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Fil RP de Rollin Chabod, citain de Chambéry.

[RP] En la Ruelle derrière-les-Murs...

Rollin
Il avait laissé disparaitre à sa vue le Jardin du Verney et le verger communal qui, tout là-bas dans le lointain entre le Bourg Maché et le Bourg Reclus, étendaient le sinople et l'émeraude de leurs frondaisons au-dessus de l'argent et de l'or scintillant de la Leysse.

Ayant franchi le châtelet de la baille occidentale de la capitale savoisienne, le cavalier de fer-vestu poussa son palefroi au long des rues presque désertes. Talonnant doucement, qui de destre ou de senestre, il mena sa monture à travers le dédale de rues et de traboules jusqu'au petit pont qu'il avait fait baptiser "Viviand-le-Vieil" en l'honneur de son vieux voisin et de son fait d'arme extraordinaire lorsque les Genevois avaient apporté la ruine en la cité bien des années plus tôt.

Les souvenirs remontèrent, faisant se gonfler un peu plus le cœur et se mouiller d'autant la paupière.

Bien entendu, le Vieux avait dû finir par rejoindre sa dernière demeure - la terre lourde de cette Savoie qu'il avait tant aimée. Le cavalier s'en doutait, mais le fait d'en avoir confirmation en voyant le logis de Viviand occupé par d'autres lui causa un pincement au cœur... et lui fit un autre bleu à l'âme.

Quelques toises plus loin, appuyé contre la muraille, le cavalier reconnut son premier logis, la masure où il avait vécu des heures sombres, plus douloureuses que les tourments de l'Enfer Lunaire, mais surtout des joies lumineuses et immenses comme le doit être le Paradis Solaire.

Le petit bâtiment de pierre et de bois, frêle et un peu de guingois, semblait avoir tenu bon. Sa Mesnie avait donc veillé patiemment sur le lieu. Sur l'antique poutre qui faisait linteau au-dessus de la porte, et bien que fanée par le temps, le cavalier distingua encore la marque qu'il avait gravée près de quinze ans auparavant...


+R+


Un sourire fendit son visage et l'homme éperonna des deux, forçant son palefroi vers la Maison commune.
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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
Rollin
Perché sur le rempart qui longeait le Bourg Maché, le Mestre veillait, comme il l'avait promis.

Au cœur de la nuit, il sentait la chaleur des derniers beaux jours irradier des vielles pierres de la muraille - intangible souvenir de la traversée du firmament par Phoebus sur son char. Son regard suivait vaguement le parcours des rues du faubourg qu'il connaissait de tête, du moins pour ses parties anciennes, et il s'attardait à tenter de deviner de quels logis émanaient les rares points lumineux qui perçaient le voile noir de la nuit.

Rollin avait passé une longue soirée à échanger avec Messer de Chevelu; sans faire le compte des heures, ils avaient évoqué le temps jadis et leurs amis communs disparus, discuté du jour d'huy et du dépeuplement, et rêvé avec circonspection les heures futures. Que le monde avait changé, et les gens avec lui! Mais le Mestre n'était pas du genre à rester abattu ou hébété bien longtemps. Certes, tout avait changé, mais qu'importe, c'étaient là désormais les heures présentes qu'il lui appartenait de vivre.

De la masse sombre de ce qui devait être la Bastie, l'hostel de la Dame des Sainctes-Eaux, son intendant ne vit nulle flammèche poindre ou vaciller. Tel une montagne désertée de toute vie, ce n'était qu'un trou d'ombres béant, plus obscur que les abysses infernales.

Il n'y avait donc âme qui vive au logis, et nulle réponse du Mont Maudit pour l'instant.

