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[RP] Vagues à l'âme

Rouge_gorge
Sur l’océan couleur de fer,
Pleurait un chœur immense,
Et ces longs cris dont la démence,
Semble percer l’enfer.


Avant que Rouge ne monta sur ce navire, l’eau était encore douce comme la peau d’une pucelle. Mais quand elle sut qu’elle ne rentrerait pas, elle fut salée.

En pleine mer depuis des jours, de son plumage, c’était son visage qui ne séchait pas. Les paupières rougies, les joues humides, il y avait des maux plus grands que la mer, invisibles frappant comme une lame de fond, faisant ressurgir l’infime qu’elle était. La houle et l’alcool pouvaient la faire tanguer sur le pont, le simple fait de ne plus l’avoir sous les yeux était vertigineux. Et si finalement, elle n’existait pas ?

« Toi, tu es mon air » *

On ne respire pas sous l’eau. Maitre-Chanteur observait l’immensité bleue s’étendre jusqu’à perte d’horizon sans phare ni sirène. Les oiseaux ne vont pas si loin, ils sont toujours près des côtes, bien nichés dans le cœur des femmes. Les tempêtes essuyées n’étaient rien aux maelströms de l’esprit. Ces songes qui faisaient voir noir, la Rouge. Elle avait beau ramer toute la journée, le bâtiment n’avançait pas. Rien à quoi se rattacher et bientôt Son sourire devait vague lui aussi.

Ne pas se laisser engloutir, Elle l’avait déjà rejetée plus d’une fois, et comme le ressac, l’Oiseau revenait toujours alors pourquoi pas cette fois ?

Allez, Mignonne, dis-moi ce que tu fais en cet instant ? Le quotidien que tu mènes t-est-il plaisant ?

* RP "L'aiguillage des coeurs"

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Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Sadella

    -Fin juin-début juillet 1468 -

    Mon ami est parti
    L'est parti pour toujours
    Mais moi je suis en vie
    Fais battre ton tambour
    Fais-le bouger ce corps
    Donne-lui du bonheur

    Mignonne a chu. Profondément, si profondément qu'elle ne parvient qu'à voir son monde en monochrome de gris foncé. Les couleurs ont disparu de son univers. Le corps est meurtri de sa récente séquestration, mais plus que l'enveloppe, c'est l'intérieur qui est ravagé. La dépression - puisqu'il faut poser un nom dessus - l'a saisie sournoisement et s'est installée sans qu'elle ne le remarque. La vive voleuse a laissé place à l'ombre d'elle-même, le visage éteint, les cernes creusées par les nuits agitées, le corps amaigri par le refus de manger. Les démons flottent sous le crâne métisse et Sadella existe plus qu'elle ne vit.

    Que demain je danse encore
    Et que je n'aie plus peur
    Fais battre ton tambour
    Fais-moi danser
    Qu'il sonne ton tambour
    Jusque dans mes pieds
    Je sens les larmes qui montent
    Mais je vais pas pleurer
    Je sens ma peine qui gronde
    Je vais la chanter
    Come and take my pain away
    Come and take my pain away

    Mignonne a été dévorée. Par la colère, par l'incompréhension, par la douleur. Les rires et moqueries troquées contre le masque dur de ceux qui ont besoin de guérir. Le corps en rémission, l'esprit en perdition. Il lui manque son feu, il lui manque son air. Seule la terre, sa fille, la garde encore accrochée au monde. Elle et aussi la surprise d'un Nevgerel qui veille attentivement sur ses évolutions. Elle les a lâchés et s'est laissée portée. Abandonnée à ce mal qu'elle a embrassé sans lutter. Voleuse est une femme entière, extrême, il lui faut vivre tout aux excès ou pas du tout.

