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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

Fanette_
Même endroit, un peu plus tard dans la soirée.

Il avait promis, mais Fanette ne s'attendait pas à ce qu'il revienne aussi vite. Allait-il lui rendre visite chaque soir ? Ou bien, Limoges s'était donné le mot pour lui plomber sa journée ? Parce que là, ça commençait à bien faire !

Le réveil au matin, avait été un peu difficile, et les épreuves de la veille s'étaient ajoutées à la fatigue qui pâlissait ses traits depuis la naissance de son fils. Ce n'était la faute de personne, si ce n'est du Normand, mais il avait fallu tout remettre en ordre, en plus du travail quotidien déjà conséquent et d'un Milo qui semblait avoir plus faim que jamais.

Puis il y avait eu Svan. Piou, avec sa gentillesse coutumière, avait beau dire, et trouver toutes les raisons les plus rassurantes, Fanette connaissait trop bien la Danoise pour deviner qu'elle avait encore quelque chose en travers. Elle avait laissé sans réponse la mise en garde griffonnée un peu plus tôt sur un vélin. Quand Fanette avait compris qu'elle attendait en vain, elle avait patienté que Milo soit rassasié et changé, pour tenter de retrouver la brune. Oh! Elle l'avait retrouvée, sauf qu'elle s'était tirée avec un regard noir dès qu'elle avait cherché à lui parler de l'agression de la veille.
Là, c'était le premier coup dur de la journée, la première incompréhension qui lui faisait bien plus mal que ce que pouvait lui faire Zilofus. Comme une saveur amère dans la gorge, un goût de déjà vécu, qui la ramenait à une fâcherie de début d'année sans aucun motif réel. Fanette ne voulait pas voir encore cette amitié sacrifiée par manque de mots, mais elle n'avait pas le pouvoir de la forcer à l'écouter.

Et à peine avait-elle regagné la salle commune del lupo e l'uccellino que c'est Eleus qui venait lui cracher sa hargne.

- J't'aimais déjà pas, mais là, j'mets plus les pieds ici, tu pourras crever la bouche ouverte, j'espère bien que c'est ce qui arrivera d'ailleurs, parce que t'es juste bonne à chialer. Tu vaux rien, c'est Gabriele qu'a raison sur toi.

C'était acté, même si Fanette n'avait pour le coup pas besoin de mots pour se douter du mépris de ses beaux-frères. Ce qu'elle lui avait demandé, c'était de savoir pourquoi il avait attendu précisément ce soir pour le lui dire. Il avait rétorqué avec la même aigreur que si elle était incapable de le deviner c'est qu'elle était trop conne. Alors si elle en ignorait la raison, elle se doutait qu'il y avait là, un rapport plus ou moins direct avec la Danoise.

Et si elle avait beau se dire qu'elle n'avait pas épousé les frangins Corleone, elle ne parvenait à s'endurcir contre ces mots toujours aussi acerbes et fielleux. Si ce nom se gagnait par le sang et les actes, n'avait-elle pas le droit de le porter autant qu'un autre ? Après tout, elle avait égorgé le garde qui s'apprêtait à achever Roman, l'avait, ramené en lieu sûr, elle ne savait comment, alors qu'il était presque incapable de se mouvoir seul, lui avait administré les premiers soins et suturé ses plaies. Puis, était parvenue à lui faire quitter la ville avant de se faire prendre, jusqu'à trouver l'aide salutaire d'une princesse. Et trois semaines plus tôt c'est son propre sang qu'elle avait versé en bien trop grande quantité, quand pour mettre au monde un Corleone de plus, ses chairs s'étaient déchirées, offrant le lit à la fièvre et aux humeurs malsaines qui avaient manqué de l'emporter. Alors, blessée une fois encore elle avait ravalé ses larmes pour ne pas offrir à Eleus cette satisfaction, et avait attendu son départ pour s'effondrer ... le sang et les actes, qu'avait-il fait lui ?

C'était bien assez pour une journée, et pourtant ... Quand l'heure tardive appelait au sommeil. Quand, à cette heure où les ruelles sombres ne résonnaient d'aucun pas, et que Fanette partageait la dernière infusion du soir avec le tribun de la ville, c'est encore le Normand qui avait poussé la porte de la salle commune d'un pas décidé. Il hurlait presque.

- Bonsoir mon amiiiiiie !

Un sourire fendait son visage, s'accordant aux yeux rieurs. Avant que la fauvette n'ait le temps de réagir, il avait trempé un pinceau dans un seau de peinture rose qu'il traînait avec lui et dessinait à renfort de grands cercles, et autres tire-bouchons, un cochon des plus sommaires sur le mur de la taverne. Celui-là même où la veille au soir, il avait fait sauter l'enduit en y fracassant une chaise.

Si elle était au fond du trou quand l'homme était entré, son sang bouillonnait à présent. La colère pulsait dans ses veines au rythme des battements de son cœur qui s'était emballé. Une fois de plus, le couffin de Milo s'était retrouvé à l'abri derrière le comptoir et la jeune mère s'était jetée sur le peintre. Premiers coups de pinceau incertains qui s'étaient achevés sur le lin de son corsage. Elle l'avait repoussé encore, plantant même ses dents dans cette main qui ne voulait lâcher prise. Elle avait appelé Huan à la rescousse, mais le grand chien était venu nonchalamment coller sa truffe dans le seau de peinture, et observer le spectacle d'un peu plus près en battant du fouet.
Finalement, quand Zilo était parvenu, un peu plus brutalement à se détacher d'elle, elle s'était saisi du seau de couleur pour le jeter dans sa direction. Et en un instant, c'était les jeux du cirque. Le sol était rendu glissant par l'épaisse couche de peinture dans laquelle tous pataugeaient allègrement. Mais ça ne suffisait pas, les braies dégoulinantes de rose, l'homme raillait encore. Le poing serré était parti, décochant un coup au menton, surprenant autant le Normand qui l'avait reçu que la fauvette qui l'avait donné.

