Fanette_
[Aux aurores, alors que tout le monde dort encore ... ou presque]
Fanette avait croisé une rousse qui descendait vers la Porte-Panet toute proche, bousculant dans son empressement quelques apprentis teinturiers qui remontaient vers les ateliers, les bras chargés de grandes pièces détoffe encore dégoulinante deau. Elle navait pas prêté cas au visage de la femme, mais sétait amusée des récriminations fleuries des garçons.
Mince !
Le seau empli à ras bord laissa échapper un peu deau qui trempa le bas des jupes de laubergiste quand elle sappliqua à ouvrir sa porte avec le coude. Elle la claqua derrière elle avec le pied pour aller déposer dans la réserve le chargement qui entamait ses mains. Cétait le dernier de la longue série allers-retours du matin, jusquà la fontaine du Père-Peigne. Bo la précéda joyeusement. Le ratier fureta dans la salle avant de revenir vers elle, remuant frénétiquement la queue, tête haute, un butin dépassant à moitié de sa gueule. Elle l'attira, tapotant sa cuisse du plat de la main et sagenouilla pour prendre ce quil tenait entre ses dents. Une petite moue de dégoût chiffonna ses traits quand elle balançait au-dehors le cadavre déjà rigide dune souris, sous lair offusqué du chien.
Elle sactiva près du feu, remuant les braises sous le brouet qui mijotait déjà depuis son réveil, puis se servit un gobelet deau tiède dans lequel elle jeta quelques feuilles de menthe et de verveine. Elle méritait bien une pause, pour sêtre levée déjà bien avant les laudes. Les doigts enroulés à son godet de tisane, elle sinstalla près du comptoir, inspirant doucement les effluves parfumés qui sajoutaient à celles qui flottaient encore dans la pièce depuis le soir précédent. Elle sourit au souvenir de cette horrible journée qui sétait achevée dans les senteurs fraîches et vertes, légèrement poivrées et entêtantes, du bouquet que le Breton lui avait ramené. Au soir, très légèrement vêtue, elle lavait défié dun air mutin, en laissant tomber dans leau tiède du cuvier les longues feuilles vert sombre quil avait cueillies pour elle. Elle rougit sans doute légèrement de ce qui sétait passé ensuite, mais peu importait, personne nétait là pour la voir.
Une lettre posée sur le comptoir accrocha son regard, la ramenant à la réalité de linstant. Elle posa le gobelet dargile sur la table et sapprocha pour sen saisir. A lire à Kachina de Lisreux, la phrase se détachait en belles lettres noires sur le parchemin roulé. Ses sourcils se froncèrent. Elle jeta un regard autour delle, balayant la salle pourtant vide et silencieuse. Evidemment, elle songea immédiatement quil y avait un lien avec la disparition dAlan. Quaurait-il bien pu révéler dautre ? La brune était ici en voyage dagrément, et non occupée par quelque affaire. Elle hésita, suivant des yeux les déliés de lécriture. Et si le pli était porteur dune mauvaise nouvelle, sil confirmait la mort du Poitevin, devrait-on laisser son épouse déjà éprouvée découvrir la nouvelle dans ly préparer ? Elle ne savait se résoudre cependant à le lire à sa place, peu coutumière de telles indiscrétions.
Alors, elle traversa la réserve, poussa la porte du bureau au milieu duquel trônait encore le baquet qui dordinaire trouvait sa place à la chambre et pénétra dans la dernière pièce, encore abritée de pénombre par les volets clos. Doucement, pour ne pas éveiller son fils qui dormait encore, elle sapprocha du grand lit, et vint sasseoir sur le bord du matelas. Sa main caressa avec douceur la joue piquée de barbe de lhomme qui y dormait. Elle se pencha sur lui, leffleurant de ses lèvres avant de murmurer :
Ussar, sil te plaît, réveille-toi.
Dans sa dextre, elle tenait toujours cette lettre qui ne lui était pas destinée mais dont elle espérait quil saurait quoi faire, la donner, ou la lire avant sa sur et aviser ensuite.
