Vran
Qu'elle est étrange, cette double sensation. Quand le soleil réchauffe la peau, alors que l'air la fait frissonner en même temps. Ce matin là, il faisait beau, encore frais, mais beau. Vran avait ouvert sa fenêtre et, assis sur une chaise à proximité, il observait l'extérieur, la joue posée sur ses bras croisés sur le rebord. Il était nu, et ne faisait pas vraiment attention aux effets du froid ou du soleil sur son corps. En vérité, il n'était pas vraiment présent. Il n'observait rien. Cela devait faire au moins une heure, qu'il était là, comme engourdi, son esprit perdu loin dans le royaume de ses pensées.
Ce matin, le réveil s'était fait brutalement. De ceux qui nous redressent dans le lit, les doigts crispés sur les draps, la peau luisante et le cur battant à tout rompre. Encore un cauchemar. Oublié dès le réveil, comme à chaque fois. C'était ainsi depuis qu'il était sorti de sa propre tombe. Des cauchemars dont la mémoire se débarrassait immédiatement, soucieuse de protéger la santé mentale. Oui, bien qu'il l'avait majoritairement gardé pour lui, la mort avait eu son effet sur Vran. Un prix invisible. Quant on lui avait demandé, curieux, ce qui se trouvait après la mort, il avait répondu qu'il n'avait aucun souvenir. C'était vrai. Mais pas complètement. C'était comme si le souvenir de ce qui se trouve de l'autre côté existait bel et bien dans un coin de sa tête, mais que celui-ci était si inadmissible, que son cerveau avait décidé d'en bloquer l'accès. Résultat, Vran faisait des mauvais rêves qui l'arrachait de son lit avec violence, sans qu'il ne puisse jamais connaître le contenu de ces rêves. Pire, même éveillé, une sensation étrange le suivait, comme si tout ce qu'il voyait n'était qu'un voile qu'il suffisait de pincer puis de soulever pour dévoiler une réalité atroce.
C'est Mog, son jeune mâtin espagnol, qui le tira de ses rêveries, couinant et léchant les doigts qui pendaient mollement. Vran se décolla de la fenêtre et frotta énergiquement la tête du chien. Il finit par quitter la chaise, fermer la fenêtre et s'habiller. C'est qu'il avait à faire. Avant de sortir de chez lui, un profond soupire s'extirpa d'entre ses lèvres. En plus de l'ombre qui semblait le hanter, il avait d'autres soucis qui mettaient son moral à l'épreuve. Il secoua la tête, et ouvrit la porte. Un sifflement, et l'animal sort, avant qu'il ne referme derrière lui.
Une bonne partie du jour fut occupée par les préparatifs du voyage qu'il s'apprêtait à faire. En vérité, il aurait pu s'en occuper rapidement, et avoir du temps pour lui. Sauf que son état d'esprit tendait à le ralentir. Les marches étaient calmes, sa réflexion tranquille. Comme si une partie de son énergie était indisponible, occupée à autre chose.
L'après midi était bien avancée quand il eut terminé. Il lui restait encore une chose à faire. Quelque chose qui lui était passé par l'esprit plusieurs fois, mais qu'il ne s'était jamais décidé à faire. Ses pas le firent parcourir les rues de Limoges, toujours avec lenteur. Peut-être même aurait-on pu parler de placidité. Mog suivait sagement, mais bientôt, il faudrait le faire courir un peu. Les portes du cimetière furent passées. Mog commençait à s'agiter. La tombe fut rejointe. Sa tombe. Le mâtin se mit à couiner.
Le trou avait été rebouché. Le cadavre du pilleur enlevé, ou bien avait-il survécu. Son regard se perdit dans le vide, posé sur la sépulture. Alternant entre la terre et la plaque.
Vran Di Foscari Widman d'Ibelin,
Epoux regretté.
Difficile de dire combien de temps Vran était resté là. En tous cas, le soir était arrivé, et Mog s'était arrêté de couiner pour se coucher aux pieds de son maître. C'est un regard teinté de tristesse qu'il finit par relevé, avant de s'en aller, suivit d'un animal content d'enfin quitter cet endroit. Il fallait encore qu'il voit ses compagnons de voyage.
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Ce matin, le réveil s'était fait brutalement. De ceux qui nous redressent dans le lit, les doigts crispés sur les draps, la peau luisante et le cur battant à tout rompre. Encore un cauchemar. Oublié dès le réveil, comme à chaque fois. C'était ainsi depuis qu'il était sorti de sa propre tombe. Des cauchemars dont la mémoire se débarrassait immédiatement, soucieuse de protéger la santé mentale. Oui, bien qu'il l'avait majoritairement gardé pour lui, la mort avait eu son effet sur Vran. Un prix invisible. Quant on lui avait demandé, curieux, ce qui se trouvait après la mort, il avait répondu qu'il n'avait aucun souvenir. C'était vrai. Mais pas complètement. C'était comme si le souvenir de ce qui se trouve de l'autre côté existait bel et bien dans un coin de sa tête, mais que celui-ci était si inadmissible, que son cerveau avait décidé d'en bloquer l'accès. Résultat, Vran faisait des mauvais rêves qui l'arrachait de son lit avec violence, sans qu'il ne puisse jamais connaître le contenu de ces rêves. Pire, même éveillé, une sensation étrange le suivait, comme si tout ce qu'il voyait n'était qu'un voile qu'il suffisait de pincer puis de soulever pour dévoiler une réalité atroce.
C'est Mog, son jeune mâtin espagnol, qui le tira de ses rêveries, couinant et léchant les doigts qui pendaient mollement. Vran se décolla de la fenêtre et frotta énergiquement la tête du chien. Il finit par quitter la chaise, fermer la fenêtre et s'habiller. C'est qu'il avait à faire. Avant de sortir de chez lui, un profond soupire s'extirpa d'entre ses lèvres. En plus de l'ombre qui semblait le hanter, il avait d'autres soucis qui mettaient son moral à l'épreuve. Il secoua la tête, et ouvrit la porte. Un sifflement, et l'animal sort, avant qu'il ne referme derrière lui.
Une bonne partie du jour fut occupée par les préparatifs du voyage qu'il s'apprêtait à faire. En vérité, il aurait pu s'en occuper rapidement, et avoir du temps pour lui. Sauf que son état d'esprit tendait à le ralentir. Les marches étaient calmes, sa réflexion tranquille. Comme si une partie de son énergie était indisponible, occupée à autre chose.
L'après midi était bien avancée quand il eut terminé. Il lui restait encore une chose à faire. Quelque chose qui lui était passé par l'esprit plusieurs fois, mais qu'il ne s'était jamais décidé à faire. Ses pas le firent parcourir les rues de Limoges, toujours avec lenteur. Peut-être même aurait-on pu parler de placidité. Mog suivait sagement, mais bientôt, il faudrait le faire courir un peu. Les portes du cimetière furent passées. Mog commençait à s'agiter. La tombe fut rejointe. Sa tombe. Le mâtin se mit à couiner.
Le trou avait été rebouché. Le cadavre du pilleur enlevé, ou bien avait-il survécu. Son regard se perdit dans le vide, posé sur la sépulture. Alternant entre la terre et la plaque.
Vran Di Foscari Widman d'Ibelin,
Epoux regretté.
Difficile de dire combien de temps Vran était resté là. En tous cas, le soir était arrivé, et Mog s'était arrêté de couiner pour se coucher aux pieds de son maître. C'est un regard teinté de tristesse qu'il finit par relevé, avant de s'en aller, suivit d'un animal content d'enfin quitter cet endroit. Il fallait encore qu'il voit ses compagnons de voyage.
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