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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

Hillel.loew
Eh oui, c'était fatal. N'importe quel enfant aurait tenté le coup. Et beaucoup d'adultes auraient laissé faire, pas par gentillesse, par indifférence. Parce que c'est souvent moins de travail de dire Oui que de dire Non. Mais si Hillel laissait passer, non seulement il encourageait le petit à tricher, mais, plus profondément, il lui disait qu'il pouvait bien faire ce qu'il voulait, il n'en avait cure. Et c'était faux.

Il ne se sentait toutefois pas à l'aise, encore, de donner des leçons au petit. Ce n'était pas sa place, pas son rôle, ya? Il allait falloir ruser.

Neyn, Milo. Eirik il a relancé parce qu'il sait pas jouer. Toi, tu sais bien jouer. Comment tu veux qu'il apprenne si tu montres pas bien? Et quand tu montres à Levanah plus tard, il faudra lui montrer comme il faut, ya?


En faisant appel à sa fierté, il espérait la remettre dans la bonne voie, celle qui en ferait le Gans Mentsch * qu'il rêvait de le voir devenir.


* Personne vertueuse, honnête, loyale, respectueuse et intègre.
Milo..amalio
Milo retint son geste en écoutant le brun. Ses petits sourcils étaient toujours froncés sur son regard de lichen, pourtant, après une légère hésitation, et sans un mot, il poussa l'unique jeton en sa possession vers le centre de la table.
Il les regarda alors longuement, Hillel d'abord, puis Eirik. Le minois poupin restait encore chiffonné de contrariété mais il ravala son orgueil en prenant des intonations de maître d'école qui contrastaient avec sa petite voix quand il s'adressa au Nordique.

– Regarde, Milo a plus de pièces. C'est perdu !
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Hillel.loew
Hillel gratifia le petit d'un immense sourire. Mais Levanah commençait à s'agiter. Il était probablement temps de la changer. Il se leva donc et, passant derrière, Milo, il lui couvrit la tête de la main, geste de bénédiction là d'où il venait. Peut-être ici aussi?

Ir zent a gut eyngl, Milo. Tu es un bon garçon. Allez, montre bien à Eirik comment on joue, je vais refaire des dreidls et on fera une partie avec plein de monde. On leur expliquera comment on joue, ya?

Il souriait encore en arrivant chez lui.

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Eirik_gjermund


Eirik n'avait jamais aimé jouer. Il ne connaissait pas de jeux de carte, même si ceux qui y jouaient semblaient ressentir une grande excitation. Et, souvent, un irrépressible besoin de boire ! Eirik dédaignait aussi les dès... Il préférait affuter ses lames et sculpter. Milo devait encore avoir les deux petites figurines offertes ; un chien et un cheval.

Le petit perdait et était un peu contrarié, c'était bien normal. Et il voulait tricher en plus ! Eh non, gamin !
Puis la partie prit fin. Ca n'avait pas été un mauvais moment, au contraire. Milo avait pu apprendre une chose au grand Nordique.

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Sa langue natale
Fanette_
    Limoges, le 19 juillet 1469

– Et tu me blesseras encore ...

Il y avait une question dans l'hésitation de cette affirmation, mais Sub y avait répondu avec une assurance qui avait ravivé les larmes de la fauvette.

– Oui.

Il ajouta, la couvant malgré tout d'un regard doux :

– Tu aurais vite fait le tour du vieux. On n'a rien en commun. Tu es bien entourée, jeune, pleine de vie, avec des envies de voyages.
– Pourquoi alors ? Pourquoi être venu te glisser dans mes draps sans te soucier du mal que tu allais me faire ?

A cet instant, la disparition d'Alan, dont Kachina était venue leur faire état un peu plus tôt, lui était sortie de la tête. Après les éclats de voix de la Marseillaise et son incompréhension en apprenant que son époux était dans un bordel à cause de son frère quand il avait disparu, sans que ce dernier ne songe à le mentionner, la salle commune résonnait des sanglots de l'Angevine et des soupirs du Breton. Il était parti, en la chargeant de lui dire ce qu'elle voulait qu'il fasse.

Que pourrait-elle bien vouloir après ce qu'elle venait d'entendre ? Il lui avait semblé assez clair. Il n'avait plus vraiment envie de s'attarder à ses lèvres ou à sa couche, du moins c'est ce qu'elle avait compris. La vérité venait de lui éclater au visage, dans toute l'évidence qu'elle ne voulait pas voir. Ils ne se promettaient rien, ne murmuraient jamais de mots d'amour. Ils ne regardaient pas au-delà du jour suivant. C'est ainsi que Fanette se protégeait, et finalement, il n'était guère différent d'elle, usant des mêmes dénis, vibrant des mêmes peurs, jouant de la même lâcheté. Il avait beau avoir le double de son âge, il n'était guère plus affuté qu'elle.

Alors, quand il était parti, elle s'était rencognée sans un mot derrière son comptoir, les mains dans sa vaisselle, jusqu'à ce qu'Hillel vienne l'en sortir et l'autorise à décharger le trop-plein d'émotions dont son cœur débordait. Bo, curieux, s'était approché, les oreilles plaquées en arrière. Il s'était dressé, ses petites pattes avant posées aux genoux féminins, offrant le réconfort timide d'une truffe humide cherchant la caresse.

