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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

Fanette_
Rire à chaudes larmes,
pleurer à se tordre
(jules renard)


Dimanche 15 juillet 1466

- Ton mari va retrouver le petit , si ce n'est pas le cas on continuera de chercher et on fera payer les abrutis qui ont osé s'en prendre à lui en les pendant par les couilles à une falaise !

Et la danse s'était achevée sur ces quelques mots et un pouce venu cueillir une larme roulant sur une joue.

- Bon, j'peux faire danser ma sœur maintenant ?

Fanette était passée des bras de Julien à ceux de Svan. Et par Déos que ça faisait du bien ! Avec le retour de la Danoise, l'auberge s'était enfin réveillée. Même le curé du village s'était souvenu du chemin pour venir vérifier si la brune avait ôté ses chausses.
Elles en avaient ri. Elles avaient pleuré sans doute tout autant, mais pour cette journée au moins, Fanette avait eu bien des occasions de s'éloigner un peu du chagrin qui l'accablait. La salle commune résonnait des chants et des bruits des chausses claquant en rythme sur le plancher. Des sourires étaient nés sur les lèvres, quand furent évoqués le voyage d'une princesse du nord, ou l'audacieuse fauvette qui avait apprivoisé un loup, à moins que ce ne soit l'inverse. Les verres s'étaient entrechoqués, le vin de Toscane coulait à flots, quand ce n'était pas la bière, et elle multipliait les allers et venues entre les tables. Elle avait bercé Astrée contre son cœur, retrouvant le bonheur d'étreindre un enfançon dans ses bras.

Et quand la nuit s'était trop avancée, c'est contre cette presque sœur, pour laquelle elle nourrissant tant d'inquiétudes que de reconnaissance, qu'elle s'était endormie. Valériane et aubépine pour cette fois, étaient devenues inutiles.
_________________
Fanette_
Limoges, le 24 juillet 1466

Nettoyage de l'auberge, gestion des stocks, négociation au marché, Fanette s'était de nouveau plongée dans ces activités routinières depuis que son auberge s’égayait de nouveau des rires et des bavardages. Mais si parfois, un événement inattendu venait surprendre son quotidien, hélas, certaines choses ne changeaient jamais.

L'oncle était revenu, ça, c'était pour l'imprévisible. Presque trois mois de silence, trois mois d'angoisse, trois mois à se dire que quelque chose clochait, et il était revenu, comme avant, joyeux et désinvolte, comme s'il était parti la veille. Il l'avait embrassée, l'avait fait tourner dans les airs, embrassée encore, et au final, elle avait oublié de lui en vouloir. Et l'oncle était redevenu sérieux, quand il avait appris pour Milo, proposant d'emblée le flair de son chien. Voilà, ça, c'était pour l'imprévisible, le retour de l'oncle.

Mais pour ce qui ne changeait pas, c'était les larmes et les inquiétudes qu'elle nourrissait pour la Danoise. Elle avait beau montrer aux autres un visage enjoué et une audacieuse répartie, Fanette la connaissait trop bien pour savoir que ce n'était qu'un vernis, et elle avait guetté le moment où il craquerait.

Deux soirs déjà qu'elle recevait, dans la salle commune redevenue déserte, les confidences de Svan, et elles n'avaient rien de rassurant. Deux soirs que, plus la Danoise parlait, plus elle était persuadée que, bientôt, très bientôt, elle lui rejouerait la grande scène de juin dernier. Et c'est que la brune allait si mal, qu'elle ne s'en cachait même pas.

Disparaître. Le mot était lâché. Et ce qui angoissait tant Fanette, c'est qu'elle ne sache ce que la brune mettait derrière cela. Allait-elle partir, tout quitter, tout oublier, pour recommencer ailleurs sa vie, et enfin s'accommoder des petits bonheurs pour avancer ? Allait-elle s'enfermer dans un couvent, une fois de plus, et ne donner de nouvelles à personne. Allait-elle ....

- Tu peux me promettre que tu ne te pendras pas à la poutre d'une grange ?
- Oui, ça, je peux te le promettre.


Fanette avait planté son regard éclairci des larmes déjà versées, dans celui de la Danoise, et avait répété, d'un air un peu plus affirmé.

- Enfin, te tuer, d'une manière ou d'une autre, tu peux me le promettre ?
- Ah, ça ? Non !


Et là, la fauvette de nouveau fondait en larmes. Comment Svan pouvait croire que la présence des siens suffirait à la rendre heureuse.

- Tu peux te faire croire que je serai heureuse, parce que j'ai Roman, parce que mon père m'a écrit. C'est peut-être plus facile pour toi. Mais c'est faux Svan. Je ne suis pas prête à perdre ma sœur, pas encore une fois, pas après tout ce que nous avons partagé, pas en ayant l'impression que je n'ai rien su faire pour te sauver.

Et la brune s'en expliquait, son espoir de famille, et surtout cet homme, le père de sa fille, qui n'était pas là, alors qu'elle s'effondrait. Et cette enfant, qu'elle ne pouvait aimer pleinement parce qu'elle lui rappelait trop les beaux yeux d'océan du mercenaire normand, qu'elle avait épousé sur une plage d'Avranches.

Evidemment, aucun des arguments de Fanette ne faisait mouche, parce que, longtemps avant elle, Svan elle-même en avait usé, en vain. Elle n'y arrivait plus. Alors, la tavernière avait tout fait pour la convaincre de lui laisser la petite Astrée, espérant au moins éviter que la mère en errance, n'entraîne avec elle sa fille qui n'avait rien demandé.

- Laisse-là ici Svan. Je n'ai plus de fils, tu ne sais pas combien il peut me manquer. Toi, tu ne vois en elle que ce qui t'empêche d'avancer, que le bonheur qui t'a échappé. Laisse-moi là, expérimente ce que je vis. Tu verras, dans quelques jours, quelques semaines, quand elle te manquera, tu pourras enfin comprendre qu'Astrée n'est pas tes regrets sur la vie que tu voulais avec son père non. Elle deviendra ton avenir, l'enfant que tu as mis au monde, et qui est ce que tu as de plus important, ta famille, celle qui mérite que tu ailles de l'avant. Svan, laisse-moi-la.

La brune semblait perdue. La fauvette plus impuissante que jamais, lui offrait un regard implorant.

- Laisse-moi aller à la Trémouille et ensuite si j'ai besoin de temps, d'air, d'espace je te la ramènerai.
- Tu le promets ?
- Oui.


Fanette avait besoin de se rassurer. Elle voulait croire que la Danoise à présent, tenait ses promesses. Alors, elle avait ajouté quelques mots pour s'en assurer.

- Cela veut dire que, si tu ne reviens pas, je pourrais savoir que tu vas pas si mal ? Même si tu ne donnes pas de nouvelles ?
- Oui.
- C'est bien sûr, tu promets ça aussi ?
- Oui.


Et la salle commune, avec ses murs décrépis, s'était fait l'écrin de ces deux promesses. Mais cette nuit comme la nuit précédente, elle ne trouverait sans doute pas le sommeil, ou alors, aux petites heures du jour.
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Victoire.
[La théorie di Fiesole-Sørensen]

C'est le cœur lourd qu'elle était revenue à Limoges. Elle n'avait pas pu. Pas pu lui faire du mal. Et le destin pour une fois ne l'avait pas mis sur sa route. Et les lettres se succédant ne pouvaient que l'enfoncer un peu plus dans son mal-être. Plus son ex-mari avouait tant et plus sur leur relation, plus elle se sentait mal. Elle aurait dû retrouver le sourire mais il avait espéré jusqu'à il y a peu que tout reprenne comme avant et elle n'avait rien vu ou rien voulu voir d'après lui ... Sur de tels aveux, elle ne pouvait que ... Mais pour cela, elle devait passer par Limoges. Alors, elle va instinctivement jusque chez Fanette qui n'est pas encore rentrée elle.

Un homme qu'elle ne connaissait pas écrivait dans un coin. Elle ne connait pas, elle se méfie, c'est comme ça. Puis il relève les yeux de sa missive, lui sourit et se présente en posant un point final à sa lettre. Et d'un coup ... comme parfois, ils se mettent à parler tout naturellement, de tout, de rien. La conversation est légère et agréable. Et ça fait du bien. Elle reprend ses vieux réflexes la danoise, pour cacher la noirceur qui l'envahit depuis des semaines, elle plaisante, elle taquine. Elle va lui tailler la barbe à la hache, lui couper les oreilles. Ils sont interrompus par Armel et Feuille. Elle découvre que Brinkor, l'écrivain inconnu est un expert en pierres. Elle l'écoute sagement, découvre. Quand le couple part, elle lui demande de lui présenter sa pierre préférée. Il en sort une pierre grisâtre sur laquelle sont accrochés des dizaines de cristaux d'un bleu parfait. Cela lui rappelle bleu de la mer des calanques. Svan lui décrit les rayons de soleil qui explosent en milliers de paillettes d'or sur la mer, les falaises, l'odeur de pin mêlée à celle de l'air marin. Ils partent dans leurs pensées, se laissent aller à des confidences, à partager leurs rêves.

