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[RP] À qui troublera le sommeil du Juste.

Astana
On l'a dit, Astana a les idées lumineuses. Elle voit de la lumière, même, lorsqu'il se saisit de l'écharpe de fortune pour l'enfiler bon gré mal gré, sans grande conviction apparente. La lumière s'éteint. En fait, t'as pas envie, c'est ça ? Tu préfères que ça s'aggrave ? Au petit jour t'auras l'épaule noire, parce que si ça se trouve, le sang ne circule plus. Si c'est possible. Je l'ai vu. Une fois. Résultat, on a du couper le bras. C'est con, parce que c'est utile un bras. Tu trouves pas ? Bon. Si le gars avait mis une écharpe, ç'aurait pas changé grand chose, puisque le raisiné passait plus, mais... Tais-toi, Astana. Éblouie par tant de gaucherie et de passivité réunie chez un seul homme, elle accourt - ou se traîne - à sa rescousse, non sans s'être entouré le minois d'un nuage grisâtre au préalable.

Arrivée à son niveau, la lueur revient. La danoise trouve judicieux de se mettre en tailleur, ce qui fait non seulement craquer son genou à nouveau, mais l'immobilise temporairement dans cette position. Partagée entre l'envie de se foutre de sa propre gueule et celle de se couper la guibole gauche pour n'être plus emmerdée, Astana opte pour la troisième option : gigoter un brin. Ce qui ne lui apporte rien, mais qui confirmera à Gerfaut, au besoin, que suivant l'heure, l'état de fatigue et la situation, elle n'a pas d'éclairage à tous les étages. Un mince sourire se pointe, elle ne le ravale pas.

Le linge lui est précautionneusement retiré des mains ; non pas qu'elle craigne un quelconque refus d’obtempérer de sa part, mais dans une optique plus sereine. Plus calme. Cherchant plutôt à se maîtriser elle-même que son vis-à-vis. À retrouver, peut-être, des réflexes vieux d'il y a sept mois. De leur complicité d'alors, il ne reste que quelques bribes hors de portée, enfermées derrière un visage aux châsses noires et une attitude lasse. Le nœud de l'écharpe à présent défait, le tissu paraît fatigué, usé aux extrémités ; que ses mains tentent de lisser, désormais mis à plat sur ses jambes. Le torchon est à l'image de leur relation présente : effiloché. Mais avant de lui enfermer le bras dedans, de le nouer à nouveau comme on referme une parenthèse, Astana appose index et majeur réunis sur chacun de ses poignets. Une pression, quelques secondes tout au plus de contact.

Pour sentir le cœur y battre.

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Gerfaut
Sa tempe toujours contre la pierre, Gerfaut n’a pas manqué de suivre les gesticulations d’Astana. Mais quoi qu’il en pense, cela n’apparaît pas. Tout juste se redresse-t-il à nouveau, quittant l’encoignure de la pierre tiède pour s’exposer un peu plus son profil droit au rayonnement de la cheminée alors qu'elle s'installe face à lui. Aucune résistance ne lui est opposée lorsqu’elle lui reprend le linge ; la fibre en glissant de la main en ouvre un peu la paume, et voilà tout.

C’est à croire que son corps, aussi relâché qu’il puisse l’être assis, s’était tout mis en sommeil. A l’exception d'un regard tourbeux qui la suit dans ses mimiques et mouvements avec cette attention curieuse et muette qu’ont parfois les nouveau-nés.

Alors, quand elle avance les mains vers lui, ne se manifeste aucune réaction apparente. A peine le double contact entraîne-t-il d’abord un léger repli réflexe des deux derniers doigts de sa dextre. Mais, cela ne tarde à ce que son visage brunisse de l’expression du sommeil trouble, et que sa main droite se retire en glissant doucement. Comme si c’était Astana qu’il ne fallait pas réveiller. L’autre main, elle, demeure ; jusqu’à ce qu’elle en ait terminé.

Ça pulse.
Astana
Ça pulse. Au même rythme. Tout va, Astana retire ses doigts.

Réjouis-toi, Sa Blondeur, tout ces cours à l'université n'ont pas été vains. Si la danoise avait effectivement étudié et enseigné là-bas, elle n'en causait jamais. Dans l'entourage, personne ne savait avec certitude d'où elle tenait ses réflexes mais ils laissaient faire. Il faut croire qu'à un moment donné, elle s'était rendue compte être douée pour les choses du corps ; bien plus que pour celles de l'âme. Ce qui ne sauverait probablement personne sur un champ de bataille, au milieu des coquelicots, mais ses survivants peut-être. Comme ils étaient tous ferrailleurs dans la smala, il en fallait au moins une qui sache où mettre le nez. Au pire, si elle vivait assez vieille pour cela, elle finirait soigneuse. Belle perspective de fin de carrière : après avoir charcuté des corps, les remettre d’aplomb.