Quelques clients étaient venus, puis repartis, des plus proches aussi, sans qu'elle ne les voie vraiment, les servant, d'un geste mécanique, le regard éteint pour ne pas offrir de larmes. A la fin de la relevée, la jeune mère avait laissé Milo repartir avec Opaline. Le bambin ravi, voyait là l'occasion de prolonger les moments partagés avec la jolie Ysel et ses deux grands frères. Peut-être chouinerait-il quelques instants au moment de s'endormir, privé du baiser maternel mais à trois ans passés, il se montrait déjà étonnamment indépendant. Alors, Fanette s'était préparée, parce qu'au-delà du chagrin qui lui avait fait ravaler l'insouciance des dernières semaines, elle avait promis à Kachi. Les inquiétudes de la brune étaient tellement plus légitimes que les siennes. Pourtant, même à la nuit avancée, elles n'avaient glané aucune information, pas le moindre début d'une piste expliquant la disparition de l'époux, et la chape de plomb à ses épaules était toujours aussi lourde quand elle était revenue faire le service au Lupo pour les habitués.

– Fais-moi plaisir Fanette, va le voir, je tiens le comptoir.
– Je ne peux pas.

Non, elle ne pouvait pas. Elle ne s'était battue que pour ses enfants, jamais pour un homme. Subir, se résigner, s'enfuir, souffrir, c'est ainsi que s'étaient achevées ses rares amours. Elle n'était pas de celles qui se défendaient pour garder leur place, qui s'imposaient pour mieux reconquérir. Elle s'effaçait, sans un mot pour ne pas ajouter une défaite de plus, un autre rejet qui la rendrait plus médiocre encore. Il n'allait plus revenir. Même le bref noirci de quelques mots n'avait pas su lui faire comprendre que c'est ailleurs qu'il l'attendait, tant elle croyait savoir qu'en allant en baiser une autre, d'elle, il n'avait plus besoin. Et finalement, ce n'était pas en l'imaginant butiner d'autres nectars qu'elle avait le plus mal. Elle s'était blessée elle-même en refusant d'avouer que la légèreté de leurs étreintes, l'insouciance qu'il lui rendait, et tout ce qu'ils avaient partagé d'audace s'étaient arrimé à son cœur bien plus solidement qu'elle ne l'aurait voulu. Si elle n'était toujours pas prête à confesser l'amour, elle aimait être avec lui, jouer et rire avec lui, répondre à ses défis en rougissant, s'embraser sous l'impudeur de ses caresses, et s'endormir repue entre ses bras.

Sub n'était pas revenu, mais Kachi, même éprouvée par la disparition d'Alan, était allée le chercher, provoquant les mots pour contrer d'autres maux. Alors, ils s'étaient dissimulés encore, l'un et l'autre, dans des semblants de reproches avant de consentir à livrer l'attachement et les craintes, tout ce qu'elle taisait, quitte à se mentir.

– Tout le monde se ment.
– Tu crois ?
– Quand on dit qu'on ne ressent rien, qu'on n'est pas un couple, on se ment non ? Sinon, on ne passerait pas des heures à discuter de tout et de rien en attendant niaisement l'heure d'aller s'allonger nus ensemble.
– Parce que comme cela, si ça s'arrête, ça fait moins mal, enfin ça, c'est ce dont je voulais me persuader. Si on ne dit pas qu'on aime, on ne souffre pas.
– J'ai souffert sans dire je t'aime, et j'ai souffert aussi en le disant.
– Je ne l'ai pas dit souvent, mais j'ai souffert à chaque fois, c'est pour ça que je voulais essayer de ne plus le dire.

Ce n'étaient pas des aveux, ou bien ça en était, enveloppés de pudeur, mais chauds et rassurants, comme l'étreinte protectrice qu'il avait refermée sur elle, comme son visage qu'il avait enfoui dans ses boucles dorées pour gorger ses poumons de son parfum, avant que leurs lèvres ne s'effleurent et que leurs bouches ne se retrouvent. Et dans la salle commune désertée, palpitant faiblement du pâle halo de quelques chandelles, la fauvette voulut croire qu'elle était assez forte pour qu'il n'ait plus jamais envie de soulever d'autres jupons que les siens.
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Hillel.loew
Quatrième jour du mois de Av.

L'aube pointait déjà. Une heure qu'il avait toujours aimé. Ce moment où les oiseaux se mettent tous à chanter, où l'activité humaine est encore si minime que l'on se croirait au sixième jour de la Création. Avant que les choses ne tournent au vinaigre, diraient les cyniques. Ou Urs, après deux tournées...