De l'autre côté de la Cité, blotti entre le quartier du Laurier et le Bourg Montmélian, le Moulin Neuf était désert lui aussi. Tout indiquait que la bâtisse était occupée régulièrement, mais nul ne s'y trouvait pour l'instant - aucun allié, nul commensal ni membre de sa propre Mesnie. Le Mestre craignait pour leur vie... En suivant la Dame du Bourget, n'avait-il pas condamné tous les siens? Si Yzalba n'avait pas eu la force de quitter le refuge de la Maison Dieu, si Lisyane était toujours recluse, qu'était-il donc advenu des enfants? Viviand-le-Vieil aura sans doute pourvu, mais... n'était-il pas passé de vie à trépas? Si sa Mesnie n'avait pas pu se mettre à l'abri auprès des gens de la Dame de Sainctes-Eaux, où donc errait-elle?... Colinet aura-t-il eu la force?

Rollin ferma les paupières un instant, puis il passa sa large main sur son visage - comme pour en chasser la fatigue et l'inquiétude.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
Rollin
Le Moulin Neuf, logis de la Mesnie de Rollin Chabod et Yzalba Anouchavam, Perle d'Armavir, dans le Bourg Montmélian de la cité de Chambéry, capitale du Duché de Savoie – 16e jour de septembre de l'An de Pasques 1468, jour Sainte Euphémie et Saint Procope


Le séant posé sur la grosse pierre plate qui servait de borne à la parcelle, dans un angle du jardin, Rollin était tout entier absorbé par sa lecture. Au-dedans du Moulin Neuf, la bâtisse qu'il avait reconstruite de ses mains sur les ruines du Moulin d'Armavir, il avait trouvé dans le coffret à lettres certaines missives de la douce Yzalba, soleil de ses jours et mère de ses enfants.

Oh, certes, seule Alix était de leur sang, mais pour eux cela n'avait jamais fait de différence. Ils avaient recueilli Colinet, le Vaurien des Chavonnettes, celui que la Dame des Sainctes-Eaux avait surnommé l'Attachant, alors qu'il n'avait même pas dix ans, le sauvant d'un destin de misère et d'une mort certaine. Le Mestre se souvenait encore avec un sourire ému du jour où l'enfançon s'était laissé enfin apprivoiser, et de celui où il avait ouvert le passage de la Mesnie des Sainctes-Eaux paré de sont tabard de soie brodé aux armes flamboyantes de la fidèle Lisyane... fier chenapan sauvé des eaux, Damoiseau aux yeux d'azur, plus limpides qu'un lac de montagne. Rollin se remémorait distinctement ces yeux-là, enchâssés dans son minois tout pâle et émacié encadré d'une tignasse sombre, gemmes précieuses embuées de larmes de joie lorsqu'Yzalba et lui avaient solennellement juré devant le Très Haut et les hommes qu'il serait à jamais leur fils.

Puis il y avait Valentin, le fils d'Hipolène et d'Ératosthène, le filleul d'Yzalba qui tout juste après sa naissance avait été confié aux bons soins de sa marraine alors que ses parents, entredéchirés par leurs amours tumultueuses et impossibles, s'en étaient allés au loin... pour ne jamais en revenir. La marraine se mua en mère... et Rollin, accueillant cet angelot blond dans la Mesnie, lui offrit son patronyme... un nom porté aux nues par deux fois, en des temps et des lieux dissemblables, un nom tout autant foulé aux pieds par ceux qui sont aveugles à l'honneur de l'âme qu'il ne fut encensé par ceux qui peuvent percer les secrets du cœur.

Enfin, Alix vint au monde, la chair de leur chair, le sang de leur sang. L'aventureuse minotte aux cheveux de jais, noirs comme ceux de son père, et aux yeux d'argent et d'acier, curieux de tout... les yeux de sa mère... la Perle d'Armavir...

Rollin ne pouvait réfréner le tremblement de ses mains alors qu'il s'attardait sur les courbes gracieuses des pleins et des déliés de l'écriture régulière de sa Mie. Il pensa à ses lancinantes langueurs, qui finirent par la décider à rejoindre la Maison Dieu qu'elle n'avait plus quitté depuis.

Le Mestre essuya ses paupières d'un geste gauche du revers de la main. Il leva la tête vers les cieux et interrogea silencieusement les nuées et le vent, puis leur confia des pensées pleines d'amour...

