Après quelques jours passés hors du Bourbonnais-Auvergne, cela faisait bien longtemps, des années à vrai dire, la petite troupe était rentrée dans leur Duché. Dernière étape dans la campagne bourguignonne et leur chemin s'était séparé. Certes il aurait pu lui dire qu'il ne rentrerait pas à Montpensier comme c'était prévu au départ. Oui il aurait pu, peut-être même aurait-il dû.
Ils étaient si proches de Billy que le Duc avait choisi de rentrer directement en ses terres, profiter des premières gelées... Mais elle lui manquait...
Doloréane avait été détachée des autres montures et Marty en avait profité pour filer à la berrichonne... Ce voyage les avait mené jusqu'en Orléans, il ne savait même pas pourquoi. Mais peu lui importait la raison, du moment qu'il était avec elle. Bientôt elle serait baptisée. Bientôt il ferait sa demande officielle.
Alors qu'il chevauchait jusqu'en son château, il pensait à tout ceci, ainsi qu'aux moultes autres choses qu'il devait faire. Il tenait à faire enregistrer un testament, pour le cas où il lui arriverait malheur. Dès le soir de son arrivée, il le dicterait à son fidèle Barbelivien. Marty savait qu'il rédigeait bien.
A peine arrivé à Billy, un pigeon lui apportait missive. Il était aisé pour le volatile de retrouver le Duc. Marty, craignant de funestes nouvelles, s'empressa de lire la missive. L'élue de son coeur lui avait écrit, inquiète. Il fallait lui répondre. Il aurait dû la prévenir...
Citation:Ma tendre Beths,
Je te prie de bien vouloir m'excuser de ne t'avoir prévenu. J'ai préfère rejoindre mes terres byllissoises pour certaines affaires qui réclamaient mon attention.
Ce voyage m'a été profitable, quoique rapide, et j'ai bon espoir que nous reprendrons un jour la route, pour profiter pleinement cette fois des paysages.
Nous nous reverrons très bientôt je le crois.
Il me tarde déjà. Tu me manques.
J'ai hâte de te serrer à nouveau dans mes bras.
Ton Marty qui t'aime et se languit.
Pas le temps de sceller la lettre. Elle reconnaîtrait sans aucun doute l'auteur. Il lui fallait à présent renvoyer le pigeon vers son expéditrice. Marty devait maintenant partir à la recherche d'un orfèvre. Il ne doutait pas que ses terres devait en avoir quelques uns.
Larges enjambées dans les couloirs du château, comme à chaque fois qu'il rentrait. Grands pas qui le menaient vers son bureau, où il aurait à faire. Et comme toujours, grands cris qui résonnaient dans l'enceinte.
Gandrelina !!! Barbelivien !!! Berthe !!!
Ca ressemblait à un grand rassemblement... Branle bas de combat v'la le Duc qu'est rentré ! Sourcils froncés, Marty ôte son vêtement et le dépose nonchalamment sur le dossier d'un fauteuil dans ses appartements. Il s'assoit à son bureau attendant l'arrivée des protagonistes. Lequel sera là en premier ?
Un tas de lettres s'amoncelait sur la table. Soupir. Des courriers de remerciements pour son bal, des lettres d'admiratrices, encore et toujours, quelques lettres intéressantes. Une de sa marraine, en voyage en Bourgogne qui pensait à lui. Une autre du Héraut, lui annonçant une bonne nouvelle. Sourire. Il fallait vraiment le trouver cet orfèvre...
Une Berthe passa la tête dans la porte.
Votre Grâce est de retour ?
Bonjour Berthe, oui mes sujets ont besoin de leur suzerain. Faites moi rôtir une poularde pour le déjeuner, et préparer donc quelques mets dont vous avez le secret pour une petite sauterie... Réfléchit un instant... pour demain en fait.
Mine déconfite de la cuisinière.
Votre Grâce organise un nouveau bal ?
Non, une cérémonie tout ce qu'il y a de plus simple. Donc quelques couverts pour un banquets. Hmm... Plutôt un buffet, ce sera plus convivial. Marty compta dans sa tête. Prévoyez pour une dizaine de personnes ce sera très bien.
Moue approbative accompagnée d'un hochement de tête.
Il sera fait selon vos désirs Votre Grâce. Et d'ajouter, un brin espiègle et curieuse. Votre Dame n'est pas avec vous ?
Le regard froncé du Duc se relève de ses parchemins et file droit vers les yeux malins de la cuisinière, qui comprend qu'il vaut mieux qu'elle s'éclipse, ce qu'elle fit, après la sèche réponse ducale...
Non. J'espère qu'elle sera là demain.
Une missive de plus à rédiger... Plusieurs en fait du coup... des invitations... Il fallait faire vite. Prévenir ses vassales avant toute chose...
Un candélabre à la main, Barbelivien entrait à son tour dans le bureau du Duc de Billy.
Votre voyage en Domaine Royal fut-il agréable Votre Grâce ?
