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[RP] Soirée grise de lendemains rouges.

Gerfaut
Saumur, base avancée royalistes en terre d’Anjou, bat du plein des soudards à leur dernier soir d’oisiveté. Quelque part dans ses murs, un rade vide répondant au nom de La Résistance se fait fort de réserves pleines d’alcool moins désormais une bouteille, et dans une rue attenante, Astana et Gerfaut marchent côte à côte s’en éloignant. Elle donne la direction, il donne le pas ; celui-ci est soutenu, mais elle a l’allonge pour suivre. Tous deux se sont couverts contre le froid et l’humidité qui remonte des bords de Loire comme la nuit tombe. Les brumes blanches de leurs respirations s’y meurent, autant que l’écho discret de leurs semelles sur le pavé.

La récente nouvelle de la reprise des combats pour l’aube prochaine n’est pas étrangère à leurs humeurs mitigées.

Mais depuis le précédent croisement, Gerfaut a progressivement modéré son pas. L’allure est à présent moins soutenue, quoique toujours volontaire. Il s’est ménagé l’espace de souffle nécessaire à prendre la parole, et sans surprise, c’est lui qui rompt le silence.


« Astana, j’aimerais savoir ce qui vous poussera demain à partir vous battre. En fait, ce qui vous a toujours poussée à partir vous battre chaque fois qu’il a fallu. »
Astana
À sa question, Astana ralentit nécessairement le pas, d'une part pour l'aviser autant que pour réfléchir à la réponse à donner. Il n'y en a pas une, mais plusieurs, qui ne se valent pas toutes. Dans la froidure de la nuit, Sørensen enfonce le menton dans son col, et la main qui ne tient pas la bouteille, plus profondément dans sa poche.

- « Ni le goût du sang, ni la mort donnée. »


Quelques pas encore, un tournant à droite.

- « Certaines fois l'argent, d'autres fois une cause et plus rarement le devoir. Comme c'est le cas ici, envers Maleus et Siméon. »


Haussement d'épaules et longue inspiration avant de lâcher ce qu'elle considère être le gros du morceau. La partie la plus personnelle de la chose.

- « C'est une chose à laquelle je suis rompue. Parce que j'y suis tombée jeune et que j'ai toujours fait cela. Avec les années, je crois simplement que cela me permet d'apprécier à leur juste valeur les moments qui suivent ou précédent. Comme notre échappée dans le Nord. »

Disant cela, la grisaille se porte sur son voisin. La question brûle, mais la danoise n'a pas oublié l'opacité de Gerfaut en matière de réponses fournies à des questions directes.

- « Vous en revanche, qui étiez mon obligé et ne l'êtes plus, il me semble peu probable que vous ayez décidé de risquer votre peau pour rester aux côtés d'un borgne et d'une danoise tout ceci parce que vous les appréciez, même s'il y a une part de vérité là-dedans ; d'autant que vous préférez les légumes à la ferraille. Alors... je m'interroge. »
_________________
Gerfaut
Et la grisaille se portant sur le voisin rencontre brièvement son tourbeux en retour ; encore qu’il y paraît plus noir que brun dans l’obscur défilé des venelles. C'est une raison suffisante pour ramener son attention visuelle devant soi. Suite à quoi, peut-être Gerfaut hoche-t-il la tête, peut-être s’emmitoufle-t-il aussi davantage dans son col, toujours est-il que le mouvement s’accompagne de quelques mots.

« C’est bien amené. »

Silence. Mais quelque chose dans le ton relevait plus de la concession que du point final. Et de fait, après un instant de réflexion, il développe.

« D'abord, ce fut la lettre de votre cousin, m'y demandant si je souhaitais l’accompagner en Anjou. Elle m’est parvenue, j’étais à deux jours de rentrer sur Limoges d’un voyage au cours duquel j’avais très sérieusement commencé à remettre en question ma certitude de vous voir revenir un jour et de pouvoir vos botter le train. Sa demande m’a fait l’effet d’un dernier devoir à vous rendre – vous l’absente – et d’une belle occasion de défouler sur d’autres tout ce que je vous réservais, avant de passer à autre chose. »

Ce n’est qu’une moitié de réponse, mais Gerfaut se réserve un temps de silence avant de poursuivre.

