée qui avait envahie tout l’être et toute l’âme de la Courden. Tout ce qui était écrit, noir sur blanc, n’eut pour réaction qu’un simple soupir las.


Spoiler:
Citation:

      Elisabeth,


    Je ne souhaite te déranger en personne alors que tu es au repos.
    Je t'écris donc.
    Je suis lasse de nos disputes.
    Je suis lasse de notre éloignement.
    Je suis faible et vulnérable sans ton regard pour me remettre les choses en place.
    Pardonne-moi mon offense..
    Pardonne-moi d'avoir été grossière, déplacée, odieuse.
    Je me rends compte que sans toi, je suis seule.
    Sans toi, je ne suis rien.
    J'ai besoin de toi.
    J'ai besoin de mon amie, ma confidente, ma soeur.
    Je suis à deux doigts de me retrouver à nouveau acculée.
    Acculée par ma vie, mes choix.
    Acculée par ce poids qui ne me quitte jamais.
    Acculée par mes sentiments.
    Acculée par mes paroles.
    Je ne puis juger de tes actes alors même que je suis une pécheresse.
    Pardonne-moi..

      Je t'aime.

        Héloise.


La lettre fut posée sur le lit, à ses côtés. S’il y avait des effets attendus, ils n’eurent pas lieu. Il était temps d’agir en parfait égoïste pour la première fois de sa vie. La punition terrestre serait peut-être pire encore que la punition divine. Elle préférait mille fois rester des dizaines d’années au Purgatoire que de supporter sa punition et d’affronter son reflet dans un miroir avec ce regard coupable et résigné. Il était temps. Elle n’avait pas vu que son fils s’était caché sous son lit, dans l’espoir d’effrayer sa mère à un moment opportun. Elle releva ses manches, les retroussant de manière négligée. Il était temps d’en finir. Elle attrapa de sa main gauche la dague, puis d’un geste déterminé, elle fit glisser la lame dans sa peau, la faisant entrer dans son poignet. Le sang coula. La douleur fut vive. Elle n’avait pas voulu se saouler pour faire ce qu’elle faisait. Elle voulait être consciente et ressentir la douleur de son auto-flagellation ; et d’une certaine manière, c’était pour elle une manière de se flageller. Mais il s’agissait d’une flagellation qui devrait lui permettre de quitter ce monde de manière parfaitement égoïste. N’y parvenant pas à ce premier essai, elle reprit la dague dans sa main droite et coupa net sur son autre poignet. Elle s’écroula au sol, oubliant les douleurs, oubliant le sang, fermant les yeux. Rogier, qui ne comprit rien sur l’instant, resta tétanisé et apeuré dans sa cachette. Il avait sous ses yeux une maman faible, cédant à la pulsion et la facilité du suicide. Le sang s’échappait de ses poignets. À cet instant, elle ne va plus pleurer, elle ne va plus parler. Elle se cachera là, à regarder sa famille et son amie danser, et sourire. Et elle les écoutera chanter, et puis rire. Elle se laissera devenir l’ombre de leur ombre, l’ombre de leur main. Elle allait les quitter pour devenir cette ombre cachée et oubliée par eux.
_________________
Heloise_marie
    Quinze du mois de juillet. Scènes de vie - Montmirail et des nouilles acte II Scène II


    "P'tain ça craint"
    "Vraiment pas haja le top"
    "Mais qu'est-ce qui t'a pris pauvre dinde"
    "Tu pouvais pas te taire nan"
    "Idiote"
    "ça féchié"
    "Un comportement, vraiimeent"

Bon c'était certainement moins grossier qu'il n'y paraissait, mais voilà le style de marmonnage qui filait au travers des lèvres mi-closes de la Comtesse qui s'en revenait de l'Eglise après quelques heures de fausses méditations sur sa condition de femme dépendante et faible. Qu'elle n'était certainement pas. Où qu'elle ne fut jadis. Mais jadis semblait avoir laissé place à une vraie loque sans intérêt. Et, si méditation il y eût, elle n'avait servit à rien de plus que de permettre au sale mioche d'effectuer finalement une tâche, qui serait certainement récompensée par la Comtesse de la Pierredusalon. Du coup, pieds chaussés de gris foulant l'herbe qui commençait à devenir pas mal haute et chatouillait ses mollets nus, Héloise s'en allait vers le moulin le coeur battant. Priant pour qu'il soit vide de toute âme. Qu'elle soit barbue ou édentée. Elle avait vu assez de mioches pour la journée et n'avait aucune envie de se taper Rogier dans les parages avec ses morves sèches aux coins des narines et son sourire réjouit de tout et rien.

