Jhoannes Autun, journée ordinaire dune proie quasiment innocente.
La nuit dernière, le blond sest endormi la joue contre une lettre.
Aux premières lueurs de laube, il a relu la lettre, deux fois.
Trois fois.
Ensuite, il est allé boire une tisane avant daller senfoncer dans la mine de fer du coin.
En sortant de la mine, il a relu une nouvelle fois la lettre.
La écrasée entre ses mains, à sen péter les jointures, pour en faire une boule pleine dangles.
La balancée dans un buisson de ronces sur le chemin du retour.
Est revenu en arrière pour ramasser la lettre.
La relue encore, entre ses pattes égratignées et ses ongles noirs.
A secoué la tête.
Est passé au marché, acheter de quoi faire une tourte.
Est rentré chez lui, une queue de citrouille dans une main, la lettre dans lautre.
A posé la courge près de lâtre, et p
Non. Non. Pitié. Si je dois me cogner cette lettre encore une fois, je te jure, je prends le contrôle et je nous fous de la chaux dans les yeux.
Mais cest une lettre damour
Cest une promesse de destruction.
Ce qui reste une promesse
Tas des problèmes. On ta déjà dit, que tu avais de gros problèmes ?
Cest une lettre dont le contenu annonce, en tout cas, que quelque chose va arriver. Johannes/Jhoannes est donc au courant que quelque chose va survenir, à un moment donné dans lespace et le tissu du temps, quelque chose qui dévoilera sa nature pendant sa manifestation, mais pas certainement pas avant. Ce qui fait beaucoup dinconnues, en fin de compte.
Quand on a une dague suspendue au-dessus du crâne par un fil, et quon sait quun couillon va forcément se ramener avec une paire de ciseaux, parce que cest écrit dans les étoiles, mais quon est pas féru dastrologie, ou simplement sceptique, deux extrêmes sont envisageables : se méfier de tout, ou décider de sen foutre.
Valeur : dès que le blond en aura l'occasion il appuiera sur le gros bouton rouge au-dessus de la consigne : Je men tamponne bien les rouleaux.
Solution temporaire : faire une sieste.
Jhoannes Tiré du sommeil par un rire de gosse, quoi de plus merveilleux ? Sauf quand on est vraiment claqué. Jhoannes est vraiment claqué, et en plus il a la nausée daprès-sieste, comme une boule de gras dans la gorge. Et en plus du plus, faut retourner bosser dans des boyaux noirs qui puent la terre pourrie, quon y voit que dalle, quon se pète les côtes et quon sy gèle bien sec.
- Chiotte.
Toux rauque.
Enfiler botte droite.
Enfiler botte gauche.
Toc toc toc.
Un instant, visiteuse, visiteur, qui que tu sois, que je passe mitaines à mes mains. Mes moignons de doigts sont des petits frileux, et les premières gelées dhiver approchent à grand pas. Et puis avec le recul ça fait moins con, davoir deux doigts en moins dans une mitaine, que deux doigts de gant vides qui pendouillent comme un vieux zgeg.
TOC TOC TOC.
- Cest bon merde, jarrive !
Incroyable. Les gens nont plus aucune patience. Ils veulent toujours tout, tout de suite, à disposition, dans un plat dargent. Sauf que le blond, là, lest pas dhumeur service de table et petites serviettes. Désolé, ou pas désolé. Je suis grognon au réveil.
Ouverture de porte, le bras tordu vers larrière, tentant de gratter ce foutu point inaccessible dans son dos. Y a des jours comme ça.
- Quoi ?
Sourcils un peu froncés.
Pourquoi il fait soudain face à un roux avec un lutin sur ses épaules ?
Pourquoi il connaît sa tronche au roux ?
Attends, cest quoi lembrouille ?
Cest quelque chose, je crois.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Athelstan.
Chut. Chuuuuut. Shhht.
Les deux se bidonnent comme deux bouffons en entendant le blond derrière sa porte qui se radine en jurant. Enfin, il y a une mignonne, très mignonne, bouffonne. Et un grand, très grand, bouffon. Lorsque la porte souvre sur Johannes, Athelstan se pince le nez entre le pouce et lindex pour ne pas rire. Loupé.
- « Salut ! », quils disent à lunisson.
Hazel dévoile une bouche pleine de dents de lait à son père. Il en manque deux. Une incisive en bas, et une canine en haut. Elle gigote sur les épaules dAthelstan, qui ne capte pas tout de suite le signal. A la place, il envoie un pouce en l'air dans le vide derrière eux avec plus ou moins de discrétion. Il sait la danoise à portée de mirettes.
