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[RP] Aux "Arbois"

Heloise_marie
Loches.

Bordel Loches.

Était-ce exprès d'y rester deux jours entiers? Un truc de paire? Un truc de coutume? Nan, sûrement pas, parce qu'ils y étaient déjà passés par le passé et n'y étaient restés qu'une seule journée. Mais pourtant, deuxième soir à tabasser les pavés de ce bled ennuyeux, habité apparemment que de quelques voyageurs de passage, un ermite pas net et la maire. P'tete qu'il se planquait au verger? Ou dans une taverne de l'Arsene? Qui sait le bougre pouvait avoir ouvert une taverne dans des villages aux noms pourris? Deux chopes dans les mains parce que, hé, les voyages ça ouvre l'envie de picoler, elle en termine une et la balance contre le mur d'une chaumière sans la briser : misérable force. Puis, poursuit sa marche jusqu'à la petite auberge dans laquelle elle a loué une chambre bien en dessous de son prestige. Maugréant contre le lit, les chandelles, le plancher, l'espèce de crochet dégueulasse sur le mur qui était initialement prévu pour servir de rideau mais n'était pas affiché devant la fenêtre, le miroir dans lequel même Macricri aurait pu se trouver belle tant il était mat. Tout lui déplaisait. Et l'écriture d'Elisa, posée sur le petit bureau face à elle avec son vieux sceau de belette l'enrageait plus encore. Le dragon frappait, crachait, brûlait, mais n'avait pas encore réussi à atteindre l'amour propre de Héloise, non. Juste à l'agacer. Elle aurait donc une réponse d'agacement !


Citation:
      Elisabeth,
      mon amie si protectrice et aimante,



Tu te fais du mal pour rien. Laisse-moi donc à mes mensonges et mes manipulations, puisque tu sais tout mieux que tout le monde. Quand je te demande ton avis, je fais mal. Quand je ne te le demande pas, je fais mal. Quand je te cache la vérité afin que tu ne t'inquiètes pas, je fais mal. Ai-je donc si peu de valeur à tes yeux pour rater tout ce que j'entreprends selon toi? Et ne mêle pas Nath à mes actions veux-tu. Il me subit autant que tu as pu le faire durant toutes ces années alors plains le plutôt d'avoir à m'avoir dans ses griffes plutôt que de finir dans les tiennes. Je vole, je cours même, toute entière à cette liberté que je n'ai jamais pu avoir par le passé. Je pars quand je veux de ce monde qui n'est pas le mien ! Et là, il me plait de ne pas partir. Il me plait de le suivre. Il me plait de me laisser empoisonner par ses paroles, qui, je te rassure, sont bien moins belles que les tiennes. Tu vois? Tu as quand même le monopole de la gentillesse malgré tes accusations et tes reproches. Tu ne veux pas me raconter ton périple? Soit. Je resterais dans le doute de ta santé mentale physique, ainsi que de celle de tes enfants. Et je continuerais mes pérégrinations tant qu'il ME plaira de le faire.

Ps : Ersinn est en vie. Il m'a envoyé promener beaucoup mieux que tu as pu le faire jusqu'à présent. Tu perds un peu la main, ma vieille.


      La chiffe-molle !






Citation:

      A Isolde dS,
      La bien nommée Sparte,


Nul souci à se faire pardonner, demoiselle. Je gage seulement de mon désarroi à ne point connaître tous les membres de ma famille ou tout du moins, de les avoir oubliés. Ne m'en veuillez pas. Ma mémoire n'est pas la qualité principale dont je puisse me vanter, au contraire de ma curiosité qui, disons-le nous en toute honnêteté, nous permet de nouer ainsi des contacts. Je voudrais donc réparer cette erreur en vous demandant qui sont vos parents ainsi que notre lien familial? Que je voie un peu plus clair dans notre arbre compliqué et puisse, en toute amitié, vous accueillir dans le cercle Sparte. Car, j'ai beau réfléchir, je n'ai reçu aucune annonce de la naissance d'une Isolde ces dernières décennies.

      Que ce pli vous trouve en belle et bonne santé,
      « malo mori quam foedari »
      Héloise Marie de Sparte.




