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[RP] Les Œufs à la Coque II : à la loyale

Jhoannes
                                                                                                                                                                                                                                           I. Retour aux Œufs




Rue Coquillière, qui frôle les Halles. Il tient la main de sa fille dans la sienne. Les deux blonds, le père à la tignasse encore dorée malgré l'âge, l'enfant au cheveu cendré ; comme sa mère, tentent de décrypter les inscriptions sur la devanture, celles qui se sont superposées au fil des ans aux lettres grises qui annonçaient le rade originel : Les œufs à la coque : compagnie de fricasseurs et vendengeurs. La gamine, Hazel, embrasse du regard ce lieu duquel elle entend parfois causer avec des résonances de mythe et se demande bien où est la légende dans tout ça. La façade est en ruines et la rue si étroite que la lumière n'y perce que sous un angle, au midi du jour. Les carreaux barbouillés de poussière et de gras ne laissent rien deviner de l'intérieur. Pourtant son père a tenu à la traîner là. Alors quoi ?

- « C'est là que tu as rencontré maman ? »
- « Oui. »
- « Là-dedans ? »
- « Oui, là-dedans. »

Un regard amusé s'échange entre les deux. Oh, Jhoannes sait bien que ça paie pas d'mine, au premier abord. Ni au second, sans doute. C'était déjà le cas quand il a ouvert les portes à ses premiers clients, il y a bientôt neuf ans de ça. C'est encore pire aujourd'hui. Il n'est pas venu avec l'espoir d'y changer quoi que ce soit, non. Les locataires qui lui ont succédé — une bouchère, un friturier — ont sans doute défiguré les murs de ses souvenirs. Tant mieux, tant pis, il n'est pas non plus venu en quête d'un moment nostalgie. Il est ici pour récupérer un objet, une relique fragile planquée dans le réduit attenant à la salle principale, une bricole à la fois banale et unique au monde. Si le temps l'a brisée, il rêve d'en ramasser au moins un éclat. C'est important. Alors il décide de passer la case état des lieux.

- « On entre pas ? »
- « Non. On va faire le tour. Il y a une autre entrée par l'arrière. »
- « Pourquoi on entre pas par là ? »
- « Parce que j'ai rendu toutes les clefs, et j'ai pas envie qu'on se fasse trop remarquer. Viens. »

Quelques minutes plus tard, Hazel, plantée dans une ruelle de misère, observe son père, agenouillé devant une porte basse, en train de tordre patiemment un fil de fer à l'aide d'une pince. Lorsque la tournure est celle d'un crochet, elle l'entend lâcher un mince soupir et insérer le rossignol de fortune dans la serrure. Clic. Clic. Clic. Clic.

Clic.
Clic. Clic.


- « Tu continues à faire le guet ? »

Elle hoche vivement la tête. Avec curiosité, elle le voit écarter son oreille de la battante, sortir un petit pot de sa besace, et enduire le crochet d'une substance blanchâtre.

- « C'est quoi ? »
- « Du gras. Qu'on m'avait donné pour soulager les engelures à mes doigts, pendant le long voyage. »
- « Pourquoi tu mets du gras dans la porte ? »
- « La serrure est grippée… guette qui passe. »

Clic. Clic.
CLAC.

À cet instant, le grand sourire qu'elle lit dans les yeux du vagabond l'emporte sur la sensation d'être complice d'un petit méfait. Elle repensera à ce moment lorsque les années auront effacé son enfance, avec un autre recul. Pour l'heure, elle croit encore que les actes de son père sont toujours motivés par de bonnes raisons, des raisons d'adultes, pas toujours évidentes à comprendre mais forcément fiables.

Jhoannes pousse la petite porte du pied, libérant une saine odeur de renfermé, et penche la nuque à l'intérieur du réduit. Refusant de s'adonner aux fouilles en laissant sa fille seule sur le pavé parisien, il tend le bras vers cette dernière pour qu'elle entre à sa suite. Si c'est toujours enterré où je pense, ça ne sera pas long. Promis, ensuite on va aller acheter des caramels. Ne te cogne pas la tête, hein. Et fais bien attention où tu marches.


- « Qu'est-ce qu'on cherche ? »
- « Un bout d'histoire. Je te raconterai ça ce soir. »
_________________
En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Paris.
Avez-vous déjà noté comme tout va vite à Paris ? C’est comme si la ville avait son propre système d’évolution. Les gens y sont toujours pressés, ils y viennent pour affaires, pour retrouver des amis. Ils passent sans vraiment rester. Ils sont là, et l’instant d’après en repartent en se promettant de revenir plus tard. Parfois ils reviennent, parfois pas. Paris, c’est aussi ça, une parenthèse de sa vie, souvent tellement loin de celle qui vivent le reste du temps qu’il semble irréel d’y remettre les pieds.
Paris.
Les voyageurs et les malandrins.
Paris.
Paris et ses habitants.

Paulin n’est jamais parti de Paris, parce que l’occasion ne s’est pas vraiment présentée. Promis dès son plus jeune âge il savait son destin tout tracé. Paris, l’entreprise familiale, mariage, enfants, deux dans l’idéal, et puis la mort, si possible dignement, après donné les rênes à son ainé, un fils, c’était écrit.
Pour ses parents, le destin de Paulin était tout tracé, ils n’avaient pas prévu que leur progéniture allait aimer jouer. De l’argent. Beaucoup d’argent. Plus que de raison. Que pour payer ses dettes et ses soirées aux tripots, Paulin devrait en visiter d’autres, moins reluisants, de ceux que l’on ne fréquente pas quand il fait jour, de ceux dont on sort au petit matin, aussi aviné qu’un torchon de lampe. Mais Paulin est bien né, et Paulin paye ses dettes. Jusqu’à ce ça soit à Lui, que l’on dût quelque chose. Certains diront qu’ils trichent, mais Paulin sait qu’il sait simplement où sont ses limites.