Et puis, elle apprend qu'il vient de Ventadour. Elle a un contentieux là-bas avec le chef des canards du lac et il accepte de devenir son homme de main pour le buter. Et pendant qu'on y est ... il va l'aider à se venger des gens qui l'ont embêtée. En commençant par la vile Fanette qui a balancé son tout petit bébé innocent contre le sol pour la défigurer, certainement jalouse de la beauté de cette enfant ! Alors ils montent un plan et s'entrainent. L'italien sur une poutre, la danoise qui joue Fanette et essuie des verres. L'attaque doit être furtive. Il lui saute dessus sauf que ...

Que rien ne se passe jamais comme prévu !

Brinkor glisse, emporte Svan qui s'explose le menton sur le vil comptoir de la vile taverne de la vile Fanette. Et ça pisse le sang, elle en fout partout, l'italien l'attrape, la porte et l'installe pour voir s'il en manque pas un bout. Non, ça va, ça a juste ouvert le menton mais tout est encore en place. Heureusement qu'elle n'a pas perdu une dent ! Elle en ressort donc avec une nouvelle blessure de guerre mais ils ont tant ri et elle a oublié quelques heures durant que rien n'allait qu'il est tout pardonné !

Et la théorie di Fiesole-Sørensen alors ?
Vous rêvez, ils ne diront rien !
Ils seront bientôt célèbres pour ça et personne ne volera leur découverte !
--Fanette..
Fanette avait chevauché trois jours durant, depuis que la Danoise les avait quittés, sans une lettre, ne laissant à la fauvette qu'inquiétude et chagrin. Quand la veille, un courrier de Limoges lui avait annoncé la présence de la brune dans la capitale, la jeune femme n'avait plus qu'une idée en tête, la rattraper avant qu'elle ne parte de nouveau, avant qu'elle ne sombre complètement. Lui dire au moins cet au revoir dont la brune l'avait privée en s'enfuyant comme une voleuse et lui rappeler ses promesses.

Si elle avait su, en regagnant son auberge, combien Svan, qui chaque soir, lui avait confié ses larmes et son désespoir, s'y était amusée en se payant outrageusement sa tête avec son nouvel ami, n'ignorant pas, que, durant ce temps, la fauvette s'angoissait d'être sans nouvelles. Peut-être se serait-elle moins inquiétée, qui sait même, si elle ne lui en aurait pas voulu ? Mais elle ne savait rien. Rien d'autre que les huit ou neuf lieues qui la séparait encore de Limoges, et l'incertitude d'y trouver encore la Danoise à son retour ?

Alors, au matin, elle avait dégoté au pigeonnier municipal un oiseau de compétition, habitué à faire les trajets jusqu'à Limoges. Et sur le dos du parchemin plié, elle avait précisé pour le grouillot qui réceptionnerait le courrier ... Merci de porter ce pli de toute urgence à l'auberge del lupo e l'uccellino, 2 rue de la boulasse, quartier de l'Abessaille.

Quand la brune l'ouvrirait, si elle était encore là, elle pourrait lire un laconique message. Et si elle avait vraiment quelque amitié pour la blonde, elle comprendrait, c'était certain.



Attends-moi je t'en prie.
Fanette.



Victoire.
Svan a une réputation vraiment surfaite : elle plait aux hommes. Mais elle ne cherche pas vraiment à leur plaire, elle aime juste rire. Est-ce sa faute si les hommes préfèrent les femmes qui rient ? NON ! Est-ce sa faute si Fanette aime rire avec elle ? NON ! Est-ce sa faute si elle entraine Fanette à faire des bêtises pour rire ? Un peu quand même !

Et ce soir, elles avaient fait fort les soeurs casse-couilles. Le pauvre Sea en avait fait les frais. Et ne pensez pas qu'il s'en plaigne. L'adjectif pauvre n'est utilisé là que pour vous montrer qu'il avait morflé avec elles deux. Mais il a adoré ! Sisi ! Demandez-le lui, il en redemande encore. Alors comment cela avait commencé ? Avec Svan, bien entendu ! Elle a le contact plus facile que Fanette et elle attrape au vol le début du commencement de vanne que Sea balance comme ça pour tester l'ambiance. Elle connait bien cette technique Svan. Quand elle ne connait pas les gens, elle lance un truc l'air de rien et voit si quelqu'un rebondit, comprend le double sens. C'est ainsi qu'elle avait fini mariée à son premier mari. Il avait attrapé, rebondi, relancé et ce pendant des heures. C'est comme ça qu'elle aime les gens, elle les aime avec du répondant, du lol et une grosse dose d'auto-dérision.

Alors Sea et Svan commencent à se plaindre de leur condition. Clairement, ils plaisent, clairement, ils sont blasés d'être si beaux, drôles et désirables. Mais Sea commence à se victimiser, se lamentant presque. Svan et Fanette se regardent : oh oh ! Fanette est diplômée ès-victimisation, elles vont donc le juger sur sa prestation. Deux paires d'yeux le fixent, experts et attendent. Les secondes s'écoulent aussi lentement que les gouttes de sueur sur les tempes de l'angevin, la pression monte, il doit être bon. Non mieux, il doit exceller, une tournée offerte est en jeu ! Alors, il se lève et leur offre un monologue à vous tirer les larmes ! Comprenez, le pauvre ... il voudrait qu'on l'aime pour qui il est mais les femmes sont toutes là à vouloir son corps parfait. Aucune ne lui résiste. Svan se sent pas bien, il sort l'arme secrète : il enlève son foulard et remue ses bouclettes. Mais la bouclette ne fait pas tout chez l'homme, il lui faut du cran et du savoir-faire.


Si vous réussissez à vous faire embrasser de Fanette, je vous paie vingt tournées par jour !

Personne n'est aussi fidèle que Fanette ! Le défi est impossible à relever.

Mais c'était sans compter sur le fait que Fanette est vénale. L'angevin se rapproche charmeur et lui chuchote à l'oreille que si elle l'embrasse, il ajoute dix tournées de plus. Ah le petit malin ! Il connait le point faible de l'angevine de base : l'argent. Les écus roulent déjà dans les yeux de la proprio et elle hésite. Les chiffres tournent dans sa tête, rapidement, elle qui ne sait pas compter, se retrouve expert-comptable dans la seconde.


Tu pourras payer la taxe comtale comme ça !

Svan pousse à la faute.

Je jure sur la tête de Tartine que j'en parlerai jamais !
Tout pareil !


Alors Fanette, qui entend déjà les piécettes tinter dans sa caisse, les cervoises servies par vagues de tournées, les godets à peine pleins déjà vides, cède.

Fermez les yeux !

L'angevin obtempère, amusé. Hilare même ! Et Fanette fait signe à Svan de venir l'embrasser à sa place. La danoise refuse tout net ! Elle veut voir si l'argent est plus fort que l'amouuuuuuur ! La fauvette supplie, fait de gros gestes, Sea s'impatiente, la danoise hoquette mi-ivre morte, mi-morte de rire. Et là, tout bascule ! Des mois de fidélité mises à mal par l'appât du gain ! Fanette cède à l'appel de l'argent facile, Fanette se vend, Fanette prostitue ses lèvres. Elle embrasse à pleine bouche l'angevin. Elle se love ardente contre lui, le mangeant de baisers, le ventre tendu de désir. Bon non, elle lui fait un petit bisou du bout des lèvres et se recule, morte de honte, s'essuyant la bouche.

Svan n'en peut plus. Elle est au bout de sa vie et Sea est ravi, aucune ne lui résiste, il en était sûr ! La danoise bien que ronde comme euh ... un rond se lève pour une révérence des plus gracieuses pour s'incliner devant le maître. Elle a encore tant à apprendre pour les faire tous craquer ! Voyez, elle n'a pas son talent, elle a mis seize mois pour se faire embrasser de Fanette ...


Chuis sûre qu'Amarante, elle pense qu'on va se pécho vous et moi !
Quand je pense que c'est Fanette qui vous a embrassé et que je peux même pas balancer ...