- Vous ne comprendrez donc jamais ...
- Non, paraît que je suis trop conne pour comprendre, on vient de me dire ça, ce soir.
Avait-elle répondu à son air consterné.

Il avait de nouveau retrouvé cet air narquois qui agaçait tant la blondine.

- Qui a osé vous menacer, qui ? J'veux un nom !

Elle avait haussé les épaules, ne jugeant pas utile de donner ce détail.

- J'oubliais oui, j'suis votre petite victime préférée, je ne peux donc pas être celle de quelqu'un d'autre.

Il avait approuvé d'un non, en effet, précisant qu'il n'était pas partageur, et d'ailleurs, il avait conclu d'une question.

- On part dans une semaine, vos affaires sont prêtes ? Parce que j'vous emmène encore prendre l'air, histoire de vous dégourdir un peu.

Fanette avait glissé un regard stupéfait vers Opalia, espérant bien qu'elle ait aussi entendu la menace clairement énoncée. Il avait suivi son coup d’œil et parfaitement saisit la pensée de Fanette, alors il avait rajouté, sur un ton presque amusé.

- Vos témoins sont parfaitement inutiles, tout le monde s'en cogne de vous, de votre sœur, de votre taverne.

Là, c'était trop, elle avait empoigné le premier couteau à sa portée pour revenir l'appuyer sur ses côtes. Avant qu'elle n'ait le temps de le menacer, Opalia avait arrêté son geste, tentant d'apaiser la situation avant qu'elle ne dégénère plus. Mais Zilofus raillait encore, l'encourageant cette fois-ci à ne pas le louper tant et si bien que fanette avait affermi son geste. Finalement, il avait écarté les bras d'un air fataliste, tout en s'éloignant de l'emprise de la lame.

- Si c'est pas malheureux, tout ça pour un cochon !

Et avant que Fanette ait de nouveau armé son bras, il était ressorti, laissant derrière lui la pièce saccagée et une nuit de travail qui n'y suffirait sans doute pas.
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Jasminiris47
Jasmine était arrivée trés tôt en ce jeudi du mois de mai...il faisait encore bien frais le matin mais Limoges etait là encore endormie... elle jeta un oeil rapide autour d'elle, pas un chat se dit elle en souriant. Elle etait pressée de revoir son amie Fanette, car depuis son dernier voyage elle n'avait pas eu de nouvelle... elle à dû accoucher songea t elle...quel bonheur un petit bébé...

Elle déchargea la charette avec Shelsea, les chiens etaient si heureux de revenir ici aussi et Jasmine espérer également revoir son chien Snow , adopté par Gregory..
Elle grimpa quatre à quatre les marches jusqu'a son appartement, y installa toute sa marchandise à revendre sur le marché et s'installa tranquillement le temps de se reposer un peu du voyage.

Allé! pas de temps à perdre! allons vite chez Fanette la saluer dit elle en appelant Espoir et Alaska les deux chiennes croisées loups

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"Ce que tu fais de bien ou de mal tu le fais a toi même"
Fanette_
[Le 26 mai 1466]

Le tournoi d'archerie s'était achevé la veille, et ce jourd'hui, de nombreux participants quittaient la capitale pour rejoindre leurs contrées. L'auberge avait été le théâtre d'un va-et-vient matinal tout à fait inhabituel. A l'attache devant les fenêtres, de lourds roncins bâtés et de fougueux palefrois piaffaient d'impatience, sentant l'imminence du départ. Mely s'activait déjà à l'étage, balayant, secouant les couchages, repliant les couvertures au pied des lits, dans les chambres qui ne seraient pas reprises au soir.
Fanette, dans la salle commune, servait la soupe, agrémentée d'une épaisse tranche de pain, d'un bout de lard et d'un morceau de fromage. De quoi permettre aux voyageurs de patienter jusqu'à la prochaine étape.
Puis la porte s'était refermée sur le dernier convive, et Mely en avait fini du ménage. Elle s'était épongé le front dans un linge humide, et, les pommettes rosies d'effort, et un gracieux sourire sur les lèvres, elle avait pris congé, promettant de revenir aider au soir venu.

Le silence alors était retombé sur la grande salle. Milo s'était rendormi, les traits paisibles, égarés à quelque songe que veillait le grand chien gris. Alors seulement, la fauvette s'était laissée choir dans un fauteuil tout proche, contemplant ce tableau qui à lui seul, suffisait à rendre supportables les épreuves des derniers jours. A quoi rêvent les enfançons si jeunes ? Elle se posait la question, quand parfois elle surprenait l'ébauche d'un sourire relever la commissure des lèvres du nourrisson, quand ses yeux s'ouvraient en grand, et que sa bouche semblait prête à émettre un cri qu'il retenait, refermant tout aussi vite les paupières sur son sommeil. Et toute pâle qu'elle fut encore, éprouvée de fatigue, d'inquiétude, et du manque de son époux, elle souriait.