- « Ha, vous vlà ! Rho, on a failli pas vous rtrouver, dites. Le coup du nouveau prénom qui sonne pareil mais pas tout à fait, cest vachment bien ! Zavez eu des soucis avec les autorités ? »
Pour tout dire, le roux sen tamponne grave, mais grave, de la réponse. Cest pour meubler. Dautant que ça gigote sévère à létage du haut. Et soudain, ça le frappe. Ça le percute tellement fort quil en écarquille les yeux : si ça se trouve, cest parce quelle a envie de pisser quelle se tortille autant. Le roux sempresse de faire redescendre Hazel, priant le Dieu unique mais aussi tous les autres dieux qui existent sur cette foutue planète pour ne pas se faire mouiller. Redescendue, lenfant fonce droit sur son père. Han, c'était pas pour... Ben nan. C'que t'es con.
- « Bon. Ben vlà ! Jcrois que les présentations sont plus trop nécessaires. »
Si ? Jpeux y aller maintenant ?
- « Ppa ! Cest qui quest mort ? »
Jhoannes Les sourcils sont toujours un peu pincés, et la bouche sest entrouverte, mais aucun son nen sort. Une belle tête de vainqueur.
Il a un blanc.
Et puis deux trucs noirs. Attends, ce sont mes yeux, ça. Cest à moi. Quest-ce quil font sur le visage de cette enfant ? Par quelle diablerie ? Pourquoi elle a mes yeux ? Pourquoi elle me sourit ?
- Ha, vous vlà ! Rho, on a failli pas vous rtrouver, dites. Le coup du nouveau prénom qui sonne pareil mais pas tout à fait, cest vachment bien ! Zavez eu des soucis avec les autorités ?
Rien entendu. Nada. Bouillie de mots.
- Ouais cest ça, les autorités ouais
Pourquoi elle fonce vers moi bordel ?
Putain, ils sont passés où les murs ?
Je maccroche à quoi ?
Les jambes lâchent, le blond se retrouve à croupetons. De loin, on pourrait même croire que cest voulu de sa part.
Non non non ça va trop vite, tu avances tr!
SCHPLONK.
Une gamine dans les bras, réelle, et un coup cosmique dans lbide, ressenti.
- Ppa ! Cest qui quest mort ?
- P
papa ? quil répète dans un filet de voix tout pété. Mort ?
Hazel pointe lindex direct vers une forme floue près de lentrée. Alors, cest qui quest mort ?
Sauf que présentement papa ne peut pas parler, il a écrasé sa bouche contre son poing fermé pour pas que ça sorte, mais il sent bien que ses yeux sont rouges, quils piquent, et que ça risque de séchapper par là.
Cest à cet instant que le blond est sauvé par la découverte de sa première leçon parentale : une fois que ton rejeton a posé une question, il lâchera rien tant que son appétit de réponse ne sera pas satisfait. Rien.
- Cest qui quest dans la tombe ?
Ah, la tombe ?
La tombe.
Oui.
- Bah cest
cest Bernard.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana Pouce en lair. Olé-olé.
Astana quitte le bout de mur sur lequel elle avait logé léchine et jette son trognon de pomme tout marronnasse par terre. Cest open-bar. Servez-vous, les fourmis.
Elle fait un pas en direction des retrouvailles de famille. Puis deux.
Pas encore trois.
Quest-ce que tu fous, Sa Blondeur ? Viens on y va !
Le saignant loupe un battement lorsqu'elle observe Johannes enlacer sa fille. La leur. Et puis il se serre. Fort. Comme si quelqu'un avait fourré une main dans sa poitrine pour venir presser tout le sang de son palpitant et en faire une bouillie dégueulasse.
Demi-tour gauche. La danoise rebrousse chemin et va s'arrimer à son mur plein de pierres froides. Froussarde, va.
Nerveuse, la patte de droite tâte un objet calé dans l'une de ses poches. Un truc fait de bois avec un trou au milieu. A côté, dans une pochette, du chanvre.
- « Il me faut du feu. »
Pardon ?
Un. Deux. Trois. Inspire. Expire. Par le nez, puis le ventre.
La danoise se refait une contenance.
Hazel pointe du doigt la pierre tombale devant la garçonnière de son père. On dirait qu'elle pose des questions, mais Astana est trop loin pour entendre quoi que ce soit. Elle voit simplement les lèvres de Johannes qui bougent. Sa barbe a pris en niveaux de gris. Un. Deux. Trois. Sørensen s'élance vers le trio d'un air résolument déterminé. Un. Deux. Trois. Les cannes ne flancheront pas. Elles ont connu pire. Un-deux-trois. Elle fonce maintenant, et les dépasse même. Sans un mot. Deux paires d'yeux noirs qui la dévisagent. Une seconde de trop dans les châsses de Johannes-moins-deux-doigts. Aïe. Un-deux-trois. La blonde est à l'intérieur maintenant et localise la source de chaleur.
