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[RP] Soirée grise de lendemains rouges.

Astana
Il y a de la retenue dans le gestuelle d'Astana à extirper le Caladre du réduit. Une précaution singulière et curieuse, qu'elle maintient en naviguant parmi les pointes d'acier jusqu'au moment de s'agenouiller et de le poser au sol, à un endroit libre de tout encombrement. Les doigts courent bientôt sur le motif frappé, y accrochent une couche de poussière sombre. Le souvenir de la Champagne, d'heures moins grises et plus irlandaises flotte en surface, et peut-être la danoise cède-t-elle un croisant à la nostalgie avant de l'enfouir à nouveau. De cette époque, Sørensen ne souhaite plus rien et s'est progressivement délestée de tout rappel matériel en un seul endroit. Ne demeure plus que la rature à sa clavicule, guère effaçable mais moins criarde à mesure que les années passent. La dernière esquisse de caresse au piaf albinos aux propriétés thaumaturges a des airs d'adieu, tandis que la blonde se déplie pour aviser le songeur.

- « Suffisamment cher pour la partager avec vous. Ainsi, rien n'est perdu. »

Un instant, elle offre son profil à vue pour se saisir d'une hache de lancer, légère en main, dont elle ne fait encore rien.

- « Vous ne voulez pas de bataille. Je m'efforce de vous rencontrer à mi-chemin, quand bien même le terrain me soit inconnu. »
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Gerfaut
« Je ne le connais pas mieux. Mais d’accord : je couvrirai l’autre moitié du parcours, et si je crois l’avoir fait mais que vous ne trouvez pas au bout de votre mi-chemin, rappelez-moi d’avancer encore. »

En appui de son propos, un regard calmement déterminé. Ainsi considère-t-il la blonde aux yeux gris, que la nature a dotée en hauteur de ce qui lui manque en formes – et de fait, Gerfaut lui cède aisément un pouce, peut-être même deux – , avant d’éparpiller son attention sur les alentours jonchés d’objets diversement échoués.

« Je n’ai plus tant envie de marcher, à présent. Alors à moins que vous ne teniez toujours à vos propres projets… Rangeons éventuellement, ramassez votre bouclier, et essayons de rouvrir cette porte pour rentrer au campement ? »
Astana
- « Une minute. »

Dit celle qui s'étire vers le haut, gagnant là une hauteur supplémentaire, venant presque chatouiller les poutres de l'acier en main, avant d'enjamber le Caladre. Vers Gerfaut. À sa mine, il décèlera le même air qu'elle avait eu lorsque, très au nord d'ici, elle lui avait fait dire quelque atrocité à une poissonnière dans sa langue paternelle. Sørensen a l'idée en embuscade, et si elle frôle son bras - à dessein - ça n'en est pas moins pour se saisir du verre, plein, encore logé sur la planche. Les châsses ne dévissent pas de celui qui lui fait toujours face, tandis qu'elle écluse le contenu du godet.

- « Je suis à vous juste après. »

Pour la porte. Ou le reste.

Considérant une dernière fois Gerfaut, patient dans son impatience, elle se défait du verre et repart en guerre au centre de la pièce. Peut-être y met-elle plus de formes qu'elle ne devrait, embarquée dans une de ces histoires qu'elle seule peut entraver, pour en détenir toutes les clefs, mais l'instant est précieux. Aussi prend-elle le temps d'essuyer la hache de lancer contre l'étoffe de son mantel, et d'effleurer le tranchant du pouce. Un bref moment de flottement précède le coup qui fend l'air, net, pour venir décapiter le Caladre sur l'écu de mauvaise facture, à la base de sa tête. Et Astana, toute auréolée de sa gloriole éphémère, de laisser plantée la hache où elle est tombée, et de justifier son acte par un simple mais sincère :


- « Je m'affranchis de mes boulets. »

Il y a comprendra ce qu'il voudra. Ou ne comprendra pas, d'ailleurs.
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Gerfaut
Conserver son flegme apparent demande un peu de maîtrise de soi, et beaucoup de confiance en la danoise, lorsqu’elle se dirige vers vous avec ce genre d’air là. Gerfaut étant assez versé dans l’art de ne rien dire, ne guère bouger, ne rien laisser deviner mais n’en pas moins penser, s’applique à ne faire que l’observer, tandis qu’elle l’effleure au bras tout en le vrillant au regard – messages contradictoires ?

Elle se retourne et il croise les bras, comme en geste défensif un peu tardif. A moins que ce ne soit une expression de curiosité posée et quelque part consciente qu’une histoire se joue présentement dans l’esprit de la blonde.

Après le geste, sans doute Gerfaut avance-t-il quelques hypothèses. A l’évidence, il ne fait pas bon compter parmi les boulets d’Astana. A noter aussi qu’elle vous décapite sans prévenir ce qu’elle semblait chérir l’instant d’avant. Mais peut-être qu’elle n’aime plus les oiseaux blancs ? Ou qu’il lui faut du temps pour tourner certaines pages. Impossible toujours de déterminer celle qu’il retient ; l’homme étant assez versé dans la manière de ne rien dire, ne guère bouger, ne rien laisser deviner mais n’en pas moins penser, s’applique encore à ne faire que l’observer. Cependant, peut-être cette fois-ci lira-t-elle une pointe d’interrogation muette à sa façon de la détailler. Car il faut bien accorder à la danoise de savoir saisir certaines nuances d’expression dans l’opacité de Gerfaut, désormais.

