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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

--Fanette_loiselier

    Frontière du Limousin, 24 mai 1469

Comment diable ces petits volatiles pouvaient trouver leurs destinataires ? C'était un mystère que Fanette ne s'était jamais expliqué. Quoi qu'il en soit, elle avait reçu le pli de Mahaut, mais l'orfèvre dont la brune lui causait était pour elle un parfait inconnu. Limoges était à portée de pas, elle aurait bien le temps de s'occuper de cela en revenant …

En revenant …

Les lèvres angevines étirèrent un sourire rêveur au souvenir de sa maison, et de tout ce qu'elle y aimait. Il lui suffisait de fermer les yeux pour sentir encore l'odeur de bois ciré, celui de la cheminée qui refoulait les jours de vent, le parfum de la soupe qui mijotait dans l'âtre, ou celui plus chaud et plus boisé de la cannelle qu'elle râpait dans le lait chaud.

Elle pouvait toujours entendre le bourdonnement assourdi des discussions qui lui parvenait de la salle commune quand elle avait à faire dans la pièce voisine. Elle sentait encore sous ses doigts la douceur de l'étal de bois. Elle en connaissait par cœur chaque défaut, chaque anfractuosité.

Chaque instant qu'elle avait vécu au Lupo sonnait comme un rire au fond de sa mémoire, les pas précipités, les danses, les jeux, les naissances, l'amour, tout avait encore cette saveur du bonheur, comme si cette année passée au loin, quand sa maison lui avait tant manquée, avait effacé les larmes et les drames qui s'y étaient succédés jusqu'à la contraindre à l'exil.

L'Angevine savait bien qu'en revenant, elle se trouverait confrontée à tous ces souvenirs houleux. Il lui tardait de retrouver Stella, de lui conter toute une année loin d'elle, même si, en allant s'asseoir à côté de sa petite tombe, aussi bucolique soit-elle, la joie d'être de nouveau près d'elle ne pourrait effacer la douleur de l'avoir perdue. Mais elle avait le temps. Pour le moment, elle voulait uniquement savourer le plaisir et le soulagement de revoir ces reliefs tant aimés sans que rien ni personne ne gâche son plaisir de rentrer enfin chez elle.




Mauhaut,

Nous verrons que ce l'on peut faire pour cet Andrea Beaumanoire à mon retour, avant la fin de la semaine. Il faudra préparer trois chambres, mais rien ne presse, je pourrais t'y aider à mon arrivée.

A très vite.




__________________
Fanette_
    Limoges, 28 mai 1469

Mahaut étalait les chiffres dans les colonnes, additionnait, comptait, vérifiait avec une facilité que n'avait pas la fauvette. Jadis, quand elle était seule aux commandes de l'établissement, il se trouvait toujours quelqu'un pour reprendre ses comptes et rectifier les erreurs, Roman s'y était parfois attelé, mais le plus souvent, c'était Svan ou le paternel Loiselier.

Fanette excellait dans la tenue de la maison et l'accueil des pensionnaires, ce qui avait valu au Lupo d'être, en son temps, l'auberge la plus fréquentée de la ville et la plus prospère. Mais ça, c'était avant. L'amabilité de l'Angevine s'était ternie après l'enlèvement de Milo et les clients s'étaient enfuis vers des lieux plus agréables.

Le décès de Stella et les giries du Corleone avaient porté l'estocade à la renommée de la maison, et, malgré le départ de la propriétaire, l'infatigable Mahaut n'avait pas su faire remonter la pente à l'établissement qui ne survivait depuis que grâce aux gains générés par le lopin de terre qu'elle exploitait au nom de Milo et de sa mère.

La brune ne s'en plaignait pas. Elle arrivait malgré tout à gagner sa vie, à embaucher quelques journaliers qui s'occupaient des terres quand elle travaillait dans la vieille bâtisse.

– Tu vois, ça nous fait entre quinze et vingt écus de moyenne par jour.

Fanette acquiesçait. Elle se souvenait des recettes qui dépassaient régulièrement les cent écus, quand ce n'était pas deux ou trois cents, jusqu'à ce soir incroyable où elle avait empli sa caisse de plus de sept mille écus. Au lendemain, quand Terrence s'était dévoué pour faire les comptes, elle lui avait demandé confirmation pas moins de trois fois avant de consentir à le croire.

Attablées devant les colonnes de chiffres, les deux femmes en étaient bien loin.

– Regarde, expliquait Mahaut, en pointant du doigt ses calculs, je dois vendre deux ou trois repas par jour et peut-être cinq ou six godets d'alcool, et encore.

Fanette grimaçait légèrement.

– Tu n'arriverais pas à payer les charges avec ça sans la vente du maïs, je me trompe ?

La fille du fourbisseur acquiesça. Si le Lupo ne lui permettait pas de s'enrichir, l'arrangement qu'elle avait trouvé avec l'Angevine lui avait permis de s'affranchir de l'autorité paternelle et de gagner son autonomie. Elle avait eu le loisir de refuser une demande en mariage, préférant goûter à l'autonomie et l'agrémenter de rencontres sans lendemain qui suffisaient à la satisfaire. Mahaut goûtait la vie en écartant du pied le mauvais, pour n'en conserver que les plaisirs immédiats. Elle était heureuse ainsi, et son bonheur, comme une évidence, c'était imprimé à son visage replet et son avenant sourire.

– Le négociant n'a pas baissé ses tarifs ?
– Au contraire, il a déjà anticipé l'augmentation du tonlieu le charognard !
– Tu n'es pas obligée d'en passer par lui pour cette fois. Tu me feras une liste de ce qu'il te manque, je verrais pour te trouver cela au prix qu'on m'accordait autrefois.