Tout était calme et paisible au Moulin Neuf. Rollin remisa les précieuses lettres dans leur coffret et eut un dernier regard pour la bâtisse trop grande et trop vide pour un homme seul.

Il déposa un pli scellé sur le lutrin d'Yzalba et après un dernier regard pour le lieu où il avait vécu des joies si tendres et si simples, il serra l'huis à double tour et s'en retourna vers la cité.


Spoiler:


De Rollin Chabod, Homme libre & Citain de Chambéry;
À la Mesnie Chabod, Mie aimante & doulx Enfançons, Parents & Alliés;

Adieu,

Loué soiz le Très Haut qui m'a fait affranchir de la geosle comtoise en laquelle jas trop longuement fuis-je pris. Ycelle est vuide & puisse-t-elle le demourer à jamais.

Rollin a pris quartier en la masure & il lui tarde de vous étreindre & vous dire combien tant son cœur se languit de vous.

Puisse le Très-Haut vous mener à moy;

Toujours Fidèle & Dévoué
+R+

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
Chimere
Le Moulin Neuf, Bourg Montmélian, Chambéry, capitale de Savoie – 13 octobre 1468


Je regardai, quand l'agneau ouvrit un des sept sceaux,
et j'entendis l'un des quatre êtres vivants
qui disait comme d'une voix de tonnerre: Viens.
Je regardai, et voici, parut un cheval blanc.
Celui qui le montait avait un arc;
une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre.

- Apocalypse -


Juché sur son étalon immaculé, le jeune noble au teint d'albâtre et à la chevelure de feu couverte par un bonnet en pain de sucre noir, tira sans ménagement sur les rênes pour faire stopper sa monture. L'animal s'exécuta, mais il piaffa d'impatience.

Vêtu comme un prince et la mine dégoûtée tant par l'odeur ambiante que par la vue, le jeune homme observait le moulin cossu, les pans de bois de l'étage en encorbellement, le toit intact couvert de lauzes de pierre... et le jardin ordonné au cordeau. À l'un des angles du logis, il vit un grand arbre couvert de fruits qui viraient au rouge vif, malgré la saison avancée. Sur son tronc, l'on devinait encore des cicatrices laissées par un brasier intense, stigmate d'un vieil "accident".

La bouche fine et sensuelle du noble se déforma en un rictus plein de morgue. Il était assez délectable pour lui de faire le rapprochement entre l'arbre et son propriétaire... et il regretta que ce dernier n'ait pas été tout ars et réduit en poussière dans les flammes du bûcher, plutôt que d'être marqué au fer.

Les volets clos intriguèrent le jeune homme. Ses renseignements étaient-ils donc faux? Cela ne se pouvait...


- On peut vous y aider, Messer?

Le noble tourna les yeux vers la voix qui s'était adressée à lui, et son visage se déforma dans une grimace de dégoût absolu. Celui qui lui avait parlé était un jeune bouseux, quelques années plus jeune que lui sans doute, tignasse de paille mal coiffée, joues rubicondes et le nez constellé de taches de son.

- Les gens qui habitent ce moulin, où sont-ils, pouilleux?

Le garçon eut un mouvement de surprise, visiblement heurté par cette appellation.


- Aucune idée, Messer.

Il mentait... le noble le sentait. Ce n'est pas à lui qu'on la fait.

- Vraiment aucune idée, mais si vous y voyez, dites-y que Jeannot leur remet le bonjour.

Le jeune noble détourna le regard, il n'écoutait déjà plus. Il battit des paupières, très lentement, comme s'il cherchait à se remémorer quelque chose, puis, sans crier gare, il éperonna des deux. L'étalon blanc se cabra et hennit, puis ils se lança en trombe sur le chemin défoncé, jetant bas dans le fossé le malheureux Jeannot.

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[ça vient]
Rollin
Rollin battit d'un geste expert de son briquet d'acier le silex aux arrêtes vives. Un coup, puis deux. Il n'en fallait généralement pas plus. Un tout petit point rougeoyant naquit au creux de la pincée d'étoupe sombre qu'il maintenait du pouce contre la pierre couleur de miel. Étoile solitaire, minuscule, et pourtant tellement brillante. La lumière de l'espoir, simple promesse de réconfort à venir. Le Chambérien aimait tellement la magie de ce moment. Il transféra la braise dans le petit nid d'herbes sèches et referma délicatement ses deux mains, comme pour abriter un oisillon tombé du nid.