Si les derniers jours s'étaient avérés difficiles, Limoges s'était un peu apaisée et la veille avait eu son lot de surprises bonnes ou étranges. Au matin, précédent, c'est un visage connu qui passait allègrement la porte, précédé du joyeux tourbillon de deux chiens aux allures de loups blancs.
Jasmine, au pas de son âne, chargé de mantels, de capes, et autres cottes profitait de la grande foire qui se tenait à la fin du tournoi pour venir vendre les vêtements qu'elle confectionnaient dans son petit atelier de Guéret. Pour l'occasion, elle avait fait venir d'Italie des étamines précieuses et même de la soie de Venise, certaine que les nombreux archers, accourus des quatre coins du royaume, sauraient apprécier la qualité de son travail. Les sujets s'étaient fait légers, les bavardages rieurs, et le temps s'était écoulé aussi vite que la poudre de marbre dans le verre soufflé d'un sablier. Fanette, avec une fierté non feinte lui avait présenté le petit Milo Amalio, et s'était attendrie de voir son amie s'émerveiller du teint de porcelaine, de la joliesse de ses traits, de la douceur de ses joues ou de la finesse de ses petites mains. Jasmine était repartie, dans un bruissement de jupons, peu avant que sexte ne sonne au clocher de la cathédrale toute proche. Son étal l'attendait, et il y avait encore des affaires à faire, mais elle avait promis de repasser chaque jour de son séjour dans la capitale.

Un peu plus tard, la surprise était bien plus inattendue, quand la porte de la salle commune s'était refermée sur le sire d'Alzo. Fanette n'avait pas trop su ce qu'il était advenu de lui. Vittorina à l'époque, semblait ignorer où son cousin était passé, ou peut-être n'avait-elle pas souhaité le dire, et la conteuse s'était attristée de ne plus recevoir les visites de cet homme un peu distant, mais qui, un matin d'hiver, lui avait partagé son point de vue sur Limoges, baigné dans les lueurs d'une aube pastel.
Il était plaisant de le revoir, de l'entendre conter les beautés de Vérone sous le soleil du printemps, l'animation de la "piazza delle Erbe", le faste des somptueux palais, les collines plantées de cyprès, et surtout, les frondaisons nouvelles, les fruitiers éclatants de fleurs blanches ou roses, les bords de chemins ravivés d'herbes folles, piquées de bleuets et de coquelicots.

- Savez-vous qu'un conteur en a tapissé les parterres d'un jardin féérique ?

Il avait répondu non d'un léger mouvement de tête, l’œil interrogateur, tandis que sa main portait à ses lèvres une coupe de ce vin de Florence que Roman faisait revenir par charriots d'Italie. Il ne fallait rien d'autre pour faire rêver Fanette que de lui faire évoquer ces coquelicots qu'elle aimait tant. Quoi que, Svan vous aurez sûrement dit que les bruyères des landes bretonnes avaient aussi ce même effet sur elle, qui sait...

- C'est le jardin de Murmuran*, sire d'Alzo, ce jardin où aimait à se promener Lórien, le maître des songes. Les coquelicots, qui s'appelaient alors Fumellar, s'épanouissaient en d'immenses tapis vermillon, et au crépuscule, ils exhalaient de douces fragrances assoupissantes. Je ne me lasse jamais d'admirer ces fleurs insolentes qui bordent les chemins. Elles affichent fièrement leurs pétales chiffonnés sans se soucier des artifices qu'emploient les autres fleurs pour se faire remarquer. Et sans en avoir l'air, cette ardeur fragile, éprise de liberté, ces délicates anthères sombres, presque bleutées que ceignent leurs rouges corolles en font à mes yeux les plus jolies et les plus fragiles des fleurs sauvages.

Elle avait conclu d'un regard égaré à cette image qui lui faisait préférer le printemps à toute autre saison.

- Ce qui est sûr Fanette, c'est que vous n'avez rien perdu de vos songes.

Elle avait relevé vers lui un sourire presque reconnaissant de lui avoir fait oublier l'espace d'un instant les départs, l'absence de son diable, le procès, et même le procureur.

Mais quand le soleil éteignait ses derniers feux sur l'horizon, c'était justement lui qui avait poussé la porte de l'auberge, le procureur. Alors Fanette, prudemment, avait descendu derrière le comptoir le panier où son fils était calé, dans de douces couvertures, puis s'était rencognée méfiante, dans son fauteuil. Au moins, l'homme n'était pas venu armé d'un seau de peinture rose cette fois-ci. Mais le baudrier qui ceinturait ses hanches portait toujours une hache à la lame finement ciselée.

- Saucisson !

Elle haussa les épaules, trop seule en cet instant pour tenter de l'affronter.

- Qu'est-ce que vous me voulez encore ?
- Quoi, j'ai bien le droit de venir voir ma seule amie ?


Elle s'était renfrognée, lui rappelant qu'elle n'était pas son amie, qu'elle ne l'avait jamais été, et le serait probablement jamais. D'ailleurs, il le lui avait bien précisé, un an plus tôt quand Svan, Lucus, et lui l'avait accompagné dans une dangereuse mission vers l'Anjou. Etrange soirée qui avait mal commencé, mais qui finalement, s'était prolongée tard dans la nuit, sans que l'un ne cherche à ligoter l'autre, sans que l'autre ne cherche à étriper l'un.
Le temps des excuses n'était pas encore venu, loin s'en faut, mais, au moins avaient-ils pu déballer chacun un peu de leurs rancœurs.