Blondine étira un large sourire à la brunette en se levant, faisant mine de la mettre dehors.

– En attendant, file ! Je suis ici pour quelques jours, tu en as bien assez fait. Repose-toi profite un peu, je reprends ma place derrière le comptoir le temps de mon séjour.

Après le départ de la Limougeaude, elle s'installa au bureau en s'efforçant de chasser les images pas toujours très agréable qu'il ravivait de son second mariage. Un soleil printanier tombait en oblique sur le bois patiné, laissant danser dans ses rais quelques particules de poussière. Ce souvenir était plus plaisant à convoquer. Elle revoyait le beau regard d'un Milo de quelques semaines, avant qu'il ne prenne celle belle teinte de lichen qu'il tenait de son père. L'enfançon se laissait hypnotiser par la danse de ces petites particules scintillant comme des myriades d'étoiles et agitait parfois ses petites mains potelées dans l'espoir de les saisir. Ses lèvres étirèrent un sourire nostalgique, puis, elle s'extirpa de ses rêvasseries pour se mettre au travail. Sous le vélin vierge, la facture des fûts de bière mentionnait un prénom qui ne lui était pas inconnu. Elle se souvint avoir croisé la châtaigne dans une taverne dijonnaise en fin d'année, c'est par elle que le Corleone avait appris sous quel nom la fauvette et son fils avaient fui le royaume quelques mois plus tôt. Elle était grosse alors. Elle fit rapidement le compte, sur les doigts, c'était aisé, et décida d'un second bref qu'elle aurait à rédiger après celui à l'artisan, et un troisième, pour tenir une parole que l'intéressé avait sûrement oublié.

La plume fut trempée de nouveau dans l'encre et le papier crissa quand elle traça les premiers déliés.
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Roman.

    [ 31 mai 1469 ]


À la fraîcheur d'un matin ensoleillé, Roman se présenta à la porte de cette auberge qu'il avait achetée pour celle qui avait un jour été sa femme. Il frappa quelques brefs coups pour s'annoncer puis ouvrit la porte et entra dans la semi pénombre de la bâtisse. Il reconnut la silhouette et la chevelure de Fanette, et malgré sa volonté de rester neutre, il sentit la haine et le dégoût remonter comme de la bile au creux de son ventre. Il s'obligea à parler sans émotions :

- Je viens chercher Milo.

L'enfant se tenait près de sa mère, sans doute inquiet et surpris de cette entrée et du ton employé, sans un bonjour ni une intonation amicale. Lorsque Roman le vit, il s’adoucit et s'accroupit pour se montrer moins imposant de sa hauteur :

- Bonjour, Milo... Tu ne te souviens peut-être pas de moi, ou pas beaucoup. Je suis ton papa. J'habite ici, à Limoges, en général, mais je voyage beaucoup. Voudrais-tu venir pêcher avec moi dans le ruisseau, ce matin ? Je te ramènerai à ta maman pour le repas.
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Fanette_
– Doucement jeune homme, ça va venir !

Près de sa mère, Milo trépignait d'impatience sous l’œil amusé d'Eirik, qui, assis à l'une des tables, entamait le premier repas du jour. Fanette versa le lait dans un gobelet d'argile et le sucra d'un peu de miel. Elle déposa dans la main de l'enfant deux gastalets aux amandes encore tièdes. Il s'empressa de mordre dans le premier. La mie tendre et légèrement grasse du gâteau se colla au coin de ses lèvres. D'un pouce affectueux, elle chassa la miette et ébouriffa ses cheveux.

– Va t'asseoir pour boire le lait Gattino mio.

Joignant le geste à la parole, elle déposa le gobelet sur la table la plus proche quand la porte s'ouvrit sur la silhouette du Corleone. Elle se tendit légèrement au ton de la voix. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit agréable. Elle fut néanmoins surprise de sa demande. Avait-il réellement occulté sa décision de confier Milo à son oncle de Florence la dernière fois qu'ils avaient évoqué son avenir ? Si Fanette ne souhaitait pas priver son fils d'un père, elle n'était pas encore prête à lui faire de nouveau confiance au point de le laisser partir seul avec l'enfant. Un jour peut-être mais sûrement pas après une entrée si hostile et sans avoir quelques garanties.

Elle jeta un rapide coup d’œil à Eirik. Près du comptoir, le redoutable chien du Nordique se redressa légèrement sans émettre le moindre son. Comme à son habitude, il toisa la silhouette inconnue, et reposa sa lourde tête sur ses pattes croisées en gardant un œil attentif à la scène. Quand Roman se baissa, invitant l'enfant à approcher, elle retient une réflexion, désireuse d'épargner à Milo les querelles des adultes dont il avait déjà bien assez souffert. Elle s’abstint néanmoins un geste pour l'encourager à aller vers son père, préférant le laisser prendre ses propres décisions, du moins tant qu’il ne manifestait pas l’envie de partir avec lui. Il serait alors tant de voir.

Suite ici

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Fanette_
    1er juin 1469

Inracien a écrit:


    Bonsoir Fanette

    J'espère que vous n'avez pas encore changé les draps de ma chambre ni retiré le berceau.
    Si oui, il faudra au moins remettre le berceau. Mais si vous n'avez pas encore changé les draps, surtout ne le faites pas.

    A dans pas longtemps !!


