Fanette_
Même endroit, un peu plus tard dans la soirée.
Il avait promis, mais Fanette ne s'attendait pas à ce qu'il revienne aussi vite. Allait-il lui rendre visite chaque soir ? Ou bien, Limoges s'était donné le mot pour lui plomber sa journée ? Parce que là, ça commençait à bien faire !
Le réveil au matin, avait été un peu difficile, et les épreuves de la veille s'étaient ajoutées à la fatigue qui pâlissait ses traits depuis la naissance de son fils. Ce n'était la faute de personne, si ce n'est du Normand, mais il avait fallu tout remettre en ordre, en plus du travail quotidien déjà conséquent et d'un Milo qui semblait avoir plus faim que jamais.
Puis il y avait eu Svan. Piou, avec sa gentillesse coutumière, avait beau dire, et trouver toutes les raisons les plus rassurantes, Fanette connaissait trop bien la Danoise pour deviner qu'elle avait encore quelque chose en travers. Elle avait laissé sans réponse la mise en garde griffonnée un peu plus tôt sur un vélin. Quand Fanette avait compris qu'elle attendait en vain, elle avait patienté que Milo soit rassasié et changé, pour tenter de retrouver la brune. Oh! Elle l'avait retrouvée, sauf qu'elle s'était tirée avec un regard noir dès qu'elle avait cherché à lui parler de l'agression de la veille.
Là, c'était le premier coup dur de la journée, la première incompréhension qui lui faisait bien plus mal que ce que pouvait lui faire Zilofus. Comme une saveur amère dans la gorge, un goût de déjà vécu, qui la ramenait à une fâcherie de début d'année sans aucun motif réel. Fanette ne voulait pas voir encore cette amitié sacrifiée par manque de mots, mais elle n'avait pas le pouvoir de la forcer à l'écouter.
Et à peine avait-elle regagné la salle commune del lupo e l'uccellino que c'est Eleus qui venait lui cracher sa hargne.
- J't'aimais déjà pas, mais là, j'mets plus les pieds ici, tu pourras crever la bouche ouverte, j'espère bien que c'est ce qui arrivera d'ailleurs, parce que t'es juste bonne à chialer. Tu vaux rien, c'est Gabriele qu'a raison sur toi.
C'était acté, même si Fanette n'avait pour le coup pas besoin de mots pour se douter du mépris de ses beaux-frères. Ce qu'elle lui avait demandé, c'était de savoir pourquoi il avait attendu précisément ce soir pour le lui dire. Il avait rétorqué avec la même aigreur que si elle était incapable de le deviner c'est qu'elle était trop conne. Alors si elle en ignorait la raison, elle se doutait qu'il y avait là, un rapport plus ou moins direct avec la Danoise.
Et si elle avait beau se dire qu'elle n'avait pas épousé les frangins Corleone, elle ne parvenait à s'endurcir contre ces mots toujours aussi acerbes et fielleux. Si ce nom se gagnait par le sang et les actes, n'avait-elle pas le droit de le porter autant qu'un autre ? Après tout, elle avait égorgé le garde qui s'apprêtait à achever Roman, l'avait, ramené en lieu sûr, elle ne savait comment, alors qu'il était presque incapable de se mouvoir seul, lui avait administré les premiers soins et suturé ses plaies. Puis, était parvenue à lui faire quitter la ville avant de se faire prendre, jusqu'à trouver l'aide salutaire d'une princesse. Et trois semaines plus tôt c'est son propre sang qu'elle avait versé en bien trop grande quantité, quand pour mettre au monde un Corleone de plus, ses chairs s'étaient déchirées, offrant le lit à la fièvre et aux humeurs malsaines qui avaient manqué de l'emporter. Alors, blessée une fois encore elle avait ravalé ses larmes pour ne pas offrir à Eleus cette satisfaction, et avait attendu son départ pour s'effondrer ... le sang et les actes, qu'avait-il fait lui ?