Et si le temps avait fait son œuvre. Sur ses tempes d’abord, parsemant le brun de ses cheveux de quelques fils gris. Sa barbe avait pris un peu d’avance et même impeccablement taillée, on devinait les poils blancs sans qu’ils ne cachent le menton taillé à la serpe. Et bien évidemment, les affaires avaient fructifiés lui permettant ainsi de jouer des sommes folles aux cartes dont il était friand plus que de raison. Voilà de nombreuses années qu’il n’avait pas perdu folle somme, les cartes de ses adversaires en effet, avaient la fâcheuse tendance à se coucher sur le bois dès que ses phalanges blanchissaient : tout le monde ici connaissait la rancune de Paulin.

Paulin, dont la chance n’avait pas de limites.
Paulin, à qui la vie offrait une chance inestimable aujourd’hui encore.

Battant le pavé, les pas le menaient sur son lieu de travail. Tous les jours la même rengaine. Col relevé, veste impeccablement taillé, visage impassible. Baiser à son épouse. Traversée des Halles, salutations au poissonnier –oui, bien sûr, ce soir après le dîner-, hochement de tête au crieur –merci pour le torchon, sourire à la boulangère –oui, Victoire était ravie, mettez m’en deux pour demain-, signe de main au primeur qui se voit libéré d’une pomme –sur ma note, comme d’habitude !-. A droite pour la rue Coquillère, dix sept pas en regardant droit devant. Vingt deux ans qu’il fait le même trajet, depuis qu’il s’est marié en fait.
Pourtant ce matin, quelque chose attire son attention à l’ancien friturier. Un jeu d’ombres et de lumières qui n’avait pas lieu d’être, puisqu’inhabité depuis plusieurs mois. Paulin n’est pas un chevalier, et si ce n’était pas dans cette échoppe que tout avait commencé, il aurait sûrement continué sa route. Mais ce matin, Paulin sera en retard.
Car la manche bientôt sale de poussière frotte un peu le carreau pour essayer de comprendre ce qu’il se passe ici.
Et sa mâchoire se serre à la vue de la tignasse blonde.
Car si Paulin est dur en affaires, il est aussi très rancunier.
Très, très rancunier.
Très, très très –vous avez compris le concept ?- très –je voulais vérifier- rancunier.

Alors oui, Paulin sera en retard, car il attendra bien sagement que les visiteurs sortent par la porte qu’ils ont forcé pour toiser le père, non sans glisser un œil menaçant vers la fille.


- « C’est toujours un plaisir de retrouver un vieil ami, non ?»

Et le corps d’abandonner l’embrasure de la porte pour que Johannes constate de lui-même que même avec un honneur bafoué, on peut se faire pousser les muscles. Et les beaux habits. Et les « t’as vu j’ai réussi » alors qu’il glisse un œil amusé vers ce que Johannes mettait dans sa besace.

- « Tu fais les poubelles ? »

Et ce rire, Paulin ce rire donne tellement envie de te péter les dents.
Un regard appuyé vers la gosse avant de retrouver le père.


– « Il se murmurait qu’on t’avait vu à l’auberge rue Campagnole, mais je peinais à croire. C’est long vingt ans.
Pas assez pour oublier à quel point tu aimes… les jeunes filles.
C’est moche, c’est petit, mais j’ai dit qu’il était rancunier.

– « Ce soir, ici, à l’heure du dîner, nous reparlerons du bon vieux temps.
Parce que... je n’aime pas trop cette auberge, les gens y sont si.. corruptibles.


La main est tendue et la tignasse aux reflets cendrés est ébouriffée dans un regard insistant au père. Alors Jojo’, on dit que c’est acté ?

– « Sois à l’heure. »
Jhoannes
C'est toujours là, qu'il a constaté avec soulagement. Là, sous la planche, avec quelques écus bonus et un rat mort, mais là tout de même. Hazel découvre l'objet récolté avec une moue de déception. Elle s'attendait peut-être à quelque chose qui brille. Mais t'en fais pas. Là elle est recouverte de terre et poussière, mais une fois lavée à l'eau claire, puis passée entre les mains d'un orfèvre un peu dégourdi, elle aura une vraie gueule de relique. Elle laissera passer la lumière.

La bouille heureuse, il repasse la porte taillée pour les nains en tenant la menotte de sa fille, toujours, et se fait cueillir par un type à la sortie. Enfin pas un type. Paulin, il remet tout de suite son nom. Paulin, mon vieux copain. Ouais, c'est sympa de se retrouver là. J'm'y attendais pas. Paulin, le joueur de ramponneau. Main de fer. La Nouille. Tellement de surnoms splendides je t'ai donnés…

On se serre pas la main ? Non. Il y a un truc qui cloche. Attentif aux signes d'hostilité qui s'amoncellent, Blondin la ferme. Il laisse Paulin causer en solo, note les regards mauvais, glisse une patte sur l'épaule de sa fille. T'inquiète bouchon. Il a toujours été un peu bizarre, Paulin. C'est Paris qui fait ça aux gens. Vu le coup de vieux qu'il s'est pris, il doit être bien ravagé du bulbe, comme les autres, ceux qui sont restés.

D'un mouvement un peu rude, il force Hazel à faire un pas vers l'arrière. T'es gentil, tu touches pas les cheveux de ma gosse. Posons les bonnes barrières. Hein. Il adresse à l'homme un très large sourire, pour dresser une forteresse de plus.


- « Sûr. J'viendrai. »

Faudrait pas manquer ça. Le rendez-vous donné, il attend que la silhouette de l'ancienne connaissance disparaisse au coin de la ruelle. Oui, bien sûr, que j'vais venir… Tu parles. Comme si j'avais que ça à foutre. Taré va.

- « Viens, on va acheter des caramels. »
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Jhoannes
                                                                                                                                                                                                                                           II. Œufs pochés pour la table trente-trois



Après-midi, marché aux herbes.