Dégoûtée, la danoise.
Elle a quand même juré sur la vie de Tartine !
Fanette_
Nuit du 3 au 4 août 1466

- Dis tout cela à Roman. Sinon, rien ne changera, tu passeras des années à attendre qu'il te prenne rapidement pour tirer un coup, et jamais il ne saura que tu es malheureuse.

On pouvait dire que Svan avait le sens de la formule. Une fois de plus, dès que les rires s'étaient tus, et que l'alcool s'était tari, la salle commune était redevenue l'endroit de leurs confidences. La jeune aubergiste se confiait, hésitant parfois, fuyant le regard déterminé de la Danoise, trouvant échappatoire dans le rangement des coupes, chopes et autres hanaps qu'elle alignait avec une rectitude presque maniaque sur le grand dressoir de la salle. La vie de couple, le désir, l'amour, le sexe, la loyauté, le silence, la liberté, les chemins, tout y était passé, accrochant parfois quelques larmes aux cils de Fanette.

- Parle-lui, dis-lui tout ce que tu m'as dit.

Elle avait acquiescé sobrement, ne sachant trop si c'était ou non une bonne idée. Mais cette nuit-là, alors que déjà, matines sonnaient au clocher, annonçant ce moment où doucement les ténèbres pourraient se dissiper, Fanette s'était glissée seule, dans les draps du grand lit.
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Seayrath
Les jours s'enchaînent, rien de s'arrange, et tout s'empire. Voilà la plus clairvoyante description qu'il pourrait être faite concernant la halte de l'Angevin à Limoges. Il passait le plus clair de son temps avec Fanette. Amy lui en avait parlé à de multiples reprises et il savait pertinemment qu'elle était quelqu'un d'important pour elle. Si vous lui aviez dit qu'il se ferait embrassé par cette même Fanette le jour même de son arrivée, il n'y aurait pas cru. Mais voilà, Svan était passée par là et le tempérament relativement joueur du barbu avait été suffisant à ce que cela se produise. Qu'importe, ce n'était qu'un infime frottement de lèvres, à peine souhaité par la principale concernée qui n'aura pas su faire face à l'enjeu financier caché derrière ceci.

De l'eau avait coulé sous les ponts. Les mêmes qu'il avait rompus avec Mélissandre, pourtant déjà bien fragiles. Les deux furent happés par la situation désastreuse d'une sorte de trio qui n'aurait jamais du voir le jour. Amarante ne se débarrassait pas des sentiments qu'elle nourrissait pour lui, et les deux s'évitaient lamentablement depuis maintenant plusieurs jours.

De discussions en discussions, il apprenait à connaître Fanette. Son passé, ses tourments, ses désirs et tout ce qu'elle nourrissait parfois malgré elle. Son époux était terriblement absent, sa progéniture avait été kidnappée, et son amie Svan partie quelques jours avec Brin. Elle était à peu près seule, du moins dans son âme. Les deux s'entendaient bien, et se plaisaient à jouer quelques jeux loin d'être innocents, mais qui permettaient à l'un et l'autre de former une parenthèse dans les nombreuses déceptions qui se jetaient sur eux. La remise de diplôme, c'est ainsi qu'il avait nommé ce jeux dangereux. Fanette était amoureuse, et entièrement dévouée à son mari. Sea l'était tout autant, et les deux étaient seul. Quoi que, est-il vraiment amoureux... Pas vraiment, c'est un peu moins que ça, et parfois beaucoup plus. Il n'a jamais trop su définir ce qu'il pouvait ressentir pour Mélissandre, et c'est ce qui lui plaisait tellement, le fait de découvrir de nouveaux sentiments, de nouvelles sensations et de ne jamais s'en lasser, en n'ayant aucune idée si ceux-ci se situaient dans la catégorie positive, ou négative.

Que voulez-vous, les événements sont ce qu'ils sont et il est de notre devoir de composer avec. Ivre à son habitude, et encore un peu plus joueur qu'à l'accoutumée, ses lèvres s'étaient mélangées à celles de Fanette, suite à un léger détournement causé par la main posé sur la nuque de la tavernière, elle qui pensait n'avoir à faire qu'aux coins de ses lèvres. Cela devait être le moment où il se ferait gifler, ou pire encore. Il n'en a rien été, seulement quelques pas de recul, suivit d'un sourire mi gêné/embarrassé de la blonde tavernière.

Je ne l'écrirai jamais assez, les deux étaient terriblement seuls, presque malheureux. Ils ne faisaient que ce qu'il leur semblait... Je n'en sais rien, mais ils le faisaient.

En cette soirée du 4 Août, Seayrath et Fanette discutaient, Amarante prenant toujours soin d'éviter le barbu, s'était retranchée dans une autre auberge. Elle finira par quitter la taverne princière, toujours seule. Elle sera de nouveau habitée quelques minutes plus tard par Mélissandre elle-même, qui l'évitait tout autant. Quoi que, les deux s'étaient croisés la veille lorsque cette dernière pris la peine de rejoindre les deux âmes esseulées quelques rues plus loin. A cet instant précis, il était allongé sur le comptoir, alcoolisé par Fanette qui lui versait directement l'alcool dans le gosier. La scène était ridicule, tout comme la réaction du barbu à la vue de son joyaux dont il s'était lui même dépossédé par une prise de décision regrettable. Un simple bonsoir aura été octroyé, mais rien de plus. Elle finira par quitter les lieux rapidement, jugeant qu'il valait mieux laisser les deux en paix. Peut-être, ou sûrement pas.

Voilà à peu près le tableau qu'il avait peint, bien malgré lui. Tous souffraient de la situation, personne ne disait rien, et chacun s'efforçait de vivre.

Retournons à cette soirée du 4 Août, où Sea et Fanette avaient planifiés une balade nocturne. C'est qu'elle aimait les promenades, et lui appréciait le côté pittoresque d'une virée étoilée rythmée par un sentiment d'amertume lié à la situation actuelle. Avant le départ pour cette dernière, Fanette pris soin de raconter l'histoire de la Grande Ourse à celui qui l'accompagnerait quelques minutes plus tard. Une histoire merveilleusement triste, qui lui fut bien agréable à entendre. Une dernière coupe avant le départ, et voilà Fanette qui noue le bras au sien, prête à lui faire découvrir les joies des balades Limousines.

A la vue de la proximité qu'avait créer Fanette en lui prenant le bras, tout en ne perdant pas de vue les bruits qui courraient sur ces deux là, la réaction ne fut pas bien longue


Là, ça va parler...
Ah oui ?
Hum, on s'en tape !

C'est à dire qu'il n'était plus vraiment à cela près, et que tous pouvaient bien chanter quoi que ce soit à qui voulait entendre, ça ne changerait définitivement rien. Et voilà qu'il quitte la taverne avec la blonde à son bras, se laissant diriger par celle qui semblait connaître tous les endroits charmants que détenaient cette ville.

Cependant, les mêmes phrases tournaient en boucle dans l'esprit de l'Angevin, que même l'alcool ne parvenait pas à assourdir. Mélissandre lui avait appris que lors de la réception d'une lettre qu'il lui avait écrit, elle avait ressentit pour la première fois depuis longtemps, la naissance d'une certaine capacité à aimer. Ca n'a peut-être l'air de rien comme ça, mais cela n'avait pas émané des lèvres de n'importe qui, et il s'était suffisamment bien renseigner sur le passé sentimental de la princesse pour avoir conscience que ces mots avaient une valeur inestimable. Ces deux là avaient échangés bien des baisers, certains étaient timides, d'autres étaient enflammés et ne laissaient aucune place pour le doute quand à leurs sentiments respectifs. Des étreintes, des caresses, des sourires et tout ce qui formaient l'entre-deux qu'ils s'étaient créer. Mais voilà, cette idée qu'il était parvenu à faire naître un sentiment dont elle se croyait dépourvu, elle qui ne ressentait tout qu'à moitié, lui avait brisé l'âme en une fraction de seconde.


Il finira par se faire une raison, du moins il tentait de s'en convaincre. Ses yeux avaient quitté les étoiles, pour se poser sur ceux de Fanette. Il aurait tant donner pour que Mélissandre soit à sa place, tout comme Fanette aurait tant donné pour que Roman soit à la sienne. Les deux se comprenaient, et cette virée leur était vitale.