« Puis la donne a changé, à tous les égards. »

Un second temps s’impose de lui-même. Difficile d’avancer qu’il dure davantage : le temps est tellement élastique aux circonstances.

« D’abord, mon obligation s’est rappelée à moi. Ensuite, vous m’en avez délié. Alors, qu’est-ce que je fiche ici : ma réponse demeure identique. L’un et l’autre, je vous apprécie bien. Vous avez cependant raison de pointer que ce n’est qu’une part de vérité. Je vous apprécie davantage que lui, au point que le verbe est certainement mal choisi pour en exprimer la mesure. Retenez-en seulement que je vous préfère aux légumes, et que je n’ai pas l’intention de vous laisser passer l’arme à gauche sans avoir tenu la mienne au même champ de bataille. C’est ridicule à tous points de vue, surtout pour la différence que je ne fais pas, mais je m’en fous. Vous y êtes, j’y suis ; au moins pour le temps que ça durera ici. »

Cela, résonne davantage comme un point final. Quelques mots y succèdent encore, comme en épilogue.

« L'existence apporte déjà son lot de crasses sans besoin d’aller au devant de jours tels que demain pour apprécier le reste à sa juste valeur. Et il n'y a pas de fatalité. Pensez-vous y renoncer un jour ? »
Astana
T'as raison. Je suis plus causante qu'un légume, plus colorée aussi. Non. T'es blanche et violette, Sa Blondeur, comme un navet. Aime-t-il les navets ? Est-ce que Sørensen sourit ? Peut-être bien. Difficile à dire dans l'obscurité, ou de part la truffe planquée sous une couche de tissu épais. Il est possible qu'elle sourisse à demi des yeux, sans qu'il n'en prenne la pleine mesure. Si elle trouve hypocrite de dire que la donne a changé récemment, seulement il y a quelques semaines, elle n'en dit mot. Tandis qu'il se livre et qu'ils s'enfoncent dans les rues saumuroises, les châsses grises se portent sur les façades ombrées des bâtiments, qui prennent appui les uns contre les autres à mesure qu'ils pénètrent dans le cœur de la ville. Comme ils croisent bientôt un groupe de soudards avinés, elle déterre une problématique d'intérêt plutôt que de répondre immédiatement à la question posée.

- « Cela pose la question de vos projets une fois cette guerre terminée. »

Le groupe les ayant dépassé et le calme revenu, la grisaille se porte au-dessus de l'épaule. Mauvais itinéraire. Astana pile net, retenant par la gauche un bout d'étoffe à portée de main. D'un mouvement de tête, la danoise indique qu'il leur faut reculer pour prendre sur leur gauche. Ils ne sont plus bien loin, à présent.

- « J'arrête déjà la moitié de l'année, difficile de faire mieux sans raison valable. Je sais que vous n'entravez pas grand chose à mes motivations, mais pourquoi est-ce qu'un cultivateur de légumes arrêterait de faire ce qu'il sait faire, alors que la santé est encore de son côté et que son dos supporte toujours l'ouvrage ? Sans compter la famille dudit cultivateur, qui cultive également. Et qu'ils se voient ainsi tous les jours que Déos fait. »

Elle gonfle la poitrine en inspirant, consciente de l'explication fort foireuse qui n'explique pas grand chose sinon qu'elle se considère toujours - faussement - en pleine santé et pas prête à raccrocher. Deux ou trois foulées sont nécessaires à la simplification du propos, plus sincère.

- « De la même manière que vous êtes là, aujourd'hui, pour moi. Je le suis pour Maleus, sans limite de temps. »

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Gerfaut
La nuit bruit de clameurs sourdes, répercutées dans les angles des ruelles, sur les tuiles des toitures. Comme Gerfaut n’a rien ajouté aux dires d’Astana, on n’entendrait plus qu’elles en bourdonnement de fond persistant s’il n’y avait aussi leur talonnement. Celui-ci a d’ailleurs progressivement repris en allure, et ce n’est pas du fait de la blonde ; c’est que sans atteindre le degré qu’il soutenait en sortie de taverne un peu plus tôt, son voisin a tout de même allongé la foulée.

Mais ils n'étaient plus bien loin, tout à l'heure. Ils le sont encore moins désormais.