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Fanette avait croisé une rousse qui descendait vers la Porte-Panet toute proche, bousculant dans son empressement quelques apprentis teinturiers qui remontaient vers les ateliers, les bras chargés de grandes pièces détoffe encore dégoulinante deau. Elle navait pas prêté cas au visage de la femme, mais sétait amusée des récriminations fleuries des garçons.
Mince !
Le seau empli à ras bord laissa échapper un peu deau qui trempa le bas des jupes de laubergiste quand elle sappliqua à ouvrir sa porte avec le coude. Elle la claqua derrière elle avec le pied pour aller déposer dans la réserve le chargement qui entamait ses mains. Cétait le dernier de la longue série allers-retours du matin, jusquà la fontaine du Père-Peigne. Bo la précéda joyeusement. Le ratier fureta dans la salle avant de revenir vers elle, remuant frénétiquement la queue, tête haute, un butin dépassant à moitié de sa gueule. Elle l'attira, tapotant sa cuisse du plat de la main et sagenouilla pour prendre ce quil tenait entre ses dents. Une petite moue de dégoût chiffonna ses traits quand elle balançait au-dehors le cadavre déjà rigide dune souris, sous lair offusqué du chien.
Elle sactiva près du feu, remuant les braises sous le brouet qui mijotait déjà depuis son réveil, puis se servit un gobelet deau tiède dans lequel elle jeta quelques feuilles de menthe et de verveine. Elle méritait bien une pause, pour sêtre levée déjà bien avant les laudes. Les doigts enroulés à son godet de tisane, elle sinstalla près du comptoir, inspirant doucement les effluves parfumés qui sajoutaient à celles qui flottaient encore dans la pièce depuis le soir précédent. Elle sourit au souvenir de cette horrible journée qui sétait achevée dans les senteurs fraîches et vertes, légèrement poivrées et entêtantes, du bouquet que le Breton lui avait ramené. Au soir, très légèrement vêtue, elle lavait défié dun air mutin, en laissant tomber dans leau tiède du cuvier les longues feuilles vert sombre quil avait cueillies pour elle. Elle rougit sans doute légèrement de ce qui sétait passé ensuite, mais peu importait, personne nétait là pour la voir.
Une lettre posée sur le comptoir accrocha son regard, la ramenant à la réalité de linstant. Elle posa le gobelet dargile sur la table et sapprocha pour sen saisir. A lire à Kachina de Lisreux, la phrase se détachait en belles lettres noires sur le parchemin roulé. Ses sourcils se froncèrent. Elle jeta un regard autour delle, balayant la salle pourtant vide et silencieuse. Evidemment, elle songea immédiatement quil y avait un lien avec la disparition dAlan. Quaurait-il bien pu révéler dautre ? La brune était ici en voyage dagrément, et non occupée par quelque affaire. Elle hésita, suivant des yeux les déliés de lécriture. Et si le pli était porteur dune mauvaise nouvelle, sil confirmait la mort du Poitevin, devrait-on laisser son épouse déjà éprouvée découvrir la nouvelle dans ly préparer ? Elle ne savait se résoudre cependant à le lire à sa place, peu coutumière de telles indiscrétions.
Alors, elle traversa la réserve, poussa la porte du bureau au milieu duquel trônait encore le baquet qui dordinaire trouvait sa place à la chambre et pénétra dans la dernière pièce, encore abritée de pénombre par les volets clos. Doucement, pour ne pas éveiller son fils qui dormait encore, elle sapprocha du grand lit, et vint sasseoir sur le bord du matelas. Sa main caressa avec douceur la joue piquée de barbe de lhomme qui y dormait. Elle se pencha sur lui, leffleurant de ses lèvres avant de murmurer :
Ussar, sil te plaît, réveille-toi.
Dans sa dextre, elle tenait toujours cette lettre qui ne lui était pas destinée mais dont elle espérait quil saurait quoi faire, la donner, ou la lire avant sa sur et aviser ensuite.
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