C'était bien assez pour une journée, et pourtant ... Quand l'heure tardive appelait au sommeil. Quand, à cette heure où les ruelles sombres ne résonnaient d'aucun pas, et que Fanette partageait la dernière infusion du soir avec le tribun de la ville, c'est encore le Normand qui avait poussé la porte de la salle commune d'un pas décidé. Il hurlait presque.
- Bonsoir mon amiiiiiie !
Un sourire fendait son visage, s'accordant aux yeux rieurs. Avant que la fauvette n'ait le temps de réagir, il avait trempé un pinceau dans un seau de peinture rose qu'il traînait avec lui et dessinait à renfort de grands cercles, et autres tire-bouchons, un cochon des plus sommaires sur le mur de la taverne. Celui-là même où la veille au soir, il avait fait sauter l'enduit en y fracassant une chaise.
Si elle était au fond du trou quand l'homme était entré, son sang bouillonnait à présent. La colère pulsait dans ses veines au rythme des battements de son cur qui s'était emballé. Une fois de plus, le couffin de Milo s'était retrouvé à l'abri derrière le comptoir et la jeune mère s'était jetée sur le peintre. Premiers coups de pinceau incertains qui s'étaient achevés sur le lin de son corsage. Elle l'avait repoussé encore, plantant même ses dents dans cette main qui ne voulait lâcher prise. Elle avait appelé Huan à la rescousse, mais le grand chien était venu nonchalamment coller sa truffe dans le seau de peinture, et observer le spectacle d'un peu plus près en battant du fouet.
Finalement, quand Zilo était parvenu, un peu plus brutalement à se détacher d'elle, elle s'était saisi du seau de couleur pour le jeter dans sa direction. Et en un instant, c'était les jeux du cirque. Le sol était rendu glissant par l'épaisse couche de peinture dans laquelle tous pataugeaient allègrement. Mais ça ne suffisait pas, les braies dégoulinantes de rose, l'homme raillait encore. Le poing serré était parti, décochant un coup au menton, surprenant autant le Normand qui l'avait reçu que la fauvette qui l'avait donné.
- Vous ne comprendrez donc jamais ...
- Non, paraît que je suis trop conne pour comprendre, on vient de me dire ça, ce soir. Avait-elle répondu à son air consterné.
Il avait de nouveau retrouvé cet air narquois qui agaçait tant la blondine.
- Qui a osé vous menacer, qui ? J'veux un nom !
Elle avait haussé les épaules, ne jugeant pas utile de donner ce détail.
- J'oubliais oui, j'suis votre petite victime préférée, je ne peux donc pas être celle de quelqu'un d'autre.
Il avait approuvé d'un non, en effet, précisant qu'il n'était pas partageur, et d'ailleurs, il avait conclu d'une question.
- On part dans une semaine, vos affaires sont prêtes ? Parce que j'vous emmène encore prendre l'air, histoire de vous dégourdir un peu.
Fanette avait glissé un regard stupéfait vers Opalia, espérant bien qu'elle ait aussi entendu la menace clairement énoncée. Il avait suivi son coup dil et parfaitement saisit la pensée de Fanette, alors il avait rajouté, sur un ton presque amusé.
- Vos témoins sont parfaitement inutiles, tout le monde s'en cogne de vous, de votre sur, de votre taverne.
Là, c'était trop, elle avait empoigné le premier couteau à sa portée pour revenir l'appuyer sur ses côtes. Avant qu'elle n'ait le temps de le menacer, Opalia avait arrêté son geste, tentant d'apaiser la situation avant qu'elle ne dégénère plus. Mais Zilofus raillait encore, l'encourageant cette fois-ci à ne pas le louper tant et si bien que fanette avait affermi son geste. Finalement, il avait écarté les bras d'un air fataliste, tout en s'éloignant de l'emprise de la lame.
- Si c'est pas malheureux, tout ça pour un cochon !
Et avant que Fanette ait de nouveau armé son bras, il était ressorti, laissant derrière lui la pièce saccagée et une nuit de travail qui n'y suffirait sans doute pas.