Ah Barbelivien, vous tombez bien. Le voyage ? Rapide... Même pas le temps de dire Sa Seigneurie Thibaud-Xavier de Ludgarès, Duc du Bourbonnais-Auvergne et de Lapalisse, Baron d'Arfeuilles, Seigneur de Commières et Pair de France, qu'on était déjà rentré. Sourire amusé, c'est vrai que c'était quand même bien long comme appellation... Plus sérieusement, nous avons circulé rapidement. Je me suis juste arrêté un peu à Gien, mais c'était fort court. A refaire un jour j'espère bien. Mais bref. Savez-vous où est Gandrelina ?
Le valet, l'oeil rieur, sourit et opine du chef.
Elle a quitté le château avant le lever du soleil pour se rendre en forêt.
Marty lève les yeux au plafond.
Que diable a t-elle besoin d'aller dans les bois au petit matin... ? Soupir profond. Bon... Elle reviendra bien à un moment de la journée. Quand elle rentrera dites lui que je souhaite que la salle de réception soit prête pour demain. Nous recevrons des invités. Inclinaison de tête de Barbelivien. J'ai besoin maintenant de votre bougie pour sceller quelques missives, ainsi que de votre plume tout à l'heure.
Le valet pose alors son chandelier sur la table en bois, tandis que le Duc commence à écrire.
Citation:
A l'intention d'Apolonie de Nerra, Dame d'Orval,
Ma chère Apo,
J'aimerai que dans l'instant où tu recevras cette lettre tu te rendes au château de Billy, en mes terres, afin que nous nous revoyons avant ton départ prochain. Je te sais désireuse d'aventures et de chevauchées mais avant tout cela, je souhaite faire de toi ma vassale, et c'est à cette fin que je désire ta présence à Billy, afin que tu puisses me prêter allégeance.
J'ai grande hâte de ce moment, de te revoir également. N'hésite pas à venir accompagnée.
Puisses tu être en bonne santé.
Que le Très Haut te porte en Sa Sainte garde.
Apolonie viendrait sûrement accompagnée... Les rumeurs devenaient plus que des bruits de couloirs et elles avaient traversé les frontières du Duché, déjà... Complètement incompréhensible, mais si tel était son désir... Peut-être que finalement les opposés s'attiraient vraiment ?
Et d'une... A la suivante...
Citation:
A l'intention de Clothilde de Saint-Nicolas les Colombes, Dame de Laveissière et de Bost,
Ma chère Porte Parole, Chère Clo,
Je ne sais si ma missive te trouvera alitée, te reposant des récents événements royaux, ou de ton accouchement, que j'espère s'être bien déroulé.
Je ne sais s'il te sera possible de te rendre en mes terres de Billy mais je souhaite t'y voir pour l'anoblissement prochain de ma future vassale, Apolonie de Nerra que tu dois connaître.
Je t'espère en bonne santé et attend de tes nouvelles rapidement.
Que le Très Haut te protège.
Clothilde avait elle accouchée ? Cette lettre serait une façon de le savoir. A la suivante...
Citation:
A l'intention d'Anyenka Varthak, Dame de Marcenat,
Ma chère Capitaine, Any,
Je t'écris cette missive pour t'annoncer mon retour en mes terres de Billy. Sache que je suis très fier de toi et des succès dans les tâches dont tu t'es acquitté récemment. Grâce à toi, l'équipe municipale de soule revit et c'est une chose qui m'est chère. Bien évidemment j'irai courir un peu sur les terrains, cela me fera un peu d'exercice bien nécessaire pour éliminer les gibiers dévorés au cours des récents banquets.
Si je t'écris c'est aussi pour t'annoncer que demain sera célébré l'anoblissement de ma future vassale, Apolonie de Nerra, dite la Directe. J'aimerai que tu sois présente, bien que je comprenne que tes activités soulesques t'occupent beaucoup, de même que l'éducation de tes enfants. Transmets mes amitiés à ton grand Roderic et dis lui que j'aimerai aller chasser avec lui un jour.
Dans l'attente de te revoir,
Puisse le Très Haut te porter en Sa Sainte garde
Il tenait bien évidemment à inviter sa Duchesse... sa Dame pour l'instant. Il sourit à cette idée, puis grimaça. Peut-être avait elle reçu sa précédente missive dans l'angoisse la plus complète... Il fallait la rassurer à nouveau.
Citation:
Ma tendre Beths,
Je t'écris à nouveau dans l'espoir de te savoir rassurée quant à mon état. Je ne cesse de penser à toi et l'attente de te revoir me paraît une éternité.
Je te souhaite à mes côtés pour l'anoblissement d'Apolonie de Nerra à qui je désire confier la gestion d'une des terres de mon Duché de Billy.
Je me languis de ta présence.
Ton Marty
Cette fois, il scella la missive pour Beths. Après tout, la cire était chaude alors autant en profiter !
Il manquait encore une invitation, et pas des moindres... Si Auvergne n'était pas là, rien ne pourrait se faire...
Citation:
A l'intention d'Auvergne, Héraut de la Marche du Bourbonnais-Auvergne,
Salut Chef !
