Astana
- ✦ 4 mai XX Le Jugement ✦
Petit matin. Couche vide et draps encore chauds.
Sørensen a se petite routine bien huilée. Aux premières lueurs, Danoise s'éveille et plonge ses mains dans une bassine d'eau claire. Les mains en coupe viennent rincer le visage des restes de la nuit, rafraîchir la peau non, ceci n'a rien à voir avec une routine beauté particulière à base d'eau de rose et ne constitue pas non plus un miracle anti-ridules autour des yeux. C'est une partie de son rituel d'avant prière. Après, mains sont lavées jusqu'aux coudes et passent sur la tête. Les pieds et les chevilles seront rincés aussi. Ainsi elle se recentre, s'ancre dans le moment présent. Enfin... normalement. Ce matin les châsses grises coulent sur un bouquet séché qui pionce sur la commode. Et elle réalise. Le geste s'arrête net, mains dans l'eau demeurent.
Et si...
Astana s'assied. Il se passe un truc. C'est pas comme une illumination, ce qui lui arrive-là, non, ça n'a pas cette violence-là. Ce n'est pas quelque chose qui vous éclate en plein visage. C'est comme quelque chose qui a fait son trou, lentement mais sûrement et qui un beau jour se révèle. Un bourgeon qui éclot. C'est assez joli et poétique, en définitive. Mais parfois ça fait tout drôle. La beauté fait mal. Tu le sens, le petit tournis qui vient ?
Est-ce qu'il serait possible que... Non ?
Dans sa forteresse mentale, Astana se repasse le fil des évènements des ces derniers mois. Alors c'est l'histoire de deux meufs dans un bar qui... Tch ! Non mais si, je te jure, c'est vraiment l'histoire de deux nanas dans un bar qui... non, elles n'ont même pas tant bu, mais elles causent franc et droit. Il est tard, il fait tout nuit à travers le carreau et plus personne ne traîne dans les environs. De quoi c'est parti ? Ce point-ci est flou, mais certaines phrases tournent en boucle. « On retourne juste à la Nature », « On fait plus de nuances », « Les voies du pinard sont partout », « L'une d'elles est autour de la Liberté », « On lui murmure son prénom à l'oreille à la naissance ». Sans le vouloir, Sadella avait planté une graine qui s'était fait arroser tous les jours, l'air de rien, par des petites choses. Et aujourd'hui...
Putain Sa Blondeur t'es en train de virer spino ? Ou pire : druidesse ? A quand les longs cheveux en bataille, auréolée de feuilles de chêne, protectrice et envoutante ? N-non, c'est une dryade, ça. J'vire rien, je...
- « Suis ? »
Non. Ne suis plus.
Les sourcils se froncent au-dessus de la grisaille. Un temps. Longtemps ? C'est au tour du palpitant de louper un battement. Aïe. On vient de frapper à sa porte. Le soleil a bien baissé depuis qu'elle s'est posée là. Combien ? Bruissements d'étoffes, gorge raclée, masque serein affiché et le museau de la danoise se montre dans l'entrebaillement.
- « Ouais ? »
- « J'ai fait comme tu m'as dit, j'l'ai foutu au trou. »
- « Quelle geôle ? »
- « La moins humide parce que j'suis solidaire envers les vieux. »
- « T'es salaud. »
- « Hinhin. Tu viens ? »
- « Donne-moi trois minutes. »
Le temps de me recomposer.
Sørensen se sape en quatrième vitesse, se glissant rapidement dans une paire de braies, prenant à peine le temps de lacer correctement ses bottes. Chemise trop large, tant pis. Cape rapidement ajustée. Lorsqu'elle referme la porte derrière elle, Astana a l'impression que c'est comme de tirer un trait. Mais en est-ce vraiment un ? Après tout, certaines fleurs ne survivent pas au printemps.
20:16 Vous tirez la carte (XX) Le Jugement, qui se consume alors sous vos yeux. Vous vient soudain comme une envie d'introspection. Vous vous asseyez et méditez sur ce que vous avez accompli jusqu'à présent... c'est pas joli joli, vous vous sentez mal, et votre foi s'effondre, si tant est qu'il vous en restait encore...
_________________
Merci JD Sadella ♥