- « Cha colle aux dents… Dis papa ? »
- « Hum ? »
- « C'était qui le monsieur tout à l'heure ? »
- « Heu… c'est Paulin. C'était un copain. »
- « C'est plus ton copain ? »
- « Non, ça f'sait longtemps qu'on s'était pas vus tu sais. »
- « Longtemps comment ? »
- « Oula… la dernière fois que je l'ai croisé c'était un peu avant de quitter la capitale. On avait joué aux cartes. Il a une veine de cocu au ramponneau… Mais j'en garde un bon souvenir, de cette soirée, y avait Paulin, un forgeron de coin, Victoire aussi, la petite fiancée de Paulin qui débarquait tout juste de Nogent-le-Ro... »

… trou ?
Oh…
Ouais…
Oh merde.
Ça te revient ?


Auberge rue Campagnole, sous les combles.
Bientôt l'heure de souper.


Agenouillée au milieu du lit, Hazel tient la relique entre ses mains.

Johannes est debout, la tête de l'autre côté de la lucarne. Besoin d'air frais. Sa pipe, il l'a bourrée avec plus de chanvre que de lavande. Histoire d'avoir les idées claires. Enfin, détachées. C'est l'état dans lequel il vise à se mettre : détaché, lointain, insensible.


Tu crois qu'il sait ?
Bien sûr qu'il sait.
Tu crois que ça va piquer ?
Ouais. C'est Paulin.

Fuir ? C'est tentant. Le bon sens ordonne de s'échapper. Bien sûr qu'il a fait un truc moche, mais au diable l'honneur ; déjà, tout ça s'est passé il y a vingt longes, même lui il avait oublié ça dans un coin de son château mental, et puis, il y a sa fille. Celle-la même que sa blanche mère a confié sous sa responsabilité. C'est pas rien. Il mâchouille ses lèvres, songe à un plan d'évasion. Si on part maintenant, on devra trouver un orfèvre en route, mais c'est jouable. Un jour de retard sur le trajet ou deux… Toujours mieux que de revenir sur Limoges la tronche enfarinée, non ? Mais si on part, disons maintenant, par la grande porte c'est trop risqué. Paulin a probablement posté des amis dans le coin. Il avait l'air rudement sérieux. En crachant sa fumée le long de la toiture, son regard s'arrête sur une silhouette en contrebas. Pas un pote à Paulin, ça. Paulin lui-même, qui est venu lui faire l'honneur d'une escorte. Coucou. Non, ça se fait pas de venir en avance à un rendez-vous, mais t'es fait comme un rat. T'y échapperas pas, à ton retour de balle de jeunesse.

Claquement de lucarne.
Salaud.
Tu poireauteras une heure, pour la peine.

Pendant le sursis qu'il s'accorde, Jhoannes dépose armure et épée dans un coin. Pas le genre de la maison. On ira en cape et chemise. Il fourre tout de même une tricherie dans ses braies pour protéger le matos, au cas où. Désolé mais j'ai des obligations à tenir ailleurs. Les deux moignons de la main gauche, il les bande un par un contre sa paume, avant de relacer sec le cuir de ses mitaines.

Il s'enfume, encore.

À sa fille, il embrasse le front, les joues, deux douzaines de fois, et la borde pour la nuit avec des recommandations qui se veulent le moins alarmantes possible. C'est juste qu'on risque d'avoir beaucoup de choses à se dire, avec Paulin. C'est ça, les vieilles amitiés. Mais je vais revenir, ne t'en fais pas. Tu seras probablement déjà endormie. Et te rends pas malade avec les caramels.

Le dernier quart d'heure, il le passe en bas, le bec cloué à un goulot de prune. Va bien falloir ça, pour marcher vers son destin. Et puis, finalement, il se pointe devant Paulin. C'est moi.


- « Salut la Nouille. »

Comment va Victoire ?
Haha...

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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
L’avantage d’être patron, c’est qu’il suffit de donner des ordres pour que les choses se fassent. Autant vous dire qu’aujourd’hui, j’ai été le meilleur patron qui soit, j’ai dégueulé les injonctions, claqué la langue pour que ça aille plus vite, et j’ai viré Léon, parce qu’il était blond.
De là à dire que ma petite trouvaille du matin m’avait rendu chafouin…
Le soir, j’étais parti tôt, j’allais être absent pour le dîner et je ne pouvais décemment pas le faire sans prévenir, même si c’est MOI qui porte la culotte –soyons clairs-.


-« Victoire, je ne serais pas là pour le dîner » Ça vous donne l’impression que je me répète mais Victoire, elle, elle ne savait pas.
–« Une raison particulière ? »
- « Non. »
-« Bien, j’avais peur que tu aies écouté les murmures de la rue Coquillère. Bonne soirée Paulin.»

Alors, c’est QUI le patron ?
Les murmures de la rue Coquillère, ça faisait déjà des heures que je les entendais. C’est comme si la ville toute entière s’était liguée pour me rappeler cette partie de cartes d’il y a vingt ans. Sauf que la victoire qu’ils avaient en mémoire n’était pas la mienne, mais bien celle que Johannes s’était enfilée juste après. Ma fiancée maintenant devenue épouse.
J’avais en mémoire le sourire de charogne du blond, alors qu’il abattait ses cartes de perdant, je le savais vil, je le savais faux, mais je n’aurais jamais pensé qu’il irait jusque là. J’avais attendu à la friterie –ex, ex boucherie, ex taverne-, mais Jo’ n’est jamais venu. Et s’il avait défoncé mon honneur à grands coups de rein, je ne lui ferais pas le plaisir de recommencer. Une chemise plus large avait remplacée celle du matin, et la veste près du corps avait laissé place à une à soufflets. J’avais pas prévu de jouer aux cartes, mais bien de lui défoncer la gueule.
Alors les menaces avaient été mis à en exécution et la bande avait pris route vers la fameuse auberge rue Campagnole. Il était là, je le savais, tout le monde se connait ici, surtout les vrais Parisiens. Et vous vous demandez sûrement pourquoi je parle de la bande, alors que c’est vachement simple : je vais le défoncer. Mais si par je ne sais quelle raison il me démâtait avant, la bande s’en occupera. L’équation est simple : si je prends le dessus, je le défonce. S’il prend le dessus, il se fait quand même défoncer.