- Avez-vous idée de ce que j'ai pu endurer quand vous m'avez laissé toute une soirée dans les pattes de l'homme que mon époux avait torturé quelques semaines plus tôt. J'ai attendu que vous veniez m'en sortir, je me suis vu mourir. Je me suis vu mourir chaque jour après ça.
- Oui, ça a dérapé en janvier, la situation nous a un peu échappé, mais, j'étais désespéré, et vous ne vouliez pas venir ...


Il y avait des si peut-être, mais dans la sobriété de cette phrase, Fanette voulait croire qu'il reconnaissait enfin le mal qu'il lui avait fait.
Alors rapidement, la discussion s'était poursuivie sur la raison de ce rapt, sur cette enfant qu'il voulait revoir et pour laquelle il avait été prêt à tout, même à enlever une femme grosse de cinq mois, et à la traîner contre son gré sur les routes du royaume.
Si elle ne pouvait accorder aucune complaisance au Normand, elle n'avait aucun mal en revanche à imaginer ce que la crainte de perdre un enfant pouvait engendrer de souffrance. La peine qu'il avait demandée au juge l'arracherait à Milo, pour la précipiter une fois de plus dans un cul de basse fosse, en attendant de l'en sortir pour l'envoyer à la mine. Et même si tout laissait à croire qu'elle serait acquittée, Fanette avait appris à ses dépens qu'on ne peut avoir foi en la justice. La pâleur de ses traits, et les sillons de sel imprimés sur ses joues trahissaient les tourments qui la nuit, l'empêchaient de trouver le sommeil. Alors, oubliant pour un temps les événements passés, ils avaient échangé l'un et l'autre, et de leur mieux. Elle l'avait convaincu qu'il ne tenait qu'à lui de ne jamais cesser d'être un père pour Astrée, quelle que soit la distance qui le séparerait d'elle. Elle gardait en tête le visage poupin, les grands yeux du même océan que ceux de son père, la soie d'ébène qui coiffait son adorable minois, et qui en faisait assurément la plus jolie fillette du royaume, et elle espérait qu'il l'entende, pour elle, car elle savait trop bien ce que c'était que de grandir sans père.

Et ce fut Milo qui finalement, donna le mot de la fin de cette étrange soirée. Fanette s'était penchée pour le reprendre contre elle, mais l'enfançon ne se satisfaisait pas des bras qui le berçaient.

- Je vais devoir donner à Milo ce qu'il attend Zilofus, sinon il ne tardera pas à hurler. Et je n'ai pas suffisamment confiance en vous pour vous laisser tout seul dans la salle commune.


Il avait acquiescé, d'une raillerie dans doute, fallait bien remettre les choses dans leur contexte. Mais en partant, il l'avait aussi remercié, rapidement, sobrement, mais malgré tout, ses oreilles ne l'avaient pas trahi. Il avait dit merci.
Alors, étrangement sereine, elle avait refermé derrière lui le loquet, caressé de ses lèvres le front de son enfant, et s'était retirée dans la chambre, pour lui offrir son sein.

* Il faut aimer Tolkien pour connaître ce jardin, et savoir que le récit de la fauvette est du coup un peu anachronique, tant pis !

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Fanette_
Les hommes partent pour que soit mis à l’épreuve leur courage, mais nous, épreuve pour épreuve,
c’est notre patience que l’on teste, notre aptitude au manque, notre capacité à endurer la solitude.
Karen Blixen




Limoges, le 31 mai 1466

Roman avait à faire loin de Limoges. C'est une affaire urgente, je ne rentre pas, et ce n'est hélas pas négociable. Un gamin lui avait porté le bref, noirci de l'écriture du Corleone qui s'excusait ainsi de son départ précipité, dix jours plus tôt, sans avoir eu le temps de la prévenir de vive voix, ni même de l'embrasser. Elle avait remisé précieusement le vélin dans son écritoire, sachant bien qu'il serait le dernier avant le retour de son diable, qui taisait sa destination, et la durée de son absence.
Fanette le savait, l'acceptait, s'abstenait de questions dont elle n'obtiendrait pas réponse, et patientait, comme à chaque fois. Dire qu'elle supportait aisément la solitude ne voulait pas dire pour autant qu'il ne lui manquait pas. L'Italien manquait à ses nuits, à ses bras, à ses lèvres. Il manquait aussi à ses joies de mère quand elle s’émerveillait d'un sourire, d'un petit poing refermé sur son doigt, d'un son incertain répondant à un refrain. Et toute la douceur du regard qu'elle posait sur son enfant s'ombrait pourtant d'un voile de mélancolie.

Cette attente-ci était bien plus difficile que les précédentes. La menace d'un verdict défavorable pesait toujours sur ses épaules, et elle ne pouvait s'empêcher de songer à ce qu'il adviendrait de Milo si on venait la saisir pour la jeter en geôle. Heureusement, elle n'avait guère le temps d’échafauder les pires scenarii car la salle commune del lupo e l'uccellino ne désemplissait pas, malgré bon nombre de départs, dont celui de sa fille de salle et de son cuisinier improvisé. Les chambres à l'étage étaient nombreuses et peu restaient inoccupées, alors, entre la soupe à préparer, l'intendance à prévoir, le service, le ménage et son travail de mère, ses traits chaque jour se creusaient davantage et de larges cernes sous ses yeux accentuaient plus encore la pâleur de son teint. Et si elle était heureuse de la fréquentation de son auberge dans une cité qui en comptait déjà tant, elle ne tiendrait sans doute pas bien longtemps à ce rythme. Aussi, elle se décida à poser sur la porte d'entrée l'affiche qu'elle avait enlevée deux mois plus tôt, quand la Danoise était venue la rejoindre.