Du cynisme, Hillel en avait à revendre, ce matin là. Mais pas au point de maudire toute l'humanité. Juste certains humains. Un peu. Parfois... La veille, il lui avait été rappelé que des gens envers qui il n'avait aucune animosité, qui lui étaient même, pour certains, sympathiques, pouvaient s'avérer de véritables veytik in di vi.* De certains, il n'attendait pas moins. D'autres l'avaient, sinon déçu, du moins, empli d'une certaine lassitude. Mais quoi? C'était ça, la vie dans un groupe, une communauté. Il avait connu celà au Shtetl, pour d'autres raisons. Au fond, c'était peut-être bon signe.

Il avait toutefois quelque chose à faire et se demandait comment s'y prendre. Bah, accrocher le sac à la poignée de porte, tout simplement. Ce qu'il contenait serait trouvé par sa destinataire. Bezrat Hac'hem, si Dieu veut. Il n'avait pas osé le donner en mains propres la veille. D'abord parce qu'il aurait été, à sa connaissance, le seul et que cela aurait été gènant pour tout le monde, ensuite parce qu'il y aurait toujours eu quelqu'un pour y voir ce qui semblait les obséder, tous, chose qui commençait sérieusement à l'agacer. Et alors, en plus, si Lily l'avait vu, il n'aurait pas fini d'en entendre parler. Sa petite fugue nocturne allait déjà lui valoir assez de récriminations, de regards lourds de reproches et autres tactiques culpabilisantes qui lui rappelaient sa mère.

Ce que le sac contenait, c'était un grand plateau circulaire. En bois, évidemment. En noyer, pour faire un beau contraste avec les tables en chêne. Il était orné de gravures : trois cercles concentriques, deux contenant des motifs géométriques compliqués et un formé de vingt et un épis de blé stylisés. Au milieu, un figuier et vingt et un oiseaux, tous différents. Il s'était bien amusé à leur donner forme, à leur faire remplir l'espace au dessus de l'arbre.

Au dos du plateau, il avait simplement gravé : 3 Av 5229.





* Emmerdeurs patentés.
Fanette_
Vingt-deuxième jour du mois de juillet


Les habitudes, cette routine quotidienne que Fanette avait toujours appréciée, et à laquelle elle se rassurait. Elle était sensiblement différente depuis quelques semaines, mais elle allait bien à la jeune femme. Comme chaque matin, Milo s'était glissé hors de son lit pour rejoindre celui qui avait été le sien de nombreuses nuits. Mais, à présent, il fallait compter sur une personne de plus. Il se faufilait sans ménagement entre les bras ou les corps emmêlés dans le sommeil pour prendre place entre les deux adultes, ignorant les grognements du Breton pour se faire cajoler par sa mère. Parfois, ils se rendormaient tous les trois, ou bien elle ne s'attardait pas, entraînant dans la pièce voisine l'enfançon plus enclin à rire et faire le pitre, pour préserver la grasse matinée de Sub.

Ce matin, dans la pénombre de la chambre encore contenue par les volets clos, étonnamment, le petit louveteau semblait s'être rendormi profondément. Il émettait ce petit ronflement qui la faisait toujours sourire. Assise sur le bord du matelas, elle couvait d'un regard tendre les deux silhouettes encore abandonnées à quelque rêve. Le bras masculin s'était rabattu sur le garçonnet, étalé de tout son long en travers du matelas. Elle s'amusa en imaginant le Hussard, encore ensommeillé, quand il chercherait à enfouir son nez dans ses boucles indociles et qu'il ne trouverait à la place, que la tignasse sombre du mini-Corleone.

Elle se pencha, pour caresser de ses lèvres le front enfantin et la bouche mâle, puis se prépara en silence derrière le paravent. L'eau fraîche sur son visage acheva de la réveiller, ses vêtements sentaient bon l'herbe fraîche sur laquelle ils avaient séché. Elle devina derrière le battant de bois, le plein soleil qui déjà, s’immisçait entre les lattes. C'est en souriant qu'elle quitta précautionneusement la chambre pour ne pas les déranger.

Les habitudes donc, c'était à cela que s'adonnait chaque matin la fauvette. Il fallait raviver le feu dans l'âtre. A l'hiver c'était important. En cette saison, elle veillait à le tenir bas. S'il diffusait une chaleur bien superflue, il restait indispensable pour préparer et garder au chaud les repas du jour. Ensuite, il fallait ouvrir toutes les croisées, pour faire entrer le soleil et évacuer les odeurs lourdes de la veille, où se mêlaient les fumées âcres du suif des chandelles, les parfums de brouet froid, et les relents d'alcool. Elle pouvait alors ôter les bougies trop usagées et en piquer de nouvelles dans chaque petite coupelle d'argile disposée sur les tables. Avant de nettoyer le sol et de repasser un chiffon sur les meubles, elle se chargeait alors de la pénible corvée d'eau qui servirait tout au long du jour pour les préparations culinaires ou la toilette des pensionnaires. La fontaine du père-Peigne faisait l'angle de deux rues un peu plus bas. A chaque aller-retour, elle devait jouer des coudes pour se frayer un accès quand, dès l'aube, les apprentis des ateliers établis sous les arcades en face du Lupo venaient eux aussi y puiser l'eau chargée d'alun, précieuse aux maîtres teinturiers, puis il fallait ensuite remonter la rue en pente douce, en portant de chaque côté les seaux lourds dont les anses de métal cisaillaient les mains.