Et je pouvais bien attendre une heure devant l’auberge.
Et je pouvais même le faire avec le sourire en écoutant Bébert –qui avait encore trop bu pour jouer un air agréable avec son instrument-.
Et je pouvais même mettre les mains dans les poches en regardant la lune.
Et je pouvais même siffloter.
Car ce soir, vingt ans après, j’allais ENFIN faire payer ce couard.



- « Salut la Nouille. »

Ça commençait fort. Deux secondes l’asticot, c’pas la peine de me chercher, j’ai pas prévu de t’en coller une dès le premier round. Je t’explique les règles. D’abord je vais rire, comme si évoquer ce surnom ridicule me donnait un peu de baume au cœur. Ensuite je vais me rapprocher de ta sale gueule avec l’air de ceux qui ne plaisantent pas.
Je vais poser ma main sur ton épaule, taper une fois, deux fois, trois fois même, de quoi t’affaisser un peu ton air de coq pour te rappeler que tu n’es qu’un âne.
Et quand t’auras bien compris que je ne suis pas là pour plaisanter, je vais gentiment te montrer l’intérieur. Tu sais, l’intérieur, là où tu viens de passer seize minutes à t’enquiller de la prune hors de prix sans même la savourer. Et si jamais t’avais pas compris et qu’il te prenait l’envie de faire la roue comme les paons pour m’impressionner, et bin je sifflerais mes amis, qu’étaient aussi les tiens avant que tu t’envoies MA femme, et peut être que tu comprendras que je suis lâche, certes, mais pas aussi con que j’en ai l’air.

La chaise est tirée pour Johannes. Je sais qu’on ne le fait que pour les femmes habituellement, m’enfin si on part du principe que dans quelques minutes –heures seraient présomptueux-, le Blond va perdre ses roubignoles, le calcul est bon.


- « Du vin. » Du vin, parce que ce n’est pas une question. Je pense que t’as remarqué comme ça c’était vidé depuis qu’on était entré. Surprise Parisienne qu’on appelle ça. Une preuve de plus que tu vas manger chaud, tu aimes ?

Allez Jojo’, remballes ton sourire parce que ça me donne juste envie de gagner du temps, de passer la case « boisson » pour avancer directement à l’annonce de ton décès à ta fille. D’ailleurs…


- « Ta fille, tu ferais bien de lui mettre une carte dans la poche, avec une adresse où la renvoyer, si jamais elle n’était pas en mesure de parler pour retrouver son chemin. Paris, c’est grand. »

Mais Victoire se porte à merveille, elle est rarement seule d’ailleurs, depuis toi, merci !
Et ta fille, elle fait souvent des cauchemars ?
Jhoannes
Lorsque Blondin réalise que finalement, on va plus aux Œufs mais que ça va se passer là, cette histoire, il attrape un petit coup de froid dans le dos. Mais dans ces cas-là, faut surtout pas montrer qu'on a choppé un rhume aux amygdales, non. Pas sans le choisir. Il aurait pensé que Paulin allait démarrer les festivités sitôt la porte claquée, alors c'est avec une sorte de soulagement qu'il pose son fion sur la chaise offerte. Merci mon doux prince. Il se tient droit, chaque millimètre de son dos collé au dossier rassurant d'une chaise, alors qu'on sert le vin.

Même, il en prend une gorgée, pour jouer le jeu. De loin, on dirait vraiment des retrouvailles entre copains. J'vous jure, c'est à peine tendu. Et pendant ces quelques minutes de sursis, il analyse. Son cœur bat déjà plus vite, et son cerveau tourne au régime supérieur. Pas le temps de s'attarder sur la beauté des lieux, Jhoannes a toujours eu du sang froid à revendre. Peut-être que quelques années plus tôt, il se serait décomposé plus sérieusement. Mais il y a un détail qui a débarqué dans sa vie, un détail blond, qui dort sous les combles en ce moment. Gros détail.

Un. Oui, ça lui fout les glandes, les menaces sur sa fille. Mais il avale pas. Paulin a une situation, comme disent les bourgeois. Paulin n'est pas sapé comme un mariole, prend soin de ses poils, et n'est pas venu seul. Et Paulin sait très bien que sa réputation va dégringoler jusqu'à la cave des indésirables si jamais « on » apprend qu'il a touché à un cheveu d'une enfant. Et « on » apprendra. Tu vas troquer ton train-train confortable pour une vieille tache sur l'honneur de ta fiancée ? J'suis moyen convaincu. De l'esbroufe pour me voir chier dans mon froc, c'est ça le plaisir que tu cherches.

Deux. La colère n'est pas aussi ancienne que la faute. Sinon il serait déjà allé le chercher aux Œufs, quand il officiait au comptoir il y a quelques années de ça, il lui aurait retourné la face, quelques chaises auraient été amochées dans le processus — oh malheur — et on en serait resté là. Non, c'est récent, que la rumeur a finalement atterri dans ses oreilles. Tant mieux ou tant pis ? Dur d'en juger. Vieux c'est ranci mais tenance, jeune c'est frais mais virulent. L'un dans l'autre, il va douiller. C'est toujours bon de se raccrocher à une certitude.

Trois. Blondin n'aime pas les gens qui tournent autour du pot.


- « Alors… comment va Victoire ? »

J'm'en rappelais même plus de ta meuf, va falloir que je sois inventif.
Mais au moins t'arrête de penser à ma fille, si on aborde le vif du sujet.