URGENT : RECHERCHE TAVERNIER ou TAVERNIERE

Nourri et logé,
Pécule de cinq écus par jour.



Même quatre jours d'une mauvaise fièvre n'avaient pas ralenti ses affaires. La soupe était sans doute plus claire, le pain un peu moins frais et la fauvette, assurément moins présente pour accueillir la clientèle, mais, le travail s'accumulait encore, ne lui laissant aucun répit. Que quelqu'un se présente ... vite.
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Fanette_
Il lupo et l'uccellino, début d'après-midi, le 3 juin 1466

Doucement, les paupières ourlées de longs cils bruns s'étaient refermées sur le regard d'ardoise du petit Milo. Sa respiration s'était faite plus régulière, trahissant le sommeil d'ange dans lequel il venait de s'enfoncer. Fanette le posa délicatement dans son berceau et remonta une douce couverture sur lui, puis effleura du bout des doigts sa petite joue rosée avant de quitter la pièce. Rapidement, elle traversa la salle commune, encore vide à cette heure, puis grimpa l'escalier, profitant du somme de son fils pour préparer la chambre qui donnait sur un bout de pré, clos d'une haie vive.

Au matin, un homme s'était présenté pour l'annonce. Elle avait bien trop de travail, et même si Thyiaa revenait apporter l'aide promise deux soirs plus tôt, il en resterait bien assez pour trois. Alors, elle avait acquiescé, d'autant que le Manouche ne réclamait aucun salaire, juste le droit d'utiliser l'outillage nécessaire à la réparation de son attelage. La fauvette, reconnaissante, le lui avait accordé bien volontiers, ainsi que le gîte et le couvert pour lui et ses bêtes. Le vibrato impatient de Siena se fit entendre, attirant la jeune femme à la fenêtre. Depuis quelques semaines, pour son plus grand bonheur, Roman avait acquis la grange attenante à l'auberge, et le pâturage sur lequel le bâtiment s'ouvrait à l'arrière. Puis, il y avait amené la jolie jument baie qu'il avait donnée à la conteuse, à l'aube de leur premier voyage, et qui, depuis l'automne avait pris pension dans les écuries de l'hôtel Malemort. Ainsi, à défaut d'avoir trop de temps à lui consacrer, Fanette pouvait la contempler de ses appartements et lui rendre visite plus aisément. Siena pour l'heure roulait des mécaniques dans son enclos, l'encolure un peu basse, la ligne du dos parfaitement tendue, engageant fortement sous sa masse ses membres postérieurs dans un trop élastique et actif.

Un sourire vint étirer les lèvres de la jeune femme, et, ouvrant la croisée, elle s'accouda au rebord pour mieux profiter du spectacle. En contrebas, Ylenzo pénétrait dans le pré, tenant en main ses deux lourds roncins. Les animaux gagnés par l'agitation de la baie piaffaient, levant parfois la tête un peu brusquement, mais le calme de l'homme qui les tenait en main, et sa voix profonde et grave les rappelait à l'ordre. Il les fit tourner autour de lui et referma la clôture avant de défaire les boucles des licols. Se sentant libres, les chevaux reculèrent brusquement, d'un même élan, puis, avec une célérité étonnante par rapport à leur masse, pivotèrent sur leurs arrière-mains pour se lancer au galop en direction de la jument.



Sans doute surprise, elle stoppa net, plantant ses antérieurs dans l'herbe grasse du printemps et glissant légèrement sur ses jarrets. Fanette avait retenu son souffle, craignant tout à coup que sa jument ne soit blessée d'un mauvais coup de pied. Mais aussitôt à portée, les deux roncins s'immobilisèrent à leur tour. Chacun jaugeait l'autre, bien droit sur ses aplombs, encolure redressée, queue battant nerveusement l'air. Leurs petites oreilles mobiles pointées vers l'avant, les naseaux dilatés cherchant à s'emplir de l'odeur de l'autre. Ils laissèrent l'initiative à la jument, lui reconnaissant sans doute le privilège d'être sur son propre terrain.

Siena, approcha d'un pas, puis d'un autre, jusqu'à poser son nez de velours au contact de l'un des chevaux. Ils restèrent ainsi un instant, muscles tendus, prompts à déguerpir, mais le second animal, d'un pas presque débonnaire, vint joindre à son tour ses naseaux à la prise de contact de son compère. La jeune femme ne bougeait pas, comme si un simple mouvement, aussi loin qu'elle fut, pouvait suffire à les faire fuir. Au-dessous d'elle, accoudé au portail, Ylenzo observait la scène, ne laissant transparaître dans son attitude relâchée aucune inquiétude. Elle reporta alors son attention sur les trois animaux. Leurs robes étaient baies, et si leurs tailles semblaient approchantes, les deux roncins étaient bien plus lourds que la jument. Leurs membres épais, aux attaches solides se terminaient par de grandes balzanes blanches, se perdant dans des fanons si épais qu'ils couvraient leurs sabots. Leurs dos courts, leurs poitrails larges, leurs poitrines profondes et leurs épaules droites semblaient taillés pour l'effort. Leur poil épais, avec les beaux jours, commençait à céder la place à un pelage plus ras et plus soyeux, où le soleil accrochait ses reflets. Mais soudain, Siena rompit le charme, projetant violemment un antérieur en avant, en poussant un son aigu que Fanette ne lui avait jamais entendu. L'avertissement eut l'effet immédiat de repousser vivement les deux chevaux, puis, comme s'ils se désintéressaient de leur voisine susceptible, ils lui tournèrent le dos et se mirent à brouter paisiblement.
La jeune femme s'amusa de la réaction de sa jument, qui les regarda faire intriguée, pour finalement se glisser près d'eux sans aucune animosité et se mettre à son tour à brouter, comme s'ils se connaissaient depuis toujours.