Edit : Suite ici > http://forum2.lesroyaumes.com/viewtopic.php?p=23802293#23802293
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Fanette_
Limoges, le 9 août 1466

Comment était-on passé du « Je vais te crever Saucisson » à « Je suis désolé Fanette ? »

La salle commune offrait souvent entre sexte et none un refuge paisible pour qui aimait la solitude. Et la solitude justement, n'avait jamais fait peur à la fauvette. Plus de trois années durant, elle avait été sa compagne d'errance, sublimant dans son silence les chants de la nature qui lui offrait refuge.
Alors, cet après-midi, sans doute bien trop mélancolique, elle s'était assise à coté de la croisée grande ouverte, et regardait sans la voir, la vie qui s'écoulait dans la rue.
L'esprit tourmenté par la soirée de la veille s'égarait aux sales draps dans lesquels elle s'était encore fourrée. Mais avait-elle eu bien le choix cette fois-ci ?

Quand, dans la nuit largement avancée, Svan avait fait irruption, serrant Tartine dans ses bras.

- Fanette, on a un souci !

Et à peine avait-elle achevé sa phrase, que le souci en question passait l'huis, regard d'orage, démarche assurée, bien décidé à enlever sa fille à sa mère, et à l'emmener le plus loin possible de la Danoise. Le ton était monté, les attitudes s'étaient durcies. Aucun des deux ne voulait céder et pour cause, l'enjeu de leur lutte s'était mis à hurler sa peur à chaudes larmes, jusqu'à ce que Svan vienne chercher refuge derrière l'aubergiste, qu'elle dépassait pourtant d'une bonne tête.

C'en était trop, même pour une craintive fauvette. Elle gardait le goût amer des dernières altercations avec le Normand, et elle ne le laisserait pas mal se conduire chez elle, quand bien même avait-elle toujours songé que la petite Astrée ne devait pas être privée d'un père. Alors, à geste mesuré, et sans le quitter des yeux, elle avait saisi la petite arbalète à pied de biche, en avait actionné le mécanisme et enclenché un carreau dans la rainure. Puis, la main gauche soutenant l'arbrier, à hauteur de la noix, l'autre prête à actionner la gâchette, elle l'avait mis en joue.

Si son cœur cognait dans sa poitrine, s'affolant sans doute déjà de ce qui pourrait suivre, elle parvenait à contenir encore le tremblement de ses membres. Dans son dos, les pleurs de l'enfant ajoutaient à son stress, autant que les cris de la mère, et face à elle, le Normand refusait de céder aux demandes. Il ne s’assiérait pas, ne voulait pas causer. Il allait prendre sa fille et s'en aller, et n'avait que faire d'une fauvette qui se croyait capable de les défendre. Et pour cause, elle aboyait bien trop pour mordre réellement, comme ces petits chiens qui compensent leurs faibles moyens par la hargne qu'ils distillent dans leurs seuls aboiements.

Mais, parfois … parfois … et le trait était parti, assurément d'un geste trop mal assuré. L'effet donné au tir n'était pas adapté, que trop aléatoire, car si un carreau bien décoché pouvait percer une armure, il n'avait pas troué Zilo de part en part. Il était venu se ficher dans la chair de l'épaule, sur un pouce tout au plus. Le fer pyramidal s'était sans doute heurté à la tête de l'humérus, et si le Normand ne mourrait pas d'une fièvre dans les jours prochains, sans doute, se rappellerait-il sa blessure à chaque changement de temps.

L'homme avait étouffé un cri, tant de surprise que de douleur. Il s'était essayé à quelques pas vers les deux femmes, avant de retomber lourdement sur le sol, devant le comptoir. Et si l'agressivité ambiante s'était évanouie dans sa chute, l'affolement restait palpable. La Danoise posait sa fille au sol, pour se précipiter vers son ex-mari, quand Fanette peinait à réaliser ce qu'elle venait de faire.

Son regard s'attarda un instant sur l'enfançonne, hoquetant son chagrin, que le chien s'appliquait à éponger, à grand coup de langue, directement à ses joues. La petite, les yeux encore tout bouffis, agrippait ses mains potelées aux lourdes babines de l'animal et déjà, un éclat de rire remplaçait ses sanglots. Les noisettes de la blonde glissèrent ensuite sur le couple, l'homme surpris, humilié, et sans doute souffrant, et la Danoise alarmée. Alors, sans vraiment regretter son geste, elle s'était absentée un instant, cherchant dans les pièces voisines ce qui, dans les affaires de son époux, permettrait de panser la blessure, et s'était improvisée soigneuse, à la hauteur des faibles connaissances qu'elle avait acquises auprès de son diable.

Une nuit et une matinée étaient passées depuis. On avait nettoyé le sang au sol et sur le fauteuil, fait disparaître les linges souillés, et le parfum d'un bouquet de lys, ainsi que les fenêtres grandes ouvertes sur la rue avaient définitivement fait oublier le parfum d'huile rance et de poix de l'onguent brun. On aurait pu croire que l'atmosphère feutrée du lieu avait toujours su se préserver des drames et des tensions de Limoges. Pourtant, recluse dans ses pensées, Fanette craignait pour la suite. Svan et Brin avaient quitté la ville depuis quelques heures, Roman allait suivre, et qui viendrait lui offrir rempart si Zilo cherchait à se venger ?
Serait-elle encore en mesure de le repousser, de se défendre seule face au Normand qui, si souvent avait eu le dessus sur elle ?

Aussi, quand la porte se referma sur lui, Fanette se tendit légèrement. Elle jeta un œil au comptoir hors de portée sous lequel elle dissimulait quelques armes. Son dos imprima un mouvement de recul, se plaquant davantage au dossier, quand sa main cherchait le contact rassurant du dogue assis à ses côtés. Mais si en cet instant, elle s'imaginait déjà le pire, elle n'aurait pu envisager un seul instant ce qui allait suivre.

- Je suis désolé Fanette, pour tout, depuis le début.
- Tout ? Depuis toujours, enfin, depuis que nous nous connaissons ?
- Depuis le début oui.

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Zilofus
[Ce fameux neuvième jour d'août ...]

Les évènement s'étaient enchainés à une vitesse telle que même lui ne serait dire ce qu'il s'était réellement passé, était-ce une montée d'adrénaline qui suite à la haine qu'il vouait à la danoise l'avait poussé à lui tourner le dos une bonne fois pour toute ou simplement l'espoir d'avoir cette enfant si souhaitée qui s'estompait, laissant son cœur se refermer sur lui même pour lui épargner des souffrances inutiles et la vision de plusieurs mois consacrés à l'union d'une famille ruinés en seulement un instant.

Toujours est-il qu'après l'arrivée de son ex-épouse dans la taverne où il se trouvait il avait préféré l'ignorer, s'étant focaliser sur un détail d'une poutre à fixer pour ne lui accorder aucune attention, ni même lui montrer quelconque sentiment, il était devenu aussi impénétrable qu'un mur, elle pouvait bien lui dire ce qu'elle voulait il n'entendait rien et le moindre son de sa voix avait comme un effet de résonance sur lui, jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'il resterait de marbre et où elle comprit que son silence exprimait bien plus de choses que s'il avait fait l'usage de mots. Le ton avait changé, il pouvait percevoir du changement dans le timbre de voix de la danoise, sa voix s'était éclaircit pour laisser transparaitre toute sa tristesse et son désespoir de voir ses rêves de famille partir en fumée, si bien que s'était tout son monde qui s'écroulait autour d'elle au point qu'elle allait fondre en larmes sans que Zilo ne daigne lui accorder quelconque importance, pas un mot, pas un regard, pas un sourire, rien. Rien sauf le roc composant le mur solide et infranchissable qu'il venait d'ériger pour se protéger.
Alors elle avait fuit pour ne pas s'effondrer devant lui, de manière radicale et plutôt efficace le message était passé, il n'était pas un esprit qu'on pouvait manipulé par de vils stratagèmes et à jouer à ces petits jeux mesquins là elle n'avait toujours pas compris qu'il était passé maitre il y a bien longtemps.

Le terrain bien préparé, il ne lui restait plus qu'à trancher dans le vif, maintenant, place à la baston !

Cela commença tout d'abord par une petite poursuite dans les tavernes limougeaudes, histoire de bien s'échauffer avant le début des hostilités, rapidement il gagna le premier endroit où la brune avait trouvé refuge, auprès d'un de ses potes barbu. A peine avait-il franchit le pas de la porte qu'elle avait décampé sans même dire un mot, prenant la porte de derrière pour ne pas croiser son chemin. Voyant que l'homme présent semblait le dévisager il le toisa d'un signe de tête pour savoir ce qu'il avait, prêt à en découdre au besoin.


- Un soucis ?
- Vous semblez l'être en effet.
- Chaque problème à sa solution.