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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Et non Blondin, on n’va plus aux Œufs, c’est ça de se prendre pour une mariée et de me faire attendre. Pourtant, à en balader le regard sur toi, je me doute que tu n’as pas passé ce temps à te faire beau. T’aurais au moins pu mettre des beaux habits, que j’ai le loisir d’en faire des guenilles.
Et puis tu sais Johannes, c’est pas plus mal qu’on soit ici, parce que c’est pas prudent de laisser ta fille toute seule à l’étage -sous les combles c’est ça ?-, qui sait ce qui pourrait lui arriver. Nan, tu n’as quand même pas cru que je m’en occuperais tout seul ? Tu crois quand même pas que je me salirais les mains avec le sang de ta gosse ? Ahah, punaise Johannes, t’es toujours aussi drôle. Tiens, tu me donnes chaud, la veste sur le dossier, pouf.

Et sous le calme apparent du Blondin, la colère intérieure du brun ne fait que s’accroître. Surtout lorsqu’il évoque LE prénom. C’est dingue, dans la bouche de Johannes ça sonne comme une insulte, et ça fait un peu tiquer notre Paulin. Tu sais, avec le petit tressautement de paupières.
Carmin tourne dans le verre, et le noir des yeux s’y perd un peu. Sourire s’étend un peu, il ne faudrait pas que Blondin sache qu’il pousse le bouchon un peu trop loin.


- « Victoire ?
MA femme va bien. »
Et ouai, MA femme, ça c’est pour bien que ça te rentre dans le crâne, que ça te remette les idées en place et surtout pour que tu comprennes que non, j’ai pas digéré. Et que je vais te le dégueuler sous forme de poings –dans ta gueule-.
–« Elle est avec les enfants. Des garçons » Et ouais, des garçons, t’as vu comme j’ai bien réussi, moi j’ai pu refiler mon nom à autre chose qu’une gamine albinos. Sourire, gorgée.

-« Et toi Paris, pourquoi ? » Oui, de l’extérieur on dirait vraiment des grands copains, mais c’est pour laisser le temps aux miens de préparer la surprise. Tu sais vieille branche, j’ai toujours gagné à la loyale, et c’est pas parce que j’ai envie de te picassiser que je vais commencer à renier mes principes. T’entends les tables ? Oui, ça grince un peu. C’est le bruit que ça fait quand on les tire, pour les mettre sur le côté, pour improviser un ring. Au centre ? Bin y a nous. Juste nous. Toi, et Moi.
Oui ils ont baissé le rideau et bien fermé la porte, mais regarde, la clé est posée là, juste là, à côté de ton verre. Je ne compte pas te tuer –mais un coup est si vite parti !-.
Ils prennent les paris, oui, ils aiment la distraction, et pour une fois qu’ils vont voir autre chose qu’une brute et un agneau payé pour perdre, ils sont tout excités. Tu l’es aussi, toi, excité ?
Moi l’excitation, ça me fait toujours sourire bizarrement. Et puis ça remonte les manches.
Comme ça. Proprement.
On déboutonne la manche et on tourne.
On tourne, on tourne, et on tourne jusqu’au coude.
Et ensuite ? on fait l’autre.
Proprement. Sans trembler. Avec toujours cette tête légèrement penchée, mirettes juste sur toi.

Tu voulais parler du vif du sujet ? Oh pardon !


-« Les bons comptes font les bons amis, aussi, je dois te présenter quelqu’un.
Mon fils aîné. Jules. »


Il est beau, Jules. Il porte sur Lui la réussite du paternel. Il a toujours été choyé par sa mère, plus que par son père mais qu’importe, c’est Lui qui héritera des affaires quand l’heure arrivera. Alors Jules s’avance jusqu’à poser une main sur l’épaule du père.

- « Jules vient d’avoir dix neuf ans. »
Ouai t’as vu, l’est beau et bien éduqué mon fils non ?
Attends, attends qu’il enlève sa capuche.
Jules, capuche.
Rho allez Jules, vire ta capuche.
Gnnnn morveux, capuche !

SURPRISE.
Jules est blond. Moi pas.
Alors qu’est ce que t’as à dire là-dessus hein ? Tu pardonnes, moi je reprends une gorgée et je vide un peu la bouteille, faudrait pas gâcher.

Aaah, y à pas à tortiller du cul pour chier droit, faudra pas attendre vingt ans pour se revoir Jojo’ !
Jhoannes
Pourquoi Paris ?
Excellente question, tiens.
Parce que j'ai des idées à la con.


- « Tu sais, le retour aux sources, tout ça... »

Sources à l'eau de pisse. Histoire de faire comprendre à ma gamine que Paris, quand t'es pauvre, vaut mieux éviter. Mais que des jolies choses peuvent y arriver, malgré tout, alors merci, Paulin, pour la pierre que tu apportes à ce séjour initiatique. Je sais pas encore quelle morale je vais bien pouvoir tirer de tout ça, mais je vois que tu y mets de la bonne volonté.

J'crois qu'on t'attend au centre…
Oui bah c'est bon, j'arrive…

Dernier regard vers l'alignement des poutres, au cas où un signe tombé du ciel serait en train d'y pendouiller. Un signe, une issue, un miracle, peut-être ? Non ? Rien ? Je compte jusqu'à deux. Zéro, un, un et demi, un deux tiers… un trois quart ? Non ? Bon. Deux alors. Comme : c'est l'histoire de deux glands qui vont se maraver pour un prétexte à la con. Eh bien allons-y alors. C'est tipar. Blondin laisse tomber la chemise, garde ses mitaines, et se radine en face de son adversaire. C'était quand, la dernière fois qu'on s'est adonné aux joies du combat de rue entre copains ? Le calcul est déprimant. Certes, il est bien moins queuss qu'à dix-neuf piges, y a des années de taf qui ont durci sous toute cette peau, mais est-ce qu'il s'est entraîné à filer des patates depuis ? C'est arrivé, mais pas régulièrement. Loin s'en faut. À en réceptionner par contre, ça oui… il y a comme une loi céleste au-dessus de son crâne qui attire les coups. Joie de donner, pas trop, mais plaisir de recevoir, on est au taquet.