Pris dans l’élan, et dans quelque pensée sans doute, il ne s’arrête pourtant pas où elle-même a ralenti avant de s’immobiliser. Est-ce faute d’avoir été prévenu ? Elle lui aura sans doute signalé l’arrivée mais il n’aura pas entendu – ou pas voulu entendre – et cinq grands bonds les séparent lorsqu’il s’interrompt à son tour. Un regard par-dessus son épaule, un autre vers le prochain croisement, l’enfilade de tous les prochains croisements de cette ville aux contours cependant finis.

Là-haut, une lune presque entière se voile.

Gerfaut revient posément sur ses pas.


« N’avons-nous que votre bouclier à récupérer, ou comptez-vous vous attarder davantage. »
Astana
- « Je ne sais pas vous, mais personnellement, je n'ai rien de mieux à faire. »

Le temps qu'il parvienne à sa hauteur, Astana lui tourne déjà le dos, occupée à déverrouiller la lourde porte. La clef joue dans la serrure pour en débloquer les rouages, mais elle ne cède pas d'un pouce ; refusant toute entrée à sa propriétaire. Sans doute l'humidité aura-t-elle fait gonfler le bois. Alors, Blondeur frappe du bout de la botte dans le coin inférieur droit. Une fois, deux fois, jusqu'à ce qu'elle s'ouvre à la volée, faisant ricocher un fracas entre les murs de la piaule.

- « Venez. »

Qu'elle balance par-dessus son épaule sans l'attendre. Odeur d'antre inhabitée aux coins vides, de bois gondolé et de poussière mélangés. Quelque part dans la pénombre se découpe un bout de table visible, où la danoise pose la bouteille empruntée au rade précédent, se saisissant après coup d'un chandelier qu'elle colle d'autorité entre les mains de Gerfaut.

- « Donnez-nous de la lumière, si vous ne souhaitez pas que l'on s'attarde. »
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Gerfaut
Gerfaut, dans la piaule, avec le chandelier.

Demeure interdit tandis qu’elle s’aventure plus avant dans les lieux qui lui sont familiers. Donner de la lumière.


« Je n’ai pas mon briquet. »

Et sur le même plan où l’instant d’avant Astana s’est déchargé la main, lui repose aussi l’objet. Mais sa délicatesse est sans commune mesure. Son mat d’une table qui tremble sur ses pieds, suivi de peu d’une dégringolade de bouteille ; le récipient fait connaitre sa chute sans pour autant se briser, avant d’achever son périple dans un roulis sourd. Autour du pied métallique, Gerfaut desserre sa prise, et va pour passer brièvement la main à ses tempes. Il reprend sur un ton moins abrupt.

« Mais. Je vous allume ça. »

Soit qu’il trouvera ce qu’il faut, soit qu’elle le lui procurera – n’a-t-elle pas toujours de quoi fumer sur elle ? - , la pièce s’éclaire bientôt de la lueur faiblarde de trois bougies granitiques. Une odeur âcre de fine poussière brulée se diffuse dans l’atmosphère froide tandis que Gerfaut les pousse en centre de table. Après quoi, il recule vers l’encadrement d’entrée pour examiner la porte. À l’évidence, le bois a vécu car le tranchant du battant déborde désormais d’un cheveu sur l’huisserie, et sauf nouveau coup de latte ou d’épaule, il ne fermera plus.

Alors, appuyé dans l’encadrement et tourné vers le dehors, Gerfaut laisse ouvert.
Astana
Bah c'est ça. Vas-y. Dis-le si je t'emmerde, surtout.

Sørensen adresse une œillade torve au dos ainsi présenté, tout en s'abaissant pour récupérer la bouteille qu'il n'a pas pris soin de sauver. À sa chute, la blonde a d'ailleurs aspiré l'air entre ses dents serrées, et en exagérant un chouïa on pourrait même dire qu'elle aurait pu s'en faire péter l'émail. On connaît l'attachement de la danoise pour le pousse-au-crime ; et plus encore quand la gnôle s'avère une des seules rescapées du pillage des rades de Saumur par les soiffards logés sous le Lys. Les soudards, s'ils ne mourraient pas d'ennui durant la campagne, crèveraient probablement d'un état de manque.