Dans le silence de la masure de la Ruelle derrière-les-murs, venelle insignifiante et anonyme qui longeait le puissant rempart occidental, il inspira profondément, marqua un temps d'arrêt... puis souffla, très doucement. Au creux de ses paumes la petite étoile dansa, se contorsionna comme un chat allongé qu'on dérange, puis s'étendit, dévorant les premières tiges sèches qui croisaient son chemin. Le Mestre reprit son souffle et expira une seconde fois, plus fort, encourageant l'étrange créature qui nichait dans ses mains. Il ferma les yeux. Au troisième souffle, il entendit l'herbe pétiller, puis siffler presque imperceptiblement.

Dans ses yeux couleur de nuit, les reflets orangés du feu à naître se reflétaient et étaient en tous points semblables aux langues mouvantes et voraces du brasier qui lèchent le ciel étoilé de la Saint-Jean.

Une flamme claire jaillit, qu'il déposa dans l'âtre comme on met un nourrisson au berceau.


* * *


Le menton posé sur ses mains aux doigts entremêlés, Rollin fixait les flammes, le regard perdu dans le vague. Au-delà du feu, au-delà de l'espace et du temps.

Dans le silence de la masure de la Ruelle derrière-les-murs, venelle insignifiante et anonyme qui courait d'une porte à une autre, lovée sous la courtine, le froid cru de l'hiver avait laissé la place à la douce chaleur du foyer réconfortant.

Dans le secret de son cœur et les méandres de son esprit, l'homme au visage buriné ressassait ses souvenirs, évoquait les êtres chers, revivait les joies et les peines.

Une bûche crépita, et une braise incandescente jaillit de l'âtre.

Tout, au-dedans, respirait la paix... tout, au-dehors, était silencieux.


* * *


L'odeur du feu de bois et le parfum un peu sec de la jonchée embaumaient la pièce, mais la plus délicieuse des senteurs les domina en un instant. Des effluves acidulées, fraîches et sucrées, tout à la fois, envahirent l'atmosphère lorsque Rollin posa une pomme d'orange évidée sur le manteau usé et poli de la vieille cheminée et qu'il alluma la petite mèche qui y trempait dans l'huile.

Dans le silence de la masure de la Ruelle derrière-les-murs, venelle insignifiante et anonyme qui serpentait doucement entre le palais des Ducs et la grand-place dominée par la Maison commune, traboule oubliée de tous, sauf d'un seul, la voix du Mestre s'éleva, douce et terriblement profonde en cette heure:

- Ma douce fille, c'est aujourd'hui le jour de ta sainte patronne... bonne fête, petite corneille aux yeux de perle... puisse le Très-Haut me dire ce bientôt où tu te caches avec tes frères.






Crédits: Photo - Ljd Rollin

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
Rollin
La Masure en la ruelle derrière-les-Murs, Chambéry, capitale du Duché de Savoie, dans la nuit du 24e au 25e jour de décembre de l'An de Pasques 1468.


Seul... Rollin était seul...

Comme souvent, il passait la nuit à évoquer ses fantômes et à leur faire la conversation, assis devant l'âtre où brûlait la flambée haute et claire. Dans le silence bienfaisant qui régnait entre les murs étroits, il n'entendait rien des réjouissances du dehors. Pour lui, il n'y avait que le crépitement du feu, le souffle sourd des flammes, et les voix qui peuplaient ses souvenirs.

Il repensa au Noël fameux qu'il avait passé dans ce modeste logis, entouré de sa Mesnie, et il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée... et sans doute était-ce le cas. Il revoyait distinctement la face rubiconde du Vieux-du-coin, son voisin, Viviand-le-Vieil, enfouie dans la neige de sa barbe broussailleuse, et les gestes énergiques et le premier véritable sourire que Colinet, vaurien des Chavonettes sauvé d'une mort certaine et atroce, avait esquissé. Près de l'âtre, il se remémorait les pépiements joyeux de Valentin dans son berceau, et les yeux gris pleins d'amour de la Perle d'Armavir... et son ventre rond abritant leur fille à naître, et ses sourires aimants.