Mais il baisse finalement les yeux sur le Caladre d’abord, le foutoir ensuite, avant d’expirer longuement.


« Allons-y. »

Et de se diriger vers la porte.



Cinq minutes plus tard, après s’être vainement escrimé sur la poignée qui pour cause d’ancienneté a fini par se démonter en main en manquant de l’envoyer à terre :


« Mmh. ...Par la fenêtre ? »
Astana
Bénies soient les poignées de n’être pas des chaises. Et les chaises de n’être pas des poignées. Auquel cas Gerfaut aurait passé un sale quart d’heure, sinon mois tout court, à se voir rabâcher l’esgourde ô combien il était scandaleux de faire preuve d’une telle violence envers des êtres si parfaits, et Sørensen faisait déjà preuve de mansuétude en lui passant sa drôle de préférence pour les tabourets. Ainsi, louées soient les poignées de n'être pas des chaises aux yeux de la blonde, qui avise désormais l'objet en se gondolant légèrement. Le rire lui chatouille les côtes tandis qu'il remonte dans sa gorge, et bientôt, Gerfaut se voit offrir le tableau surréaliste d'une Astana hilare, en totale roue libre, ne cherchant pas une seconde à se maîtriser pour sauver les apparences.

T'as raison, fends-toi la poire, Sa Blondeur, vrai que c'est toujours poilant d'être enfermé à l'intérieur.

Sont-ce les nerfs qui ont finalement lâché ? Ou l’allégresse cumulative de l'alcool, de sa révélation et d'un fer au pied en moins ? Peut-être y-a-t-il une once de moquerie à son adresse, aussi, de le voir ainsi puni d'avoir voulu refermer la parenthèse trop tôt. Demain la guerre reprendra, alors pourquoi t'es si pressé d'éclater la bulle pour manquer te faire trouer la carne ?

De la fenêtre à Gerfaut, de Gerfaut à la fenêtre. Entre deux éclats, elle parvient à aligner :


- « Vous d'abord. »

Éventuellement, l'euphorie se tasse et finit par mourir entre ses lèvres, ne demeure alors qu'une larme au coin d'un œil - peu importe lequel - qu'elle n'essuie pas. Un élan vers lui s'estompe aussi, presque en même temps que le rire, et l'arrête à portée de souffle. Comme elle marque un temps d'arrêt, il aura tout loisir de douter, de retenir son souffle, ou d'accuser un mouvement de recul. Mais la blonde s'en carre. De ce qu'il pense, qu'ils sortent par la porte démise de ses gonds ou par la fenêtre, même de Limoges. Demain, la guerre reprendra.

- « Vous m'emmerdez. »

Les mains viennent accrocher son col, suivies par une paire de lèvres plaquées sur les siennes. Le baiser ne dure guère. Mais il dit ce qu'il a à dire. Les doigts relâchent l'étoffe comme ils sont venus, et Sørensen de se rabattre près du carreau sitôt l'étreinte nébuleuse achevée, ne manquant pas de lâcher :

- « C'est pas grave. Je vous le rend bien, il paraît. »
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Gerfaut
L’a-t-elle déjà fait instinctivement reculer ? Non. Gerfaut ne s’est jamais retiré devant Astana que de sa volonté consciente. Ce soir, elle ne s’exprime pas en ce sens ; et c’est Astana qui finalement se détourne.

Un jour viendra où Gerfaut se lassera d’être spectateur des autres et de lui-même, mais ce jour n’est pas aujourd’hui. Il a trop versé dans toutes les façons de ne rien dire, ne guère bouger, ne rien laisser deviner mais n’en pas moins penser, pour en revenir si facilement. Mais au moins pour cette fois en pense-t-il peu dans son immobilisme, distrait – troublé ? – un instant par le goût de griserie appliqué à ses lèvres. Puis au sol un tintement de métal rugueux, lorsque sa main lâche la pièce de métal brisé qu’elle détenait encore – comme s’il n’y avait pas suffisamment de bric et de broc à côtoyer les poussières. En quelques enjambées, il l’a rejointe. Rien de brusque dans ses manières, au contraire.


« Je vais vous emmerder encore, ne m’embrassez plus pour me tourner le dos ensuite. »

La suite s’accompagne d’un geste de la main pour replacer à son front une mèche blonde prétendument indisciplinée.

« Mais comme vous dites : ce n’est pas grave, vous avez à m'en rendre. »

Le geste descend à sa tempe et s’attarde un peu le long de sa joue, en lui dessinant d’un trait dans le coin gauche le prolongement du rire qui l’a saisie plus tôt. Comme en écho, on voit Gerfaut se laisser aller à son tour à une ombre de sourire, en conclusion de l’instant passé, ou par anticipation de celui à venir.

« Moi d’abord par la fenêtre, disiez-vous aussi. Soit. »

Cela ne lui demande que deux minutes de temps pour s’escamoter aussi peu ridiculement qu’il est possible par le cadran, à croire qu’il aurait de l’entraînement en la matière. Notablement, il ne s’appuie ni ne s’équilibre franchement de son bras gauche dans ses mouvements. Sa cape qu'il a jetée en chevauchement du rebord de fenêtre, il la laisse encore pour le passage d'Astana. En attendant, et désormais dehors, il projette brièvement son regard vers les deux extrémités sombres de la rue avant d’adresser à mi-voix à celle encore dedans :

« Soufflez vos bougies en partant. »
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