    Fais battre ton tambour
    Fais-moi danser
    Qu'il sonne ton tambour
    Jusque dans mes pieds
    J'ai la gorge qui se serre
    Mais je vais pas pleurer
    Je sens monter la colère
    L'envie de crier
    J'veux tordre le cou à ce mal
    Ce mal qui me dévore

    Mignonne a été abandonnée. Encore une fois. Schéma récurrent de sa vie. L'estime s'est écroulée et le courage s'est tiré. L'homme de sa vie est parti et avec lui, son palpitant aussi. On lui a retiré jusqu'à sa foi, le dos marqué à vie pour souligner ses vulnérabilités. Et devant sa gamine, le regard de la mère est aussi vide que le trou béant dans sa poitrine. Et pourtant elle tient debout, marionnette qui vivote par cette volonté forte de ne pas vouloir crever, de ne pas vouloir abandonner comme on l'a lâchée.

    Je tape sur mon corps
    Je tape, je tape encore
    Je sens les larmes qui coulent
    Mais je vais pas pleurer
    Je sens la vie qui s'écroule
    Je vais la chanter
    Come and take my pain away
    Come and take my pain away

    Mignonne s'est brisée. En mille morceaux. Mais ce n'est pas la première fois. Elle a la peau dure et porte les cicatrices comme personne. Elle va se recoller, prendre le temps, guérir d'en dedans, gommer les fêlures, soigner les blessures et elle chantera encore. L'été fera son office. Et des chaleurs de juillet aux orages d'Août, Spinoziste purifiera les crasses.

    Alors, tu vois mon air, l'apprentie pansera toujours ses plaies. Elle prendra parfois le temps, mais elle ne laissera pas tomber. Et toi, et toi mon air, qu'est-il advenu de toi ?

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Rouge_gorge
Rouge buvait à en perdre la raison. Elle disait que c'était des bouteilles à la mer. Mais elle n'avait pas compris le concept de laisser un message à l'intérieur.

Tu me manques, Mignonne.

Mignonne manquait comme le cap au milieu d'un cadre sans bord où le ciel rejoint la mer sans brisure. Elle manquait comme la notion du temps de ces journées s'étirant tard dans la nuit. Elle manquait comme le sommeil ou la faim.

Je suis désolée, Mignonne.

Et les larmes versées dans cette immensité d'eau n'étaient que des filets perdus, là où sur terre, elles auraient déjà formées des ruisseaux. Les remords et les regrets qui surgissaient des profondeurs océanes, l'iode rongeant la peau n'était rien au sel piquant le coeur.

Je t'aime Mignonne.

Rien ne savait être plus limpide que ces mots: ni le ciel d'été sans nuage ni la clarté des eaux d'un jour clément. Rien ne savait être aussi blessant que ces mots: ni les crocs d'un requin affamé ni les écueils déchirants le bois des navires.

Tout était trouble: la vision, l'esprit, l'avenir, les eaux dans lesquelles elle ramait encore et toujours. A l'instar des abysses où se terrent les lueurs de monstres marins, l'espoir brillait faiblement. Ténue comme la vie, infime comme une goutte d'eau dans l'océan.

Je rentre Mignonne.
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Sadella

    Mignonne pense à toi.

    Dans chaque caillou ramassé, qu'il soit petit, gros, tordu, rond, lisse ou rugueux.
    Dans chaque femme qui en aime une autre.
    Dans chaque tenue bariolée, qu'elle pourrait croiser sur sa route.
    Dans chaque regard porté sur un piaf et plus particulièrement sur chaque rouge-gorge aperçu.
    Dans chaque taverne que tu as semé sur les routes pour elle, auprès de leurs feux, en buvant leur affreuse bière coupée à l'eau.
    Dans chaque chanson que sa fille invente, s'améliorant de jour en jour en citant son Maître Chanteur.
    Dans chaque histoire imaginée, qu'elle ne contera jamais aussi bien que toi durant ces nuits de veillée.
    Dans chaque rire à gorge déployée, chaque exclamation, de celles qui arrachent des larmes de joie et des bruits de cochon.
    Dans chaque colère aussi, dans les fuites dont elle est si accoutumée, celles qui t'exaspéraient.
    Dans chaque plaie à panser, où ton calme n'est pas là pour tempérer.
    Dans chaque rapine, de la plus réussie à la plus foirée.
    Dans chaque geste de combat qu'elle apprend à d'autres, chaque technique, chaque faiblesse ou chaque force.
    Dans chaque moment où, rompant un bout de pain, elle réalise qu'elle n'a plus à le partager avec toi.
    Dans chaque abri qu'elle croise, que vous avez pu squatter ensemble.
    Dans chaque passage en geôles, où l'ombre de ton chapeau n'est jamais revenu lui tenir compagnie.
    Dans chaque besoin de légèreté, quand le souffle lui manque et que ton air est nécessaire.