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Il avait promis, mais Fanette ne s'attendait pas à ce qu'il revienne aussi vite. Allait-il lui rendre visite chaque soir ? Ou bien, Limoges s'était donné le mot pour lui plomber sa journée ? Parce que là, ça commençait à bien faire !
Le réveil au matin, avait été un peu difficile, et les épreuves de la veille s'étaient ajoutées à la fatigue qui pâlissait ses traits depuis la naissance de son fils. Ce n'était la faute de personne, si ce n'est du Normand, mais il avait fallu tout remettre en ordre, en plus du travail quotidien déjà conséquent et d'un Milo qui semblait avoir plus faim que jamais.
Puis il y avait eu Svan. Piou, avec sa gentillesse coutumière, avait beau dire, et trouver toutes les raisons les plus rassurantes, Fanette connaissait trop bien la Danoise pour deviner qu'elle avait encore quelque chose en travers. Elle avait laissé sans réponse la mise en garde griffonnée un peu plus tôt sur un vélin. Quand Fanette avait compris qu'elle attendait en vain, elle avait patienté que Milo soit rassasié et changé, pour tenter de retrouver la brune. Oh! Elle l'avait retrouvée, sauf qu'elle s'était tirée avec un regard noir dès qu'elle avait cherché à lui parler de l'agression de la veille.
Là, c'était le premier coup dur de la journée, la première incompréhension qui lui faisait bien plus mal que ce que pouvait lui faire Zilofus. Comme une saveur amère dans la gorge, un goût de déjà vécu, qui la ramenait à une fâcherie de début d'année sans aucun motif réel. Fanette ne voulait pas voir encore cette amitié sacrifiée par manque de mots, mais elle n'avait pas le pouvoir de la forcer à l'écouter.
Et à peine avait-elle regagné la salle commune del lupo e l'uccellino que c'est Eleus qui venait lui cracher sa hargne.
- J't'aimais déjà pas, mais là, j'mets plus les pieds ici, tu pourras crever la bouche ouverte, j'espère bien que c'est ce qui arrivera d'ailleurs, parce que t'es juste bonne à chialer. Tu vaux rien, c'est Gabriele qu'a raison sur toi.
C'était acté, même si Fanette n'avait pour le coup pas besoin de mots pour se douter du mépris de ses beaux-frères. Ce qu'elle lui avait demandé, c'était de savoir pourquoi il avait attendu précisément ce soir pour le lui dire. Il avait rétorqué avec la même aigreur que si elle était incapable de le deviner c'est qu'elle était trop conne. Alors si elle en ignorait la raison, elle se doutait qu'il y avait là, un rapport plus ou moins direct avec la Danoise.
Et si elle avait beau se dire qu'elle n'avait pas épousé les frangins Corleone, elle ne parvenait à s'endurcir contre ces mots toujours aussi acerbes et fielleux. Si ce nom se gagnait par le sang et les actes, n'avait-elle pas le droit de le porter autant qu'un autre ? Après tout, elle avait égorgé le garde qui s'apprêtait à achever Roman, l'avait, ramené en lieu sûr, elle ne savait comment, alors qu'il était presque incapable de se mouvoir seul, lui avait administré les premiers soins et suturé ses plaies. Puis, était parvenue à lui faire quitter la ville avant de se faire prendre, jusqu'à trouver l'aide salutaire d'une princesse. Et trois semaines plus tôt c'est son propre sang qu'elle avait versé en bien trop grande quantité, quand pour mettre au monde un Corleone de plus, ses chairs s'étaient déchirées, offrant le lit à la fièvre et aux humeurs malsaines qui avaient manqué de l'emporter. Alors, blessée une fois encore elle avait ravalé ses larmes pour ne pas offrir à Eleus cette satisfaction, et avait attendu son départ pour s'effondrer ... le sang et les actes, qu'avait-il fait lui ?