Vite. Du feu.
Jhoannes Cest dingue, quil pense.
- Cest qui Bernard ? Cétait ton ami ?
Je peux tembrasser la joue ? Oui. Daccord. Il est parfait cet arrondi de joue. Comment cest possible ? Tas des sourcils aussi ? Ils sont tout clair. Puis ils bougent. Des sourcils mobiles : les fenêtres de lâme des gens quont un pieu émotionnel rentré dans le derrière. Trop pratique, les sourcils qui bougent. Cest dingue. Dingue.
- Non, il est mort il y a très longtemps, Bernard. Cétait un vieux monsieur.
Vieux comme le monsieur de Ribe ? Cest qui, le monsieur de Ribe ? Je suis censé savoir, ça ? Y a combien de choses que jai loupées ? Et puis pourquoi tu restes dans mes bras comme ça ? Tas lair contente. Tu veux pas lui en vouloir deux minutes, à papa ? Parce que papa, jusquici, cétait plutôt papa-pas-là. Cest dur, davaler de la tendresse gratos quand on sattend à des reproches, ça fait des petits trous dans le cur.
- Et dans la boîte jai mis des cailloux à la place
Des cailloux ? Cest bien les cailloux, faut juste savoir distinguer les bons des mauvais. Jpeux te serrer fort comment, dans mes bras ? Cest trop là ? Jai la trouille, tes une brindille. Jose pas. Jpeux fourrer le nez dans tes cheveux ? Cquils sont fins aussi
On dirait des fils de soie de petite araignée. Et je sens un crâne en-dessous. Il a lair rempli. Cest dingue. La couleur par contre
ta mère. Ouais.
Ah
quand on parle du loup.
Une danoise passe.
Bonjour ?
Non ?
Bah entre.
Fais comme chez toi Martine, hein.
Il sapprête à lancer une pique de fond de tiroir à la reine-mère, mais Hazel, garde-fou malgré elle, son regard planté dans le sien, lui coupe la chique direct. Bah non, on va pas insulter maman quand même.
Ouh, ça risque dêtre chiant, ça.
- Entre aussi si tu cailles trop, quil lance au roux.
Tas gagné la médaille du stratège de guerre le plus nul du royaume.
Hein ?
Je peux toffrir un décryptage
elle a envoyé léclaireur, avec lappât. Bien évidemment, tas mordu à l'hameçon. Et là madame vient de percer la mêlée, à laise, en trottinant sur le pont-levis, et tu dis rien, donc autant inviter toute la clique, hein, tant que ty es
- Papa ?
- Oui ?
- On va voir les arbres ?
- Mais oui. On va voir les arbres. Tu mattends dehors, je vais chercher ma cape.
Traversée dans le panache de fumée que vient de relâcher Astana. Il ramasse sa cape dun geste sec, histoire que le tissu claque dans lair pour quelle pige quil est pas super fan delle, là tout de suite maintenant. Puisque tu veux pas me regarder. Oh et tiens, si. On va quand même soffrir un petit coup d'il, non ? Parce que tu viens quand même de la mettre à l'envers, et bien profond, alors faudrait pas rater l'occasion de fêter ça.
Dun mouvement lent, le blond se cale bien en face de Celle-qui-fut son épouse, et courbe la nuque pour placer ses louchons en ligne directe de la grisaille danoise. Arrête de regarder par terre.
Allo allo ?
Tas déjà vu un regard noir lancé par des yeux noirs ?
Cest du noir sur noir.
Tu reçois le message là ?
Hochement de tête.
- Plus tard.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana - « Cest ça. »
A tout de suite.
Sørensen accuse un ricanement dans son nuage de fumée. Tu reviens ? Bah oui, tu vas revenir. Tu vas pas laisser passer une si belle occasion de me cracher des saloperies à la tronche, maintenant que jme suis invitée. Sans dire bonjour. Aujourdhui on a du public. On commence à être populaires, mon gars. Peut-être que tu parleras en langage codé pour protéger les innocentes oreilles de notre enfant. Comme dans tes lettres pleines de sous-entendus foireux. Sinon tu vas mignorer. Tu sais bien faire, ça. Ou alors, peut-être que tu feras tout claquer et grincer pour bien montrer que tes en colère. Que ten as gros, très gros, sur la patate. Mon pauvre chou.
