Praseodyme


Des loups. Ils se déplacent en meute, furtifs, rôdant autour des villes grasses, furetant, reniflant, toujours méfiants, guettant l’occasion, ne frappant qu’à coup sûr, bondissant dans la faille laissée béante par une proie toujours trop confiante. Vous ne les aviez pas vus venir. Aujourd’hui, ils sont là. Dans vos murs, dans vos celliers, dans vos greniers, dans vos coffres, dans vos lits.
Des carnassiers. Ils sont maigres, efflanqués, leurs corps secs et noueux sont zébrés de longues cicatrices. A l’un il manque un œil, à l’autre quelques doigts. Ils sont cruels, impitoyables envers tout ce qui n’est pas leur Clan. Ils ne craignent ni rien ni personne, n’ont poinct d’effroi envers quiconque. Ils ne se reconnaissent ni Dieu, ni Roy, ni Maistre. Ils traitent le Très-Haut comme égal, ils dédaignent le Sans-Nom. Et que ces deux derniers prennent grand soin de garder Leur bourse et Leur gorge à l’abri de leurs pattes griffues.
Ils ne font poinct chez eux de différence entre les femelles et les mâles, leur férocité est égale, leur faim tout aussi grande, et craignez tout autant la morsure de leurs jeunes. Mais ils débordent d’un amour sans bornes pour ceux qui font partie de leur Famille, ils entourent leurs petits, leurs malades et leurs éclopés d’une protection sans faille.
Ils ont pour nom Corleone.
Praséodyme avait rejoint la meute à l’hiver précédent, alors que, famélique, elle courrait par les chemins gelés à la recherche de quelque vague forfait propre à assurer sa pitance. Le Clan l’avait accueilli, et en échange, à son service, elle avait offert son bras. C’est tout ce qu’elle possédait, mais il faut dire qu’elle mettait toujours grande ardeur à manier son gourdin, et qu’elle n’avait poinct son pareil pour écraser les têtes. C’était une personne simple, mais honnête et loyale envers qui la payait. D’aucuns, au langage châtié, appelleraient ça une mercenaire.
Elle gardait cependant toute liberté d’agir à sa guise en dehors de la Famille. Après la prise de Sainct-Aignan, au début de l’été, elle était revenue à ses amours premières, partant seule sur les chemins à la recherche de quelque heureuse rencontre. Elle avait musardé par le Berri et l’Auvergne, tranchant bourses et gorges au hasard des rencontres, satisfaite de se retrouver seule. Puis elle s’était remémoré une discussion tenue avec Enjoy Corleone, une des filles du Clan, dure comme un silex, qui menait avec fermeté la meute sur les chemins de la Gloyre. Rendez-vous à Murat, avait-elle dit, il y a de l’or à prendre, et de la renommée à se faire. Praséodyme avait opiné en silence.
Ce genre d’engagement se doit tenir quoi qu’il en soit. Par un beau matin de la fin d’aoust, Praséodyme s’était faufilée en ville, imitant en cela les membres de la meute. Ajustant son loup sur ses yeux, entre chien et loup, elle se déplaça à pas de loup jusqu’à la mairie. Une faim de loup la tenaillait, le vif désir d’aller tantôt hurler et danser avec les loups. Les défenseurs, trop peu nombreux, s’étaient jetés eux-mêmes dans la gueule du loup. L’assault allait être donné, car quand on parle du loup, on en voit la queue. A Murat, Corleone allait bientôt être connu comme le loup blanc …
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Des carnassiers. Ils sont maigres, efflanqués, leurs corps secs et noueux sont zébrés de longues cicatrices. A l’un il manque un œil, à l’autre quelques doigts. Ils sont cruels, impitoyables envers tout ce qui n’est pas leur Clan. Ils ne craignent ni rien ni personne, n’ont poinct d’effroi envers quiconque. Ils ne se reconnaissent ni Dieu, ni Roy, ni Maistre. Ils traitent le Très-Haut comme égal, ils dédaignent le Sans-Nom. Et que ces deux derniers prennent grand soin de garder Leur bourse et Leur gorge à l’abri de leurs pattes griffues.
Ils ne font poinct chez eux de différence entre les femelles et les mâles, leur férocité est égale, leur faim tout aussi grande, et craignez tout autant la morsure de leurs jeunes. Mais ils débordent d’un amour sans bornes pour ceux qui font partie de leur Famille, ils entourent leurs petits, leurs malades et leurs éclopés d’une protection sans faille.
Ils ont pour nom Corleone.
Praséodyme avait rejoint la meute à l’hiver précédent, alors que, famélique, elle courrait par les chemins gelés à la recherche de quelque vague forfait propre à assurer sa pitance. Le Clan l’avait accueilli, et en échange, à son service, elle avait offert son bras. C’est tout ce qu’elle possédait, mais il faut dire qu’elle mettait toujours grande ardeur à manier son gourdin, et qu’elle n’avait poinct son pareil pour écraser les têtes. C’était une personne simple, mais honnête et loyale envers qui la payait. D’aucuns, au langage châtié, appelleraient ça une mercenaire.
Elle gardait cependant toute liberté d’agir à sa guise en dehors de la Famille. Après la prise de Sainct-Aignan, au début de l’été, elle était revenue à ses amours premières, partant seule sur les chemins à la recherche de quelque heureuse rencontre. Elle avait musardé par le Berri et l’Auvergne, tranchant bourses et gorges au hasard des rencontres, satisfaite de se retrouver seule. Puis elle s’était remémoré une discussion tenue avec Enjoy Corleone, une des filles du Clan, dure comme un silex, qui menait avec fermeté la meute sur les chemins de la Gloyre. Rendez-vous à Murat, avait-elle dit, il y a de l’or à prendre, et de la renommée à se faire. Praséodyme avait opiné en silence.
Ce genre d’engagement se doit tenir quoi qu’il en soit. Par un beau matin de la fin d’aoust, Praséodyme s’était faufilée en ville, imitant en cela les membres de la meute. Ajustant son loup sur ses yeux, entre chien et loup, elle se déplaça à pas de loup jusqu’à la mairie. Une faim de loup la tenaillait, le vif désir d’aller tantôt hurler et danser avec les loups. Les défenseurs, trop peu nombreux, s’étaient jetés eux-mêmes dans la gueule du loup. L’assault allait être donné, car quand on parle du loup, on en voit la queue. A Murat, Corleone allait bientôt être connu comme le loup blanc …
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