Le gamin du grouillot municipal s'était déplacé à une heure tardive pour remettre le bref à la fauvette. Laissant Oieg et Ariane à leur discussion, elle en avait pris connaissance, et ses lèvres avaient étiré un sourire où pointait l'amusement.
Elle glissa un regard vers l'escalier qui, au fond de la salle, desservait les sept chambres des pensionnaires. A moins de trois coudées, abandonné entre le mur et une table, gisait ledit berceau esseulé, sur lequel les larges feuilles d'acanthe et les libellules sculptées dans le bois de châtaignier n'émerveilleraient aucun enfant cette nuit. Mais il avait été sujet à bien des digressions qui, quelques années en arrière, l'auraient sans doute affreusement gênée. S'il lui était arrivée de rougir, dissimulée à l'écart du halo des chandelles, elle avait malgré tout suffisamment de maturité pour en rire et ne s'en était pas privée.

– Si vous voulez voir mes appartements, il faudra me rendre un service, vous voulez ?

Inracien était parti à l'aube du même jour, à une heure bien trop matinale pour déménager le meuble sans risquer de réveiller les autres pensionnaires. Elle avait remis la chambre en ordre, aéré, changé les draps, lavé le sol, et il restait ce fameux berceau qui avait veillé les songes de Milo comme de Stella, et qu'elle avait monté deux jours plus tôt avec l'aide du Rochelais, pour accueillir son nourrisson. Il s'agissait à présent de trouver des bras pour le redescendre à sa place, dans l'alcôve de la grande chambre du rez-de-chaussée.
Sub avait soupiré pour la forme, mais il s'était plié de bonne grâce à l'exercice, sans doute passablement amusé quand sa frangine s'était pointée et que, du bas des escaliers, elle avait entendu le chahut. La brune Marseillaise se gargarisait, déjà persuadée de pouvoir empocher les cent-cinquante écus de sa victoire, et cerise sur le gâteau, d'infliger une défaite cuisante à son époux.

Depuis la veille en effet, les paris allaient bon train et l'aubergiste en était à la fois l'enjeu et la participante. Qui de Kalan ou de Sub saurait la convaincre de lui laisser glisser une main sous ses jupes. Alan n'avait aucun doute sur la victoire du Franc-comtois et avait proposé cent écus à Fanette si elle le faisait mentir. Kachina avait surenchéri, allant jusqu'à miser cent-cinquante écus, certaine que la fauvette ne saurait résister à son frère, qui à son sens cumulait toutes les qualités.

La blondine avait relevé les deux défis, jugeant que c'était là de l'argent facile à gagner. Il n'y avait aucune équivoque avec le barbu, à tort ou à raison, elle en était convaincue, et elle n'avait pas l'intention de céder davantage au frangin, d'autant qu'elle avait appris avec amusement, que s'il y avait bien un séant sur lequel il ne tarissait pas d'éloges, c'était celui de son beau-frère.

Supputations déçues ou pas de Kachina, le couple qui n'en serait pas un, avait tant bien que mal descendu le berceau et le porteur improvisé avait décidé d'une pause, abandonnant son fardeau au pied de l'escalier. Pour lui faire parcourir l'enfilade de pièces jusqu'à son alcôve d'origine, il faudrait attendre un peu.

La salle commune s'était progressivement remplie des habitués, de l'ami Russe et de sa dulcinée, agréable surprise du début de la relevée, et d'un Kalan intrigué autant qu'amusé. Evidemment, la présence du berceau titillait la curiosité des participants. Fallait-il en plus engrosser la fauvette ? Un autre cheval l'avait-il déjà fait, coiffant au poteau les deux concurrents retardataires ? De questions en négociation, de pronostics en analyse, le Lupo, à l'image des soirs précédents, avait résonné d'un tumulte joyeux agrémenté du claquement des timbales d'étain sur les tables de bois jusqu'à tard dans la nuit, avant que, aussi doucement qu'elle s'était remplie, la salle commune ne se vide. Oieg s'était attardé encore un peu à cette soirée de retrouvailles, confiant de vive voix tout ce qu'il n'avait pas eu le temps de lui coucher sur un vélin, puis, à son départ, Fanette s'était barricadée avant de souffler les chandelles.

Mais en attendant, au pied de l'escalier, le berceau était toujours là, et demain, il fallait le remonter. C'est sub qui allait être ravi !
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Kachina
L' idée d'un pari a finalement fait grincer des dents le Frère.
La soirée d'hier s'est terminée, écourtée par des portes claquées.

C'est une belle journée de juin qui la voit vêtue de cotonnades légères de couleurs vives.
Epaules offertes au soleil et chevelure disciplinée en une lourde tresse qui orne son épaule droite, elle va son chemin, jusqu'à ce que se découpe sous ses yeux l'établissement , motif de sa promenade.

En ce début d'après midi, elle se penche et s'accroupit pour glisser une missive sous la porte de l'auberge tenue par Fanette.






Fanette,

Considérez que j'ai perdu mon pari.
Le jeu n'a de valeur que s'il reste amusant.
J'ai bien compris hier soir que ça déplaisait à Sub.

Si quelque lien - de quelque nature qu'il soit - doit se créer entre vous deux, qu'il ne soit pas sous le signe de l'argent.
Avouez, ce serait moche.

Et puis j'ai des bustiers à ne plus savoir qu'en faire de toute façon.

Je passerai dès que possible boire une chope et payer mon dû.
Au pire, je glisserai l'argent dans le berceau.

Que la journée vous soit rieuse et douce. Elle devrait l'être. Vous venez de gagner 150 écus.