Deuxième ricanement. La blonde enfume encore un peu la pièce, observant Athelstan qui a commencé à prendre ses aises en se posant sur un vil tabouret près du foyer. Lorsquil commence à se déchausser, la danoise fait claquer sa langue contre son palais.
- « Non. »
- « Quoi, ça sfait pas ? »
- « Déjà, non. »
Pas plus que de pas dire bonjour.
- « Mais tu vas peut-être devoir partir vite. »
- « Avec la ptite ? »
- « Sil le faut, oui. »
- « Pigé. »
Ils opinent tous les deux dun air entendu. Si jamais la baraque flambe sauve-toi avec Hazel dans les bras, barre-toi en sauvant les meubles, pierre tombale comprise sauf les tabourets. Quils crament. Nous ? On s'débrouillera. T'inquiètes. La danoise s'est rapprochée des flammes pour y mettre de leau à chauffer parce quelle est tombée sur un bol et que tiens, après la fumette jai un peu la pâteuse, tu vois. Et puis shydrater, cest important. Il lui reste quelques miettes de pulmonaire quelle fiche dans leau pour que ça infuse. Calme. La blonde refile sa pipe à l'anglais qui s'enfume sans demander son reste. Astana souffle sur la surface de l'eau, bol entre ses mains. Le calme avant la tempête.
Jhoannes Extrait des nouvelles du siège, dans le château mental de Jhoannes, tenues par le dévoué Caillou :
[...] Les troupes ennemies ont encerclé la forteresse avec une efficacité terrifiante. Jintuite quils avaient déjà plusieurs longueurs davance sur nous. On a rien vu venir. Le premier assaut a été lancé dans laprès-midi. Net et précis. Ces ordures ont catapulté un gros boulet, ouvrant une brèche au nord de la citadelle - Ô mais quel glorieux boulet, lumineux boulet, enfant-boulet ! Linfanterie a pénétré dans lenceinte. Avons subi trop de pertes pour les bouter hors des murs, ai décidé de poster des unités à cheval pour empêcher tout repli. Quon les enferme et quon les enfume ! Bien que pour lenfumage, ils semblent vouloir sen charger eux-mêmes. Une boîte dans une boîte, une lettre dans une lettre, un siège dans un siège. Je suis le général Caillou, et je tremble. Prions pour nous.
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La menotte de sa fille tenant sa mauvaise main, il prend lair en quête darbres, puisque cétait le but officiel de cette petite balade. Des arbres ? Facile. Tiens, regarde, en voilà-un, darbre. On sapproche.
- Un hêtre ?
- Tout bon.
Il est nul ce hêtre. Marchons encore un peu. Silence.
- Cest quoi les grains jaunes sur la feuille ?
Penchons-nous sur cette bonne question.
- On dirait des ufs.
- Des jaunes dufs !
- Toi aussi tétais un jaune duf.
- NON
Si si. Enfin, je vais pas entrer dans les détails de la recette, mais cest quasiment vrai. Il y a eu un autre jaune doeuf avant toi, mais celui-ci on la cassé un peu trop tôt, un peu trop cru, au bord de la casserole. Faut croire quon avait pas tellement faim à lépoque.
Hazel fait rouler son index sur les bidules ronds, ignorant sans doute quelle est en train de traumatiser une portée entière de bébés insectes. Elle en écrase un entre ses doigts, pour voir ce que ça fait, et sil y a des choses plus intéressantes à lintérieur. Pas vraiment, en fait. Feignant dêtre absorbée par le résultat de ses observations, elle balance une question qui la travaille depuis quelques temps.
- Pourquoi maman elle est triste quand elle parle de toi ?
- Parce que
je crois que je lai blessée.
- Tu las tapée ?
- Non !
Mais je mens.
Une gifle, une fois.
Juste une, mais une quand même.
- Tu disais des choses méchantes ?
- Cest ça.
- Pourquoi ?
- Tu sais, cest pas toujours évident à expliquer, les trucs de grands.
- Je suis pas bête.
- Non. Je sais.
- Maman non plus, elle est pas bête. Elle est belle aussi.
- Oui.
Et folle.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana A l'intérieur, Astana commence à trouver le temps long, avec son eau chaude. Son bol n'est plus rempli qu'à moitié.
Comme Athelstan qui s'est perdu dans la contemplation des flammes, la blonde se perd dans son infusion.
Requiem pour une eau chaude : ô tes volutes de fum-
- « Maman ! »
Rien.
Sa fille vient de débouler à toute vitesse dans la pièce, mais Astana n'a pas quitté son eau chaude des yeux.
- « Astana ? »
Ding, dong.
- « MAMAN ! »
Allo !