Les rires et la joie. Voilà ce qui lui revenait à l'esprit.

Le Chambérien se concentra, essaya de raviver chaque détail, pour que ne s'efface jamais leur image. Il retrouva des odeurs, des chants, quelques mots plaisants... et parmi ceux-ci, une voix, celle de la jeune femme pour laquelle son cœur n'avait jamais cessé de battre...




Babushka vivait dans un village. Elle était toujours occupée à faire son ménage, épousseter, balayer, nettoyer, cirer...

Sa maison était la plus propre et la mieux rangée du village. Son jardin était magnifique et sa cuisine délicieuse.

Seul... Rollin était seul...
Et les mains du Chambérien se mirent à trembler, et son cœur s'emballa.




Un soir, elle était tellement occupée à faire son ménage qu'elle n'entendit pas les habitants du village discuter de la nouvelle étoile et la regarder dans le ciel.

Elle était très occupée, mais elle entendit quand même qu'on cognait à sa porte. Elle ouvrit. Il y avait là trois rois et leur escorte. Ils voulaient se reposer un instant chez elle.

"- Vous venez de loin", leur demanda-t-elle ?

"- Très loin", soupira Gaspard.

"- Où allez-vous ?"

"- Nous ne savons pas", répondit Melchior. "Nous suivons la nouvelle étoile qui va nous mener à un nouveau né, seigneur de la terre et du ciel. "

"- Pourquoi ne venez vous pas avec nous", ajouta Balthazar. "Nous lui apportons des cadeaux, de l'encens, de la myrrhe et de l'or. Vous pourriez lui apporter un jouet."

"- Je viendrai quand j'aurai fini de ranger. Partez devant. Je vous rattraperai."

Les rois partirent, regrettant qu'elle ne parte pas avec eux.

Elle nettoya tout pour remettre en ordre sa maison après le passage des rois et de leur escorte. À force de ranger, le matin arriva. Épuisée, elle décida de s'octroyer quelques minutes de repos avant de partir et s'endormit.

Quand elle se réveilla la nuit était déjà revenue.

Elle s'habilla en hâte, prit des jouets et partit à la recherche des rois. Elle les chercha pendant des jours et des jours.

Elle finit par arriver à Bethléem et fût très surprise quand, à force de se renseigner, elle finit par arriver là où les rois avaient eux-mêmes terminé leur voyage : dans une pauvre étable.

Là quelqu'un lui dit qu'ils étaient repartis dans leurs pays. Ils avaient parlé d'elle et regretté qu'elle ne les ait pas suivis. Elle le regrettait amèrement elle aussi, car elle avait manqué la rencontre la plus importante de sa vie.

Ainsi, chaque année, faute d'être arrivée à temps pour donner ses jouets à Christos, elle en distribue à tous les enfants sages…

Seul... Rollin était seul...

L'esprit en ébullition, Rollin ferma les yeux un moment. Un sourire tendre arqua ses lèvres pleines. Et plus encore que la voix, en cet instant, il se rappela exactement le regard mystérieux de sa bienaimée lorsqu'elle l'avait posé sur leurs enfants à la fin de son histoire.




Alors, si vous êtes très sages, je suis sure que Babushka passera vous voir, vous aussi…

Seul... Rollin ne l'était plus...

Dans le secret de son cœur, il entendit résonner le rire cristallin que Colinet avait eut ce soir-là, le tout premier qu'il leur avait offert, après une vie d'errance et de misère.









*Citation de la vieille légende russe de la Babouchka par feue ljd Yzalba, un soir de Noël en Savoie, il y a longtemps.

"Le souvenir, c'est la présence invisible"
in
"Philosophie prose" - Victor Hugo

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
Rollin
La Masure en la ruelle derrière-les-Murs, Chambéry, capitale du Duché de Savoie, au 15e jour de février de l'An de Pasques 1468.