    Mignonne pense à toi.

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Rouge_gorge
J'ai appris des matelots,
Ceux qui partent des jours,
Que tout est vague sur l'eau,
Les sentiments, surtout l'amour,

Rouge, à la dérive, submergée par ses émotions, n'était plus capitaine de son âme. Mais le vent tourna et quand les voiles se gonflèrent à nouveau, elle sortit la tête de l'eau.

Ils parlent d'à jamais s'unir,
Tout en changeant à chaque port,
Moi, j'm'accroche à ton souvenir,
A ton visage, à ton corps,

Qu'importe les tempêtes essuyées, elle devait maintenant écoper les larmes afin d'avoir les idées claires. Terre en vue, si le calvaire n'en finissait pas, au moins, elle pourrait plus facilement reprendre pied.

Moi, je ne suis pas poisson,
Je ne nage pas entre deux eaux,
Je n'ai qu'une seule unique passion,
Qui me dévore les os,

Le coeur se mit à marteler plus fort que les tambours. Avec précipitation et force, que ça en devint douloureux dans la poitrine. La mer l'a prise et l'Oiseau l'a rejeté comme bien des ingénues. Rouge n'est la femme d'une seule mère.

Qui fait monter à mes paupières,
Tout le sel de la mer,
Quand je perd ton cap,
C'est la vie qui m'échappe.

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Sadella

    Comme tous les jours où presque, mon activité matinale consiste en méditer longuement devant un coin de nature qui me plaise. Aujourd'hui, plus que jamais, j'ai besoin de ce moment pour oublier les tracas qui me rongent et pour me centrer sur autre chose. Je médite donc, du haut de ces falaises bretonnes, petite chose luttant contre le vent et les embruns. Enroulée dans ma cape, mon écharpe, les mains protégées par mes gants fourrés, mes pensées s'égarent à d'autres souvenirs. A ces moments où je n'avais ni cape, ni écharpe, ni gants pour me protéger du froid, ces bribes de vie où nous nous collions l'une à l'autre devant un feu en train de mourir. Je repense à tous ces instants de galère partagés avec toi et je réalise qu'elle chance j'ai eu de t'avoir rencontrée. Pourtant, là, sur mon perchoir breton, je ne sais pas où tu te trouves, ni ce que tu fais, avec qui tu couches, avec qui tu ris, manges, bois ou voles. Tu as été mon foyer, un temps, tu le restes malgré toi, en dépit de tes disparitions. Nous ne sommes pas du genre à nous envoyer des lettres. T'es un piaf, je suis un chat, si j'essaie de t'attraper, je pourrais te faire mal aux ailes, alors, je me contente de te regarder virevolter, filer loin et parfois revenir pour me narguer de tes exploits. Je parle peu de toi, mais c'est parce que lorsque je le fais, je ne parviens pas à cacher la tendresse de mes mots. Ma tendresse, toi tu le sais, n'est pas ce que je mets en avant le premier. A l'océan, je confie donc quelques pensées et au vent mes souvenirs, leur laissant l'occasion d'un jour te les faire partager, tu sais, comme la caresse d'une brise peut réveiller quelques réminiscences du passé, comme quelques éclaboussures savent éclairer une scène oubliée. De nos courses contre les sylphes à nos jeux d'eau dans les rivières bourguignonnes, des claquements intempestifs de nos quenottes en plein hiver, aux douleurs des fers à nos poignets, il n'y en est aucun que je souhaite oublier.

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