Cependant qu'elle se dirige vers une étagère pour y prélever deux godets, elle dit au râble :


- « Faites-moi plaisir. Le jour où je calancherai, si vous êtes dans les parages, faites donc une entorse à vos principes et buvez un coup. »

Deux godets dans lesquels elle souffle une fois revenue vers la table branlante, où elle passe un bout de manche, et qu'elle remplit de rincette. Le premier, Astana se l'envoie directement dans le gosier puis ressert, ne touchant guère au deuxième ; qui restera posé sur un coin de planche. T'as le cafard, Sa Blondeur ? Tiens, reprends un verre. Il n'y a pas que la guerre qui lui en met gros sur la patate. Mais on n'est pas là pour les petites confidences autour d'un verre, puisqu'il n'a rien à boire.

- « Alors, si j'étais Athelstan, où est-ce que j'aurais planqué le Caladre ? »

Qu'elle pense à voix haute à la lueur des bougies, repoussant du pied un tas d'étoffes à moitié bouffé par les rats.
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Gerfaut
Le temps passe et le silence demeure, ponctué seulement des froissements de la blonde qui se déplace ci et là. Il y a aussi les discrétions d’un cul de bouteille ou d’un godet qu’on sert et qu’on repose. Gerfaut s’est retourné. L’image sur le son. La silhouette sombre et mobile d’Astana en quête de son bouclier, le contour incertain de mobiliers divers, trois flammèches qu’appelle l’air de la nuit par la porte grande ouverte.

Fracas retentissant, bref mais puissant.

Les trois flammèches vacillent, pour se redresser plus droites qu’avant ; Gerfaut a forcé la fermeture du battant d’un violent coup de pied.


« Va pour l’entorse. »

Ce disant, il s’invite dans les lieux.

« D’ici là, ajoutez à mon refus de la boisson mon irritation à vous voir vous y livrer. C’est nouveau, là, ça vient de m’apparaître. Probablement parce que je ne vous ai pas vue grise depuis un certain soir de printemps dernier. »

Ses doigts courent sur un meuble poussiéreux, il revient vers la table, où sa main enveloppe le second verre posé rempli dans un coin.

« Pour moi ? Vous n’avez pas besoin de ça, Astana. »

Il le garde néanmoins en main, contourne le meuble jusqu’à le reposer toujours plein à côté de son pair vide, s’avance encore jusqu’à confronter la danoise.

« Même sobre, je vous désire. »
Astana
Avis de sinistre par la porte.

Tempête sourde dans la carafe, les tempes et le palpitant. Aux mots et à l'approche, Astana n'esquisse aucun mouvement de repli vers l'arrière, mais croise les bras à hauteur de poitrine. N'avait-ce pas commencé ainsi, ce certain soir de printemps ? Par une confrontation du même acabit, répondant à une frustration de ne pas savoir lire celui qui lui faisait front ? Par un regard s'étant éternisé un à deux battements de trop dans le gris et le noir ? Cette nuit, si les châsses s'attardent, c'est qu'elles cherchent plutôt à déterminer dans quelle mesure il est résolu à envoyer valser sa propre résignation, à elle.

Si la réponse tarde, c'est qu'elle envisage foule de scénarios. Il y a celui où elle bute sur un mot et dit : « Le désir a tendance à s'estomper vite » ; cet autre où le ricanement nerveux se ménage une place de choix assorti d'un joli : « Vous vous foutez de ma gueule ? » ; un énième, encore, où Maleus apparaît avec une Conduite de poche tandis qu'ils s'étreignent, pour sermonner toujours ses choix qu'il juge mauvais ; celui, aussi, qui le laisse planté là avec le poids de sa déclaration pour n'avoir pas su le lui dire plus tôt ; et puis il y a celui où elle affirme :


- « Je l'ai su. »

L'étreinte cadenassée délivre bientôt ses mains, qu'elle place alors en étau sur chacune de ses joues, débordant un peu sur la nuque. Sans forcer. Le geste parle de lui-même.

- « J'irrite beaucoup, et panse peu sans éclaircissements. Alors, ne le soyez pas. Ou si vous l'êtes, j'aimerais autant connaître les raisons derrière. Les vraies. Sans avoir besoin de vous les arracher. »

Fatiguée de faire semblant, et de courir direction nulle-part, Blondeur.