Une mèche est remise en arrière par le dos de la sénestre, dont le pouce appuie sur la tempe en achevant le geste, tandis qu'elle se redresse. Membres lourds. Soupir intérieur. Le début du contrecoup de la fumette. S'appliquant d'abord à plier le torchon en triangle, Blondeur le fait ensuite passer entre le torse et le bras blessé, pointe centrale vers l'extérieur ; une extrémité part au-dessus de l'épaule droite, tandis que le reste demeure tassé sur ses jambes à lui. Il s'agit maintenant de joindre les deux bouts derrière son cou. Les jambes de la blonde se décroisent, basculent à droite pour qu'elle s'agenouille et prenne ainsi de la hauteur sur Gerfaut. Grimace, genou foireux contre sol dur.

Le reste de l'étoffe est passé devant son bras pour former l'écharpe, et lentement remonté vers la gauche. Se faisant, Astana guette une quelconque réaction pouvant indiquer que la situation devienne inconfortable pour lui. Cependant, l'homme demeure passif, comme absent du monde dans lequel il se trouve pourtant. Bientôt, les avant-bras de la danoise entourent son cou pour y nouer le tissu, veillant à ne pas s'appuyer à même ses épaules. Et si, par malheur, il lui arrive d'effleurer une joue ou un coin de nuque, elle surélève les bras de façon exagérée.

Et la parenthèse de se refermer sur la blonde, qui, tout en retirant ses mains, l'avise sans pour autant demander : « Vous allez bien ? ».

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Gerfaut
Un léger hochement de tête, quelque chose qui pourrait s’assimiler à un « Merci. » silencieux. Elle peut regagner sa place. Et tandis qu’elle se réinstalle – chaudement – , lui quand même bouge un peu. D’abord, il imprime un léger pivot à son crâne, à droite trois secondes, à gauche tout autant. On devine le dérouillage de cervicales. Puis, sa main libre vient tâter l’ouvrage d’Astana sans accrocher aucun mauvais pli ; tout juste tire-t-elle un peu l’étoffe autrement sur son épaule droite pour une répartition plus confortable du poids. On l’entend enfin prendre une inspiration lente et profonde. Et il demeure ainsi, assis en repos droit, observant danser les flammes.

A portée de peu, Astana s’est remise à son aise, autant que possible lorsqu’on s’aménage au sol des coussins de couvertures. Dans l’âtre, un lit de braises a commencé à se constituer.

La nuit peut finalement commencer à finir.



Il avait dit qu’il ne dormirait plus, et il ne dormira pas. A gestes économes, régulièrement, il aménage et alimente un foyer de peu de flammes ; car il n’est besoin que de braises tant ils en sont proches pour en percevoir la chaleur, et comme Astana doit dormir, l’absence de flammes privilégie la pénombre. Ainsi le bois nourri leu feu, qui alimente les pensées de Gerfaut. Parfois, celui-ci déporte son regard sur la blonde, brièvement, façon de s’assurer que.

A quelque moment, il se lève pour s’éloigner, à gestes aussi mesurés que l’invitent son corps perclus et son souci de ne pas troubler le silence. Tintement d’une petite marmite à anse, clapet rugueux d’un couvercle de bois, clapotis liquide, clapet de bois encore, puis d’un autre métallique cette fois. Sans surprise, à son retour, il charge la crémaillère. Quelques minutes plus tard, ça fera de la tisane.

A quelque moment – était-ce après ou avant ? – , Astana s’est assoupie. Ce que laissent en tout cas suggérer ses grisailles voilées, son souffle régulier, l’immobilisme de son corps. Ainsi la sage image alimente-t-elle les pensées de Gerfaut, qui parfois, déporte son regard sur le feu, brièvement, façon de s’assurer que.

A quelque moment enfin, on ne saura quand exactement, l’objet pesant, long et fin sur la table dans sa toile aura quitté son emplacement.

Petit à petit, étouffé à travers les cloisons de pierre, la porte et les volets de bois, le silence de la nuit laisse place aux sons furtifs de l’heure bleue. La terre s’éveille discrètement pour ne pas troubler si tôt le sommeil de ses habitants. Et bientôt, la lumière grise d’un jour d’automne s’insinuera sous le seuil de la porte et par l’interstice des battants de volets.