Mais ce matin, après avoir levé le solide madrier qui barricadait la porte, elle entendit un bruit sec en actionnant la clenche pour ouvrir. Elle posa ses seaux vides, et, intriguée, se pencha pour ramasser le sac de toile qui venait de s'échouer sur le seuil. Son contenu semblait solide et plat. Elle fit quelques pas pour venir s'appuyer à une table et défit soigneusement les liens de corde pour en extraire le contenu. Si quelque témoin s'était attardé à ce moment-là dans la salle, ils auraient pu lire tout un chapelet d'émotions aux traits fins de la tavernière. La surprise céda rapidement le pas à l'admiration, quand elle découvrit la finesse des décors qui ornaient le plateau de bois rond. Les trois cercles concentriques lui rappelèrent une discussion, sur l'importance de ce nombre. Elle se souvenait des trois nappes qu'on superposait sur la table de la Saint-Noël, des trois coupelles où l'on faisait pousser le blé de la Sainte-Barbe, des trois chandeliers. Elle en avait oublié la signification, mais elle se souvenait que ce trois était aussi important, pour d'autres raisons, dans cette autre religion dont elle se plaisait à comprendre des bribes. Elle glissa délicatement la pulpe de l'index pour suivre les tracés, s'entraînant à compter les motifs qui se répétaient. Vingt-et-uns épis de blé d'abord. Jusque-là, elle savait énumérer les chiffres. Puis, les oiseaux, eux aussi au même nombre. Elle s'émerveilla des détails, rendant chaque volatile différent des autres. Elle s'amusa à y chercher la fauvette. Son visage s'éclaira d'un doux sourire en découvrant que l'arbre, au centre du plateau était un figuier, clin d’œil à un conte qui évoquait les rêves, et la nécessité de ne jamais cesser d'y croire. En retournant l'objet, elle découvrit une date, presque mystérieuse, si on ne lui avait pas expliqué ces différences de calendrier. Si elle se souvenait bien, elle était née en 5208, au mois de av. Mais l'année gravée sur le fond s'achevait par un neuf, elle en conclut que c'était donc la date de ses vingt-et-un ans.

Elle reposa le plateau sur la table. L'essence, sans doute du noyer, contrastait joliment avec le fil droit et la teinte miel du chêne de ses meubles. Il était plus foncé, offrant une gamme de différents bruns, dont les veines sombres ondulaient gracieusement. Et finalement, elle s'émut de ce présent, son regard, comme toutes les fois où son cœur se serrait un peu, s'éclaircit de quelques paillettes d'or supplémentaires. Jusqu'ici, personne ne lui avait jamais rien offert pour son anniversaire. Il faut dire qu'il n'y avait que trois ans qu'elle en connaissait la date exacte. Malgré tout, même son père qui la lui avait révélée, n'avait jamais évoqué ce jour avec elle, autrement que dans la première lettre qu'il lui avait adressé un vingt-et-un juillet 1466. Elle avait espéré sans oser l'avouer qu'il se manifesterait, d'une manière ou d'un autre, mais elle devait définitivement se rendre à l'évidence. Pierre Loiselier, après avoir annoncé sa venue au dixième jour de juillet, avait changé d'avis, et ne s'embarrassait guère des états d'âme de ses deux filles.

Ce cadeau la réconfortait un peu des manquements paternels. Dans ce geste et le soin apporté à la réalisation de cet objet si utile à sa taverne, se trouvaient quantité de symboles évoqués dans les discussions qu'ils partageaient souvent quand la salle commune se vidait. Fanette ne se précipitait jamais à parler d'amitié, tant elle pensait que, comme l'amour, il fallait du temps pour en éprouver la solidité. Cependant, ce jourd'hui, Hillel lui avait offert un présent que seul un ami pouvait offrir, tant, par ses nombreux petits détails, il avait su la toucher.
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Fanette_
    Nuit du 23 au 24 juillet 1467

Pile un mois en arrière, Fanette avait passé une soirée des plus joyeuses, ses jupons volaient au vent, aussi légèrement que les escarbilles jetées au ciel piqué d'étoiles par le brasier de la Saint-Jean. Presque toutes ses soirées depuis s'étaient égrenées aux audaces et aux rires. Pourtant, cette nuit-là, quand, à une heure trop avancée, elle avait enfin pu souffler les chandelles, elle ne savait plus trop situer son humeur. Les discussions et les plaisanteries s'étaient peu à peu éteintes au départ des derniers convives. Les menaces, quand le bourgmestre s'était aventuré dans la salle commune, s'étaient éparpillées dans le courant d'air de son départ contraint par le pied menaçant d'Urs. La tavernière avait participé, parfois un peu lointaine, en se demandant ce qui clochait chez elle.