Kachi


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Kalan
Kalan voyait peu ses enfants. Les deux grands, habitués à se prendre en charge, s’occupaient la plupart du temps de leur côté, ravis d’échapper aux travaux imposés par leur père quand ils se trouvaient dans sa propriété.
Quant à Ysel, elle était de plus en plus souvent fourrée avec le gamin de la Blondine et il la surveillait de loin, vaguement contrarié de l’affection que semblaient se porter mutuellement les jeunes enfants. Il estimait inutile que les petits s’attachent à qui que ce soit. Lui-même était leur repère, mais en aucun cas il ne souhaitait devenir leur point d’ancrage. C’était un peu plus compliqué pour Ysel car il ne savait trop comment élever les petites filles. Convenait-il de la modeler à l’image des femmes qu’il aimait, douces et soumises, ou bien de la rendre autonome et indépendante ? De toutes façons, plus tard, tous trois voleraient de leurs propres ailes et c’était fort bien ainsi.

Comme il l’avait conseillé à Fanette, il choisit de ne pas trop se poser de questions. Après tout la mère de la gamine était tout à la fois douce, soumise et indépendante.
Il se dit qu'il lui faudrait en faire d’autres. Il l’avait proposé à Swan. Sur le ton de la plaisanterie, il en avait touché un mot à Fanette mais c’était inutile, la blonde tiendrait trop à couver sa progéniture.

Il prépara rapidement ses affaires, ce soir ils prendraient la route comme il l’avait promis.
Il n’avait pas discuté avec sa compagne de voyage de la suite des évènements. Il ne savait pas si elle avait envisagé un retour vers Saint-Claude, ni s’il était prêt à s’y engager. Limoges était une ville agréable et il envisageait peut-être d’y rester encore un peu.

Assis seul dans la pièce vide de l’auberge où on lui avait préparé une chambre, il posa son regard vers le berceau abandonné, un sourire glissa sur ses lèvres tandis qu’il imaginait onduler sous ses yeux le séant de la propriétaire.
Feve
    "Il est dit qu'un fil rouge invisible relie ceux qui sont destinés à se rencontrer et ce, indépendamment du temps, de l'endroit ou des circonstances. Le fil peut s'étirer ou s'emmêler, mais il ne cassera jamais..." (légende du fil rouge du destin).
[Limoges, soirée du 03 juin 1469].

Ce soir-là, Fauvette n'avait point eu le temps de comprendre ce qu'il se passait, un baiser sur le sommet du crâne et un murmure à l'oreille plus tard "Prenez bien soin de vous et écrivez-moi de temps en temps. Mais surtout, soyez sage !" Subitement, POUF ! Son tuteur s'était subitement éclipsé de la taverne après avoir salué le reste des convives sans un mot. La aiguë voix de la gamine s'était alors fait entendre partout dans la taverne : 
    - Heeeiin ?! Mais.. Marteeeeen ! Reviens !  
Dernièrement préoccupée, Alice en avait de même un peu plus tôt dans la soirée, la croyant en sécurité avec le jeune flamand et donc, la jeune pupille royale s'était donc retrouvée toute seule, abandonnée au Il lupo e l'uccellino*. La propriétaire de l'établissement avait alors essayé d'apprivoiser le petit renardeau pour éviter que celui-ci ne tente de retourner seul chez lui dans les ô dangereuses rues de la capitale limousine en pleine nuit. 
    - Et demain matin, tu auras une fournée de gastalets tout frais
    - Mais.. Méli' va s'inquiéter.. si je rentre pas. Mm..? Toute à moi ?
    - Si tu veux oui, autant que ton appétit peut en manger
    - Mmm... ça *hips* me va alors !
Ai-je déjà dit que notre petite Fève est une peu tarée et ô combien, parfois facile à acheter ?
[à suivre...]

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    En indigo, c'est Alice. - En olive, c'est Fève : "Mais.. Maman, j'ressemble pas à ça !"
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Fanette_
    4 juin 1469, début de matinée

Fanette couvait d'un œil tendre son fils et la petite ysel. Tous deux pastouillaient les mains dans la pâte collante de miel dans laquelle elle venait d'ajouter les amandes pilées.

– On continue à bien mélanger encore les enfants, on va faire la surprise à Fève.
– Qui c'est Fève ? demanda le mini Corleone.
– C'est notre invitée Gattino mio.

Elle ajouta un soupçon de fleur d'oranger à l'appareil, en surveillant le suif qui fondait lentement sur les flammes.

– Faites-voir ?

La fauvette examina la pâte d'un œil expert et sourit aux deux bambins.

– Parfait les marmitons ! Maintenant on va façonner nos gastalets pour les cuire.

Elle préleva une noix de pâte qu'elle roula dans ses mains avant de la reposer sur la table, rapidement imitée avec plus ou moins d'habileté par les enfants fiers et ravis. Un peu plus tard, tandis que les deux bambins léchaient leurs doigts, l'Angevine surveillait la cuisson des gourmandises dans leur bain de friture. Quand ils prenaient une belle teinte dorée, elle les repêchait à l'écumoire avant de les déposer dans une jatte garnie d'un linge.

Tous les restes de pain dur y étaient passés, afin d'en avoir suffisamment pour que la petite rouquine puisse en ramener avec elle sans avoir à priver Milo et Ysel qui avaient largement aidé à leur fabrication. Les petits s'en régalaient déjà, pendant que la tenancière achevait de laver quelques ustensiles. Il ne restait plus qu'à attendre la jeune invitée du jour.