- « Acceptez-moi plutôt. Grise, blanche ou bleue. »

... avec les coins, les chaises et les post-scriptum.
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Gerfaut
Ce n’est qu’une tension rapidement estompée, qu’elle a pu sentir lui parcourir la nuque au premier contact de ses doigts. S’il restait encore un peu du teint maussade qui lui rembrunissait l’humeur et les traits, un instant derrière ses yeux scellés – un, deux, trois – suffit pour que le voile achève de se lever, en même temps que Gerfaut reprend graduellement pied dans cette réalité où Astana lui fait face et le touche.

L’élasticité du temps.


« Vous usez d’un mot pour un autre. »

A elle, ses coins et ses chaises ; à lui ses mots, avait-elle dit. Y reconnaissait-elle par là la pauvresse de leurs refuges respectifs ? Dans un mouvement doux de dénégation, ses lèvres sont venues effleurer le bord d’une paume gauche. Paupières mi-closes, il y demeure le temps d’une inspiration à peine, avant que ses mains ne se portent en superposition des danoises…

« Soit. Je vous accepte, dans toutes les couleurs que vous me faites voir. »

… les invitant sans brusquerie, ni délicatesse excessive, à céder prise.

« Cela s’est imposé de soi-même. »

On aurait cru entendre un « mais » muet en introduction du dernier propos, dont le ton indéterminé balance entre l’aveu conclusif et le départ d'un regret. Son regard rompt à celui d’Astana vers l’espace qui les sépare et où il a recueilli les mains blanches dans les siennes. Une brève pression, avant l’abandon au vide.

« Mais je ne voulais pas venir sur ce terrain… Et je ne veux rien ajouter de plus avant Limoges ; avec la promesse qu’alors, vous n’aurez rien besoin de m’arracher. Jusque là, j’aimerais mieux que nous nous passions de mots, et de ce genre de gestes. À votre tour : l’acceptez-vous. »
Astana
Souffler le chaud et le froid.

Saisir Gerfaut dans tout son relief demeure hors de portée. C'est comme chercher à retenir de l'eau entre ses mains en coupe, vous croyez avoir réussi, un temps, avant que de minces filets ne s'échappent et laissent inexorablement vos mains trempées, mais vides. Ce qu'il donne de l'une, il le reprend de l'autre. Astana n'aime pas, non, les caresses à rebrousse poil. Hérissée, elle recule d'un pas, trahissant un réflexe auto-défensif.


- « Non. »

À dextre, on ressert un verre. Peut-être l'alcool servi à l'aveuglette déborde-t-il à droite à gauche sur la planche.

- « Mais vous ne semblez pas me laisser le choix. »

Observant son vis-à-vis, la danoise écluse dans une tentative de faire passer son amertume revenue.

- « Si c'était pour en arriver à cette conclusion, vous n'auriez pas dû le dire. »

Adieu, l'apaisement premier. Sørensen se redresse pleinement, épaules vers l'arrière, pour le toiser. Roide, et fermée.

- « Je pensais que vous auriez écouté lorsque j'ai dit, à plusieurs reprises, ne plus vouloir faire semblant. On ne s'engage pas dans un tel propos pour ensuite demander à ce qu'il soit remisé aux oubliettes de façon temporaire. C'est profondément égoïste. »

Sans doute verra-t-il l'esquisse d'un geste négatif de la tête avant qu'Astana ne lui tourne le dos et file vers le fond de la pièce. En chemin, elle terminera son verre dont elle se déchargera sèchement sur le pieu. Et de commencer alors la recherche du Caladre, qui lui, est moitié moins chimère que des aveux sitôt repris à ses yeux.
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Gerfaut
« Gardez-vous de reproches. »

Début d'orage dans le timbre de voix. Mais rien ne vient de plus, et Astana a filé sans qu’il l’ait retenue. Lorsqu'il se meut, c'est vers sa gauche, pour reboucher la bouteille. Puis il récupère le gobelet jeté sur le lit qu’il va reposer à sa place initiale, à côté de l’autre toujours plein. Demeure le coin de table détrempé de vin ; comment remédier à l’épanchement ? Tout ne retrouve pas sa place aussi facilement qu’un bouchon ou un gobelet, une fois versé. Ou Gerfaut serait bien moins en peine.

Contemplatif de cette tache sombre, il s'adresse à elle comme en pensées formulées à voix haute. Nul doute qu'elle l'entendra, si elle le souhaite.