Ah tiens, Bernard est là.


- « Bernard. »
- « Johannes. »

Content d'te voir.
Ah, et Jules aussi.
On le connaît pas, Jules.


- « Salut, Jules. »
Jules, Salut.

Second calcul déprimant : Jules a dix-neuf ans. Et la sauce prend pendant quelques secondes, le visage du blond se fige à l'idée d'avoir planté la graine d'un petit bâtard qui aurait germé derrière son passage, et puis il se ravise soudain. Grand sourire. C'est tout bonnement impossible. J'ai même pas besoin d'être bon en algèbre pour en être absolument certain. La première raison, c'est que ce blond, là, planté sur le crâne de ton boutonneux, c'est pas la bonne teinte. Du tout du tout. C'est très moche, même. Et la seconde...


- « Ah pour celui-ci, j'plaide non-coupable, j'ai pas balancé la sauce dans le pot. Parole. »

Et de balancer une œillade amusée à la ronde, voir si l'un des spectateurs serait pas en train de regarder ses pieds ou en l'air, à tout hasard. Quelqu'un veut lever la main ?
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Nan mais c’est que ça serait presque touchant ce petit rencard tu ne trouves pas Jo’ ? Tu revois Bernard, et il se souvient de toi. Faut dire qu’on parle souvent de toi, quand on a trop picolé et qu’on reparle du bon vieux temps. Y a Michel aussi, tu l’as vu Michel ? Allez Michel, dis bonjour à Johannes, ah mince, tu n’peux pas ET tenir la porte ET le saluer, c’est pas grave, Johannes ne t’en tiendra pas rigueur. D’ailleurs si tout se passe comme prévu, il ne devrait pas tenir grand-chose en repartant de là. A part la main de sa fille, peut être, ça dépend, t’as combien de mains Johannes ? Ouais, t’as raison, on en reparlera après.
Et Antoine, tu l’avais reconnu Antoine ? C’est vrai qu’il a pris un coup de vieux, mais pas autant que Louis, ah Louis, le cherche pas, il est mort, pet à son âne. Ah tu l’aurais adoré cette blague que j’avais faite le jour de son enterrement, faut dire que c’est quand même pas banal de se faire écraser par son âne, tu trouves pas ? Allez ris !

Et puis Jacquot, Ah Jacquot. Bin relève la tête mon Jacquot, c’pas parce que t’es blond que tu dois regarder tes pana… Oh putain. Le doigt se dresse vers le Jacquot, va falloir qu’on parle mon gaillard, me dis pas que TOI aussi tu t’es tapé ma femme ?
Est-ce que quelqu’un ici ne s’est pas tapé ma femme ? Elle est belle ma femme, mais quand même…


Et donc le Blond –de base, revenons-en à nos moutons- se dessape. J’suis pas sûre qu’il ait compris le concept de ring, est ce qu’il a confondu avec défilé de mode ? Alors Blondin, on a peur de salir le tissu ? On n’a pas l’argent pour en racheter une autre ? Ou alors on veut montrer ses biscottos ? Bin c’est pas glorieux tu sais, c’bien la peine de se pavaner avec zéro ch’veux blancs si c’est pour avoir un torse pareil, nan mais r’gardez les gars, Jojo a tombé la chemise.

Ah faut avouer que la surprise du Jules a bien calmé l’animal hein. Ça se voit sur son visage, sûrement qu’il fait le calcul, et ouai mec, à un poils de cul près ça pourrait être ton fils.
Sauf si tu t’es terminé dans le pot.
Attends, c’est ma femme que tu traites de pot ?


–« Je vais te péter la gueule. »

Note, j’ai la bienséance de te prévenir, des fois que t’en aurais douté. Les manches sont relevées, ah ouai, c’était déjà fait ça. Et le corps se courbe un peu, poings en avant.
Mais pendant que tu regardes l’assemblée qui vient de comprendre en même temps que moi que mes cornes sont bien plus grandes que ce que j’imaginais, j’en profite un peu. Parce que c’est la règle ici, y a pas de règle tant que tu saignes à la fin.

Et c’est du grand art, que dis-je, c’est de l’orfèvrerie de bagarre.
1. Déploiement du bras pour envoyer valser une chaise. Histoire de te mettre en jambes, j’aimerais pas être le seul à être énervé, parce que ça me fait sortir la veine du front et que c’est disgracieux, j’veux voir si ça te fait pareil.
2. Un petit pas en arrière, c’est ce qu’on appelle communément « reculer pour mieux sauter », souviens toi Jojo’, y a vingt ans, tu m’as « enc’uler pour mieux sauter-ma femme », bin c’est pareil.
3. Petit dossier deviendra grand, parce que balancé à pleine vitesse sur ta trogne, y a de grande chance qu’il te raye la tronche.
4. Petit signe de mains en mode : allez ramène toi.
5.


- « Allez, ramène toi »

Ouai, je préfère le dire des fois qu’il ne comprenne pas le langage des signes.
Et sous les « Aaaaaaaah » « oooooooh », j’ai tout de même entendu Jacquot qui disait parier sur Johannes. Décidément, celui-ci c’est le prochain sur la liste.
Allez Jules, encourage papa.
Nan pas c’lui là !
Jhoannes
Citation:
Les dés du destin ont parlé.
Paulin : 2.
Jhoannes : 4.


Les dés du destin, lancés par le Très-Haut, ont également orienté le dossier de chaise en plein sur le pif à Blondin. ZBLAM ! En entrée, une vague de douleur dans l'arête nasale, y a ses sinus qui crient leur mère et il y a surtout son esprit qui hurle : putain, putain, PAS LES CHAISES !

Combien de fois il devra le répéter aux gens ? Pas les chaises. Jamais. Elles t'ont rien fait, Paulin. Ce sont des êtres sensibles. Tu veux pas rejoindre la Cause des Chaises ? Co-nnard.