Limoges était semblable à Dole, où la petite Souzie déambulait dans les ruelles à la nuit dans l'indifférence générale. Seuls, le Nubien et l'Angevine semblaient s'inquiéter des risques encourus par la gamine. Le Lupo avait parfois vu l'arrivée tardive de la jeune Eléonore, et la veille, c'était une petite rousse. Celle-ci n'était pas venue seule, mais les adultes l'avaient tout bonnement abandonnée sans se soucier de son retour. La fauvette ne pouvait pas comprendre cela. Elle se souvenait du terrible crime dont Lili avait été victime, ou encore des odieux détails d'une agression que lui avait confiée maladroitement Fallone, en craignant de se faire gronder par son frère aîné. Les grandes villes à la nuit tombée devenaient dangereuses. Les coupe-jarrets trouvaient facilement refuge dans l'ombre des hautes façades en encorbellements. Même la clarté blafarde de la lune ne s'aventurait pas dans le dédale des étroites venelles limougeaudes. C'est ce qui avait poussé Fanette à convaincre la gamine d'accepter de dormir sous son toit.

Un conte l'avait aidé à se laisser apprivoiser. Le visage de l'enfant s'était illuminé en écoutant les aventures du grand milan noir qui, d'un puissant battement d'ailes rejoignait l'azur du ciel. L'image lui parlait, rappel d'un temps pas si lointain où elle vivait parmi les "Cielo Azzurro." Elle avait consenti à partager quelques souvenirs avec la tenancière. La fauvette n'avait plus jamais entendu parler de cette troupe de brigands, depuis l'hiver 65, quand en Comminges, les Corleone avaient réussi à se mettre à dos tout à la fois, les "Piques", ces fameux "Cielo Azzuro" et la maréchaussée. Elle n'en avait pas ressenti moins de compassion pour ceux d'entre eux qui avaient pris soin de la petite orpheline et qui souffraient sans doute son absence.

La vie de l'enfant devait être bien différente à présent, choyée par toute une armada de nobles gens, dont une reine de France. Leur affection valait-elle mieux que celle de brigands ? Fanette ne se serait pas risqué à répondre à cette question. Probablement n'était-elle ni meilleure, ni moins bonne, tant qu'elle était offerte avec le cœur. La jeune demoiselle s'était rapidement questionnée de la réaction de la Malemort. Fanette ne put réprimer une petite moue à l'évocation de la brune. Qu'elle s'inquiète serait rassurant, mais qu'elle ait l'idée de sermonner l'enfant quand c'était plutôt aux adultes de subir des remontrances serait totalement injuste. La jeune mère espérait bien que si la catin royale avait quelques reproches à faire, elle aurait le courage de venir lui en faire part. Elle se ferait un plaisir de la recevoir.

En attendant, elle avait préparé un lit confortable pour l'enfant dans une chambre de l'étage. Mais la fillette n'y avait pas dormi beaucoup. La nuit l'avait ramenée, tremblante au rez-de-chaussée et la fauvette l'avait invitée à se rendormir dans le grand lit de ses appartements, qu'elle partageait déjà avec le mini Corleone. Quand l'aube s'était infiltrée en quelque pâle rayon par le volet de la chambre, la jeune mère s'était discrètement éclipsée avec son fils, pour éviter que le réveil grognon du garçonnet ne dérange la gamine.

A présent, Milo et Ysel étaient repus. La fille de Kalan était repartie avec ses frères, et Milo ronchonnait copieusement de n'avoir pu les suivre. La jatte de gastalets aux amandes trônait au milieu de la table. La petite rouquine avait fini par pointer le bout de son nez, émergeant des pièces en enfilade qui débouchaient près du comptoir.

– Bonjour Fève.

L'Angevine l'invita à s'asseoir, et lui servit un plein gobelet de lait tiède et parfumé. Les volutes qui s'en échappaient fleuraient bon la cannelle et la fleur d'oranger. Elle le posa sur la table devant l'enfant et glissa vers elle la jatte, en lui laissant doucement le temps de se réveiller tout à fait. Ce n'est que quand la fillette eut porté à ses lèvres l'un des biscuits qu'elle s'adressa à elle, la couvant toujours d'un bienveillant sourire.

– Qu'est-ce qui t'a fait si peur cette nuit jeune demoiselle ?
_________________
Fanette_
    Limoges, 8 juin 1469



Les sept chambres de l'auberge affichaient complet, et la salle commune du Lupo accueillait au soir venu une foule dense et bigarrée. Si la fauvette aimait d'ordinaire la solitude, elle se réjouissait néanmoins de ces veillées qui lui permettaient d'engranger de bonnes recettes. Ce mardi ne dérogeait pas à la règle et la pièce s'était emplie du bourdonnement diffus des conversations.

Milo dormait et Bo, son ratier, caracolait entre les tables à la recherche d'une personne amicale. Il avait jeté son dévolu sur Cassiopé, une jeune fille qui voyageait avec l'orfèvre. Si petit et si joyeux fut-il, le chiot effrayait visiblement la demoiselle, aussi, sans état d'âme, la tenancière se porta à sa rescousse. Elle souleva le petit animal pour le mettre dehors. Il en avait l'habitude. Il irait fureter dans les ruelles autour et reviendrait un peu plus tard se coucher sur le seuil jusqu'à ce qu'on lui ouvre de nouveau. La tranquillité des clients passait avant tout.

Alors qu'elle s'apprêtait à refermer la porte, Fève entra, un canard dans les bras. Le volatile ne semblait pas à son aise dans l'atmosphère bruyante, saturée d'odeur de cire brûlée et d'alcool de la salle. Un premier battement d'ailes éveilla l'attention d'un autre chien, bien plus gros que Bo, et que pourtant, personne ne remarquait tant il était calme. L'animal souleva sa masse imposante, la crête dorsale se hérissa, même si le détail pouvait semblait imperceptible tant son pelage était touffu. Le regard harponna la volaille, il banda ses muscles, évaluant la distance et la célérité qu'il lui faudrait pour fondre sur sa proie.