Elle était ainsi. Peut-être même l'avait-elle prévenu. Quand quelque chose sortait de ses rouages quotidiens, elle avait vite tendance à prendre peur, se chiffonner, et ne plus ouvrir la bouche. Le baiser juste cueilli à ses lèvres par-dessus le comptoir, lui qui se montrait toujours presque indécent, l'avait un peu surprise, mais elle ne voulut pas y prêter attention. Peut-être que le Breton était fatigué après tout, surtout si c'était dans une mine de pierre qu'il avait passé sa journée. Puis, il y avait eu cette discussion presque amusante sur les petits arrangements mensongers qu'il avait conclus d'une phrase qui avait mis sens dessus dessous la caboche de la blondine.

– Ne jamais avoir confiance en un type qui veut ton cul. C'est ce qu'on devrait enseigner à toutes les donzelles.

Elle s'était appuyée au dressoir derrière elle, s'écartant sensiblement de la conversation pour ressasser cette phrase. Il ne s'était jamais caché de ce qu'il voulait d'elle, depuis les premiers jours où il l'avait regardé monter l'escalier devant lui pour déménager un berceau. La fauvette manquait-elle de second degré ? Il y a encore quatre jours, avant qu'il n'entame sa confiance, elle aurait sans doute pris cela comme une boutade. Peut-être en était-ce une, mais alors, elle n'en saisissait pas le but. Il se lassait déjà, à présent qu'il l'avait pour lui, quand ça lui chantait ? Il était de ceux qui ne vibrait que de la chasse, et de ces instants brefs qui suivaient l'hallali? Elle avait fait quelque chose qui lui avait déplu ? Et chaque question qu'elle se posait en sourdine la murait un peu plus dans le silence. Elle espérait qu'il l'en sorte, qu'il la détrompe d'une main insolente qui aurait crocheté sa nuque pour l'attirer à sa bouche, et que d'un murmure il ne lui souffle quelque parole qui aurait embrasé ses joues.

Au lieu de ça, il l'avait laissée s'enfoncer dans ses craintes avant de saluer l'assemblée et de se retirer dans les appartements privés de l'auberge. Et ce faisant, il n'avait exhibé que le spectacle de son dos qui s'engouffrait sous l'arcade au bout du comptoir, affichant pour la fauvette une impassibilité dont elle n'avait pas été la seule surprise, Malgré tout, elle avait haussé les épaules quand Zilo voulut savoir quelle mouche l'avait piqué. Elle n'en savait pas plus que lui, mais à l'heure d'aller à son tour se glisser dans les draps, elle appréhendait, sans savoir au juste quoi.

Alors, elle s'était faufilée à pas de loup dans la chambre, s'était déshabillée en veillant à étouffer les bruissements d'étoffe, et lentement, pour ne pas l'éveiller, elle s'était allongée près de lui. Et si ses yeux s'étaient refermés sur ses peurs, le sommeil, cette nuit-là, tarda à venir.
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Mortsubite
Ce même soir tout m'avait agacé. Pourquoi? Sans doute parce qu'il y a des jours piles et que là, on est tombé sur un face? Des décennies et je ne me comprenais déjà pas moi-même. Alors les autres? Et les femmes? Malheur... Bien longtemps que je m'étais résigné à ne plus m'échiner à les comprendre.
Flemmard dans l'âme, je n'avais d'ailleurs plus l'envie, ni le courage de tenter le diable ou précisément ici, la diablesse.

Les amis de la tavernières étaient en pleine discussion et elle, à leurs petits soins, comme à son habitude. Elle ne semblait pas plus y prendre part, ni la comprendre que moi, mais elle restait là, impassible. Et pourquoi pas, remarquez? Vrai, que c'était pas pire que de casser de la caillasse toute la journée. S'amuser, boire pour remplir son auge... Que demande le peuple?

Quelques godets de bières plus tard, elle accentue encore son retrait en s'appuyant contre le dressoir au fond de la salle. Soit...

La conversation ne me passionne toujours pas plus, donc je tente une ouverture en saluant l'assemblée. Je me dis qu'après tout, si elle a envie de passer du temps avec moi, elle n'a qu'un: "attends moi, je te suis!" à sortir.
Attente vaine, elle ne bronche pas.

Sans doute sa soirée entre potes est-elle des plus intéressantes? Ma foi...

En attendant, couché tôt, ma nuit fut des plus réparatrices.
Au petit matin elle a déjà disparu, enfin... si elle a passé sa nuit avec moi. Ne l'ayant pas entendu s'allonger, j'en ai franchement aucune certitude. Ainsi soit-il!

Qui vivra... verra... ou pas!
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La bave du crapaud atteint toujours les blanches colombes...
Aure.blanche
[A l'aube du 25 juillet, de passage à Limoges pour la journée.]


De passage à Limoges, Aure déambule à travers la ville au grés de ses envies et d'un je ne sais quel pressentiment.

Elle tombe soudain sur une taverne dont le nom sonne étrangement pour la région. Elle s'approche et soudain son coeur manque un battement. "Fanette", ce nom résonne dans les souvenirs de la brune. Elle lit encore son Maître d'armes et sauveur dans différentes conversations épistolaires...

Aussitôt elle s'efface et se demande si elle pourrait pas observer tout au long de la journée
cette Fanette et son entourage pour transmettre de précieux renseignements.