_________________
Elisaabeth.
        [ Fécamp, le troisième jour d’août 1468. ]


Lorsqu’Élisabeth avait reçu la lettre d’Héloïse, reconnaissable grâce à son sceau, elle s’était offert le luxe de ne pas l’ouvrir, sachant pertinemment que son contenu allait la contrarier, si ce n’était pas pire. Et elle eut raison. Une fois arrivée à Fécamp, qu’elle avait fait ce qu’elle voulait faire avant la confrontation avec Isolde, elle s’attela à ouvrir le courrier. Elle le lut. Et elle fut contrariée. Cette gourgandine n’avait d’yeux que pour ce foutu hérétique. Et elle en était visiblement contente. Elle lisait que son amie ne supportait pas ses critiques — pourtant objectives — ni même ses remarques. Élisabeth se demanda si elle méritait autant la violence psychologique qu’elle pouvait subir dans les mains des deux Sparte. Elle regretta soudainement de ne plus avoir Édouard à ses côtés, elle aurait largement pu défouler toutes ses contrariétés en reprochant, à lui le premier, d’être un foutu Sparte avec un caractère de chien. Soupirant, elle envisagea d’aller faire un petit tour là où il était enterré. Puis, soudain, elle se rappela qu’elle était à Fécamp. Nul besoin de courrier les tombes, il y avait une Sparte sur qui elle allait pouvoir déverser les ressentis réprimés par l’absence flagrante de l’Étoile des Sparte. Elle allait écrire, malgré tout, tout ce qu’elle avait sur le cœur lorsque Marianne et Rogier firent une éruption remarquable.
Maman ? Serait-il possible d’envoyer Rogier au pilori ?
Mine surprise par la demande. Élisabeth était surtout secouée par ce qu’elle venait d’entendre mais pas le temps d’ouvrir la bouche.
Naaan c’est pas vrai maman. Zé rien fait !
Il a pris des ciseaux que tu cachais dans ta malle…
Manianne les z’a zorti d’abord ! Zé pas touché !
Et ! Il a découpé deux de mes robes !
Naaaannnn ! C’est pas vraaaaaiii !
Siiii c’est vrai ! En plus c’est un menteur !
C’est elle la menteureuse !
De toute manière, tu finiras embrocher comme un cochonnet !
MARIANNE ! Il suffit tous les deux !
Se levant, Élisabeth se leva lentement de sa chaise, se pencha pour attraper Rogier afin de le prendre dans les bras, puis prit la main de son aînée, bien décidée à leur faire changer d’air.
On va ravaler sa méchanceté. Vous allez vous dire pardon et on va aller marcher sur la plage pour se changer les idées.
Une approbation joyeuse et collective se fit entendre. Rogier en profita pour serrer sa maman dans les bras qui resserra elle-même l’étreinte du mieux qu’elle le put. La réponse fut écrire bien plus tard, lorsque les enfants eurent suffisamment dépensé leur énergie à jouer et courir sur la plage pour qu’ils fassent une bonne sieste pour récupérer leur énergie dépensée également dans le voyage, pour le plus grand bonheur de la mère qui eut enfin du répit.


Citation:

Citation:



Citation:
Fait dans le duché de Normandie, le troisième jour du huitième mois de l’an 1468.


      À la chiffe-molle, cette amie inestimable et appréciée,


    Je l’admets, je dois probablement me faire du mal pour rien. Si tu considères que je dois te qualifier de rien. Alors soit, fais ce que bon te semble. Je ne pensais pas que tu considérais que je te séquestrais dans « mes griffes » mais si tu le vois comme ça, à ta guise.

    Je te laisse entre ses mains de vaurien avec tout le consentement que tu voudrais que je te donne. Le voici, ce foutu consentement que tu me reproches de ne pas te donner. Je te le donne. Tout comme je pense que tu n’as plus besoin que je veille sur toi, sur tes blessures à panser, plus rien. Je cesserai d’avoir ce rôle de grande sœur que je n’aurais jamais dû m’attribuer puisque nous ne sommes pas liées par le sang. Figure-toi que récemment, une jeune personne m’a dit quelque chose qui m’a fait ouvrir les yeux : je te surprotège. Je vois bien que tu ne supportes plus l’affection, l’amour que je te donne. La protection que je t’ai toujours promis. Je ne peux pas t’obliger à me laisser te protéger si tu n’en as pas l’envie. Vis ta vie comme tu l’entends. Fais ce qu’il te plaît.

      Et accessoirement, va brûler en enfer Nath et Ersinn, tes deux foutus amants et sottards qui ne te méritent même pas je prie pour toi et ton âme, sale dévergondée.