Fanette pressentit ce qui ne pouvait manquer de suivre. Le chien d'Eirik était indifférent à tout, pour peu qu'on ne s'approche pas de lui. Elle savait malgré tout qu'il pouvait se montrer redoutable. Elle l'avait vu défier son maître, dévorer la gorge d'un maraud, et revenir maintes fois en tenant dans son épaisse gueule le fruit de ses chasses.

– Fève ! Sors ton canard immédiatement !

Sa voix s'était faite impérieuse, à des lieues du ton qu'elle employait d'ordinaire avec les plus jeunes, et avec ses clients d'une manière générale.

– Mais c'est Grognon, il est gentil !
– Oui mais Hund n'est pas gentil lui, il va le bouffer ton canard, sors-le de suite !

La gamine ne comprenait pas, et l'Angevine s'était interposée, pas vraiment rassurée entre le molosse et le reste de la salle mais le chien n'en avait cure. Il bondit, bousculant la fauvette qui faisait écran entre lui et sa proie. Le volatile tenta une échappée, battant des ailes frénétiquement, pour s'éloigner en saut de puce, bien incapable de prendre son envol au milieu des tables. Sans doute Fève réalisa à ce moment-là le danger, et essaya maladroitement de rattraper l'animal récalcitrant qui pinçait d'un bec rageur tout ce qui passait à sa portée. Par chance, le chien, encombré par sa masse n'était pas aussi à l'aise que le palmipède pour tourner court entre les tables et les chaises qu'il renversait sans se soucier. Son regard ne maintenant d'intérêt que pour ce repas récalcitrant. La fuite du volatile réveillait un instinct de prédation qui ne s'était jamais vraiment endormi. Le canard affolé poussait des cris de terreur, quand sa jeune propriétaire parvint à le bloquer. Elle eut à peine le temps de le coller contre elle que Fanette lui ôtait des mains pour le jeter dehors. La fillette se rua à la suite de Grognon par la porte que la tenancière s'empressait de refermer au nez du chien. Elle s'adossa contre, les cheveux en bataille, osant à peine poser son regard sur le chien-ours qui venait de stopper sa course dans ses jupes, et relevait sur elle sa lourde tête, aux babines encore remontées sur ses crocs blancs.

Dans l'affolement, Fanette n'avait pas remarqué qu'elle venait d'enfermer dehors la gamine, et du reste, Fève était déjà loin, poursuivant l'animal déboussolé. La jeune femme reprit son souffle et offrit un sourire contrit aux présents. L'énorme Hund, dépité, traîna de nouveau sa carcasse jusqu'au comptoir où il se laissa tomber de tout son poids. Seuls, ses yeux restaient attentifs aux mouvements autour. Il était certain qu'après avoir perdu sa proie, il était suffisamment agacé pour remettre en place quiconque viendrait lui chercher des noises. Peut-être même, pour libérer sa frustration, espérait-il qu'on vienne se frotter à lui.

Quelqu'un osa une remarque pertinente. Pourquoi donc garder un tel animal à l'intérieur, au risque de créer un accident ? La tavernière avait néanmoins défendu le chien, même si elle s'en méfiait et ne saurait jamais s'en faire obéir. Elle certifia qu'il ne s'en prendrait à personne, si tant est qu'on ne lui agite pas sous le nez de la nourriture vivante. La réalité, c'est que Hund était là pour assurer la sécurité de Milo et de Fanette quand Eirik s'éloignait, et si la présence du berger du Caucase était tout à fait incongrue à l'intérieur de l'auberge, le Nordique l'assurait, son chien avait suffisamment voyagé avec la mère et l'enfant pour les considérer de sa meute et les défendre aussi vaillamment qu'il le ferait lui-même s'il en était besoin. Mais sur ce point, nul besoin de s'étendre trop longuement.

– Vin et bière pour tout le monde, c'est la maison qui offre !

Et, rhabillant son visage un peu pâle d'un aimable sourire, elle virevolta entre les tables pour remplir chopes et godets et faire oublier les débordements canins.
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Feve
[Limoges, le 8 juin 1469, devant Il lupo e l'uccellino]

La gamine avait à peine eu le temps de récupérer son canard domestique que la propriétaire de l’auberge le lui avait volé des mains pour le balancer à la rue et ni une, ni deux, Fève s’était élancée à sa poursuite en s’écriant d’une voix plaignarde :

- Mais naaaan ! GrogrOoon, revient !

Face à cette inattendue opportunité de retrouver sa liberté perdue, l’immense volaille s’était empressée de faire battre ses ailes pour s’envoler vers les cieux bleus tandis que notre petite protagoniste le poursuivait désespérément dans la rue avec ses deux gros yeux bien ronds, tout en continuant de gueuler.

Mais naaaan, Grooognoooooon ! Reeeevient !

C’est alors que la poursuite lui semblait perdue que Grognon fit face à une nouvelle surprise qui l’attendait au bout de la rue en la personne d’un tout vilain molosse qui s’emmenait dans sa direction avec son maître, Soare. Un cacannement plus tard, son canard s'empressa de battre des ailes pour faire demi-tour et c’est à ce moment que la fillette en profita pour l’attraper au vol. Atterrissant au sol, la petite échappa une brève plainte de douleur, mais néanmoins la rouquine affichait un sourire de soulagement, c'est que sa bestiole était enfin de retour à sa place, c’est-à-dire, entre ses mains.

- C'pour bouffer ? Lui demande alors le passant, il est gras.

- NOOON !