« Vous avez raison. J’aurais dû ne rien dire, et ayant parlé, ne pas vous demander de l’ignorer. Mais vous avez tort de croire que je ne vous laisse pas le choix. Si j'avais ma préférence, je ne vous ai pas ouvert un choix vain. »

Est-ce d’une rainure du bois, ou du plan en légère déclivité : le rouge commence à goutter en bordure. Gerfaut a fait un pas de côté, épargnant ses chausses de tâches et s'ouvrant vers elle dans le même mouvement.

« Alors, nous n’attendrons pas Limoges. Et s’il faut que ce soit maintenant, ça le sera. Pouvons-nous seulement tenter de ne pas en faire une bataille ? Demain viendra bien assez tôt. »
Astana
À la place de chercher vraiment, c'est plutôt un grand ménage qui prend place sous les yeux de Gerfaut. Non point de printemps, mais de presque hiver. La blonde ouvre et ferme des coffres qui ne pourraient, de toutes façons, jamais renfermer l'écu ; envoie sur les couvertures des objets divers, allant du bol au poignard en passant par la pipe, de la marjolaine séchée qui se désintègre à moitié entre ses doigts ; tout ce qui traîne à portée de main et lui permet de laisser retomber autant le sang que les nerfs.

- « Habituellement, les gens se confessent à l'aube d'une bataille. Pas après. Mais vous n'êtes pas, les gens. Et continuez à m'échapper en tous points. »

N'est-ce pas ? Tandis qu'elle se passe une main sur la nuque, Blondeur ordonne ses pensées, prenant pleinement mesure des propos prononcés jusque ici. Comme il est venu, l'orage se retire peu à peu. Un soupir discret perce.

- « Coupons la poire en deux. À vous, je laisse Limoges et vos promesses. À moi, accordez la possibilité d'instants francs et sans cal... »

Dégringolade d'objets métalliques embusqués dans le réduit. C'est tout juste si Astana a le temps d'esquiver l'éboulement bordélique. Peut-être Sørensen a-t-elle crié, interrompant-là sa phrase, mais ses propres esgourdes tintent encore du tapage imprévu. Du pied, elle repousse gardes et lames entassées, pour aviser d'un peu plus près ce qui tient encore à la verticale dans l'espace aménagé. La face blanchâtre du Caladre se fait voir, qui égaye un brin celle de sa voisine immédiate. L'expression qu'offre la danoise à Gerfaut en se retournant peine à contenir sa satisfaction première.

- « Hrm. M'aideriez à le sortir de là avant que je ne reprenne la liste où elle s'est arrêtée ? »
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Gerfaut
En venant vers elle, il ramasse quelques uns des objets envoyés à valser, en pousse quelques autres du pied. Le tout forme un petit tas qui désencombre à peine l’endroit. Peine perdue ou conscient d’autres priorités, Gerfaut ne s’y est pas attardé.

Tant pis pour le froid, puisqu’il aura besoin d’une grande liberté de mouvement. De la cape dont il avait déjà largement écarté les pans, il se défait complètement sur un dossier de chaise. Il faut à présent enjamber le fatras de ferrailles effondrées, et dégager ce qui gêne encore l’accès à ce bouclier qu’Astana a tant à cœur. Si Gerfaut s’interroge ce qui la motive à remiser chez elle de quoi décemment équiper trois sections d’armée, il ne le fait pas savoir en tout cas. Il y en a tant et tant qu’au fur et à mesure que le réduit est méthodiquement libéré, Gerfaut se charge au bras droit d’une gerbe d’aciers semblable à un bouquet de pointes et de tranchants. Est-ce ainsi qu’on se donne aux yeux de la danoise des airs de galant ?


« Je crois que vous avez maintenant l’espace pour œuvrer. »

Tout encombré de ses poids, il recule pour s’en décharger dans un cliquetis de métaux sur le coin de table encore propre – au passage, il en pousse encore du pied. Les trois vieilles bougies en y jetant de rares reflets donneraient presque l’effet d’une pièce un brin plus illuminée.

« Que doit valoir cette poire pour vous en rassasier de la moitié seulement... »

Les bras fermés autour des côtes et appuyé sur la table, le propos retient Gerfaut pensif ; à moins que ce ne soit la contemplation de la blonde et du motif de son bouclier dont les teints clairs contrastent dans la pénombre.
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