On sonnait matines au clocher de Sainte-Nitouche, un seul coup, un seul... et nul autre clocher pour y répondre. C'était la règle, le Très-Haut avait ses prérogatives, mais les Citains de Chambéry tenaient aussi à leur sommeil. Une seule et unique note claire, donc, qui tinta distinctement dans le froid mordant d'avant l'aube. Un appel aux âmes pieuses, un rappel à celles dans le doute.

Dans l'écrin minuscule, mais tellement confortable de la masure qu'il occupait dans la Cité, Rollin veillait. Assis sur le rebord de l'âtre, il se chauffait le dos au lit de braises qui rougeoyait encore, peinant à mourir tant il avait été nourri pour réchauffer suffisamment l'intérieur. C'est que, en cette nuit, le Mestre avait de la visite... et pas celle à laquelle on pense dans la nuit de Saint-Valentin - il fallait d'ailleurs bien mal le connaître pour imaginer qu'il eut pu céder aux avances d'une autre que sa Mie.

Dans la pénombre de l'unique pièce, qui sentait bon la jonchée sèche et le feu, il fixait le lit étroit à moins de deux toises de lui. Ce lit où il avait tant de souvenirs merveilleux et terrifiants et où, sous un amoncellement de couvertures et un surtout de toisons de mouton assemblées, un tout petit visage pâle et inerte reposait dans l'abandon bienheureux du sommeil propre à l'enfance. Une face taillée dans l'albâtre le plus fin, presque translucide, qu'encadraient les spires délicates de mèches d'or pur étalées sur le traversin.

Rollin entendait un souffle régulier et esquissa un sourire. La fillette avait versé toutes les larmes de son corps, elle avait crié sa douleur, épanché sa colère, montré son désarroi face à ce qu'elle voyait comme une trahison... puis elle avait repris le dessus, montrant une maturité que le Mestre avait rarement rencontrée, même chez les adultes. Elle avait souri... et demandé asile, à lui dont elle était la filleule, en refusant son lit pour qu'il ne dorme pas sur une simple paillasse.

Elle avait rendu les armes avant même de franchir le seuil, endormie dans les bras de son parrain.


* * *


Vêtue d'une chainse d'Alix, sa propre fille qui était loin de lui, les pieds nus ballants par dessus le rebord du lit, la fillette aux yeux bouffis des larmes versées et de la fatigue endurée buvait une jatte de lait chaud au miel, tandis que Rollin lui démêlait patiemment les cheveux. Combien de fois avait-il dû peigner ses propres enfants et tenter de discipliner leur tignasse rebelle - c'était-là pour lui un geste de l'intime du quotidien, une marque de tendresse pour ses enfançons, et dans son esprit généreux et débordant de l'Amitié aristotélicienne, Dewan était désormais considérée comme faisant partie du nombre.

Le Mestre éclata d'un rire sonore lorsque la fillette se tourna vers lui pour répondre à l'une de ses questions sans importance, celles qui font le babillage du matin... une jolie moustache de mousse de lait dessinée sous le nez.


* * *


Des trilles de rire aux notes guillerettes jaillissaient vers le ciel et emplissaient l'air du Jardin du Verney de pures perles de joie alors que Rollin et Dewan se livraient une bataille de neige d’anthologie. Les joues rougies par le froid, le bout du nez transi, la fillette riait à gorge déployée... et Rollin ne put s'empêcher de repenser aux jours d'antan, lorsqu'il livrait bataille aux croés de sa Mesnie, là-haut dans les froides nèves de Courmayeur.

Il esquissa un sourire en croisant le regard rieur de la fillette et son visage empli de joie. Il lui avait promis une journée banale d'enfant banal... il lui avait donc offert un jour de liberté, loin de ses tracas, de ses doutes et de ses peines... pour une fois... un jour ordinaire d'enfant ordinaire.

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Co-Mestre de la Corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry, Intendant de la Mesnie des Sainctes-Eaux, Baron d'Arvillard
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