So-li-tu-de. Mot d'ordre du reste de sa journée mal commencée. Et qui disait journée mal commencée disait, en général, soirée de merde. Hors de question d'avoir une seule nouvelle soirée craignos depuis qu'elle était entièrement rétablie de sa mésaventure. Machinalement, comme chaque fois qu'elle pensait à l'attaque, ses doigts frôlent sa terrible et unique cicatrice qui zébrait son bas-ventre. Non, plus question d'avoir un seul événement néfaste de sa journée entière. A pas de loup, ou d'éléphant, vu le peu d’élégance qu'elle semblait s'être mis sur le dos depuis la taverne et le vent pire qu'un mistral sur le port de Marseille qu'elle s'était pris, elle s'approche du bâtiment, lorgnant sur les colombages et les fenêtres grandes ouvertes. Nulle âme? "S'teuplait Très Haut" marmonna-t-elle une nouvelle fois en montant les deux trois marches et en ouvrant la porte sur la pièce à vivre chichement habitée des quelques meubles neutres.


Yaquelqu'un?

Pas un bruit. Premier soulagement. La moitié de son corps est à peine entré dans la pièce qu'un truc lourd, gros, mouillé et gémissant se presse contre ses jambes les enserrant de toutes ses forces. Pincement au cœur. Nan c'est bon c'est beaucoup trop petit. Deuxième pincement au coeur. Bybye solitude. Troisième pincement au coeur alors que le môme semble au bout du bord de sa vie, levant un visage meurtri et larmoyant vers Héloise. Héloise ouvre la bouche pour lui asséner un "merde Rogier t'as pas une maman à emmerder non?" mais retient sa réplique tandis que le blondinet ravale un sanglot.

Mamanlémourruelapleinnesangpatout!
Quoi?

Elle s'accroupit afin de se mettre à la hauteur du gamin puis mettre aussi une micro distance entre les morves dégoulinantes et le tissu de ses jupons etl'observe avec plus d'attention, yeux plissés, oubliant un court instant les peines et les états d'âme de son cœur. Le gamin pleure, c'est un fait. Sans doute qu'il a crevé son poussin pour la troisième fois et pour la quatrième fois, elle lui en rachèterait un en prétextant qu'il était juste parti quelques jours près de sa maman avant de lui revenir tout bienheureux. Ou alors? D'un coup de main elle observe les vêtements de l'enfant. Il y a du sang sur sa chemise. Il fallut deux secondes pour que son sang à elle quitte tout son visage et elle pâlit, tournant presque de l'oeil en tâtonnant le petit corps du garçon à la recherche d'une blessure quelconque. Tandis qu'elle s'affaire, le gamin lui attrape les mains et secoue vivement la tête.

Cé maman.
Et merde Elisa !

Si l'idée que le gamin soit blessé l'avait paniquée, l'idée d'une Elisabeth en difficulté lui donna force et de courage, mue soudainement par une angoisse inexpliquée. Elisabeth. Voilà plusieurs jours qu'elle n'avait plus été la voir. Enfin, la voir dans le cas présent c'était un bien grand mot. Elle n'était que l'ombre d'elle-même. Répondait en monosyllabes et surtout, ne semblait pas avoir pardonné à Héloise ses accusations quand à ses infanticides horribles et terrifiants. Du coup, Héloise avait petit à petit espacé ses visites jusqu'à ne plus aller la voir du tout, comme une vieille tante délaissée, Elisabeth avait dû se sentir bien seule. Rogier sanglotant des mots indistincts et essuyant son nez tout le long de sa manche et Héloise rongée par les remords. Ils quittent le moulin aussi vite que possible, elle, relevant ses jupes jusqu'oulalala quasi ses genoux d'une main et attrapant celle gluante de l'enfant de l'autre, oubliant les voyeurs possibles des parages, afin de courir sans encombres jusqu'au vieil hôpital où Elisabeth avait décidé de camper, boudant le moulin comme elle pouvait bouder Héloise après que cette dernière eut fait un caprice quelconque. Souffle court, décidément c'était journée footing, elle arrive à l'établissement assez rapidement, s’engouffre telle la tempête qu'elle pu être jadis et ouvre la porte en mode western mais sans grande conviction pour trouver, Rogier sur ses pieds et tenant sa jupe avec force, un tableau plutôt étrange. Le Volcan est allongé sur son lit. Aussi pâle qu'un mort. Deux moines sont affairés autour d'elle. Une nourrice tient la dernière née d'Elisabeth dans ses bras et la dernière née hurle ses poumons comme si on l'avait privée d'oxygène pendant neuf mois. Figée une seconde, elle analyse la situation, jugeant surtout des blessures. Une nouvelle armée? Elisabeth aurait-elle tenté de se faire la malle sans armes sans défenses? Impossible, en plus son Kraneur était là et il n'y avait que pour lui qu'elle pouvait braver mille dangers. Quoi alors ! Un ours? Non, pas de plaies béantes qui laissent apparaître viscères et chaires. Héloise s'avance jusqu'à son chevet, gamin toujours sur les pieds tout-en-sanglots. Enfin elle détecte la source du mal. La pauvre folle avait attenté à sa vie. Les poignets bandés et le bandage rougit de sang laissait témoigner la faiblesse de la pauvre âme affaiblie et blafarde.