Lui avait-t-elle répondu par réflexe à cette fameuse question qu'on lui posait, encore et encore. comme une sorte de gag. Quelle question. C'est SON canard. (et accessoirement, celui de Marteen). Toujours dans l’herbe, elle gratifia son animal de compagnie d’une bonne claque sur la crâne tandis qu’elle gonflait ses petites joues. Pff ! Ça lui apprendrait peut-être à ne plus essayer de s'enfuir ! Le passant s'arrêta alors à bonne distance et se croisa les bras sur le torse.

- Met lui une laisse

- Je l’ai perdu.

- Quoi ?

- Bah sa laisse !

- Bah faut juste une corde, dit-il en regardant autour de lui tandis que la mioche se relève, T'as cassé ses ailes ou il peut s'envoler ?

- Il peut s’envoler.

- Raison d’plus, ajoute-t-il en revenant avec une fine corde, récupéré sur un tas de tonneaux.

- Grognon ! S’exclame subitement la rouquine tout en faisant de gros yeux à son canard qui essaie encore une fois de la pincer, tu m’mords pas !

- Nooon ! Tu me mords pas, j’ai dit ! Mais aïeuh ! Chiale-t-elle après s’être fait malgré tout becter un doigt par son fichu canard. Une nouvelle claque sur le bec de la bestiole plus tard pour la punir de sa nouvelle connerie, elle relève la tête vers le noiraud qui lui lance alors.

- J'ai mangé.

- Pas toi ! Lui !

- Tu fais ou j’t’aide ?

-Mais non, je veux pas lui casser les ailes !

- J'parle de la laisse andouille, dit-il en l’agitant devant la petite qui se met à gonfler ses petites joues. Pff

- Je suis pas une andouille !

- Bien si tu veux pas d'aide, tant pis. Ajoute le grand en rangeant la corde. Hé. Ça peut toujours servir.

- ARgh ! Si ! Mais. Argh !

- Hm ? Mais?

Feve frappe le sol d'un coup de talon, sous sa petite robe.

- Je veux bien.

- Une andouille capricieuse en plus

Soare sourit en coin et s'avance

- Pff ! Même pas vrai !

Soare regarde son chien : mișca

- Tiens ta bestiole

Feve regarde son canard qui semble vouloir s'agiter un peu et se débattre, la petite qui referme davantage son emprise sur lui tandis que Soare reprend sa corde.

- Arrête.. Grognon ! Bouuge pas !

Soare fait un noeud coulissant et passe la tête dans la boucle

- Si M'sieur Canard veut bien s'tenir tranquille

Soare resserre sans étrangler.

- Groooosgnon ! Pas Rognon ! Ni Oignon ! GRooognon !

- M'sieur Canard et râle pas où j't'appelle Andouillette

Feve fronce le museau et refrappe le sol.

- Grooognon ! Pis je suis pas une andouillette !

- J'suis doué pour les surnoms merdiques

Soare fait une boucle en bout de corde pour servir de "poignée"

- Là. Il devrait plus tirer sinon ça va l'étrangler

- Et toi, Grognon ! Arrête de bouger ! Vous m'faites chier ! ARGH... Je.. *soupir* Je veux dire… Vous m'épuisez!

- Que ça t'emmerde. C'pas très beau dans la bouche d'une p’tite fille ceci dit.

Soare pose une main sur ses cheveux et les secoue un peu avant de se redresser. La rouquine peste un peu en sentant la main qui vient la décoiffer.

- Arghh ! Je me recoiffe pas !

- D'accord

Feve fait un brin la tronche, s’attendant à ce que l’on le lui exige, puis sourit un tout petit peu à la réponse du grand.

- Merci..

- D'rien Petite

Feve le regarde brièvement, reconnaissante.

- Aurevoir.

Soare l’arrange quand même un peu.

- Salut.

Feve file en courant puisqu'elle ne sait toujours pas quoi faire avec tout ça, un mini-sourire sur les lèvres et avec Grognon dans les mains. De son côté, Soare surveille que SA fille se fasse pas emmerder et tourne les talons en la voyant plus.

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    En indigo, c'est Alice. - En olive, c'est Fève : "Mais.. Maman, j'ressemble pas à ça !"
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Eirik_gjermund


Eirik n'avait pas assisté au spectacle. Il était occupé à brosser Hunt, son immense cheval. C'était une tâche apaisante. Pas qu'il fut stressé, mais... un peu de bon temps faisait toujours du bien.

Puis il entendit un tintamarre à l'intérieur de l'Auberge et délaissa brosse et équidé pour aller voir ce qu'il se passait, d'un pas pressé. Et il se prit un canard en travers de la gueule. Normal. La bestiole lui vola dans les cheveux et reprit son vol erratique, suivi par une gamine qui lui gueulait après...
A l'intérieur du Lupo, l'ambiance était bizarre. Les clients semblaient éberlués et apeurés. Eirik vit l'arrière-train de son chien disparaître derrière le comptoir.

Eirik vint vers une Fanette ébouriffée.

Tout va bien ?

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Sa langue natale
Fanette_
Fanette s'efforçait de faire bonne figure. Malgré tout, encore chamboulée par l'incident, elle n'avait pas prêté attention au retour du Nordique, tout occupée à servir à boire aux clients présents. A son approche, elle releva sur lui un regard surpris, peu habituée à le voir passer le seuil de la salle commune quand elle était pleine. Elle ébaucha un sourire.

– Oui. C'était juste ton chien Eirik, il a fait un peu peur à tout le monde, et à moi surtout. Un canard est entré, et tu imagines bien qu'il a cherché à le bouffer.