Sur un déclic, Blondin devient Bad Blondin. C'est le même Blondin que d'habitude, le nez barré de rouge, mais un brin plus vénère. Dans un sale sourire, il resserre les phalanges de sa patte gauche — enfin ce qu'il en reste — et l'envoie en droite ligne vers le menton de Paulin.

Une, pour la chaise.
Deux, pour Hazel.
Trois, non, pas pour le caillou, mais parce que t'es vraiment une grosse merde, Paulin.

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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Citation:
Les dés du destin ont parlé.
Paulin : 8.
Johannes : 5.



T’en as toujours fait des caisses avec les chaises, là, au moins, t’as une bonne raison, nan mais t’as vu ce qu’elle t’a fait ? Méchante chaise, méchante !
Tu vois Jo’, moi, j’aurais pu en rester là, je suis pragmatique comme mec : t'as baisé ma femme, J’ai baisé ma femme, visiblement Jacquot aussi a baisé ma femme, elle est belle hein ?
Mais voilà que tu te la joues rambo des Campagnoles, et la situation tourne –comme ma femme, ahah-, direct de ta gauche vers mon menton. Une fois, deux fois, trois fois.

Et ça crache, c’t’un peu dégueulasse et beaucoup sanglant, c’est quoi ça une dent ? Sérieux Johannes, une DENT ? Comme quoi la force n’attend pas le nombre de doigts, mais ça m’aura permis de comprendre un truc : on a le droit de doubler –tripler- les coups, au temps pour moi !
J’apprends vite, tu savais ?

Alors maintenant dis moi ce que tu penses de mon doublé, mais si, tu sais quand je chope la bouteille pour te l’éclater sur le coin du museau et qu’avec le tesson j’te raye la peinture du torse.
Allez Blondin, chouine pas, ça fait craquer les filles.
Enfin ça fonctionne plutôt bien avec ma f…


- « ‘culé ! »
Jhoannes
Citation:
Les dés du destin ont parlé.
Paulin : 2.
Jhoannes : 9.


Même pas il chouine. Par contre il pousse un cri de douleur, avant de reculer, à moitié en train de lâcher la rampe. Si la bouteille avait été pleine, il serait certainement tombé dans les vapes sur place. C'est Jacquot qui le rattrape sous les aisselles tandis qu'il bascule vers l'arrière, ce bon Jacquot qui vient potentiellement d'acheter son ticket pour le prochain round qu'on organisera. La douleur bat dans sa tempe hérissée d'esquilles de verre qui ont délogé quelques petits bouts de chair. La moitié de la tronche lui brûle, la rayure sur la carrosserie aussi, surtout qu'un tranchant de tesson c'est moins affûté qu'une fine lame ; ça taillade pas net, ça accroche un peu au passage, à Blondin ça lui rappelle les coupures de coquilles d'huîtres. Oui, pendant son vertige, il lui vient une image d'huître et un goût d'eau salée. C'est qu'il vient de perdre un bon paquet de neurones.

Lorsqu'il revient à la pleine conscience, il a toujours autant mal. Le sang a coulé sur son œil gauche et a posé entre le monde et lui un voile de cramoisi, puis de noir. Adieu vision à 180 degrés. Bonjour colère. Oh, oui, colère, d'ailleurs, est-ce que t'en ferais pas des caisses, là, toi aussi, Paulin ? Tu t'emballes, non ? C'est loyal, le coup de la bouteille ? Après le dossier de chaise ? T'en as pas marre de piquer des accessoires dans le décor ? Tu veux me buter, vraiment ? Me bousiflinguer pour un coup d'un soir ? D'il y a vingt ans, bordel, mais bordel, alors que ma fille dort en haut ? Vraim… vraiment t'es une gross…


- « 'grosse merde Paulin ! »

Et de l'empoigner brutalement par une manche de chemise pour abaisser la garde, et se frayer un passage jusqu'à la tronche à Paulin. Instant casse-museau et féminisme d'avant-garde :

- « TA FEMME ! »

Uppercut dans ta face.

- « ELLE OUVRAIT ! »

Encore.

- « LES CUISSES ! »

Joue droite.

- « POUR ! »

Sous le menton.

- « UN ! »

Balayage dans ton genou.

- « SOURIRE ! »
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Citation:
Les dés du destin sont contre moi :
Paulin : 3.
Johannes : 7.


Tu sais Johannes, je ne sais pas ce qui me fait le plus mal entre le truc que tu me colles dans la gueule –ta main quoi- et leS trucS que tu me balances à la gueule –tu sens la nuance-.
Ma femme, MA femme, elle ouvrait les cuisses pour un sourire ? Bah j’peux te dire que moi j’lui en balance des sourires, et pourtant j’la baise pas bézef’, Mytho !
Pardonnes-moi un instant je me relève. Et je reprends mon souffle.
Non, j’te fais pas une révérence avec la main barrant mon bide hein, je reprends mon souffle j’ai dit. Je lève la main libre, ouai, pour te tenir à distance, on sait jamais, si tu voulais ajouter une précision sur le sourire de ma femme, du genre, un sourire en coin, et bim, je prenais deux torgnoles de plus.

Bizarrement, y a eu personne pour me rattraper moi, j’ai même eu l’impression que Jacquot avait tout donné pour toi et du coup il m’a semblé le voir s’écarter. Ouais reprends des forces Jac’, parce que le prochain c’est toi. Tu fais quoi le sept Mai ?
En attendant, je suis à deux doigts d’abdiquer, mais mon mouchoir n’est plus blanc mais rouge sang, j’aurais peut être pas du m’essuyer la tronche avec. Et puis merd’ Johannes, c’est TOI qui a fait de la merd’ y a vingt ans, tu ne pouvais pas juste prendre ta branlée et partir ? Faut toujours que tu fasses tout à fond, c’est tellement énervant !