C'était bien assez pour une journée, et pourtant ... Quand l'heure tardive appelait au sommeil. Quand, à cette heure où les ruelles sombres ne résonnaient d'aucun pas, et que Fanette partageait la dernière infusion du soir avec le tribun de la ville, c'est encore le Normand qui avait poussé la porte de la salle commune d'un pas décidé. Il hurlait presque.
- Bonsoir mon amiiiiiie !
Un sourire fendait son visage, s'accordant aux yeux rieurs. Avant que la fauvette n'ait le temps de réagir, il avait trempé un pinceau dans un seau de peinture rose qu'il traînait avec lui et dessinait à renfort de grands cercles, et autres tire-bouchons, un cochon des plus sommaires sur le mur de la taverne. Celui-là même où la veille au soir, il avait fait sauter l'enduit en y fracassant une chaise.
Si elle était au fond du trou quand l'homme était entré, son sang bouillonnait à présent. La colère pulsait dans ses veines au rythme des battements de son cur qui s'était emballé. Une fois de plus, le couffin de Milo s'était retrouvé à l'abri derrière le comptoir et la jeune mère s'était jetée sur le peintre. Premiers coups de pinceau incertains qui s'étaient achevés sur le lin de son corsage. Elle l'avait repoussé encore, plantant même ses dents dans cette main qui ne voulait lâcher prise. Elle avait appelé Huan à la rescousse, mais le grand chien était venu nonchalamment coller sa truffe dans le seau de peinture, et observer le spectacle d'un peu plus près en battant du fouet.
Finalement, quand Zilo était parvenu, un peu plus brutalement à se détacher d'elle, elle s'était saisi du seau de couleur pour le jeter dans sa direction. Et en un instant, c'était les jeux du cirque. Le sol était rendu glissant par l'épaisse couche de peinture dans laquelle tous pataugeaient allègrement. Mais ça ne suffisait pas, les braies dégoulinantes de rose, l'homme raillait encore. Le poing serré était parti, décochant un coup au menton, surprenant autant le Normand qui l'avait reçu que la fauvette qui l'avait donné.
- Vous ne comprendrez donc jamais ...
- Non, paraît que je suis trop conne pour comprendre, on vient de me dire ça, ce soir. Avait-elle répondu à son air consterné.
Il avait de nouveau retrouvé cet air narquois qui agaçait tant la blondine.
- Qui a osé vous menacer, qui ? J'veux un nom !
Elle avait haussé les épaules, ne jugeant pas utile de donner ce détail.
- J'oubliais oui, j'suis votre petite victime préférée, je ne peux donc pas être celle de quelqu'un d'autre.
Il avait approuvé d'un non, en effet, précisant qu'il n'était pas partageur, et d'ailleurs, il avait conclu d'une question.
- On part dans une semaine, vos affaires sont prêtes ? Parce que j'vous emmène encore prendre l'air, histoire de vous dégourdir un peu.
Fanette avait glissé un regard stupéfait vers Opalia, espérant bien qu'elle ait aussi entendu la menace clairement énoncée. Il avait suivi son coup dil et parfaitement saisit la pensée de Fanette, alors il avait rajouté, sur un ton presque amusé.
- Vos témoins sont parfaitement inutiles, tout le monde s'en cogne de vous, de votre sur, de votre taverne.
Là, c'était trop, elle avait empoigné le premier couteau à sa portée pour revenir l'appuyer sur ses côtes. Avant qu'elle n'ait le temps de le menacer, Opalia avait arrêté son geste, tentant d'apaiser la situation avant qu'elle ne dégénère plus. Mais Zilofus raillait encore, l'encourageant cette fois-ci à ne pas le louper tant et si bien que fanette avait affermi son geste. Finalement, il avait écarté les bras d'un air fataliste, tout en s'éloignant de l'emprise de la lame.
- Si c'est pas malheureux, tout ça pour un cochon !
Et avant que Fanette ait de nouveau armé son bras, il était ressorti, laissant derrière lui la pièce saccagée et une nuit de travail qui n'y suffirait sans doute pas.
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