Elle finit par se dérider un peu en lui racontant la scène. Finalement, Hund n'avait croqué personne, ce n'était pas si grave. Sauf peut-être pour Cassiopé qui était encore pâle comme la mort et se tenait silencieusement, les jambes recroquevillées sur sa chaise.

La fauvette se souvint d'une affiche qu'elle s'était déjà promis de placarder sur sa porte, quelques années plus tôt, quand une bonne femme s'était pointée dans la salle avec un mouton. Elle avait remis ça au lendemain, puis au surlendemain, et à présent, l'histoire s'était renouvelée, même si les animaux changeaient.

Ce soir-là, avant de barricader la porte, elle apposa à l'extérieur un vélin sur lequel elle avait tracé, en grosses lettres de charbon, la mise en garde suivante :





"Interdiction de faire entrer à l'intérieur des animaux de ferme"


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Hillel.loew
Il y a quelques sons universellement connus pour réveiller, sinon les morts, du moins les dormeurs environnants. Parmi eux, le tocsin et les pleurs d'un nouveau-né affamé.

Si son père avait parfois du mal à se faire comprendre, barrière de la langue oblige, Levanah Bat-Hillel ne rencontrait pas ce problème. Au coeur de la nuit noire, à pleins poumons, elle exprimait son inconfort.


Ya, ia! Gleykh yetst!

Entraîné, déjà, à la manoeuvre, son père se fit un devoir de trouver du lait, le faire tiédir, remplir l'outre qui lui servait de biberon et nourrir sa fille. Ce qui n'allait pas sans mal dans un endroit inconnu, dans le noir, n'osant pas user les chandelles de qui l'avait gentiment hébergé et ne sachant de toutes façons pas où les trouver.

Aux vagissement du bébé, s'ajoutaient donc un certain nombre de :


*Bing! Plong!*

A Broch!

*Shtong*

A Chorbn!

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Fanette_
    Nuit du 11 au 12 juin 1469

La place manquait. Loin de s'en plaindre, la fauvette s'organisait au mieux. Au lendemain, la chambre du fond serait disponible de nouveau. Le jeune couple qui avait pris la suite du sieur Inracien partait à l'aube. Elle avait encore une solution sous le coude mais, l'arrivée tardive d'un nouveau voyageur l'avait prise au dépourvu. Nul doute que la présence d'une enfant de dix jours, à peine plus grosse que ne l'était sa Piccolina au même âge l'avait sans doute attendrie. Quand l'homme avait affirmé qu'il trouverait bien un endroit pour dormir, elle ne s'était pas sentie le cœur de le mettre à la rue avec le nourrisson.
Fève l'avait aidé à débarrasser un coin de la réserve pour y déposer une paillasse. L'endroit n'était pas très confortable, ni très intime. La pièce communiquait d'un côté avec la salle commune par une ouverture dans porte, et de l'autre, l'accès, fermé cette fois-ci, donnait sur un bureau, et, en enfilade, une chambre. Ces deux dernières pièces constituaient depuis toujours les appartements de l'Angevine.

Elle avait bien songé à laisser à l'homme l'usage du bureau, mais elle ne connaissait trop peu pour oser lui faire passer le seuil de cet espace privé. Malgré tout, il ne sembla pas s'offusquer du manque de confort de son pied-à-terre de la nuit. Après avoir barricadé la porte de la salle commune, Fanette avait rejoint sa chambre en veillant à ne faire aucun bruit en traversant la réserve. Elle était fatiguée depuis quelques jours, aussi, il ne lui fallut que peu de temps avant de sombrer dans le sommeil.

Un son étouffé s'immisça dans le rêve où elle s'était lovée, insidieusement d'abord, puis, de plus en plus clairement, un pleur, presque un hurlement, une voix masculine, et le rêve se fit cauchemar. Son bras perçut le mouvement de l'enfançon qui partageait sa couche. Milo dormait encore, elle s'apaisa fugacement, jusqu'à ce que de nouveau les pleurs redoublent d'intensité, repoussant les limbes du sommeil.

– Stella !

La jeune mère se redressa brusquement, et sans doute la précipitation de son geste entreprit de la réveiller. Elle plissa les yeux, cherchant par réflexe à distinguer dans l'obscurité de la chambre la silhouette du berceau dans l'alcôve. Elle réalisa qu'il n'y était plus, pas plus que son enfant n'y reviendrait dormir. Elle soupira, glissant un regard sur le mini Corleone, qui, par chance dormait toujours. Un léger sourire s'ébaucha à ses lèvres, ce n'était qu'un rêve.

Elle allait se rallonger près de son fils quand de nouveau les pleurs du nourrisson retentirent, toujours accompagnés d'une voix masculine dont elle ne distinguait les paroles. Elle recouvrit à la hâte sa chainse de nuit d'une cotte et sortit précautionneusement de sa chambre. Elle prit soin de refermer la porte avant de traverser le bureau pour débouler dans la réserve. La pièce était aussi sombre que les autres, juste éclairé des faibles reflets orangés que renvoyaient les braises qui couvaient dans l'âtre où l'aubergiste préparait les repas.

– Vous avez besoin d'aide ?

Elle alla rallumer quelques chandelles pour rendre un semblant de clarté à la nuit, et laissant l'homme affairé près du feu, s'approcha du bébé.

– Eh bien ma toute douce, tu veux réveiller toute la maisonnée ? Tu as si faim que ça ?

Puis, avisant le père :

– Je peux ?

Elle n'attendit pas vraiment sa réponse, arrachant au panier le nourrisson qui hurlait sa faim. Elle la cala soigneusement contre elle et se mit à marcher dans la pièce en tentant de calmer ses pleurs.

– Là, ça arrive ma toute belle, ton papa s'occupe de tout.
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