Sadnezz
[Quelque part sur les chemins]
le jour pointait sur la route de caillasse où claquaient les sabots boueux d'un canasson bien chargé. La pauvre bête avançait avec son fardeau rondement fagoté, en trainant de la patte, tirée par un jeune homme pensif. A ses coté un autre cheval à l'allure plus gaillarde, monté par une brune pansue, encapuchonnée de rouge qui jurait toute les 5 minutes en italien les sourcils fronçés . Le petit convoi cheminait vers une ville dont le clocher était à vue. Carte en main, la rouge se mit a scruter les lieues de vélin tout en laissant son index trainer sur les lignes d'encres estompées par le temps. Un soupir lui échappa
Si j'en crois ma carte, je suis bientôt arrivée à Patay. Si j'en crois ma raison, je me suis encore trompée de carte...
Il y avait sur ses traits un air d'incertitude et de quiétude, étrange mélange qu'elle garda planté dans le regard quelques longues minutes. Elle jeta un coup d'oeil au jeune homme qui menait à pied la bête battée. Il avançait sans regarder le chemin, mais en fixant ses bottes poussiéreuses, comme si à tout moment elles apporteraient quelconque réponses aux questions qu'il avait l'air de se poser. Tout en relâchant la bride de sa monture elle le fixa, longtemps, lentement ballottée par le pas tranquille du cheval. Cette contemplation lui donna quelques remords car elle amena peu à peu des images qui défilèrent dans ses pensées, déferlante de souvenirs qu'elle était entrain d'enterrer un peu plus à mesure qu'elle avançait sur cette route de misère. ce tourbillon cessa brutalement au son d'un lointain tintement. Les matines. Dans sa pupille dilatée la dernière image fut saisissante de réalisme, à tel point qu'elle cru revivre l'instant, entendre les bruits alentours et sentir les odeurs des lieux.
Une taverne, la sienne. Au Chaperon Rouge la bien nommée...
Le pas du cheval, sabot qui claque.
Sa houppelande au sol, rouge étoffe abandonnée...
Sabot qui claque
Odeur de bière séchée, pintes sales éparpillées....
Sabot qui claque.
ses cheveux étalés sur une table, les yeux plissés...
Sabot qui claque.
Lui, sa voix, ses gestes brusques, la nuit sans lune...
sabot qui claque.
Arrete!
matines
Retour à la réalité. Le jeune homme était toujours là, l'air frais du matin n'avait pas changé, mais la rouge sentit ce qui avait changé. Elle. Elle avait changé. Sa fuite de l'Anjou, la vente de ses terres, échoppe et maison, le départ imminent. Quitter ses souvenirs, qui lui revenaient en pleine figure au détour de la courbe d'une colline, d'un arbre au bord du chemin, du regard d'un passant. Sa main droite vint se poser sur son ventre. Sa troisième engeance. Cette fois elle serait seule pour la mettre au monde, car même son jeune écuyer de fortune pensif n'aurait pu l'approcher, la petite ortie redevenait sauvage, à mesure qu'elle s'éloignait de sa vie bien rangée, prête à montrer les dents au premier qui troublerait son "incertaine quiétude". Ortie parmi les ronces, on aurait pu voir pire comme retour à la liberté. Dans ses bagages la rouge n'avait que du superflu et si peu d'indispensable... Peut être que c'était la représentation de sa vie qui brinqueballait là à dos de canasson. Un bagage plein à craquer, que l'on ne pouvait pas rater, des kilos d'apparats, choisis un jour et finalement jamais portés pour la plupart, de la contradiction en montagne, du facile si futile... Elle pensa à sa fille, déja piquée des affres de la coquetterie et ce dès le berceau, lorsqu'elle reçut son lange rouge, brodé par les soins du chaperon comme cadeau de bienvenue à la vie... Puis à son fils, fils... Non elle chassa cette image là. Soupir.
- Eroz, peux tu me donner une flasque de Craonnaise? regarde dans la sacoche sur la droite je te prie.
Elle s'adressa au jeune qui, tiré de sa propre rêverie s'exécuta sans tarder. Sadnezz porta le délicieux breuvage à ses lèvres et se délecta le gosier avec lenteur, pour faire durer le plaisir. Sa gorge commençait à se dessécher cruellement. Bien entendu elle but pour deux, avec le prétexte facile comme toujours. Balançant la flasque vide sur son monticule d'affaire voisin, elle sourit soudainement. Ils étaient arrivés aux portes de la ville. Sad reprit la bride court et éperonna sa bête. Une taverne fut vite en vue. Elle fit signe à Eroz de l'aider à descendre et une fois fait lui somma d'aller panser les chevaux. Défroissant du plat de la main sa houppelande elle s'avança vers la taverne où elle espérait trouver couche pour la nuit.