C'est sur ces brefs échanges qu'il tourna les talons pour reprendre sa chasse à la danoise après avoir saluer l'homme de la même façon que quand il était arrivé. Cette fois ci elle avait trouvé refuge chez la fauvette, pensant certainement qu'elle y serait plus à l'abri car elle était son amie, c'était sans compter que cette fois le normand était bien déterminé à obtenir gain de cause et que n'ayant plus rien à perdre il irait jusqu'au bout pour avoir ce qu'il voulait. A son tour il fit son entrée, stagnant un court instant sur le pas de la porte pour poser l'ambiance et faire monter la pression d'un cran avant de finalement se résoudre à entrer dans la salle commune en claquant la porte derrière sans dire quoi que se soit. Sans même demander l'avis des présents, encore moins de la propriétaire, il alla attraper une table pour la tirer jusqu'à la porte, supprimant ainsi une issue pour ne pas avoir à courir encore pendant des heures à travers toute la ville. Une fois fait il pouvait avancer d'un pas assuré jusqu'au comptoir pour réclamer son enfant afin qu'elle ne soit plus sujette à de combats incessants pour savoir lequel de ses deux parents l'aurait, imposant de par sa large silhouette à peser plus lourd dans la balance qu'une frêle fauvette et une père terrifiée à l'idée de se retrouver plus seule que jamais.

Donne moi Tartine.

Évidemment ç’aurait été trop facile si elle avait dit oui du premier coup, il ne fallait pas trop rêver sa réponse fût forcément négative alors qu'elle se pensait en sécurité derrière Fanette qui elle même était plaquée son comptoir et avait déjà commencer à sortir son arsenal planquer sous les planches. Malgré cela il restait en place sans sourciller, réitérant encore et encore sa demande de façons différentes pour qu'elle lui laisse sa fille après qui il courait depuis maintenant huit mois, détournant de temps à autre la pointe de l'arbalète de laquelle il était la cible du bout du doigt pour ne pas se faire empaler par un mauvais geste de la tavernière qui n'était pas réputée pour être des plus adroite. Il poussa le carreau une fois, deux fois, trois f... Ah non ... Trop tard. Le coup était parti. Il n'avait pas eu le temps de voir le coup partir que le carreau c'était déjà planté dans son épaule sans même qu'il ne puisse imaginer l'esquiver. Ses yeux s'étaient écarquillés sur le coup, elle l'avait fait, elle avait osé appuyer sur la gâchette, par peur ou par volonté il ne savait pas et pourtant ... La colère irrigua ses veines en une fraction de secondes et l'impulsa à faire quelques pas pour gagner l'arrière du comptoir afin d'arracher l'enfant des bras de sa mère mais c'était sans compter le choc qu'il venait d'avoir qui le refroidit la seconde d'après, lui faisant rapidement tourné la tête avant qu'il ne s'effondre au sol malgré l'appui qu'il avait essayé de prendre sur le bord du comptoir puis d'un tabouret.

Une fois de plus il gisait là, au sol, inconscient, toujours dans cette taverne maudite où s'était déroulé tant de choses, où à chaque fois ça se terminait mal, pour lui forcément ... La suite des évènements lui étaient assez troubles, assez normal étant donné qu'il était complètement hors service. Il s'était sentit soulever pour atterrir dans un fauteuil bien confortable avant de sentir un courant d'air tout le long de son torse et alléger d'un poids, après quoi on l'avait tripoté sans qu'il soit vraiment consentant jusqu'à ce que ...


AAAAAhhhhhhhhhhhhhhhh !

Cette fois il était bien réveillé, à vrai dire comment ne pas l'être quand d'autres se ramènent avec un tisonnier ardent pour vous cramez l'épaule afin de cautériser une plaie, c'était plutôt difficile de rester dans les vapeurs, alors comme il était bien de retour parmi les vivants, il hurlait à la mort parce que là il y avait quand même de quoi, d'ailleurs même la mort devait être plus douce que ça. Le pire était surtout que comme ils n'étaient pas sûr d'avoir réussit leur coup, ils revinrent en mettre un petit coup histoire de bien le faire morfler une fois encore, profitant de sa faiblesse pour venir le faire douiller et espérant ainsi le dissuader de recommencer.

Une fois rafistolé tant bien que mal, pas décidé à partir perdant, il relança les hostilités malgré son état, histoire de bien remuer le couteau dans la plaie, pas la sienne hein, mais celle de la danoise qui se croyait naïvement saine et sauve après l'incident, puisqu'il ne gagnerait rien par la force des coups il l'aurait autrement, quitte à partir les mains vides, il viderait aussi son sac en la piquant en plein cœur avant de finalement quitter les lieux pour ne pas finir d'une façon qu'il ne pourrait imaginer à cause de l'une des nombreuses armes que le comptoir de la fauvette cachait ...
Zilo
[Deux jours plus tard, soit le onze août ...]


Il avait ressassé le problème encore et encore, en long, en large et en travers, se remémorant la scène qui avait eu lieu ici, dans la taverne de Fanette, pour finalement en conclure qu'il y avait peut être été un peu trop fort pour le coup, juste un peu. Comme d'habitude, à chaque fois que ça tourne mal, c'est lui qui trinque, il perd un bout, autant un bout de sa fierté masculine qu'un bout de son corps, cette fois n'avait pas dérogé à la règle, le carreau était parti avant même qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte pour venir s'enfoncer dans la chair de son épaule, quelques centimètres de plus sur le coté et il y restait. Heureusement qu'il n'écoutait pas les avis de chacun qui lui disait qu'il avait des goûts vestimentaires de chiotte car sans sa cotte de maille le carreau ne se serait surement pas enfoncé si peu profondément et aurait sans aucun doute perforé son corps avec plus de violence, déchirant muscles et os sur son passage, et là, là il n'aurait pas suffit d'un tisonnier pour cautériser la plaie.

Et qui est ce qui allait s'en prendre plein la gueule après avoir essayer encore une fois de l'assassiné ? C'est Fanette ! Malgré le fait qu'elle n'avait rien demandé à personne et qu'elle ne faisait que protéger son amie en plus d'assurer la sécurité dans son établissement. Sauf que ... Pas cette fois. Il ne venait pas pour se venger une énième fois. Non. Il avait bien sentit que cette fois c'était différent, cela n'avait la même incidence que toutes les disputes qu'il y avait eu auparavant, l'atmosphère était plus tendue, toutes les personnes présentes l'avaient sentit, tout le monde avait entendu le côté plus définitif que cette histoire prenait, et ça, ça il ne pouvait l'envisager, ni même l'imaginer parce qu'il est des choses que l'on n'explique pas car on ne les comprend pas soi même.

Alors une fois encore il était venu s'installer au comptoir, malgré la fauvette craintive qui devait déjà avoir le doigt sur la gâchette de son arbalète, prête à dégainer plus vite que son ombre, sauf que cette fois elle n'en aurait pas besoin, il s'était assis avant même qu'elle ne lui demande, comme quoi il y a des fois il comprenait les choses rapidement sans même qu'on ait besoin de les lui expliquer une fois de plus.


- Je suis désolé Fanette, pour tout, depuis le début.
- Tout ? Depuis toujours, enfin, depuis que nous nous connaissons ?
- Depuis le début oui.


Il n'en était pas revenu lui même de dire ça et pourtant ... il l'avait fait, sans arrière pensée, sans l'idée de l'attirer plus facilement dans un piège, sans quoi que se soit d'autre que de la franchise. Le comble pour un criminel. Ses azurs s'étaient figés sur la fauvette comme pour lui faire comprendre qu'elle était son dernier espoir, malgré tout leurs différents, malgré toutes les raisons qu'ils avaient de s'étriper l'un et l'autre, il savait que s'il y avait bien un sujet sur lequel ils pouvaient s'entendre c'était bel et bien celui-là. Alors il n'avait pas hésité. Il avait vidé son sac en oubliant toutes les rancunes qu'il pouvait avoir envers elle parce qu'au fond il savait bien qu'il était à l'origine de toutes ses chamailleries infantiles entre eux, c'était lui qui avait jeté la première pierre et ils ne faisaient que se la renvoyer à tour de rôle. Cette fois devant la tournure des évènements il n'avait eu d'autre choix que de reconnaitre ses tords pour s'en faire une précieuse alliée qui lui prodiguerait de bons conseils car qui mieux qu'elle pouvait le faire ? Personne. Elle était l'une des rares personnes à le connaitre depuis longtemps, à savoir ce dont il était capable, ce qu'il aimait et l'inverse.