PS : quand te seras disposée à cesser d’être une petite dinde écervelée et aveugle me revoir, j’ai quelque chose à te rendre t’appartenant. Je ne te l’ai pas volée. Tu l’as égaré un jour et je me dois de te le redonner puisque je l’ai sous la main.

Citation:


Citation:















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Heloise_marie
Limoges ! On y passe, on y reste pas. On regarde même pas les étals d'un marché ou les dorures d'un brocart. Non. Par contre, on a le temps d'attraper un coursier qui vous course pour vous remettre un pli dégueulasse de ratures et de méchanceté. Vraiment, l'amitié se perdait pendant ce voyage. L'amitié s'égarait. L'amitié s'envolait. Et, si tant est qu'elle ne se sentait pas encore trop seule car elle collait aux talons du barbu, Héloise commençait sérieusement à envisager la pause académique. Ses pieds meurtris, ses cuisses douloureuses et sans parler de ses mollets, la réveillant quasi toutes les nuits de crampes abominables et insoulageables. Elle qui avait l'habitude de se faire trimbaler à droite à gauche en voiture ou à dos de cheval, elle pestait contre cette condition de marcheuse du Nord qu'elle devait endosser tous les jours. Si ses sentiments ne faiblissaient pas, se renforçaient même aux accusations de Elisabeth -car oui elle était bien du genre à vouloir ce qu'on lui refusait- sa force, elle, faiblissait terriblement. Et si ce n'était pas son cœur qui risquait de la lâcher, bien que, arrêt cardiaque c'est à tout âge, c'étaient ses jambes et son petit corps maigre qui finiraient par lui dire merde. Qui plus est, elle revivait péniblement les quelques malheurs de son adolescence avec des pertes d'appétit inexplicables et des boules au ventre démesurées. Evidemment, fierté mal placée ou faiblesse inavouée, elle refusait d'apparaître faible aux yeux de quiconque. Si elle perdait le contrôle de son corps ou de son esprit, ce serait, à ses yeux, la perte de sa renommée et de son prestige qui, lui, dégringolait plus elle s'enfonçait dans les tourments de ses sentiments. Du coup, tête haute, nez relevé et menton altier, elle marchait vaille que vaille, trébuchant plus que d'accoutumée. Comme si le Très Haut lui même ajoutait une épreuve à l'épreuve en foutant la moindre branche entre ses pieds meurtris.

Alors, le temps d'une pause, elle profite. Elle écrit. Se perd dans les mots et les rêves. S'imagine troubadour, s'improvise poétesse, jongleuse de rimes et de vers. Glisse ci et là un pli dans les poches du barbu à son insu, puis fait genre la tête d'innocente alors qu'il le lit, quelques pas devant-elle et qu'ils ne sont que deux sur le chemin. Bref, la blonde s'ennuie. La blonde a mal. La blonde trouve de l'occupation. Et l'autre blonde, la belette, venait de lui donner une idée des plus stupides.


Citation:
      A Marianne,
      Ma filleule,

Mon enfant, je trouve qu'il est temps pour nous, à présent que tu as presque l'âge d'être une vraie femme, que nous échangions un peu plus sérieusement de filleule à marraine. Sache mon enfant que, certes j'ai été dure avec toi quelquefois, mais c'est pour ton bien. N'ayant moi-même jamais connu la chance d'être mère, il me fallait mettre en toi tous les espoirs d'un caractère fort, résistant à toute épreuve. Un caractère de Sparte tel qu'il se doit d'être. A présent que tu as compris ça, il me tarde de pouvoir échanger plus en profondeur avec toi sur les sujets qu'il te plaira. Tu sais que je suis une amie fort proche de ta mère, sans doute la meilleure de ses amies. Que je ne veux que son bien et donc, de ce fait, le bien de tous ses enfants. Toi, l'aînée, tu as un rôle bien plus important encore que les autres. Tu te dois de montrer l'exemple à ton petit frère, le démon de Rogier et ses bêtises insupportables et à ta petite sœur Anatoline bien que celle-ci soit encore tétant la nourrice autant qu'elle braille la nuit.

