Son nom résonnait dans la vaste salle de l'office de l'église. Savin. Comme une sentence, une note désaccordée qui laissait place à un doute violent. La jeune fille observa l'homme qui venait lui faire face. Sa carrure aurait pu l'impressionner. Elle aurait pu fuir et laisser là les questions qui l'assaillaient. Pourtant, elle laissa ses prunelles voyager sur le visage mystérieux de l'homme. Qui était-il au juste ?
L'oiseau ne s'échappa pas, prête à affronter le jugement du Vaucanson, quel que soit sa relation avec sa famille. Il était proche de sa mère d'une manière ou d'une autre. Et s'il était là, c'était pour la jauger. Un sentiment de culpabilité prit de cours la petite Savin dont le seul défaut était sans doute de ne pas se sentir assez digne pour appartenir à une telle famille. La réalité, c'est qu'elle ne réalisait pas vraiment encore ce que cela signifiait. Elle avait toujours cette sensation que ce n'était qu'un rêve, même si elle l'avait vue réellement à son chevet pendant sa convalescence en Maine.
C'est le nom de mon père ...La voix douce s'élevait à peine, loin de trancher à la manière de Soldaar dans le silence absolu du lieu saint. Ses yeux auraient dû fuir la fascination qui naissait dans le cur de l'oiselle mais elle continua à arracher ses traits à la pénombre ambiante. Le jour baissait tragiquement à l'horizon des arbres entourant le prieuré.
Finalement, il lui répondit. Trop succinctement à son goût mais pouvait-elle seulement espérer plus ?
J'en suis ... heureuse.Oui, savoir que sa mère allait bien était un soulagement pour l'oiselle qui attendait de ses nouvelles depuis quelques temps déjà. Et bloquée à Eauze, elle ne pouvait pas se rendre en Gascogne comme elle l'aurait aimé. Le destin se jouait de la petite ondine. Elle qui avait toujours rêvé d'une mère, elle s'en retrouvait toujours éloignée malgré tout. Même en connaissant cette fois son existence.
Elle hocha la tête à la question du Vaucanson et détourna le regard, le cur serré si fort qu'elle en eut un geste vers sa poitrine, enlaçant le tissus de ses doigts. "Pas maintenant ..." supplia-t-elle au Très-Haut. Pourquoi fallait-il que son cur lâche à nouveau en cet instant ? Sa main chercha l'appui du banc et elle se laissa choir sur ce dernier, affaiblie par la crise soudaine de son corps capricieux.
Je ... je lui ai écrit ... quand je suis arrivée à Eauze ... Je n'ose ... Sa pâleur devenait inquiétante. Ses lèvres se muèrent dans un ton rose si pâle qu'elles en paraissaient presque bleutés.
Je sais qu'elle vit en Gascogne ... Profond soupire. Difficilement, ses doigts se dirigent vers sa chevelure de blé, dégageant cette mèche un peu rebelle qui retombe devant ses yeux, la guidant jusque derrière son oreille dans un effort surhumain tant son corps commence à la faire souffrir.
Je ne voulais pas m'imposer à elle ... Son regard se lève vers la statue d'Aristote qui fait face à la salle, dans toute sa splendeur et sa bienveillance. Combien de fois avait-elle prié dans des endroits comme celui-ci ? Cette fois, ce n'est plus d'Aristote dont elle a besoin, mais d'une mère ... une mère aimante, celle qui conseille un enfant sur ses choix de vie et qui veille pour que tout aille pour le mieux pour lui. Une mère qui comprend et encourage. Une mère que l'on aime plus que tout au monde.
Dans sa dernière lettre, l'oiselle espérait une rencontre avec cette famille qu'elle ne connaît et ne conçoit pas. De l'espoir au désarroi, il y a l'attente.