Zilo avait tout remis sur le tapis, les lettres piquantes, les saucisonnages, le kidnapping, les bastons, tout y était passé pour rappeler tout ces longs mois d'aventures et surtout de mésaventures qu'ils avaient vécu au travers de nombreuses péripéties pour en venir au but ultime : ils sont frère et sœur. Bon certes Fanette n'était pas trop d'accord sur ce point, prétextant tout un tas d'arguments plus ou moins viables que ce n'était pas vrai, que ça ne pouvait l'être, surtout pour se rassurer elle même alors que ça pourrait être un fait avéré qu'il ne peut hélas lui prouver pour le moment mais il creusera pour lui faire accepter l'évidence.

En réalité il avait tourné la chose de bien des manières différentes pour aborder le sujet, s'essayant d'être tout aussi dramatique que drôle, il savait pertinemment qu'elle était la plaque tournante entre lui et la danoise, et ce malgré le fait qu'elle ait été le dommage collatéral à de nombreuses reprises. Elle avait le pouvoir de faire pencher la balance, étonnamment et comme à chaque fois c'était en sa faveur qu'elle la faisait pencher, lui donnant plus de raisons que de tords, l'encourageant même à continuer son combat, allant même à certains moments jusqu'à le secouer, pas au sens propre hein parce que vu la différence de gabarit c'est plus la fauvette qui l'aurait été plutôt que le normand, et tout ça ne le laissait pas indifférent. C'est si beau la fraternité inacceptée.

C'est pour cette raison qu'aujourd'hui il avait décidé de cesser toutes ces gamineries pour lui demander pardon, lui demandant d'effacer l'ardoise pour repartir sur de bonnes bases et en guise de bonne volonté il lui proposa de l'escorter pour retrouver le ravisseur de son nabot.
Fanette_
Potin, subst. Masc. : Bavardages, commérages généralement médisants; chronique
mondaine plus ou moins scandaleuse. Synon. cancan (fam.), on-dit, racontar (fam.), ragot (fam.).



Le 18 septembre 1466, salle commune

Le soleil de l'après-midi filtrait à travers les carreaux teintés de jaune, dispensant une lumière un peu feutrée dans laquelle dansait la poussière. A cette heure de la journée, personne ne venait en rompre le calme et seuls, les babillages de la petite Astrée, les deux mains accrochées aux babines de Huan, résonnaient dans la salle commune encore vide.
A l'étage, les lits étaient refaits de draps propres, et quelques gouttes d'huile de lavande en tenaient éloignées les puces et autres vermines. Les chambres dépoussiérées et aérées pourraient de nouveau accueillir des pensionnaires, au moins jusqu'à son prochain départ, d'ici trois ou quatre jours. Pour l'heure, Fanette surveillait d'un œil l'enfançonne, nettoyant la vaisselle, qu'elle essuyait ensuite avant de la replacer sur le dressoir de chêne, qui occupait tout le mur derrière l'étal de bois.

Et le tourbillon Danois, volubile et joyeux s'était engouffré dans la pièce, arrachant un rire à la petite Astrée.

- T'es assise Fanette ? J'ai un truc à te dire !

L’œil pétillant de malice s'était glissé sur la fauvette, renouant avec ces heures heureuses, quand les deux presque sœurs ne s'épargnaient aucune confidence, quand la légèreté et l'insouciance tissaient leur quotidien.

- Le Breton m'a dit hier qu'il partait parce que Lucie a décidé de pas rester à cause d'un truc qui s'est passé ici.


Bon, après tout, il ne lui avait peut-être pas demandé le secret, et quoi qu'il en soit, elles en avaient bien assez partagé pour savoir que ceux de l'une étaient bien gardés par l'autre.

- Un truc avec Zolen ?
- Oui et non. Sa femme est vivante tu sais. Elle est revenue alors que tous la croyaient morte.
- Je sais. Zolen me l'a dit.


Fanette venait d'esquisser un sourire un peu lointain, à l'écho qui avait teinté d'espoir ses douleurs du moment. Elle avait apprécié le sourire ravi du comte d'Aixe, sans doute même, avait-elle envié son bonheur. Elle n'avait pas pris garde au regard incrédule que Svan posait sur elle, mais le ton de sa voix la sortit de ses pensées.

- Et toi, tu savais, et tu me disais rien ? Il ne lui en veut pas ?
- Non, il dit qu'il est un vrai connard, alors elle a sans doute plus de raisons de lui pardonner des choses que lui. Et puis, il l'aime Svan.
- Oui enfin, il a quand même engrossé une donzelle.
- Je sais ça aussi.


De nouveau, les sourcils de la Danoise s'étaient haussés de surprise. Pour un peu, elle aurait roulé des yeux comme Léorique, si elle ne craignait pas autant d'être comparée à lui.

- Mais comment ? s'était-elle exclamée d'un air outré. Ça aussi tu le sais et tu ne me dis rien ? C'est Ganwyn qui doit me raconter les potins à présent, tu veux que je le prenne pour meilleure amie ?

Fanette esquissa un sourire. Elle aurait pu confier cela à la brune bien sûr. Elle savait bien qu'elle n'aurait rien dit à personne si elle le lui avait demandé. Mais, sans doute par égard pour Eldearde, elle s'était tue.

- Et tu sais qui c'est cette fille ? Questionnait Svan.
- Je crois oui, même si Zolen ne me l'a pas dit.

La fauvette n'avait guère envie de prononcer son nom, alors elle enchaîna par une question.

- Ganwyn ne t'a rien dit, il ne sait pas ?


L'air évasif, la Danoise répondait.

- Bah, il dit qu'il ne sait pas, mais si c'est la même que celle avec qui tout le monde le voyait...
- Et avec qui tout le monde le voyait ?


L'Angevine posait la question avec beaucoup de candeur, parce qu'elle ignorait à peu près tout de ce qui se passait en dehors de son auberge. Elle ne laissait pas traîner ses oreilles sur les marchés, ni ses yeux derrière les carreaux des maisons quand elle en longeait les façades.

- Lucie, pas la marquise de Nemours, l'autre.

C'était bien à elle que Fanette songeait. Quand Zolen lui avait avoué avoir engrossé une femme, elle s'était souvenue du différent qui l'avait opposé à Amarante au sujet de sa cousine. Elle ne répondit pas, mais se contenta d'acquiescer d'un signe de tête, avant de porter à ses lèvres l'infusion de mélisse.
Et la brune enchaînait déjà sur un autre potin, bien consciente par celui-ci, d'égayer un peu le cœur de la fauvette. Et pour cause, elle révélait les travers de son époux, avec emphase, en rajoutant un maximum, comme si c'était la pire des déveines. Blondine n'était pas dupe, elle savait bien au contraire que c'est précisément cela qui mettait en guimauve le cœur et les jambes de la fière Viking aussitôt que son regard couvait son Normand, mais peu importait. Elle était parvenue, le temps de ces quelques révélations, théâtrales au possible, à se moquer elle aussi de celui qui, pas plus tard que la veille, l'avait encore fait pleurer.

Svan était revenue, et si Fanette, jamais n'aurait osé lui demander de mettre un frein à ses voyages pour venir la retrouver, elle en était heureuse.
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Victoire.
Toujours mon cœur sait où tu vas
Mon ami, mon cœur bat pour toi
Oui, je sais tout de toi
Tout de toi
Mon ami, viens, je sais tout de toi

Karma Girl, Indochine


Elles avaient aussi débattu de savoir pourquoi la marquise prenait mal la réapparition miraculeuse de la meilleure amie. Fanette trouvait ça ridicule car elle estime qu'elle devrait être heureuse de la revoir en vie et comprendre que parfois, on peut juste avoir besoin de disparaitre. Après tout, elle l'avait accepté elle de la part de Svan. La danoise était moins catégorique mais rapidement vu qu'elle s'en foutait pas mal de cette histoire en fait, elle en était repartie à se moquer gentiment de son époux faible à ses caresses au point d'en oublier les choses dont ils parlaient. Il cumulait avec une sensibilité exacerbée par une danoise folle d'amour pour lui, la preuve en était qu'elle avait reçu encore ce matin un poème après une nuit parfaite et une matinée des plus agréables.

Nous tenons à leur souhaiter bonne continuation ! Un mois sans dispute, ça se fête !