T’as déjà vu un taureau charger ? C’est beau hein ? C’est puissant hein ? J’me présente, Paulin le taureau des Campagnoles, qui va viser direct dans tes roubignoles. C’est pas difficile regarde, je m’approche un peu, jusqu’à poser ma main sur ton torse poisseux –de sang, de vin, de sueur, de foutre peut être, à force de te tirer la nouille, parce que c’est pas ton sourire qui doit écarter les cuisses de ta femme hein, sourire d’avril qu’on t’appelait déjà à l’époque-. Donc oui, je pose ma main là, je relève un peu mon regard de bovin miséreux sur toi et…

PAF, mon genou direct dans tes…
Outch, sourire d’Avril serait en fait … Burnes d’acier ?
Jhoannes
Citation:
Les dés du destin protègent mes burnes.
Paulin : 3.
Jhoannes : 5.


Instinctivement, Blondin se plie un peu en deux, s'écarte, lève à son tour une patte dans l'air et cale l'autre sur l'objet du délit. Pouce. Pouce. Attends.

Même avec la barrière de protection — l'idée du siècle, et personne auprès de qui s'en vanter, quelle misère — y a quand même une onde de choc en décalé qui lui part de l'entrejambe. D'accord, rien n'est écrasé, mais on a senti comme une bousculade. Et là, c'est pire qu'un tesson près d'un organe vital, vraiment pire. C'est mes rouleaux. Toi-même tu sais.

Lui aussi, il respire fort. C'est triste de prendre de l'âge.
Il observe Paulin en mono-vision.
C'est vrai qu'il a déconné aussi, songe Blondin. Oui, il était jeune, encore doré comme le soleil, relativement insouciant et bon bien bourré, mais tout de même, ça se fait pas d'enfiler les copines de ses copains. Surtout sur un coup de tête parce qu'on a enchaîné les mauvaises mains au ramponneau.


- « D'acc… d'accord… j'ai merdé. »

Et c'était moche. Mais t'en attends sans doute plus. Genre des excuses. Et si t'avais pas menacé ma fille, je te les aurais sincèrement servies. Sauf que là tu peux te les foutre au cul.
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En noir c'est Jhoannes.
En vert c'est Caillou, une de ses voix intérieures. Caillou est vil.
Paulin.
Citation:
Les dés du destin ont protégé tes roupettes, mais ça s’arrête là Blondin :
Johannes : 2, Looser
Paulin : 9, chance de cocu.



Tes rouleaux, ouais, moi même je sais surtout que tu les as fait tinter contre les cuisses de ma femme et d’ailleurs, puisque t’as pris un coup sur la tête, je vais te rappeler que c’est un peu à cause de ça qu’on en est là, toi et moi.
Ainsi donc, t’avais protégé tes boules. Ingénieux. J’irais pas jusqu’à dire que c’était l’idée du siècle m’enfin ça aura au moins eu le mérite de pas te faire chialer ta mère. J’aurais bien aimé un final où tu te roulais par terre en me demandant pardon mais tu sais Johannes, dans la vie faut savoir se contenter de peu.

On a l’air fin tiens, tous les deux avec la gueule éclatée, à cracher nos poumons comme si on avait une maladie terrible qui nous ferait boire de la pulmonaire tous les jours jusqu’à ce que ça devienne critique et qu’on crève étouffé –et ta femme, j’t’ai pas demandé, ça va bien ?-.
Ah ouai, on a l’air fin, on est tombé bien bas, enfin toi, surtout parce que tu finis par avouer que t’as merdé. C’est pas un pardon, mais ça y ressemble quand même, t’es fière Blondin, tu le sais ?

Pas autant que moi.

Et c’est pour ça que je vais t’achever Johannes. Parce que j’ai déjà perdu mon honneur dans l’histoire, ma femme est une traînée, tout le monde le sait. Jacquot est probablement le père de mon fils, je ne suis plus à ça près Jojo.
Alors ouai. Ouai c’est moche mais je vais te finir, ici. Je vais te maraver la tronche avec le cendard en fonte. Je vais peut être m’exciter un peu plus qu’il n’en faudrait sur ta jolie gueule, je vais pas te mentir, tu vas te taper un beau mal de tête et tu vas pas ressembler à grand-chose.
Oh on parle de quoi, deux, trois bonnes patates de forain sur ta tronche ? C’est quoi dans une vie, alors que t’as dégueulassé la mienne rien qu’en ramenant ton cul dans MA ville.
Tu t’souviens quand t’as ponctué tes coups de mots –ou l’inverse d’ailleurs- ? Bin j’vais faire pareil. Parce que même avec ça, j’suis pas loyal.


– « YOU »

Bim. Arcade à droite.

– « *Autocensored* »

Vlan. A gauche, pas de jalouse.

– « MY »

Crac. Le tarbouif.


– « WIFE »

Je sais que j’avais dit deux ou trois max, c’est pour ça que celui là, c’est entre tes pattes, mais c’est pas la peine de simuler, je sais que t’as une coquille.

Non, je parle pas Anglais, mais en Français ça aurait été vachement moins fun.
Alors le regard se lèvera vers les autres avant que j’envoie la fonte dans la vitrine. Y aura plus de bruit là. Y aura plus que des regards qui n’osent pas croiser le mien, toi étendu sur le sol, et mon honneur posé pas loin.
Peut-être qu’on est allé trop loin. Peut-être qu’on aurait du se contenter de boire un coup. Peut-être que tu réfléchiras la prochaine fois que tu baiseras une femme qu’est pas la tienne. Peut-être que je vais apprendre à pardonner, moi.

Allez Johannes, je glisse un dernier truc à ta ceinture et après on se casse. Tous.
Ouais, on te laisse au milieu de tout ça, comme un clébard.
Crève pas hein. Ça serait con.


Spoiler:
Moi aussi j’avais parié sur toi, l’argent est sous ta chemise.
Victoire n’avait jamais avoué. Elle.



Et dors pas trop Blanche Neige, ça ouvre à six heures et demi, et tu devras être parti.
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