Elle décide donc d'entrer car elle a faim et ça tombe bien.


Bonjour, je suis en voyage et je voudrais savoir si je peux avoir un peu de pain et de lait frais s'il vous plaît.
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Fanette_
Le sourire s'était de nouveau invité aux traits de la fauvette, et sans doute pouvait-elle remercier sa petite sœur. C'est elle, qui, à la veille, avait contraint le hussard et la tavernière à aller s'enfermer dans le bureau pour causer. Les premiers instants avaient été difficiles, chacun rencogné de son côté de la pièce, dans une attitude un peu roide qui n'incitait guère au dialogue.

– Il se passe quoi ? J'ai fait quoi ? s'était-elle risquée.
– J'allais te poser la même, avait-il répondu.

Après les questions, chacun avait exposé sa même vision de la situation, et la distance instaurée qu'ils attribuaient forcément à l'autre.

– Ça, ajouté au reste, j'ai eu peur.
– Mais peur de quoi ?
– Que tu ne veuilles plus de moi pardi.

Si l'aveu avait ratatiné un peu plus l'Angevine contre son bureau, il avait fait lever au plafond les yeux bleus du Breton.

– Quand je dis que je vais me coucher et qu'il est tôt, c'est avec l'espoir que tu me suives idiote ! avait-il répondu.

Le brocard était affectueux, et du reste, si Sub déplorait le peu de points communs qu'ils partageaient, une chose était sûre hélas : ils étaient pareillement incapables de gérer les tensions, se réfugiant chacun dans le silence en attendant que l'autre réagisse. Pour cette fois encore, ils étaient sortis de ce fossé qu'ils avaient creusé avec la même pelle, pour un malentendu ridicule. Il lui avait servi un sourire des plus provocateurs, elle avait laissé filer un rire léger, et il n'en fallait pas plus pour rompre la distance qui les séparait. Alors, la bouche mâle s'était aventurée, effleurant de douceur sa nuque, son épaule, s'amusant d'y faire naître un frisson, quand ses mains autoritaires et fermes s'appropriaient ses fesses.

– Voilà ce que nous avons raté hier, murmura-t-il dans un souffle abandonné au creux de son oreille.

De confidence en provocation, ils s'étaient bel et bien retrouvés, brûlant d'un même désir qu'ils avaient assouvis avant même que la salle commune ne se vide de ses derniers clients. Pour une fois encore, la tavernière du Lupo avait manqué à ses devoirs, mais la fauvette elle, s'était rassurée aux émois qu'elle pouvait faire naître aux tripes du crapaud, et s'était embrasée à l'impudeur de ses caresses.

Elle souriait donc ce matin-là, à tous, et pour toute occasion. Même la corvée d'eau lui avait semblé moins pénible. Et quand une inconnue avait poussé la porte pour venir s'appuyer au comptoir, c'est avec le même sourire affable qu'elle l'avait accueillie. Elle avait laissé le pichet de terre cuite emplit du lait de chèvre, frais du jour, à côté de son godet, lui laissant la possibilité pour le prix du repas, de se resservir. Puis elle avait découpé de belles tranches de pain, à la croûte croustillante et dorée, qui fleurait encore bon le parfum du pain chaud. Elle avait ajouté un peu de fromage frais, et un petit bol de confiture de fruits rouges.

– Vous faudra-t-il autre chose ?

L'attitude prévenante et accorte de l'aubergiste incitait clairement à la discussion.
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Aure.blanche
Officiellement, c'est une jeune Dame mais au fond d'elle c'est un assassin formé par le pire des instructeur. Sauf qu'à ce moment précis, elle entrevoit toutes les possibilités et elle a un but, tirer le maximum de renseignements de la blonde au sourire entendu.

Elle est généreuse alors la brune en profite sans retenue. Ce n'est pas digne de sa nouvelle condition mais son Altesse n'est pas là donc pas vu pas prise.

Elle relève les yeux sur la blonde et sourit.


En effet il me faudrait autres choses mais je crains que vous ne puissiez rien faire. Voyez vous, j'aime un homme qui m'a sauvé la vie mais lui m'a clairement fait comprendre que jamais il ne me fera sienne. Au moins vous, vous avez l'air heureuse. Il doit être gentil avec vous ! Peut-être même qu'il vous a engrossé, moi je peux toujours rêver !

Aure parlait et mangeait en même temps, si bien que la gourmande avait vidé le pot de lait et fini le pain si bon tout frais. Quand elle s'en rendit compte elle simula un rougissement à la perfection, d'un air de dire : mince, j'ai tout mangé...
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Fanette_
Fanette l'écoutait, surprise par sa confidence un peu intime, alors qu'elles ne se connaissaient pas. Elle éluda la question posée d'un haussement d'épaules assorti d'un sourire dans lequel pointait l'amusement.

– Vous avez raison, je risque de pas être d'une grande aide. Je n'ai pas encore appris à faire des philtres d'amour.

Attentive à la jeune femme, elle trancha encore un peu de pain qu'elle glissa sur la table devant elle.

