Samsa
- "C'est qu'tes yeux me rendent un peu bête ;
T'as emménagé dans ma tête." (Ycare - Pourvu que tu viennes)
La pichnette au nez la fait légèrement couiner de surprise et elle s'en frotte le bout de la main.
-Bon d'accord, je l'avoue, je ne la mets pas pardi. Je... j'ai peur de la perdre. C'est vrai té ! assura-t-elle en levant un peu les mains pour éviter de se faire pichnetter de nouveau.
Samsa portait des braies blanches par souvenir et symbolique, ce n'est pas une barrette verte à ses cheveux semi-roux qui la ferait techniquement renoncer, même si le style aurait dénoté. Elle craignait véritablement de la perdre parce qu'elle estimait ce cadeau issu d'un temps où Alcimane et elle n'étaient pas encore ensemble, où aucune ne savait, probablement, qu'un jour elles en seraient là, avec ces sentiments. Cerbère aimait sourire devant ces objets du passé qui avaient construit le présent, à se revoir dans ces moments tout en sachant la suite. C'est à la fois très doux et amusant. C'est précieux. Et c'est jalousement gardé.
A l'abri des capes, un instant de tendresse entre leurs doigts avant qu'elles ne cheminent vers l'appartement de Samsa.
-Quatre chiffres té ? ... Potentiellement neuf cent quatre-vingt dix-neuf mille écus ?! Même pas sûre que Samsa ait autant d'argent tout court, même en réunissant tous ses écus. C'est certain qu'elle n'en a même pas un dixième à Limoges. Faites attention, vous ; n'allez pas vous casser les doigts et déboîter le poignet en portant une bague trop lourde pardi.
Elle lui sourit en coin avec amusement et la regarde ralentir. Qu'est-ce que... ah, la crampe.
-Respirez, Monseigneur, et marchez. Cela fait partie de votre nouvel entrainement té ! Vous avez de très jolis mollets mais ils peuvent être jolis ET musclés ! Pour terrasser vos adversaires pardi ! Être plus rapide, plus agile, tout ça... !
Promis, je vous rattrape si vous vous évanouissez pardi.
Chemin faisant, avec ou sans couinement, elles avancent. Et parce que même les escargots les plus lents finissent par arriver un jour à la feuille de laitue, l'appartement de Samsa se dessine. Le bâtiment, du moins. La plupart des maisons urbaines de l'époque servent aux artisans et commerçants et, à Limoges, Samsa n'est ni l'un, ni l'autre ; ainsi, si elle est propriétaire du bâtiment au complet, loue-t-elle le rez-de-chaussée au commerce. Il faut passer par une porte voisine au commerce du rez-de-chaussé pour monter. L'escalier est assez étroit mais les étages sont grands.
-Après vous, Monseigneur. Prenez vos aises pour vous reposer de cette ascension !
Samsa la laisse rentrer en souriant et s'engouffre à sa suite, refermant derrière. L'appartement est spacieux mais, pour quelqu'un comme Samsa, il semble presque trop grand. A se demander d'ailleurs ce qu'elle fait des autres pièces, au-dessus et autour. Il donne tantôt sur la rue, tantôt sur la cour où se trouvent une petite écurie et sa réserve de foin. Alcimane l'a déjà vu, cet appartement plutôt dépouillé aux quelques cheminées, quoi que bien moins que celui de Tours, par exemple. Aucun meuble n'est superflu, la décoration est faite de tapisseries comme dans tous les lieux de vie de Samsa - et pas seulement parce que ça garde la chaleur. Chaque endroit semble avoir son thème : à Longny-au-Perche, le martial, réel ou légendaire, à Luzarches, le champêtre. A Limoges, la féodalité, la loyauté. Les tapisseries sont peut-être un des seuls - le seul ? - vrais luxes matériels et durables - exit le vin, donc - que Cerbère s'octroie.
De droite et de gauche, des coffres dans lesquels elle a probablement entassé des tas d'objets insolites, Samsa ayant une petite âme collectionneuse de l'insolite. A Bordeaux devait ainsi pourrir dans un tonneau de sel un authentique poisson d'avril de l'année 1461 ! Ainsi que des dattes, de l'orge... des tas de trucs inutiles mais plutôt sympathiques à dire qu'on les a. Dans un coin de ce qui doit servir de bureau ou de salon, un fût de bière entier dort paisiblement avec une rame adossée à lui - une rame ? Mais dans d'autres coffres, des pièces d'armure - et des cottes de mailles ! Pour remplacer celle que Samsa a laissé chez Alcimane ? -, des armes blanches, des boucliers. C'est dans sa chambre que Samsa se dirige pour s'agenouiller devant le coffre à côté de son lit. Clé est tirée de sous - dans ! - le matelas à peine surélevé du sol pour déverrouiller le cadenas du coffre.
-J'aime avoir ce que j'ai de précieux près de moi quand je dors pardi. Elle se redresse et tend la barrette à Alcimane en souriant avec un petit air tendre. Vous me la mettez ? Mais accrochez-la bien, hein. Dans son autre main, une bourse qu'elle soupèse, sachant déjà d'avance qu'il n'y a même pas mille écus dedans ; deux ou trois cents, tout au plus. Qu'est-ce qu'on peut avoir en orfèvrerie, pour disons... deux cent cinquante écus pardi ?
Un collier en anneaux de cotte de mailles, peut-être ? Version old school du collier de pâtes.
_________________