Je sais que ta maman n'est pas dans une bonne phase, pour le moment. Elle est partie en Normandie certainement pour prendre le grand air et rencontrer cette personne qui nous est chère ainsi que récupérer quelques affaires de ta marraine. Peux-tu me confirmer que notre personne commune qui nous est chère se porte bien? Puis-je également compter sur toi pour veiller à ce que ta maman s'occuper bien de mes affaires, regarder qu'elle ne les abîme pas, me les décrire? Ne lui dis surtout pas que je te demande pareille chose, tu la connais, elle s'énervera contre toi estimant que tu n'as pas l'âge de te mêler de ses affaires, mais détrompe-toi, tu as bien l'âge de t'en occuper. Tu n'es pas une enfant comme Rogier ! Tu n'es plus un bébé.

Il me tarde de te revoir, afin que nous puissions continuer nos apprentissages comme au monastère lorsque je suis restée quelques jours avec vous à Montmirail. Je t'apprendrais quelques secrets de dessins, je t'apprendrais à écrire et réciter de la poésie. Et puis, tu pourras alors me poser toutes les questions que tu voudras.

      Tendresses & amours
      Ta marraine,
      Héloise Marie.




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Nath.
La catastrophe avait été frôlée en Anjou mais la Sparte avait tenu bon. Si la bave du crapaud n'atteint pas la blonde colombe, les coassements lui scient les nerfs. Héloise et Nath s'étaient donc envolés, migrant sur les traces de l'enfance du volatile cleptomane. Alors qu'ils survolaient la frontière tourangelle, il s'était laissé convaincre d'agrémenter le trajet d'histoires vieilles de presque vingt ans, derniers témoignages d'une époque hideuse qui avait vu grandir un barbu encore imberbe, une abomination. Qu'avait-il obtenu en échange ? Faveurs, secrets jalousement gardés, abus de pouvoir, faux et usage de faux ? Le mystère est laissé ouvert à l'imagination féconde du lecteur.

    Aux portes de Chinon, fin juillet 1468.

Bo'del, ce trou à rats n'a pas bougé. Une sorte de Tulle local, avec plus de rats qui grouillent et couinent. Un dernier bastion à bigots et royalos, avant la frontière et la liberté. Le bled ressemble à Saint-Claude, en fait.

Quelques moqueries plus tard, il fut rappelé à sa promesse par le regard blasé de sa compagne de route. Des titres tout le tour du ventre et une foi presque pas bancale, elle n'avait pas tout à fait le profil du public idéal.

À Chinon, j'étais très jeune et très couillon. Mais surtout, moi et les mioches avec qui je traînais, on crevait d'faim. Et nous voilà un beau jour, alignés le long d'un mur, à regarder passer des tas de bouffe plus hauts que nous. Le tout entassé par les locaux pour un banquet, ou une fête des voisins, dans un entrepot gardé par deux types en armure. Vous auriez dû entendre le concert de nos estomacs, une vraie fanfare.

Ils progressaient vers le centre ville, et toujours pas un chat pour faire concurrence aux rats.

On a attendu la nuit, mais les gardes ne bougeaient pas. Alors on a décidé de faire diversion. Les enfants des rues, ça vient avec les clébards des rues, et il a suffi de leur promettre une part du butin pour qu'ils se laissent attacher de la ferraille au bout de la queue. On avait même trouvé quelques clochettes. Ces bestioles étaient encore plus malines que pouilleuses, elles savaient exactement quels notables emmerder. Cinq minutes plus tard, le boucan était monstre, et les Chinonais dans la rue en bonnet de nuit, une bougie à la main. Quand on s'est repointés à la grange, les deux asperges avaient disparu !

Un sourire satisfait barrait sa trogne quand il décrivit en détail le festin qui s'en suivit.

Le lendemain, on a appris que des types avaient foutu le feu pour une histoires de cens, causant le chaos de la nuit. En fait nos clébards n'avaient réveillé personne, et la milice était partie jouer au pompier. Mais j'ai qu'une parole, hé, et les animaux furent grassement dédommagés.

    Sur la route entre Chinon et Tours, une lieue avant la capitale.

'Voyez ce grand vide, là ? s'écria le barbu en tendant le doigt. C'est ici que se tenait l'verger maudit !

Malgré le nom prometteur, l'endroit ne payait pas de mine. Nath expliqua qu'il avait abrité des tas de poiriers, réputés jusqu'à Vendôme. Mais dans la décennie 1440, le verger avait été frappé, année après année, par différentes afflictions. La foudre, les insectes, et les dix plaies d'Egypte avaient ruiné le propriétaire. C'est sur la toute dernière malédiction que notre narrateur s'étendit. Après que la page de la décennie noire eut été tournée pour de bon, une mystérieuse maladie avait fondu sur les pauvres poiriers. Les fruits adoptèrent une teinte grisâtre et, un matin, décidèrent d'embaumer le verger tout entier d'une pestilence à faire pâlir les caniveaux de Brissel.