– Et cet homme, comment vous a-t-il sauvé la vie ?
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Fanette_
– Mamma, guarda ! C’est Bo !

Milo s’approcha, la mine renfrognée, brandissant le chien de chiffon dont une patte à moitié arrachée laissait s’échapper la laine avec laquelle on l’avait bourré. Derrière l’enfant, le ratier suivait en remuant la queue, l’air innocent, alors qu’une bourre dépassait encore de sa gueule.

– Bo est méchant !

Fanette s’excusa d’un regard à la jeune femme et se retourna pour récupérer le butin que tenait le petit chien, avant de le faire sortir d’un air amusé.

– Toi petit voyou, tu vas jouer dehors.

Puis, se retournant vers son fils, elle saisit le jouet et l’examina.

– C’est rien ça Milo, je vais te le recoudre. Bo n’a pas fait exprès. Il voulait juste s’amuser avec toi.

Elle servit un godet de lait au mini Corleone avant de remplir de nouveau la timbale d’argile de la brune..


La brune allait parler quand un petit garçon visiblement énervé entra suivi d’un petit chien. Aucun doute possible quant à l’identité du nain vu les détails visibles. La blonde confirma sans le vouloir les doutes de la brune. Ainsi donc le petit était libre et devait donc être surveillé par une personne tierce car à cet âge on ne peut être libre, tout de même !

Il fallait creuser mais pour l’heure elle se devait de répondre à la question posée.


– C’était un soir, je détroussais les passants avec un groupe d’amis mais nous avons croisé des sentinelles et nous avons été massacrés. C’est le terme exact, un vrai massacre et je me demande comment j’ai pu rester en vie mais le fait est là. J’agonisais dans un fossé entourée des cadavres de mes amis quand une meute de loups est apparue. L’un d’eux semblait énorme et visiblement le chef, ils étaient cinq en tout. J’ai compris que mon heure était arrivée mais à ma grande surprise, je me suis réveillée dans un lit, bandée sur une grande partie de mon corps, mes vêtements propres et secs, au chaud près du feu.

Il y avait quatre loups et un homme, très grand, un colosse. Je n’avais jamais vu un homme doté d’un tel physique !!! J’ignore comment je me suis endormie mais une chose est sûre, il y a des trous noirs. Je suis sûre d’avoir vu cinq loups et je suis sûre que cet homme n’est pas un homme normal. Il parlait à ses loups, vous m’entendez ??? Il m’a dit que mes blessures étaient désormais un lointain souvenir et que je devais partir. Il m’a laissé quelques jours avant d’être rétabli et ensuite je lui ai demandé une faveur. Il m’a donc formé à l’assassinat et désormais je suis une Dame au service d’une Altesse Impériale. Je l’ai perdu de vue il y a environ deux ou trois mois quand il est parti de Lorraine en abandonnant tout même son hostel particulier et l’hospital.

Mais assez parlé de moi ! Comment faites vous pour gérer deux choses incompatibles ??? Un enfant et une auberge où l’alcool coule à flots ? Vous ne semblez pas être une noble qui a des gens pour ces tâches et puis que feriez-vous derrière un comptoir si c’était le cas ? Je suis curieuse car je ne connaîtrait jamais ce que c’est d’avoir un enfant…


Comme à son habitude, Aure n’était pas avare de bla bla. C’était son côté gentille qui ressortait surtout en fonction de la personne en face et le moins que l’on puisse dire c’est que la blonde ne semble pas dangereuse…

Les traits de la fauvette se plissèrent insensiblement en entendant le récit de la brune. Elle était partagée. Elle avouait n’être guère recommandable mais, l’homme dont elle parlait, aucun doute possible, il s’agissait du médecin Lorrain pour qui elle-même avait travaillé quelques mois l’année précédente. Léo, Nebi, Baptiste, Monseigneur Mastiggia, tous avaient un avis exécrable sur l’homme, le jugeant dangereux et autoritaire. Fanette savait ce qu’elle lui devait, un travail, un toit, protection, et, aux dires de Lobelia, sans doute lui devait-elle aussi la vie quand Oliver était venu au monde. Elle ne mentionna pas néanmoins qu’elle le connaissait, sans trop savoir pourquoi.

Elle sourit à la question, effectivement, elle n’était pas noble, sinon, elle n’officierait pas derrière un comptoir.

– C’est un enfant facile. Il a l’habitude de jouer seul, ici, ou dans la pièce voisine, comme à l’instant. Mais, il est vrai qu’en ce moment, j’ai un peu de chance. J’ai des personnes de confiance avec qui Milo aime passer du temps. Certains ont des enfants avec qui il peut jouer, un autre l’emmène monter à cheval, alors, si petit soit-il, il n’a pas toujours besoin de sa mère, loin s’en faut. Puis le soir, à l’heure du rush ici, il dort.

Elle laissa filer un léger rire en ébouriffant les cheveux du bambin.

Tout en souriant, Aure termina son repas. Elle avait désormais la certitude que l’enfant ne serait pas seul. Elle repartait le soir et décida de visiter la ville et en profita pour demander à la blonde si un endroit calme existait dans cette ville.

