Elisaabeth.
- [ Franche-Comté, fin du huitième mois de lan 1467. ]
Avant de revenir sur les terres franc-comtoises, les époux dOrmerach sétaient accordés quelque chose qui leur faisaient terriblement envie : un voyage entre époux. Entre eux deux et eux seuls. Si ce nest pas romantique, nest-ce pas ? Ce voyage dura un long moment. Suffisamment longtemps pour que les pratiques et devoirs conjugaux finirent par produire ce qui devait arriver : lépouse dOrmerach fut engrossée. Adieu exil religieux ! En attendant un enfant, elle sassurait enfin de ne pas finir sa vie dans un couvent quelconque pour son incapacité denfanter. Ce qui la rassurait davantage. Pourtant, rien ni personne ne laurait condamné à une telle « punition » si ce nétait elle-même. Ce fut dans une traversée dune petite partie de la France quils conçurent lheureux événement et que lépouse dOrmerach vit sa grossesse sereinement quoi que parfois péniblement. Rien de méchant, comme quelques nausées matinales voire nocturnes. Mais quel plaisir de pouvoir manger autant quelle le souhaitait sans quelle ne soit obligée de veiller à ne pas craquer ses robes.
Cette grossesse lui permit même de retrouver du moins, lespérait-elle la ligne quelle arborait fièrement auparavant : de jolies petites rondeurs à des endroits stratégiques suite à sa première grossesse. Mais son enfermement de plusieurs années lui firent perdre tout ce quelle avait acquis, notamment lorsquelle sétait mariée. Retrouver sa taille dantan était presque, pour ainsi dire, un objectif quelle comptait attendre au terme de la grossesse, pour son plus grand bonheur. Ce qui voulait dire quelle pourrait remettre les robes dont elle avait abandonné tout espoir de reporter à cause de sa perte de poids. En dehors des chiffons, il faut le dire, Élisabeth se sentait bien mieux avec un peu de forme quavec la sensation davoir la peau sur les os. Ce fut également par cette grossesse quelle reprit sa passion dantan : manger de la rhubarbe. Pour son plus grand bonheur. Non contente de manger de la viande mais aussi du poisson, il lui fallait terminer son repas en beauté : autrement dit, par lintermédiaire de tarte à la rhubarbe. Cela lui rappela le temps où elle attendait Marianne. Cette pensée la faisait toujours sourire.
Pourtant, ces derniers temps eurent pour effet de paraître une éternité pour Élisabeth. En effet, non contente darriver à terme de sa grossesse, elle sennuyait ferme. Elle sennuyait tellement que tout ce que lon pouvait lui proposer pour faire passer le temps fut instantanément accepté, sans plus de réflexion, quitte à le regretter terriblement par la suite mais elle nen dit mot. Chose exceptionnellement rare chez la jeune femme qui navait clairement pas sa langue dans sa poche, notamment lorsquil sagissait de faire dans la contestation. Cest ainsi quelle se mit à coudre avec sa camériste pour son plus grand désespoir. Il y a quelques temps, cela ne laurait pas spécialement dérangé si elle avait la possibilité de faire autre chose. Or, aujourdhui, elle était coincée. La fin de sa grossesse approchait, elle le sentait bien, et tout ce quelle pouvait récolter, cétait une incapacité de sen aller loin dune pièce : ce qui laurait fait bougonner autant que possible mais elle se contenta de maugréer des choses incompréhensibles et dattendre sagement que lhéritier(ère) daigne pointer le bout de son nez.
Chaque jour alors, elle inspecta son ventre afin de mesurer lécart entre ses seins et son ventre dans lespoir de voir la délivrance ramener sa fraise. Mais jusque-là, rien ne désignait une possible délivrance dans les jours à venir, pas même les quelques douleurs quelle pouvait parfois ressentir mais qui nétaient pas assez intenses pour quelle sen inquiétât. Ce qui la fit râler doublement. Résignée, elle soccupa dune autre manière chaque jour, même si les jours finissaient par se ressembler tous : un jour la couture, un jour la broderie, un jour la peinture, un jour la musique, un jour lapprentissage désespéré dune langue nouvelle
Un beau jour, à la fin de ce huitième mois de lan de grâce 1467, ce fut une femme dépitée dattendre qui voulut se consoler dans les bras de son époux. Non pas de manière charnelle car dans tous les cas, non seulement elle ne voulait pas mais elle ne pouvait pas ; retenez principalement le fait quelle ne veuille pas. Revenons à nos moutons. Elle souhaitait que son époux remarque le désespoir qui finissait par se lire dans ses yeux. Alors, elle profita de ce moment où son époux glandait se reposait à ses côtés pour se fourrer dans ses bras elle et le môme dans le but ultime dobtenir un instant de douceur, de tendresse. Elle attrapa la main de son époux pour y déposer un rapide baiser, en guise de salutation matinale, avant de poser une question, le plus naturellement possible.
Krän, mon amour, quest-ce que tu moffriras lorsque je taurais offert ton héritier ?
Sagissait-il dune question sérieuse ? Pour le coup, oui.
Édit : correction d'une (très) vilaine faute.
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