Je t'écris pour te dire que j'ai bien reçu ta missive m'affirmant que l'anoblissement d'Apolonie pouvait se faire et ne souffrait finalement d'aucun veto du Roy d'Armes.
J'ai le souhait que la cérémonie se déroule en mes terres de Billy dès demain.
Je t'attends donc avec hâte et j'espère te voir pour valider l'octroy de cette seigneurie.
Bien à toi,
Il se tourna alors vers Barbelivien.
Voilà, faites parvenir ces cinq missives à leurs destinataires. La première est à adresser à Montbrisson, Apolonie doit y demeurer toujours depuis que je l'ai quitté à Thiers il y a peu. Faites porter la deuxième au domaine de Laveissière, la troisième dans les terres de Marcenat, et la quatrième est à envoyer à Montpensier, Beths doit toujours s'y trouver. Enfin, la dernière est à transmettre au Héraut du Bourbonnais-Auvergne.
Fallait tout retenir... Barbelivien inclina la tête prenant les missives roulées et fit quelques pas vers la porte.
Attendez... j'ai besoin de vous pour un autre travail. Deux en fait. Non... trois à vrai dire.
Haussement de sourcil du valet.
Le Duc rédigea une nouvelle missive qu'il ne scella pas tout de suite. Une fois terminé, il se leva et se dirigea vers la fenêtre. Concentré sous le regard hébété du valet.
Que puis-je pour vous Votre Grâce ?
J'aimerai vous dicter mon testament.
Etonnement de Barbelivien.
Vous... vous êtes souffrant ? Voulez vous que je fasse appeller le Docteur d'Azayes ? Il doit y avoir des herbes dans le potager qui pourraient vous soulager sinon. Ou encore mon petit cousin de la capitale a ramené de Clermont des plantes médicinales qui...
Non non, tout va bien rassurez vous. Je préfère simplement prendre mes précautions.
Il lui indiqua le siège, ainsi qu'une plume. Le valet allait pouvoir faire montre de ses talents. Il avait appris à écrire, mais il ne pratiquait pas souvent, ou alors en cachette, quelques mots doux pour une servante, ou une tavernière au croupion avantageux qu'il lui aurait fait tourner la tête. Mais rédiger le testament du Duc... jamais il ne l'aurait imaginé. C'était une grande fierté pour le simple fils de cordonnier qu'il était.
Marty entama alors sa dictée, les yeux tournées vers ses terres. Pas d'héritier... Il le savait, s'il mourait demain, Billy retournerait au Bourbonnais-Auvergne, mais il souhaitait donner quelques consignes avant le trépas. On ne savait jamais... La liste était longue, il ne voulait oublier personne, certains seraient même surpris de se voir coucher sur le testament du Duc. Quelques notes d'humour grinçant alors qu'il poursuivait sa dictée. Une fois que cela fut fait, Barbelivien relut le parchemin. Les formules d'usages paraissaient correctes au Duc, il signa à la suite du valet, apposa son sceau et enroula le papier, comme les autres, avant de tendre la dernière lettre qu'il avait rédigé.
Citation:
A l'intention de Phylogène,
Baronne,
Je vous prie de trouver joint à la présente missive mon testament que je viens de dicter à mon valet. Puissiez vous l'enregistrer ou à défaut, me dire s'il est correct dans sa rédaction.
Je vous remercie de prendre note de ces dispositions.
Dans l'attente de vos nouvelles, que le Très Haut vous garde.
Un soupir alors qu'il ordonne à Barbelivien.
Vous aurez compris que ce pli est à adresser à la Baronne de Riom et d'Usson, dame Sibella de Vissac, autrement appelée Phylogène, qui réside à Montpensier.
Oui, Votre Grâce, je m'en occupe.
Bien. Fort bien. Pouvez vous enfin vous occuper de trouver un orfèvre dans les environs ?
Un orfèvre ? Ba... y a le fils Michaud ! C'est le petit neveu de Berthe, il a repris l'atelier de son père, qu'a trépassé dans un accident de chasse, y a pas un mois. Il fait du grand art. Plus bas. C'est un compagnon.
Parfait ! Demandez lui de graver les armes de Varennes sur Allier sur le chaton d'une bague en or. Portez lui quelques chevreuils, quelques livres de noisettes, une bouteille d'alcool de châtaigne et du fromage d'Ambert, je ne l'aime pas celui là, mais cela devrait lui convenir. S'il y a besoin d'une rallonge en écus, faites le moi savoir.
Entendu Votre Grâce.
Instant de silence.
Je peux disposer ?
Juste... Quand vous irez récupérer la bague, réservez donc la plus chère d'entre elles, et dites à votre compagnon que j'irais moi même la lui payer.
Hochement de tête, Barbelivien s'éclipsa, parchemins sous le bras, tête embuée par toutes les destinations à retenir, les courses à faire, les messages à passer...
Seul dans son bureau, tout ce qu'il avait à faire était accompli. Sauf déguster la poularde que Berthe devait cuisiner. A nouveau devant la fenêtre, à admirer ses étendues de bois, plus très vert.
Demain serait un grand jour pour lui. Un maigre sourire en pensant à la cérémonie du lendemain._________________