Elle resta encore un instant, à les contempler avant de refermer la croisée et d'achever de préparer le lit. Au rez-de-chaussée, l'aboiement du chien la rappelait à l'ordre. Elle se précipita dans l'escalier, Milo s'était réveillé.
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Ylenzo.
Le manouche arrivé depuis quelques jours à peine avait changé d'avis, après avoir prévu un départ immédiat pour oublier ses mésaventures, il avait finalement décidé de rester le temps de finir sa roulotte dont les réparations n'avaient jamais vu la fin.
Et il espérait surtout pouvoir tourner la page et panser ses blessures, le brun malgré ses sourires en avait gros sur le cœur.
Pour être honnête sa longue discussion sur la vie et ses injustices jusqu'à tard dans la nuit avec la propriétaire de la taverne et sa rencontre avec Dene avaient aidé à faire son choix.
Et c'est le matin du 3 juin qu'il fait plus ou moins attention à l'annonce sur la porte de l'auberge. Après tout pourquoi pas? Premièrement ça lui occupera l'esprit et deuxièmement ça rendra service a cette femme Fanette dont l'epoux avait du s'absenter.
C'est un Ylenzo bien décidé qui entre à ce moment là dans la taverne pour proposer son aide, ce que la jeune femme accepta.
Une fois d'accord sur le "contrat" le gitan file chercher ses chevaux, Têtu et Borné, les présentations avec la jument se passent plutôt pas trop mal, même si le brun préfère surveiller cela connaissant le caractère de ses deux bestiots.
Le pré était assez grand pour les 3 chevaux, laissant un peu plus loin sa roulotte. Un regard nostalgique se pose sur elle, souvenir de son enfance, de ses parents et de sa rencontre avec Solene, léger soupir avant de se ressaisir.
De retour vers l'auberge pour récupérer les clefs de sa chambre, le manouche y installe ses affaires, sa mandoline avant de descendre dans la grande salle pour préparer les tables avant que le monde arrive.
Demain les travaux pourront commencer.
Fanette_
Salle commune, le 5 juin 1466

Les volets croisés laissaient filtrer quelques rais d'une lumière douce, qui mouraient au seuil d'une alcôve, abritant un berceau de bois, sculpté d'acanthe et de papillons. Repu de lait depuis au moins une bonne heure, Milo s'y était endormi, tendrement bercé par sa mère. Puis, elle s'était retirée à pas de loup, prenant soin de laisser la porte ouverte sur les pièces voisines. Huan l'avait d'abord fidèlement suivi, puis, revenant sur ses pas, le grand dogue s'était couché dans la pièce tenant lieu de cuisine et d'office et qui séparait la salle commune des espaces privés. Ainsi, nonchalamment installé, sa lourde tête reposant sur ses pattes croisées, il pouvait surveiller tout à la fois le sommeil de l'enfant et les allées et venues de la fauvette.

Si Limoges étaient calme depuis quelques jours, la salle commune au soir s'animait malgré tout de rires, de chopes et de verres qui s'entrechoquent, de contes, et parfois de musique. Fanette se sentait mieux, et le sourire qu'elle forçait à ses lèvres quand les convives poussaient la porte de son établissement revenait de plus en plus souvent éclairer son visage quand elle se retrouvait seule. Elle remettait les tables en place, portant un regard rêveur sur l'espace qui hier, s'était égayé du son d'un luth et d'un chant porté par une voix forte auquel se mêlaient des rires. Ses lèvres s'étiraient encore, leurs commissures relevées révélaient de discrètes fossettes à ses joues, s'imaginant encore, saisissant la main tendue d'Ylenzo pour tournoyer avec lui et Denerys au milieu des tables.

Sa relaxe dans le procès qui la mettait en cause et le retour d'Ursicin, malgré son cœur brisé , avaient sans aucun doute contribué à dissiper ses inquiétudes, autant que l'aide apportée par le Manouche à l'auberge, lui permettait de se reposer davantage. Alors, malgré tout ce qui pouvait encore assombrir son cœur, la vie semblait un peu plus légère. Elle ferma les yeux un court instant, esquissant deux pas de cette danse que lui avait appris un jour l’abyssinienne, pour surprendre Roman, puis les rouvrit en riant, réalisant qu'elle dansait toute seule dans la salle déserte. Quoi que, sans doute valait-il mieux qu'elle le soit.

Elle rassembla la vaisselle éparse et la plongea dans le baquet d'eau, puis entreprit relever les chaises pour passer un coup de balai. Elle s'immobilisa en passant devant la large ouverture à côté du comptoir, intriguée par l'attitude du chien, tête relevée, oreille aux aguets. De la porte entrouverte, derrière lui, provenait un très léger ronflement qui lui arracha un sourire amusé. Ainsi donc, le petit Milo ne partageait pas avec son père qu'une ressemblance physique. Un instant, elle écouta attendrie sa respiration paisible, se demandant quels rêves pouvaient bien envelopper son fils, puis, se remit au travail.
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Ysil
[Le 16 juin 1466 - peu avant la neuvième soirée]

Etonnée de ne pas avoir vue Fanette arriver, pour la soirée des contes, et ayant un mauvais pressentiment, Ysil avait pris le chemin de la demeure de la jeune femme, lorsqu'elle réalisa qu'elle ne connaissait pas son adresse.
Elle bifurqua donc et se rendit à l'auberge tenue par Fanette.

