Saorii
Deux mois ? Trois peut-être ? Le dos calé contre un feuillu quelconque - en grande amoureuse de la nature, la brune ne savait reconnaître que les pins, les oliviers et les saules. Le reste, c'était des arbres, et cela suffisait au bonheur de sa cervelle indolente -, Saorii songeait. Pas au ligneux végétal qui s'évertuait vainement à ployer ses bras jaunis et assoiffés vers la flotte, non. Quoique. Pour une raison inexplicable, il lui était sympathique, peut-être se trouvait-elle des points communs avec le chétif baliveau. Saorii songeait, donc, à l'endroit même où deux mois auparavant, peut-être trois, elle avait rejoint le brun pour une balade en barque - au bord du Rhône.
Il y avait deux mois, trois peut-être, deux vagabonds traversaient la Provence direction l'Italie et un mariage improbable, et une brune avait au ventre cette sourde angoisse que connaissent bien les gens trop heureux: ils savent. Saorii n'avait jamais atteint Gênes. A Albenga, elle avait rebroussé chemin, et l'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais il l'avait retrouvée, et les tripes meurtries de la rôdeuse donnaient tous les signes du miraculé qui n'a aucunement l'intention de calancher tout de suite. C'était fâcheux. Ce qui l'était tout autant, c'était la sensation d'avoir troqué sa féline carcasse contre celle du souriceau, et le brun irascible, elle lui aurait foutrement bien claqué la porte au nez une seconde fois.
Mais voilà, muridé ou pas, elle était encore à Arles, assise sur un vestige d'herbe, dos flanqué à un arbre et front buté vers le Rhône. Toisait le grand fleuve, et lui expliquait d'un air convaincu que c'était sa flemmardise naturelle qui l'empêchait de ramasser sa besace efflanquée - les bouteilles ne faisaient pas long feu, ces derniers temps - et de mettre les bouts. Et puis, il faisait chaud, et c'était pas humain de prendre la route sous un cagnard pareil. Elle se tut, laissant passer une colonie de fourmis affairées, deux mouettes, et un beau garçon aux yeux rieurs. Ce furent les tripes, insatiables harpies, qui prirent le relais. Soupir.
"Saorii, tu vieillis."
Cet aveu jeté à la face du Rhône, la brune déplia son corps endolori de chatte oisive, épaula son sac et prit la direction de la ville. Cette nuit, sans doute, elle livrerait avec sa liberté un ultime combat.
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SAO.
Il y avait deux mois, trois peut-être, deux vagabonds traversaient la Provence direction l'Italie et un mariage improbable, et une brune avait au ventre cette sourde angoisse que connaissent bien les gens trop heureux: ils savent. Saorii n'avait jamais atteint Gênes. A Albenga, elle avait rebroussé chemin, et l'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais il l'avait retrouvée, et les tripes meurtries de la rôdeuse donnaient tous les signes du miraculé qui n'a aucunement l'intention de calancher tout de suite. C'était fâcheux. Ce qui l'était tout autant, c'était la sensation d'avoir troqué sa féline carcasse contre celle du souriceau, et le brun irascible, elle lui aurait foutrement bien claqué la porte au nez une seconde fois.
Mais voilà, muridé ou pas, elle était encore à Arles, assise sur un vestige d'herbe, dos flanqué à un arbre et front buté vers le Rhône. Toisait le grand fleuve, et lui expliquait d'un air convaincu que c'était sa flemmardise naturelle qui l'empêchait de ramasser sa besace efflanquée - les bouteilles ne faisaient pas long feu, ces derniers temps - et de mettre les bouts. Et puis, il faisait chaud, et c'était pas humain de prendre la route sous un cagnard pareil. Elle se tut, laissant passer une colonie de fourmis affairées, deux mouettes, et un beau garçon aux yeux rieurs. Ce furent les tripes, insatiables harpies, qui prirent le relais. Soupir.
"Saorii, tu vieillis."
Cet aveu jeté à la face du Rhône, la brune déplia son corps endolori de chatte oisive, épaula son sac et prit la direction de la ville. Cette nuit, sans doute, elle livrerait avec sa liberté un ultime combat.
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