La réaction ne se fit pas attendre. Elle attrape la main de Léonard et la serre dans la sienne. Comment accepter l'acte? Comment justifier la lâcheté d'une mère? Regardant son amie dans le lit, inconsciente, elle écoute d'une oreille les moines expliquant que c'était moins une mais qu'avec beaucoup de repos, tout irait bien. Elle est lasse. Fatiguée. Elle a passé une journée de merde. La soirée ne promettait pas de meilleures festivités. Lasse. Elisabeth est inconsciente. Nerveusement, elle donne les consignes aux moines afin qu'elle soit soignée correctement puis tourne les talons vers la nourrice, prenant Anatoline de ses bras. Le nourrisson, minuscule, ne se calma pas au contact de la Sparte bourrue et peu habituée aux enfants. Mais peste soit d'elle. Le principal, là, c'était de s'éloigner.


    Vingt-deux du mois de juillet. Scènes de vie - Montmirail et des nouilles acte II Scène III



Citation:



Citation:


Voilà cinq jours que je suis au monastère avec Rogier, Anatoline et Marianne. Cinq jours que je n'ai de tes nouvelles que par les quelques moines qui me racontent ta démence, ta dépendance à je ne sais quelle substance et leur crainte que ton esprit soit contaminé par le Malin. Moi, j'ai craint pour tes enfants. Je suis partie avec eux le quinze de ce mois de juillet alors-même que tu ne me donnais pas de suite à mon courrier, alors même que tu attentais à ta vie en ouvrant tes poignets devant les yeux de ton fils qui, sache-le, ne dors plus la nuit sans larmes et cauchemars. Rassure-toi cependant, mis à part ça, ils sont en bonne santé. Je suis restée avec eux cinq jours durant afin de les aider à s'habituer à la vie monastique et afin qu'ils puissent avoir une présence familiale auprès d'eux. Marianne lit de mieux en mieux le latin. Rogier connaît quelques chansons et récite les lettres dans l'ordre. Même s'il dort peu, il a gardé son énergie de futur chevalier dévoué. Anatoline dort beaucoup. La nourrice passe pour la nourrir et je m'occupe de ses sourires et de ses larmes lorsqu'il y en a. Je ne sais ce que fiche ton mari mais il est autant à blâmer que toi dans cette histoire. J'espère que tu te reprendras vite, mon amie, si tant est que je puisse encore t'appeler ainsi après toutes les affres que je t'ai fait subir. J'ai énormément prié pour toi, pour le salut de ta vie et de ton âme. Tous les jours. J'ai appelé le Très Haut pour qu'Il soit clément et juste. Te laisse la vie sauve et l'esprit clair. Je te pardonne tout, tout. Car tu es la seule qui puisse lire en mon cœur. Je crains cependant ne pas être à la hauteur de ce que tu as à me confier. Je crains ne pas être celle qu'il te faut. Ma vie est trop compliquée pour que je la mêle à la tienne. D'avoir retrouvé mon propre appel à l'aide dans les flots de ton sang me font penser que je suis néfaste pour toi en ces temps fragiles. Je m'en vais donc. Une nouvelle fois je te laisse. Une nouvelle fois je fuis. Je ne te fuis pas toi non. Je me fuis moi-même dans je ne sais quelle quête vaine de sens et d'objectifs. Mais au moins, j'ai une raison de me lever le matin. Une raison que toi, mère de trois enfants, tu devrais avoir également. Une raison. Un espoir. Même futile. Même inutile ou vaine. Un mince espoir qui empêche mon esprit de sombrer à nouveau dans l'inutile et le noir. Sois forte, mon amie. Trouve une raison en ton cœur et, lorsque tu seras prête, écris moi. Je viendrai.

Je te donnerai des mes nouvelles, souvent. Lorsque je suis heureuse. Lorsque je ne le suis pas. Des bêtes choix que je vais faire de ma vie ou au contraire, des importants. Tu pourras à ta guise me juger ou me conseiller. M'insulter, me blâmer ou m'encourager.

    Que le Très Haut te veille et te guide.
    Ton amie,
    Héloise.





Citation:


Citation:
Cher Comte d'la Satanée Pierre du Salon d'Lothilde la vilaine.

Va t'occuper de ta chère épouse.
Ou je te tue !
Ou,
Je pille et détruis tes châteaux.
Et donne tes caves à Debenja.
Écris des pamphlets désagréables sur toi et les répands en France ET en Empire.
Souille tes blasons de vin de Bourgogne.
Affiche ta vieille tronche partout dans les rues de Genève.
Tout ça dans un ordre incertain.

H.

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)