A l’intérieur, pour Gerfaut, la nuit n’en finira pas là de mourir. C’est une autre sorte de grisaille qui lui annoncera le jour.
Astana
Au petit jour, alors que les oiseaux se sont déjà tus, Astana s'éveille d'une nuit calme et sans rêves. Les châsses grises s'ouvrent sur une pénombre que les rais de lumière ayant filtré de la porte et des volets peinent à transpercer vraiment. Mains et épaules tressaillissent de concert, la nuque imprime un craquement lorsqu'elle est inclinée vers l'avant. Lentement, les deux pattes montent au visage qu'elles massent de haut en bas avant de s'enfuir par les côtés, pour en chasser les restes de sommeil qui engourdissent encore partiellement sa conscience. Goût âpre dans la bouche. Mal-être physique et profond, comme un lendemain de gueule de bois. Dieu que le retour au monde est douloureux. Les marques noirâtres à son cou ne sont pas les seules séquelles visibles de la veille. T'es blanche à faire pâlir les morts, Sa Blondeur.

Nous sommes demain, et plus tard il faudra chevaucher vers les terres d'Anjou. Cette seule pensée suffit à lui arracher une grimace équivoque. Maudite sois-tu de t'être pointée ici la veille d'un départ en guerre. À quelle fin ? On sait que t'as le sens de la catastrophe bien ancré dans le palpitant et la carafe, mais là on tend quand même plus vers le fiasco qu'autre chose. À la vérité, derrière la rudesse de l'attitude, Astana est la plus sanguine de la famille, et de la même manière qu'elle s'était radinée ici sans penser aux conséquences, elle s'était barrée de Toulouse un beau jour d'avril. Un raclement de couvercle à sa gauche la tire de sa réflexion, en même temps qu'une main munie d'un bol trouble son champ de vision.

Gerfaut et ses eaux chaudes.

La danoise tarde à s'en saisir, ferme les paupières tout en pivotant d'un quart de tour dans sa direction. Lorsqu'elle les rouvre sur lui, elle incline la tête en guise de remerciement et s'empare enfin du bol pour y tremper le bout des lèvres. La première gorgée est dure à faire passer, mais salvatrice ; elle réhydrate une gorge asséchée par les effets de la nuit. Pour autant, une démangeaison reste accrochée au niveau de la glotte, désagréable saloperie qu'elle tente de noyer à l'aide d'une deuxième lampée. À peine cette dernière est-elle avalée que le ventre se comprime et que démarre la complainte des poumons. Dans les premiers tremblements, la tisane a dangereusement tangué hors du bol pour lui brûler doigts et poignets. Ce qui entraîne une réaction de Gerfaut, dont on ne saura dire s'il est plus intéressé par l'intégrité physique de son bol ou de la danoise, mais qui le récupère en tout les cas avant qu'il ne puisse valser plus encore.

Les jambes sont montées d'elles-mêmes au créneau sous son menton, bras gauche mis en cache devant sa bouche. Libre alors aux poumons de se déchirer là, dans le creux de son coude. La crise qui ne dure qu'une longue minute a des airs d'éternité. Ouais, c'est long soixante secondes à se faire écorcher l'intérieur sans pouvoir rien y faire.

Bonjour.

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Gerfaut
Il lui en a connues de pire. Mais pour ce qui semble être une reprise d’entrée de saison froide, cette crise est déjà violente. Las, il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre. Cela, Gerfaut sait faire et n'a plus à le démontrer. Aussi ne se détourne-t-il pas, restant auprès d’elle assis de pair à même le sol et le bol en suspens à bout de bras. Dans l’opacité de son regard qu’Astana a appris à déchiffrer parfois à force de le côtoyer, elle pourrait aisément déceler une pointe de souci si elle-même n’avait pas les grises floues.

La crise passe, elle tend la main, il lui remet le bol.


« Celle-ci est de votre recette. Je vous en fais aussi de l’autre. »

Puisqu’elle est occupée à l’avaler d’une traite, c’est qu’elle n’a rien à y redire. Quand bien même, Gerfaut l'aurait-il laissée en discuter ? Lorsqu’elle achève, il lui reprend obligeamment le bol séché et se lève pour le remplir à nouveau. Il lui faut pour cela ouvrir de sa seule main droite le paquet de toile enduite qu’il lui a remis dans la nuit mais le reste ne prend guère de temps. Assez vite, il s’agenouille devant elle avec une tournée fumante de flotte aromatisée.

Le temps qu’elle descende ce second bol, lui va pour ouvrir l’un des deux contrevents qui obturaient le jour pâle ; le plus éloigné d’eux, mais aussi le plus exposé à l’est. Par les ouvertures dans la maçonnerie, la lumière se déverse alors accompagnée du froid. Astana en demeure protégée par la bulle de chaleur autour de la cheminée, et Gerfaut la rejoint bientôt, sans s’asseoir pour autant. Il vient s’arrêter en appui debout contre le bord de table.