Mais la lune de miel n'aura pas duré bien longtemps. Non pas entre la danoise princesse Praline et son époux Guimauve Ier. Pour eux, tout baigne, on vient de le dire, ça en devient même indécent de niaiserie, de roucoulades et de baisers à pleine bouche sans pudeur. Non vraiment, autant elle a toujours été très discrète et personne n'avait pu la voir embrasser même chastement quelqu'un, autant avec Zilo, ils avaient toujours étalé leur amour sans retenue aucune aux yeux du monde. Pire qu'avant même ! Opa en avait été choquée de les voir si amoureux et heureux. Et quand il ne la tient pas tout contre lui à lui sourire niaisement, c'est parce qu'il engueulait Fanette d'être une amie toute pourrie. Pourtant, c'était bien la seule amie que Svan avait. La seule à qui elle se confiait sans détour, sans sous-entendu. C'est elle qui les avait réunis, c'est grâce à elle que Svan un soir avait écrit à Zilo pour savoir. Savoir s'il l'aimait encore comme il l'avait confié à Fanette. Cette lettre avait tout changé même si l'angevine pensait qu'elle n'aurait jamais dû y aller bille en tête. Et pourtant, Svan avait foncé ... Et elle ne remercierait jamais assez son amie d'avoir rendu le plus beau de ses rêves possible.

Pourtant, Svan se l'était jouée fauvette boudeuse et imitant Fanette, s'était rencognée dans son siège pour laisser parler Zilo ... enfin là, c'est son agacement qui parlait. Pour son épouse. Mais aussi pour lui car les sentiments comme les ressentiments envers Fanette étaient partagés par les deux. Ils avaient les mêmes idées, les mêmes peurs, les mêmes craintes pour leur amie. Ils étaient revenus ici rien que pour elle, bon aussi parce que la ville est vivante. Ils étaient tout de même là pour elle, pour l'aider à aller à la Cour pour trouver des informations sur la personne qui avait adopté le fils de Fanette, filleul de Svan et fiancé de Tartine. Tartine, on se rappelle c'est la fille de Zilo et Svan, faut suivre ! Donc trois excellentes raisons pour la famille de descendants de vikings de revenir et de tout faire pour retrouver cet enfant. Trois mois, c'était long. C'était deux mois et demi de trop déjà. On se bouge, on se sort les doigts et on emmanche ! Sauf que l'époux a un coaching personnalisé pour l'angevine tout à fait particulier à base d'insultes et de rabaissements pour la pousser dans ses retranchements et faire sortir sa rage. Ainsi, elle allait se dépasser, tout péter, ne plus se laisser faire, ne plus se laisser marcher sur les pieds, faire ressortir sa fierté et en faire une Hulk version fauvette. Sauf que Fanette est une putain de têtue et ne veut rien savoir. Elle ne voit là que manière de la faire chier encore et encore, de venir l'emmerder chez elle. Elle fait clairement comprendre à Svan que c'est gentil d'être venue mais elle n'a pas besoin d'eux et eux d'elle. Bah oui, la Fanette pense pouvoir aller à la Cour avec une Amarante fidèle mais pas des plus téméraires et un tonton qui va aller voir dans la première taverne un peu tendancieuse, s'il n'y avait pas moyen de s'amuser.

Zilo s'était emporté, ne supportant pas de voir sa femme se faire rabrouer par celle qu'elle considérait comme une sœur et qui pourtant, s'entêtait à la repousser juste pour des incompatibilités d'humeur avec le mari. Ne pouvait-elle pas faire l'effort de le supporter quelques jours, par amitié pour elle, le temps au moins qu'ils retrouvent Milo ? Elle le connaissait pourtant depuis le temps. Il pouvait devenir le pire connard du monde mais jamais, il ne l'aurait pas lâchée, il était un ami un vrai. Sa femme aussi. Et Fanette ne faisait que les repousser.

Une fois Fanette partie, ils se regardèrent sans comprendre ce qu'elle cherchait en fait. Son attitude avec Seay qu'ils trouvaient ambiguë encore ce soir. Ton mari te pense infidèle, tu ne revois pas cet homme, tu ne lui écris pas, tu ne rentres pas dans son jeu quand il te demande un massage. Quand il avait parlé des mains habiles de Fanette, le trouble de la fauvette palpable les avait intrigués. Alors ils n'avaient pas seulement échangé quelques chastes baisers ? Elle n'avait jamais voulu dire à Svan jusqu'où ça avait été avec lui. Seulement qu'elle n'était pas passé à l'acte. Et cette façon de vouloir les pousser hors de sa vie, refusant leur aide. Ils abandonnaient. Zilo conseilla même à Svan de ne plus venir la voir, d'attendre voir si elle lui écrivait. Si elle lui écrit alors ils aviseront. Sinon, elle s'en fout définitivement. Et là, il ne voudrait plus entendre parler d'elle. Svan moins catégorique ne voulait pas perdre sa seule amie parce que celle-ci n'écrirait pas et encore moins pour leur demander de venir avec elle à Paris. Elle était juste triste de ne pas pouvoir les faire s'entendre et n'avait pas envie de choisir entre eux. Au cas où, Fanette les chasse pour de bon de sa vie, ils lui laissèrent tout de même un petit cadeau.

C'était une petite lubie commencée lors de leur voyage juste après leur remariage. Dans chaque taverne traversée, ils gravaient dans le bois leurs initiales, en petit dans un coin, pas forcément à la vue de tous. Juste une petite trace de leur passage et de leur amour. La danoise avait demandé à Fanette si elle pouvait le faire chez elle. Non. Bon ... Bah tant pis, elle le ferait quand même mais alors pas du tout discrètement cette fois-ci ! La dague dans une main, elle se mit à tracer un joli Zilofus tout en boucle puis un cœur et un Svanja tout aussi rond. L'époux chercha l'arbalète pour se la jouer Cupidon et tirer une flèche en plein dans le cœur tracé. Sauf que Svan avait caressé la nuque de son mari ce qui le surprit et le carreau ne se ficha pas vraiment au milieu mais resta planté dans le bois après avoir vibré longuement.


Tu m'as tiré en plein cœur, y a un an et demi, on ne peut pas toucher à chaque fois !

Et s'ensuivit une discussion faite de miel et de rires, de baisers incandescents et de promesses d'amour. Mais par respect pour Fanette, ils ne feront rien dans la pièce commune. Par contre, il n'était pas certain que la milice ne les attrape par pour exhibitionnisme dans les ruelles sombres de Limoges et qu'ils ne finiraient pas leur nuit en cellule à se tripoter sans honte.
Fanette_
Le 19 septembre 1466,
salle commune



- Quand vas-tu comprendre qu'il t'aime et se fait du souci pour toi ?

C'était donc ça, il l'aimait. Il l'aimait pour lui dire que son mariage était factice, qu'il n'y avait jamais rien eu entre elle et son époux, qu'elle était juste devenue l'esclave de sa volonté et qu'elle n'était qu'un gros déchet ? C'était donc parce qu'il l'aimait qu'il avait obtenu de Svan le droit de la frapper tous les quatre jours ? C'était sans doute parce qu'il l'aimait qu'il l'avait entraînée sur une centaine de lieues quelques mois plus tôt, sans se préoccuper des souffrances de son ventre ou de la plaie qui avait macéré cinq jours durant sous des étoffes crasseuses.

- C'est pour te pousser, te donner la hargne et le courage nécessaire pour retrouver ton fils.


Foutaises ! Le courage, elle l'avait. Elle n'avait pas besoin qu'on la frappe et qu'on l'insulte davantage. Elle croyait obtenir un peu de répit ces quelques jours chez elle où elle préparait la suite de son voyage, mais c'était tout l'inverse. Vivia avait laissé des ecchymoses à son cou, et elle lui aurait bien tailladé le visage si Seay n'était pas entré au moment où celle qu'on appelait le barbier fou, tenant Fanette sous sa coupe, sortait son rasoir. Alors juste un peu de réconfort de la part de ceux qui prétendait l'aimer, c'était trop demander ? Qu'on ne la juge pas, qu'on ne la frappe pas, qu'on la fasse sourire, qu'on parle de choses légères, tout ce que Svan s'appliquait à faire quand elles étaient seules toutes les deux. Voilà ce qui lui faisait un bien fou. S'ils la connaissaient vraiment, l'un et l'autre le sauraient bien. Elle s'était entêtée à veiller Roman, malgré le mépris des mâles Corleone. Elle leur avait tenu tête, autant qu'elle pouvait, refusant de céder à leurs menaces et à leurs injures. Et finalement, ce n'est que la compassion et la gentillesse de sa belle-mère qui l'avait décidé à partir.