Une fois arrivée devant la dite auberge, elle s'étonna de ne pas entendre le bruit habituel des clients, qui buvaient, riaient, criaient ... l'inquiétude la saisit ...

Elle poussa la porte, et se trouva dans la salle commune quasiment vide
: Hola, avez-vous vu Dame Fanette ?
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--Fanette..
Le clocher appelait les fidèles pour l'office de vêpres quand quelqu'un, créant diversion dans cette même rue qu'elle empruntait à présent, s'était introduit chez elle, à la faveur d'une fenêtre entrouverte et en était reparti avec Milo. Fanette avait hurlé d'abord, puis s'était précipitée, autour de la bâtisse, cherchant des traces, une piste à suivre, et finalement, impuissante, s'était jetée dans la rue, arrêtant chaque personne croisée, simples passants, voyageurs, livreurs, vieux regardant la vie passer de leurs bancs, camelots derrière leurs étals, commerçants dans leurs échoppes, que l'un d'eux au moins puisse affirmer avoir vu une personne s'enfuir avec un enfançon, lui donner une description, une direction.

En vain !

L'ombre de la nuit doucement jetait son voile sombre sur la rue de la Boulasse. Elle la redescendait, hébétée, sans porter plus d'attention aux volets qui se refermaient, aux gamins qui regagnaient en riant la maison familiale, aux paysans, tirant leurs charrettes à bras vers leurs fermes, après une rude journée à travailler dans des champs écrasés de soleil. Les yeux brouillés de larmes, le souffle rendu difficile par les sanglots qui nouaient sa gorge, elle regagnait son auberge, ne sachant plus que faire d'autres que d'attendre le retour de son époux, qu'elle avait fait mander en urgence.

Mais à travers le voile flou que les pleurs posaient entre elle et le monde, elle crut distinguer, sous l'enseigne de bois gravée d'un loup et d'une fauvette, la porte grande ouverte. Son sang cognait douloureusement à ses tempes, son cœur s’accéléra en entendant la voix qui la cherchait. Un fugace instant, l'espoir qu'on soit venu lui rendre son fils habilla son chagrin d'un espoir. Relevant ses jupes, elle puisa ses dernières forces à son souffle court et se mit à courir. Elle déboula précipitamment dans la salle commune, juste derrière une silhouette féminine, aux cheveux blonds savamment tressés.

- Je suis là, que me veut-on ?

La confusion brouillait ses esprits, et quand Ysil, surprise, se retourna vers elle, Fanette ne la reconnut pas dans l'instant, trop occupée à chercher un enfançon lové au creux des bras de la jeune femme. Hélas, ils étaient vides. Elle s’effondra en larmes sur la première chaise à sa portée, laissant tomber son visage ravagé de peine entre ses bras, en remettant enfin la silhouette qui venait se pencher vers elle.

- Ysil ... On a pris Milo ...

Sa voix se brisa dans sa gorge.





Ysil
Citation:
Je suis là, que lui veut-on ?


Surprise, Ysil se retourna, juste à temps pour voir Fanette s'effondrer sur une chaise, le visage gonflé de larmes, les yeux rougis. Des sanglots pleins la voix, elle ajouta :

Citation:
Ysil ... On a pris Milo ...


Ysil en resta, quelques longues minutes, muette de stupéfaction. Comment et qui avait pu entreprendre cette vile action ?

Fanette .... je ne sais que vous dire ... avez vous prévenu la prévôté ? nous devrions fermer les portes de la ville ....

Ysil se dirigea vers le comptoir et servit un verre d'eau à la jeune femme, tout en réfléchissant. Elle tendit le verre à la jeune mère : tenez, buvez ! Je vais faire prévenir les autorités, afin que des recherches soient engagées ...
Ne bougez pas, je reviens !


Elle se précipita dans la rue et héla le premier passant venu : Messire, j'ai besoin d'un service : il faudrait envoyer la garde à la taverne Il lupo e l'uccellino, en urgence !

Espérant que l'homme irait jusqu'à la prévôté, Ysil retourna près de Fanette, la prit dans ses bras, essayant de la consoler, tout en sachant que c'était impossible.

La garde arrivera bientôt, essayez de rassembler les souvenirs de vos faits et gestes, afin de donner le plus détails possible sur la découverte de la disparition de Milo ... Je sais que ce n'est pas simple ... essayez !
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--Fanette..
Les pleurs de la jeune mère redoublaient. Elle s'abandonna au chagrin que seuls retenaient les bras d'Ysil, refermés autour d'elle.
Elle parvint enfin à se reprendre un peu, épongeant ses yeux rougis, tamponnant son visage creusé de large sillons de sel, puis se redressa légèrement, hochant la tête aux paroles de la Bretonne.
Tout c'était rapidement passé, mais les événements récents étaient encore parfaitement imprimés dans son esprit. Elle revoyait le visage paisible de son fils endormi dans son berceau, quand assise à côté, elle veillait son sommeil d'une berceuse. Et soudain le hennissement plaintif de Siena, la cavalcade la précipitant dans la rue à sa suite, et le retour, la fenêtre ouverte, le berceau vide.
Un sanglot de nouveau vint douloureusement serrer sa gorge, mais comme s'il était besoin de le préciser, Fanette leva les yeux vers Ysil.