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le jour pointait sur la route de caillasse où claquaient les sabots boueux d'un canasson bien chargé. La pauvre bête avançait avec son fardeau rondement fagoté, en trainant de la patte, tirée par un jeune homme pensif. A ses coté un autre cheval à l'allure plus gaillarde, monté par une brune pansue, encapuchonnée de rouge qui jurait toute les 5 minutes en italien les sourcils fronçés . Le petit convoi cheminait vers une ville dont le clocher était à vue. Carte en main, la rouge se mit a scruter les lieues de vélin tout en laissant son index trainer sur les lignes d'encres estompées par le temps. Un soupir lui échappa
Si j'en crois ma carte, je suis bientôt arrivée à Patay. Si j'en crois ma raison, je me suis encore trompée de carte...
Il y avait sur ses traits un air d'incertitude et de quiétude, étrange mélange qu'elle garda planté dans le regard quelques longues minutes. Elle jeta un coup d'oeil au jeune homme qui menait à pied la bête battée. Il avançait sans regarder le chemin, mais en fixant ses bottes poussiéreuses, comme si à tout moment elles apporteraient quelconque réponses aux questions qu'il avait l'air de se poser. Tout en relâchant la bride de sa monture elle le fixa, longtemps, lentement ballottée par le pas tranquille du cheval. Cette contemplation lui donna quelques remords car elle amena peu à peu des images qui défilèrent dans ses pensées, déferlante de souvenirs qu'elle était entrain d'enterrer un peu plus à mesure qu'elle avançait sur cette route de misère. ce tourbillon cessa brutalement au son d'un lointain tintement. Les matines. Dans sa pupille dilatée la dernière image fut saisissante de réalisme, à tel point qu'elle cru revivre l'instant, entendre les bruits alentours et sentir les odeurs des lieux.
Une taverne, la sienne. Au Chaperon Rouge la bien nommée...
Le pas du cheval, sabot qui claque.
Sa houppelande au sol, rouge étoffe abandonnée...
Sabot qui claque
Odeur de bière séchée, pintes sales éparpillées....
Sabot qui claque.
ses cheveux étalés sur une table, les yeux plissés...
Sabot qui claque.
Lui, sa voix, ses gestes brusques, la nuit sans lune...
sabot qui claque.
Arrete!
matines
Retour à la réalité. Le jeune homme était toujours là, l'air frais du matin n'avait pas changé, mais la rouge sentit ce qui avait changé. Elle. Elle avait changé. Sa fuite de l'Anjou, la vente de ses terres, échoppe et maison, le départ imminent. Quitter ses souvenirs, qui lui revenaient en pleine figure au détour de la courbe d'une colline, d'un arbre au bord du chemin, du regard d'un passant. Sa main droite vint se poser sur son ventre. Sa troisième engeance. Cette fois elle serait seule pour la mettre au monde, car même son jeune écuyer de fortune pensif n'aurait pu l'approcher, la petite ortie redevenait sauvage, à mesure qu'elle s'éloignait de sa vie bien rangée, prête à montrer les dents au premier qui troublerait son "incertaine quiétude". Ortie parmi les ronces, on aurait pu voir pire comme retour à la liberté. Dans ses bagages la rouge n'avait que du superflu et si peu d'indispensable... Peut être que c'était la représentation de sa vie qui brinqueballait là à dos de canasson. Un bagage plein à craquer, que l'on ne pouvait pas rater, des kilos d'apparats, choisis un jour et finalement jamais portés pour la plupart, de la contradiction en montagne, du facile si futile... Elle pensa à sa fille, déja piquée des affres de la coquetterie et ce dès le berceau, lorsqu'elle reçut son lange rouge, brodé par les soins du chaperon comme cadeau de bienvenue à la vie... Puis à son fils, fils... Non elle chassa cette image là. Soupir.
- Eroz, peux tu me donner une flasque de Craonnaise? regarde dans la sacoche sur la droite je te prie.
Elle s'adressa au jeune qui, tiré de sa propre rêverie s'exécuta sans tarder. Sadnezz porta le délicieux breuvage à ses lèvres et se délecta le gosier avec lenteur, pour faire durer le plaisir. Sa gorge commençait à se dessécher cruellement. Bien entendu elle but pour deux, avec le prétexte facile comme toujours. Balançant la flasque vide sur son monticule d'affaire voisin, elle sourit soudainement. Ils étaient arrivés aux portes de la ville. Sad reprit la bride court et éperonna sa bête. Une taverne fut vite en vue. Elle fit signe à Eroz de l'aider à descendre et une fois fait lui somma d'aller panser les chevaux. Défroissant du plat de la main sa houppelande elle s'avança vers la taverne où elle espérait trouver couche pour la nuit.
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