La danoise secoue la tête, réajuste les châsses grises à hauteur de sa fille.
- « Pardon. Oui ? »
- « Jai décidé dun truc. »
Un truc. Quoi comme truc ?
La ferrailleuse arque les sourcils. Ça lui fait de beaux demi-cercles au-dessus de la grisaille. Et des rides sur le front.
- « Papa ? »
Hazel se retourne vers la porte, trop excitée. Sauf qu'il n'apparaît pas dans l'encadrement.
- « Yoannesse ! »
T'es coincé dans les embouteillages, Blondin ?
- « Je reviens ! »
Comme une tornade, l'enfant repart dans la froidure du dehors. Astana s'empresse d'avaler son reste de flotte. Et puis Hazel revient en tirant son père par la manche. Jusque devant sa mère.
- « Vous faites la paix. »
Cest un ordre ? Oui, cest un ordre.
Et puis la môme ne déconne pas, elle croise les bras et les regarde de ses yeux noirs. Noir sur noir.
Comme aucun de ses deux parents ne semble réagir, Hazel tape du pied. Le bruit arrache un léger sursaut nerveux, là, juste ici, entre le cou et lépaule de la blonde. Mais cest pas le pire. Le pire c'est quand elle leur chope les mains et qu'elle va pour les rapprocher. A ce moment, y'a une musique tragique qui passe derrière le front d'Astana. La danoise fait de la rétention de main.
- « Allez ! »
Ah. Cest un caprice.
Sorensen connaît bien les caprices de sa fille. C'est comme le jeu du chien-de-faïence-qu'est-muet.
Ils vont perdre. On va perdre, Johannes. Cette petite est un monstre.
Jhoannes - Mais on est pas en guerre avec ta mère
Un jour tu ouvriras les yeux sur ton âme, et je serai libre.
- On est
on est
Le blond cherche un élément de réponse chez ladversaire, sans succès. Astana sest mise sur répondeur. Alors il tente de décrocher un sursis. En plus, là, il a les ongles dégueulasses dans ses mitaines qui puent, est-ce que cest vraiment le bon moment pour se serrer la paluche ? Il ne pense pas.
- Maintenant ?
Hazel hoche la tête. Une fois. Ouais, cest maintenant.
Bon, bon.
Un pas traînant de plus.
Main droite tendue pile au milieu de la tranchée. Ceci est ton espace de danse, ça ça va rester le mien, tes gentille.
- Astana
je te pardonne toutes tes crasses.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana Mes crasses ? Mes. Crasses.
Ah oui. D'accord. C'est comme ça.
Désolé, non ? Très bien. Moi non plus alors.
- « Je vous
»
Vous. Pas tu.
Tu le mérites pas, mon « tu ».
Sa main gauche, celle par laquelle elle s'était unie avec lui, là-bas dans la forêt, fait le reste du chemin.
Pendant ce temps, Astana rumine sa fin de phrase. La main des épousailles finit par se poser par-dessus la patte du vis-à-vis.
- « ... pardonne de n'avoir jamais été à la hauteur. »
Jhoannes Ses lèvres se pincent entre elles pour retenir le cri dagonie que vient de pousser son ego mâle.
Il déglutit pour avaler la pilule.
Non, ça passe pas.
Sa bouche se détend enfin pour sétirer dans un magnifique sourire foireux. Mais de profil, ça peut faire illusion.
Le blond lâche pas la main de sa dame.
Reste-là encore un peu.
Mon tendre amour.
- Désolé, pour toutes les fois où jai manqué à ma tâche. Pour les plaies ouvertes par dautres et recousues par moi. Pour ces heures à écouter ta folie et subir tes silences. Et toutes tes conneries rattrapées. Vraiment navré, madame la baronne.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana Ten fais pas, je reste là.
Mais il commence à faire froid, dis. Tas pas bien fermé la porte ? A moins que
- « Navrée davoir failli à ma tâche dépouse docile et transparente. »
Astana lâche un bout de sourire aussi. Il sélargit à mesure quelle crache sa nouvelle phrase et quelle lui serre un peu plus la main.
- « Mes excuses les plus plates pour toutes ces fois où, la peau ensanglantée, jai fini par rentrer après avoir fait ce pourquoi jétais payée. De ramener un salaire. »
Maleus disait souvent quil avait limpression quelle voulait enfoncer une pique dans le fondement de son interlocuteur, lorsquelle souriait ainsi. A cet instant, cest tout à fait vrai. Mais pas juste une pique. Une palissade toute entière.
- « Toutes mes confuses davoir répondu à vos remontrances. Jaurais dû me taire. Et rester à ma place. »