Le jour les révèle autrement. Hors l’écharpe qui lui orne le torse et une mise débraillée qu'on lui connaît peu, les traces de la nuit sont discrètes sur l'homme. Les contusions du vilain coup qui lui a été porté au menton se camouflent dans un poil qu’il lui suffira de porter plus long une ou deux semaines, et la tache violacée qui a fleuri sur son flanc des résultats d’un poing perçant se garde d’elle-même des regards. Astana en revanche est immanquablement marquée à la gorge, de façon d’autant plus saisissante que sa peau est blême. Le responsable contemple sans détour ses meurtrissures tandis qu’elle achève de s’éveiller. Puis, quand elle lui semble tout à fait alerte, il revient s’agenouiller auprès d’elle et de l’âtre, à la place qu’il a tenue toute la nuit. Et tout en satisfaisant à l’appétit du feu :


« Vous ne devriez plus trop tarder à rejoindre votre famille, maintenant. »
Astana
- « Ma fille. Il faut. »

La réponse laconique trahit une gêne que la danoise n'a pas l'air prête à remettre sur le tapis à nouveau, mais qu'il doit deviner pour l'avoir déjà entendue. Gêne d'évoquer Johannes qui n'a plus été vu dans les parages depuis des longes, qui est peut-être mort dans un fossé ou tout simplement plus heureux ailleurs. Johannes et ses coins, ses chaises, ses brins de marjolaine et ses châsses noires. Johannes. Moins deux doigts. Sept mois mis au profit du deuil de son mariage, pas de l'homme. Astana est une veuve qui s'ignore encore. Alors, aller retrouver sa fille. Oui. Gosse longue aux tifs dépigmentés et aux châsses noires. Aussi. Retrouver une innocence vraie l'espace de quelques heures, se soumettre à l'examen sérieux d'une enfant qui vérifiera que sa mère n'a rien perdu en route, comme elle avait pris l'habitude de le faire. Mentir, lorsqu'elle demandera d'où viennent les ecchymoses qui n'étaient pas là hier en fichant le doigt dessus. Mentir ?

- « Vous avez un... »

À dextre, la main monte à son cou, le presse légèrement. Un quoi ? Un col ?

- « Non, laissez tomber. »

Tu broderas, Sa Blondeur.

La grisaille se perd quelques instants dans la cheminée et le rougeoiement des braises, revient ensuite se poser sur Gerfaut pour un examen de surface. Les mains sont arrimées à ses cuisses pour ne pas provoquer un contact dont il n'a pas l'envie, mais nul doute qu'elle s'est elle-même trahie lorsque la main droite a quitté sa gorge pour s'avancer et se raviser en retombant lâchement. Soucieuse, elle liste mentalement les bleus qui doivent paraître ici et là sous les vêtements, avise l'écharpe maintenant le bras blessé d'un air critique, avant que ne se pointe une ébauche de sourire. Ils doivent avoir l'air con.


- « La prochaine fois, tâchons de ne pas faire ça la veille d'un départ en guerre. »
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Gerfaut
Il a attendu qu’elle termine sa phrase, elle lui a dit de laisser tomber. Alors comme elle, il s’est tourné vers le feu. S’il est conscient de l’examen visuel de la blonde, il ne semble pas chercher à s’y soustraire. Pendant ce temps, il s’est improvisé d’une branche un tison dont il enduit distraitement la pointe noircie de cendres. Mais son geste demeure en suspens sur le dernier mot de la danoise, et il lui lance un regard bref.

Une bulle de sève éclate – il doit y avoir un peu de résineux dans ce feu.

Gerfaut a reposé la branche en coin sous l’âtre, parmi un faisceau égal de bois moyen en réserve. Puis il s'est tourné franchement vers Astana.

« Il n’y aura pas de prochaine fois. »

Le jour s’est levé. Nous sommes le matin du vingt-cinq octobre. C’est l’automne. Il n’y aura pas de prochaine fois.


« Je dois aussi pouvoir vous trouver un non-laissez-tomber. Vous n’aurez qu’à me le rendre au départ pour l’Anjou. »

Sans précipitation, il se déplie. Quelque part dans cette demeure, il y a un coffre contenant quelques effets, et Gerfaut a une sœur qui lui a parfois confectionné quelques lainages. Ironie du sort qu'après s'être écharpés, ils se quittent tout deux en écharpe d'un genre différent. Celle d'Astana contre le froid et les regards, choses dont elle aura grand besoin de préserver sa gorge pour les heures à venir.
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