Astana Pleine sorgue.
Blondeur vacille dans la nuit, une lanterne à hauteur de minois. Sous la cape, et plus précisément dans son dos, pionce un poignard dans son étui. Pour la sécurité. La danoise avait indiqué aux trois autres membres fondateurs de leur jeunette compagnie qu'elle ne sortirait pas à poil, qu'importe les assurances ou requêtes saugrenues de leur maîtresse du moment. Ce que les yeux ne peuvent deviner n'esquinte rien du tout, après tout. Un haussement d'épaules. La sénestre réajuste le col doublé de fourrure au niveau du cou. Chemin faisant, Astana débat intérieurement sur la santé mentale de la jeune bailli du Limousin. Une toquée sévère, une candide généreuse ? Noire-blanche. Blanche-noire. Grise ? Hum. Probablement plus siphonnée que saine pour se lancer à la poursuite d'une mystérieuse oie gardienne de trésor en plein dans une mine, en pleine nuit. Mais vous êtes tous un peu tapés du ciboulot aussi, non, Sa Blondeur ? Le verdict n'est pas encore posé lorsque la grisaille localise la silhouette de la balafrée en question. Alcimane a l'air drôlement tranquille, sise devant son trou tout noir et rempli de minerai. L'espèce d'enfumeuse.
« Hej. »
Que balance la nordique d'un accent volontairement exagéré pour se ménager un petit effet. Les châsses se posent sur l'équipement qu'Alcimane a pris soin d'apporter, en même temps que la lanterne est pointée dessus.
« Vous moffrez une pioche ? »
Sans plus de courbettes, Astana pose la patte de gauche sur le nécessaire à miner qu'elle ramène sur son épaule, assortissant le geste d'un sourire se voulant fiérot. Alors, j'ai quelle gueule ?
« Vous me gâtez. »
T'es louche.
Jhoannes « Comment je vais pondre une chronique avec ça ? », se demandait Blondin. Et quel sera le titre de ma prochaine bafouille ? La quête du trésor de l'oie ? Tous à la mine ? Comment ils foudroyèrent une bécasse pour un paquet d'écus ? Et là, alors que Rouge-Gorge et Astana admiraient les éclats de fer de la grotte à la lueur des lanternes, le Colosse Blond fit tournoyer son marteau dans l'air et fendit le cou de la pauvre bête, et le sang qui en ruissela nous mena vers une grosse caisse ornée de diamants, auprès de laquelle tremblait encore la baillie limousine. Super.
Quand il se pointa à l'entrée de la mine, il tirait subtilement la tronche. Il faisait nuit, il faisait froid. Et il était beaucoup trop sobre pour une mission de ce genre. C'est la vue de la danoise qui le dérida un peu, mais pas jusqu'à lui faire décrocher un sourire non plus. Lui, les dernières semaines, il s'en était cogné de la mine, en journée, en pleine soirée, au milieu des autres qui puaient comme lui, et à se moucher du noir pendant les heures qui suivaient, et à se péter les côtes pour un salaire d'abruti, alors y retourner là, mais en qualité d'archiviste, ça le faisait marrer jaune.
- J'suis là.
C'est moi.
Drappé dans ma cape sombre, je suis le gars qui tient une lanterne dans chaque main.
_________________
En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana Bah tiens.
Sørensen avise son poméranien de voisin d'un drôle d'air, entre le rictus et la grimace. Lui, l'archiviste et elles s'étaient quittés quelques heures plus tôt sur des notes pour le moins amères et grisâtres, Siegfried ayant déversé un trop plein de fantômes sanguinolents en plein sur le râble de Johannes qui avait posé des questions parce qu'il cherchait à capter la pensée des ferrailleurs, le tout sous le regard désabusé de la danoise qui s'était faite drôlement taiseuse en opposition. Ainsi, Astana sent bien qu'il serait malvenu de venir chatouiller les nerfs du lansquenet avec des conneries salées. Pour le moment.
« Ça risque pas, non. Pas mon genre. »
Pas envie de me prendre une mandale, surtout.
Elle embraye la première suite à l'impulsion donnée par leur jeune escortée, réajustant la lanterne à hauteur de châsses. Le boyau de terre les avale bientôt tout crus.
En arrière-garde, la mercenaire opère parfois un demi-tour sur elle-même pour éclairer l'obscurité qui leur colle au train. Personne. Quelques pas vers l'arrière, encore, avant de reprendre le sens de la marche. La grande tige austère a le sens du travail bien fait et se la ferme bien comme il faut, quand bien même ça cancane au devant pour se dérider. Elle se concentre sur le dos du grand gaillard qui la précède et la dépasse bien d'environ cinq pouces. C'est marrant, mais ça raconte pas tellement d'histoires une échine, en fait. Haussement d'épaules.
Et puis, la poussière. Là, partout. Ça lui vrille les narines.
« Atch! - la ferrailleuse bloque l'éternuement à venir en fichant son nez tout droit dans son épaule gauche, puisque ses mains sont prises - hum. Arquant un sourcil, elle se justifie à la cantonade. Hé, quoi ? Pas envie de finir comme au Puy. »
Vous savez ? Enfouis par la terre et rayés de la surface de la planète.