– Vous en avez de la chance ! Avoir des gens sur qui compter est important en cas de soucis. Merci pour ce repas excellent. Dites-moi, si je souhaite me poser dans un endroit calme, vous me conseilleriez quelque chose ou un tel endroit est-il inexistant à Limoges ? Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre hospitalité, ça change de certains endroits. Il y a juste une chose qui me perturbe. Vous ne parlez jamais de son père mais seulement d’amis. J’espère que je ne fais pas d’impair et qu’il n’est pas mort…

Fanette aurait pu faire remarquer son indiscrétion à sa matinale cliente, mais elle était heureuse et patiente. Elle jeta un regard à l’enfant qui était reparti jouer à quelques pas d’elle..

– Comment pourriez-vous savoir si je n’en parle jamais ? lui dit-elle en esquissant un sourire amusé. Rassurez-vous cependant, mon fils a bien un père, mais vous savez comment ils sont ? Combien d’hommes se soucient de leur progéniture, si ce n’est que pour se vanter d’être assez charmant pour séduire quelque naïve pucelle, et suffisamment vigoureux pour les engrosser ?

Elle écourta le sujet en déposant le godet vide dans son baquet à vaisselle, puis, tout en passant un chiffon sur le comptoir de bois, elle lui décrit les bords de la Vienne. Son regard se fit presque rêveur tant elle appréciait la beauté de ces berges, bercées du chuchotement des eaux et du chant des oiseaux.

– Cependant m’dame, si vraiment c’est la tranquillité que vous recherchez. Ne vous arrêtez pas à ces lieux prisés des Limougeauds, où certains ont même aménagé de petites cahutes. Donnez-vous la peine de suivre le fleuve vers l’aval, suffisamment loin pour ne plus entendre le son des cloches. Là vous serez au calme. Je peux vous l’assurer, j’y vais moi-même régulièrement.

Fanette s’était gardée de donner trop de détails car elle ne voulait pas partager l’endroit exact où reposait Stella, mais elle savait que l’étrangère trouverait aux alentours ces berges secrètes qu’elle-même affectionnait tant, et où les gens d’ici, trop habitués à l’agitation de la ville, ne se risquaient jamais.


Ecrit à quatre mains avec jd Aure. Blanche

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Yselda..
[Aux aurores, alors que tout le monde dort encore]

Voilà, j'ai fini par m' décider. Il y a quelques jours déjà que j'avais écrit ce pli. Mais j'hésitais. La peur de m' faire prendre ou un restant de conscience, allez savoir. Mais au réveil, alors que je buvais mon lait fraichement tiré au pi de ma vache, il me brulait les yeux.

Et me voici, devant la porte, à hésiter. Je sais qu'elle dort là. J'ai des oreilles et j'sais m'en servir quand je déambule au travers des venelles.
Je sais aussi qu'elle est dev'nue proche de l'aubergiste. Et je dois jouer de prudence. Mais ma décision est prise. J' vais déposer cette lettre. Et ça, sans plus attendre. Qu'elle se ronge les sangs, qu'elle pleure toutes les larmes de son corps. Qu'elle doute et qu'elle se sente trahie, humiliée.

Je pousse la porte après avoir regardé dans la ruelle si personne n'y était. J'épie chaque bruit aux alentours et j'entends déjà quelques volets claquer en s'ouvrant. Il me faut faire vite.

Il règne ici comme une odeur de menthe fraiche, et des parfums de soupe aussi. Je pousserais bien le vice à m'assoir........ j' commanderais un matinel quand la tavernière pointerait son nez. J'échang'rais quelques propos sans importance, et mine de rien, je glisserais sur ces affiches qu'on trouve un peu partout en ville. Un disparu..... Sa femme en détresse......

Mais je ne peux pas courir ce risque. Il y a cette cruche vide et propre oubliée sur le comptoir. J'y glisse le parchemin roulé. J'ai poussé le vice jusqu'à écrire dessus : A lire à Kachina de Lisreux.

Mon seul regret à cet instant, c'est que je n'serai pas là pour voir la propriétaire d'ici lui remettre la lettre.



Inutile d'espèrer qu'il te revienne !
Il t'oublie dans les bras d'une autre.
Tu croyais quoi ? le garder toute la vie à toi ?
Il s'est lassé ma pauvre.
Dis toi que tout est fini.
Tu t'épargneras bien des tourments.
Retourne donc en Provence
.


J'm'attarde pas plus. Il y a peut-être un chien de garde qui traine et même s'il ne doit pas être dressé à bouffer d'éventuels clients, la peur qu'il rapplique me retient de chiper quelques mignardises oubliées sur une écuelle. Mais j'laisse au pied du comptoir une souris crevée, histoire d'attirer sur cette bâtisse le mauvais sort. J'ai rien contre la dame des lieux mais c'est ici qu'ils ont dû rire, chanter, danser, s'aimer peut-être mon protègé et sa gueuse.

La porte claque derrière moi, je presse le pas et je suis déjà au coin de la ruelle. Ni vue, ni connue....
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