- Ce soir, je suis désolée, je ... enfin Ysil, vous devrez conter vous, je ne peux pas. Je vais attendre Roman ici, je dois lui dire.

Et l'idée d'annoncer l'indicible à son Italien ramenèrent une fois de plus les pleurs à son visage déjà trop pâle.

Ysil
Citation:
Ce soir, je suis désolée, je ... enfin Ysil, vous devrez conter vous, je ne peux pas. Je vais attendre Roman ici, je dois lui dire.


Ysil soupira devant le désarroi de la jeune femme, désarroi qu'elle comprenait très bien, mais qu'elle ne pouvait imaginer totalement, n'étant pas mère elle-même.

Etes-vous certaine, Fanette ? Puis-je vous laisser seule ? Votre époux arrive-t-il bientôt ?

Elle chercha des yeux le chien Huan, qui pouvait à lui seul protéger sa maîtresse. Czlui-ci était couché non loin, guettant Fanette du regard. Rassurée, Ysil se leva doucement :


Je vais conter, même si le coeur n'y est pas, et je reviens de suite. J'en profiterai pour tendre l'oreille, on ne sait jamais, j'apprendrai peut-être quelque chose ..... Si vous avez besoin, n'hésitez pas à me faire chercher ...
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--Fanette..
D'un hochement de tête, Fanette acquiesçait aux paroles de la Bretonne.

- Vous pouvez Ysil, je l'ai fait quérir.

Mais quand elle s'écarta, une main mal assurée vint retenir la sienne. Elle leva vers elle ses grands yeux éclaircis de larmes.

- Merci. Ysil, merci.

C'est tout ce qu'elle parvint à prononcer, s'abîmant de nouveau dans un silence empreint de chagrin. Elle s’efforça d'appuyer ses derniers mots d'un sourire, sans doute un peu pâle et la regarda s'éloigner.

Fanette_
Le 29 juin 1466

Ce n'est pas le travail qui manquait à l'auberge après presque de quinze jours d'absence, et sans doute était-ce salutaire. Dès le matin, Fanette avait ouvert en grands les fenêtres, battu les couvertures et les tapis au-dehors. Elle multipliait les allers-retours à la fontaine du Père-Peigne pour emplir marmites et baquets, nettoyer le sol, les tables, la vaisselle et le stock de légumes qu'elle venait de dégoter au marché pour préparer le bouillon.
Et tandis qu'elle briquait, déplaçait, rangeait, la douleur dans sa poitrine engorgée se faisait plus prégnante. Malgré les températures douces, le châle enroulé à ses épaules ne suffisait pas à la réchauffer. Mais au moins, abandonnée à cette agitation, ses yeux avaient cessé de pleurer. L'esprit occupé aux corvées et le corps en proie à la fièvre l'avaient pour un temps éloigné de son chagrin.
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Fanette_
Le 1 juillet 1466

Ce retour à l'auberge pour Fanette était fait de cruels souvenirs, mais aussi de soulagement et d'oubli, étranges paradoxes empoignant son cœur et la ballottant sans cesse entre larmes et sourires doucement ébauchés. Dans l’alcôve de la chambre conjugale, un drap couvrait le cocon de bois sculpté d'acanthe et de papillons. Elle ne supportait plus la vue de ce berceau désespérément vide, pas plus que celle du couffin, que Roman avait soustrait à sa vue. Chaque endroit de la maison s'émaillait d'un souvenir de Milo. Ses grands yeux fascinés par les jeux de lumière du soleil à travers les verres teintés de la salle commune, ses grimaces, quand posé sur le lit de ses parents, il sentait le gros museau du chien curieux venir lui chatouiller le ventre, ses sommeils paisibles que sa mère veillait au berceau, ses sourires quand elle l'emmenait de chambre en chambre le matin, et prenait soin de lui commenter dans chacune ce qu'elle avait à y faire, comme s'il s'agissait d'un conte merveilleux.

Et malgré les chagrins qui l'attendaient à chaque pas, dans chaque souvenir évoqué, le retour était salutaire. L'auberge avait été de longues semaines l'une des plus fréquentées de la ville, mais à présent, peu osaient encore s'y aventurer, le plus souvent quelques voyageurs de passage, ignorant du drame qui s'y était joué. Alors, pour eux, Fanette cherchait la force de se montrer gracieuse et affable. Son sourire n'était sans doute plus aussi sincère, son regard terni d'un voile mélancolique, et jour après jour, sa silhouette s'affinait davantage, ses traits pâles se creusaient un peu plus. Elle accueillait toujours, malgré tout, les nouveaux venus d'un verre de vin de Toscane en leur souhaitant la bienvenue. Elle s'efforçait de tenir la conversation avec ceux qui souhaitaient bavarder, et quand la grande salle commune était vide, ce qui arrivait le plus souvent, elle dépensait toute l'énergie qu'elle mettait avant à s'occuper de Milo pour briquer chaque recoin. Jamais les bois n'avaient été aussi bien cirés, les cuivres aussi clinquants, les carreaux plus transparents. Elle s'appliquait chaque jour à préparer la soupe de pain pour les nombreux convives qui ne venaient plus, et partageait au lendemain le surplus entre son chien et les porcs de Victoria Duncan. Triste routine, mais qui la maintenait en vie.
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