Jhoannes - J'note tout, Rouge Deux. Tout tout tout, qu'il lui a assuré.
T'inquiète. Sauf qu'après, c'est comme avec mes cheveux, je fais ce que je veux.
Ensuite il a refilé une lanterne à l'occitane, avec un petit sourire mignon en prime pour une fois que c'est Astana qu'on traite de grincheuse et pas lui, faut capitaliser sur l'occasion. Avant de prendre sa place dans le rang d'oignons, le blond-doré rabat sa capuche sur ses cheveux et cale son cache-museau sur l'arrête de son nez. Avec son nouveau look de touareg en plein cagnard, il tape l'incruste entre Rouge Deux et son pote le Colosse.
En faisant gaffe à pas se cogner le crâne contre la charpente de fortune qui soutient le travers-banc, le blond masqué a soudain une idée qui paraît lumineuse, mais c'est peut-être seulement par effet de contraste par rapport au fond de gorge noire qui les attend devant. Peut-être que c'est le moment, songe-t-il. Peut-être que cette troisième fois sera la bonne. Ou un flop total, mais pour un habitué du foirage, c'est juste une petit encoche de plus à l'égo.
- Hé, Rouge Deux. Connaissez la blague de la tarte aux poireaux ?
_________________
En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Jhoannes - « J'veux pas être désagréable » pour une fois qu'il le précise « mais est-ce que je vous ai demandé si je pouvais éclairer votre lanterne ? Non. Est-ce que j'ai demandé si tout le monde m'écoutait ? Non plus. J'ai demandé si vous connaissiez la blague de la tarte aux poireaux. Du coup, dans ce cas de figure précis, il n'y a que deux réponses possibles. Soit vous connaissez déjà la blague de la tarte aux poireaux, et vous me répondez : oui Jhoannes, tu saoules, je connais déjà la blague de la tarte aux poireaux. Ou, dans le cas inverse, et plus problable, ou vous ne connaîtriez pas la fameuse blague de la tarte aux poireaux : non, Jhoannes, je ne connais pas la blague de la tarte aux poireaux. Et là, je peux rebondir, vers la chute de la blague, de la tarte, aux poireaux. Sinon je suis piégé, vous comprenez ? Voilà trois fois que vous me faites le coup. Avec la danoise, j'ai dû m'y reprendre à deux fois. Enfin c'est tout de même pas compliqué, vous sentez bien les rouages de ce type de plaisanterie, non ? Si je vous dis "Toc Toc ?" et que vous répondez "Désolée il n'y a personne à la maison ! ", le reste ne viendra jamais. Eh bien là c'est du tout au même, alors de grâce, lorsque la quatrième tentative surviendra, de grâce, que quelqu'un coopère, que les autres la ferment, que
j'comprends bien Rouge Deux, que c'est votre signature d'aller à rebours, à contre-courant, de chercher la p'tite bête, vous êtes une rebelle, une poète, c'est beau, mais si vous m'aidez pas, on va jamais s'en sort
Attendez, j'hallucine ou je viens d'entendre une oie cacarder ? »
_________________
En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Astana C'est ça, vas-y, rentre-moi dedans et j'te dirais rien. Les chasses de la blonde lancent des éclairs vers le dos du poméranien. Heureusement qu'il vient de se prendre un bout de poutre dans la tronche pour compenser. La danoise sourirait presque si le rat éconduit par le ferrailleur n'avait pas atterri dans ses pattes à elle. D'un geste de la botte agacé, elle s'en débarrasse à son tour, le reléguant toujours plus loin vers l'arrière sur fond de "scouic-scouic" apeuré du rongeur. L'air vicié de la mine lui pèse déjà sur les poumons, hors de question qu'elle gaspille de la ressource à harponner un pauvre rat.
- « Nous avons pris deux fois à droite, on devrait s'en sortir. »
Là, le sourire point dans sa voix. La danoise n'est peut-être pas une rimailleuse de haute volée, ni même une experte en blagues foireuses, mais elle a le sens de l'orientation. Même dans un boyau tout noir, sans craie pour marquer leur chemin. Il suffit là d'être à minima attentif. Et être attentive, ouvrir les mirettes grises et dresser l'esgourde, elle n'avait eu que ça à faire jusqu'à présent, tant le spectacle était naze à visionner à l'arrière.
Grabuge au-devant. Astana hausse le museau pour tenter d'apercevoir ce qui se trame en tête de file, par-dessus l'épaule de celui qui la précède. Elle lâche une grimace vers l'ombre grandie de la saloperie prétendument gardienne de trésor. Sur cette partie, leur escortée n'a pas menti : il y a bien une foutue oie dans la mine. La danoise relègue ses interrogations au placard sur le pourquoi du comment, et répond laconiquement à l'oiseau nettement plus agréable dans leur camp :
- « Ça pince sévère et ça frappe avec ses ailes. »
La main qui tient la lanterne s'élève vers l'avant, tandis que le coude de la blonde tente d'écarter un peu Siegfried vers la droite. Déso pas déso.
Sørensen tente de sonner impérieuse à l'égard de ses comparses sans pour autant crier. Mais la phrase ricoche un poil trop sur les murs.
- « Faites pas les cons, vous mettez pas à courir et ne lui tournez pas le dos ! »