Les Tourangeaux sont pas moins cons que les autres, et déclarèrent c'jour là d'un air important qu'un mauvais sort avait été jeté sur ces arbres. Un à un ils les ont déracinés, et malheur à qui voudrait faire pousser une carotte dans le pré. Mais les poires éparpillées continuaient à poquer du derche, alors ils les ont ramassées, un bouchon dans chaque narine, pour les enterrer plus loin.

Le récit fut interrompu par un ricanement rauque, visiblement l'histoire était aussi celle d'un sale coup.

Ces années-là, l'cureton du coin nous emmerdait, prêchant comme quoi la Touraine méritait une jeunesse aristotélicienne. Il voulait remettre sur le droit ch'min, à coups de canne, de Livre des Vertus et de bains, les morveux qui faisions d'grands sourires aux passants pour mieux y foutre des coups de pied aux tibias. Alors on est allés déterrer les poires, et un jour que l'église était déserte, en planquer dans chaque recoin, chaque tiroir, derrière chaque pierre bancale et sous chaque coussin.

Leur arrivée à Tours fut joyeusement annoncée par un rire sonore. Malgré les années, il n'avait pas renoncé à faire suer sous les soutanes, vocation qui l'amusait toujours autant.

Ils ont retrouvé des trognons moisis pendant des mois ! J'y ai pas mis les pieds, mais j'suis sûr que l'odeur y est toujours.

    À la sortie de Loches, en route vers la Trémouille.

Ils quittaient la ville où il avait insisté pour passer deux journées quand Nath posa un regard sur une bicoque à moitié écroulée. Les tomates qui quadrillaient le potager témoignaient cependant qu'elle était toujours habitée, et il se fit muet alors que ses yeux se perdaient dans l'horizon. Le silence s'était installé depuis quelques minutes quand il prit les devants pour que la blonde ne l'assaille pas de questions.

C'est à Loches que j'ai la première fois volé un machin plus gros qu'moi ! Presque.

Il lui offrit un sourire fier et commença son récit sans attendre la réaction de son audience.

Je travaillais pour un vieux vicelard, un vrai salopard qui profitait des p'tites tailles pour remplir sa bourse. Et parfois se les vider, aussi. Un jour il s'met dans le crâne qu'il lui faut un canasson, et me voilà à renifler les rues de Loches jusqu'à tomber sur un, pas loin de là où vous avez pioncé. Le grand bestiau noir, sellé et tout. J'avais monté qu'des ânes, mais je n'me suis pas dégonflé, j'avais récolté assez de gnons comme ça.

Une grimace et un silence plus tard, père castor retrouva le fil.

Le bourrin était trop bien élevé, ou j'devais être trop petit pour que mes talons touchent. M'enfin, il ne bouge pas et me voilà à côté de l'auberge à gueuler sur un canasson dont j'connais même pas l'nom. Umb l'aurait baptisé Particule, j'ai toujours eu moins d'imagination. Chez nous c'était transporte-couillon.

La suite de l'histoire, la prévôté et le cachot seraient pour une autre fois. Trop bavarde, la Barbe avait prononcé un nom qui le plongea à nouveau dans une contemplation profonde. Ses pieds le menaient en Poitou, mais son esprit vagabondait bien plus loin, transporté dans l'espace et le temps, dansant avec les fantômes d'un passé dont l'évocation lui avait resserré le diaphragme. Il n'en parlait jamais et se promit de garder ces histoires-là pour lui, hébergeant secrètement le souvenir d'une silhouette qui sublimait le noir de son âme en une ombre amazone.

Ses yeux rencontrèrent l'air toujours mutin de celle qui partageait maintenant ses errances. Machinalement, il glissa une main dans sa sacoche. En sortit une petite boîte de bois sombre sur laquelle une lame experte avait gravé, animal majestueux trônant, fier, sur l'objet, un lapin. Les yeux aussi grands que les oreilles, il semblait observer le monde d'un air à le rendre doux à vivre.

J'ai entendu dire que des bourgeois y collectaient les dents de lait de leurs rejetons, et pensé que l'objet vous servirait mieux. Après tout les chiards n'en ont que vingt, vous en éparpillerez bien plus avec vos poings.
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