La colère n'était malgré tout jamais bien loin, et ce matin encore moins, tant la fatigue des soucis, cumulée à celle d'un début de grossesse, si elle n'entamait pas sa détermination, usait sa patience. Mais il fallait s'occuper, en attendant le départ. Alors, porte et fenêtres étaient grandes ouvertes sur la rue, pour évacuer le fumet des chandelles qui avaient brûlé jusque tard dans la nuit. Huan s'était allongé sur le seuil, ses grands yeux de velours rivés aux déplacements de l'Angevine, et les oreilles guettant les bruits intéressants du dehors. Elle s'était approchée de la table où les amoureux avaient passé les dernières heures du soir précédent. Sourcils froncés sur le désastre, ses doigts s'enroulèrent autour du carreau solidement fiché dans l'angle du plateau artistiquement gravé. Elle tira de toutes ses forces, s'aidant d'une chausse calée sur le pied du meuble pour l'empêcher de bouger. Sans doute même, l'effort colorait de rouge ses joues bien pâles, mais ses doigts glissaient sur le fût sans parvenir le déloger. Elle renouvela l'opération en s'aidant d'un torchon, mais, dans un ultime effort, parvint juste à briser le trait à un pouce au-dessus du fer, toujours solidement ancré dans les fibres du bois.

Un spasme contracta violemment son estomac et le goût acide de la bile lui montait à la gorge. Planquant le linge sur sa bouche, elle se précipita dehors, bousculant le dogue au passage. Depuis quelques jours, son ventre prenait un malin plaisir à se déverser par ses lèvres, sans se soucier que ce fut le matin ou l'après-midi, ni même qu'il soit plein ou vide. Il lui semblait qu'à chaque fois, il diluait la couleur de ses joues, la laissant toujours un peu plus pâle. Elle s'adossa un instant à la façade, caressant le crâne du gros chien venu à la rescousse, en attendant que ses jambes se fassent de nouveau plus solides. Puis, elle regagna la salle commune. Dans un soupir, elle se décida à remiser la table à l'office, en attendant d'avoir les moyens d'en faire changer le plateau chez le menuisier du coin. A croire qu'elle avait besoin de ces dépenses supplémentaires, elle qui ne savait même pas si elle pourrait faire face seule aux frais de fonctionnement de l'auberge.

Tierce venait de sonner au clocher de Saint-Etienne, et rien n'était encore près. Elle se retira à l'office pour trier les quelques légumes qui serviraient à confectionner la soupe. Tant qu'elle était ici, elle s'efforçait d'avoir toujours de quoi restaurer et servir à boire à sa clientèle. Les fûts de vin de Toscane étaient cependant presque tous consommés, et elle devrait se débrouiller pour acheter sur le marché, ou à un viticulteur du coin la même piquette que servaient la majorité des autres tavernes. Il lui restait encore suffisamment de bière, par chance. Et puis, d'ici trois ou quatre jours, elle ne serait plus là. Alors, à quoi bon tout ça ? Peut-être voulait-elle se raccrocher simplement à un semblant de normalité rassurante. Peut-être que cette auberge était le dernier élément stable dans les sables mouvant où s'enlisait sa vie. Elle préservait intact, dans chaque recoin de la bâtisse, les souvenirs qu'elle avait de son fils et de son diable. Les rais d'un soleil diffus, se déversant par les carreaux teintés, et qui semblaient fasciner le petit Milo. Ce fauteuil, où elle s'était installée la première fois qu'elle l'avait bercé. Cette petite table, près du comptoir où elle posait son panier pour le regarder dormir. Cette autre, non loin du feu, où Roman s'installait avec elle le temps d'un repas, de projets et de rêves. Un interstice un peu plus large entre deux lames du bois de l'étal, où elle avait enfoncé ses ongles quand son Italien l'affriandait d'une langue audacieuse. Qui pouvait savoir à quel point l'un et l'autre lui manquait à présent ? Combien donnerait-elle pour revenir aux jours heureux, quand elle pouvait encore chérir un époux et un fils ? Parce que, quoi qu'en pensent le Normand et la Danoise, Roman l'avait rendu heureuse avant l'enlèvement de son fils.
_________________
--Fanette..
Le 21 septembre 1466,
à l'heure des complies


Le temps filait à toute allure, comme si cette dernière après-midi ne comptait pas assez d'heures pour tout ce qu'elle voulait faire.

- On fera une petite fête pour les neuf mois de Tartine ?
Avait proposé Svan la veille.

Neuf mois déjà que la petite avait vu le jour, à quelques encablures de l'océan qu'aimait tant sa Danoise de mère. Pour le plaisir des deux, l'Angevine s'était attelée, une bonne partie de l'après-midi à confectionner des gastalets aux amandes. Mère et fille les appréciaient, et, accompagnés d'un peu de lait additionné de miel et de fleur d'oranger, elles pourraient s'émerveiller des progrès et de la malice de l'enfançonne.
Elle avait ensuite achevé de préparer ses affaires, puis, était allée chercher Siena dans le pâturage derrière l'auberge pour l'attacher dans la grange attenante. Pendant un long moment, elle l'avait étrillée et brossée, démêlé ses longs crins noirs, puis avait déposé devant elle un quartier de foin et quelques pommes coupées en quatre. Il ne resterait plus qu'à la seller au soir venu.

La fauvette avait ensuite rejoint la salle commune. Il y avait tant à y faire, pour tout remettre en ordre avant le départ du soir, ordonner les stocks, aller chercher quelques vivres pour qu'il n'en manque pas quand Mahaud, la gamine du fourbisseur, viendrait préparer la soupe pour les convives, et servirait du même coup quelques cervoises aux voyageurs de passage. Le temps de son absence, elle avait fermé les chambres à l'étage. Déjà bien beau qu'elle puisse trouver une bonne âme qui ferait tourner la taverne, au moins les soirées, et se rétribuerait sur la recette perçue. Le vin de Toscane manquerait bientôt, mais elle avait pu trouver quelques barriques d'une piquette locale, qu'elle servirait coupée d'eau, de miel et d'épices pour en atténuer l'aigreur. Le stock de bière serait suffisant le temps de son absence. Affairée à tout cela, le soir était venu avant qu'elle ne s'en rende compte. Et quand Svan poussait enfin la porte, Astrée dans les bras, Fanette venait tout juste de se poser sur un fauteuil, cédant à un coup de fatigue aussi soudain qu'intense, qui lui faisait même oublier les nausées qui la tenaient depuis le matin.

Elle s'efforça d'un sourire à la Danoise, et embrassa l'enfant, avant de glisser vers elles le panier de gastalets. Mais, à peine arrivée, voilà qu'elle filait en lui laissant sa fille. Fanette avait bien remarqué que quelque chose clochait. Svan s'en était défendue, assurant qu'elle allait on ne peut mieux, mais la fauvette la connaissait suffisamment pour déceler un changement d'attitude, même minime. Elle l'avait regardé disparaître en soupirant, puis, avait tourné un sourire vers la fillette, pas perturbée pour deux sous.

D'ordinaire, elle se réjouissait toujours de ces petits moments qu'elle partageait avec Astrée. Quand la salle commune était vide, elle s'installait au sol avec elle, sur une couverture, et s'amusait de voir aussitôt le grand chien rappliquer auprès de la petite. Elle lui contait des histoires, en les mimant avec ses mains, ou fredonnait les berceuses qu'elle chantait à Milo. Ce soir n'avait pas dérogé mais elle était épuisée, et s'inquiétait du voyage qu'elle allait entreprendre. Elle qui trouvait si difficilement le sommeil, se serait volontiers laisser aller à fermer les yeux et s'allonger si la petite ne réclamait pas son attention.

Amarante était passée en coup de vent, avant de rejoindre sa cousine avec qui elle espérait sans doute encore quelques instants avant le départ. Puis Ivan s'était installé, pour prendre un peu de courage avant de se mettre en route seul, et rejoindre sa sœur à Bourganeuf. Elle avait apprécié la jeune femme, le temps de sa courte étape dans son auberge, et son frère se montrait tout autant avenant. Ils avaient partagé leurs sentiments au sujet de la jeune femme et de ses déboires maritaux, et s'inquiétaient tout autant de la suite que donnerait cet époux qui semblait bien peu enclin à se précipiter au chevet de sa femme, alors même qu'elle s'apprêtait à mettre au monde leur premier enfant. Peut-être que cette histoire faisait écho aux tourments de Fanette, même s'ils étaient au fond bien différents.

Quand le Lorrain sortait, Fanette avait ramassé et lavé les deux gobelets d'argile, puis, à contre cœur, elle avait ramené Astrée à sa mère, s'appliquant à ignorer la remarque désobligeante de son Normand de conjoint. Elle avait rapidement rejoint il lupo e l'uccellino pour y prendre repos avant de partir. Heureusement qu'à vol d'oiseau, la cathédrale Saint-Etienne était toute proche, car sans le tintement des cloches qui annonçaient les complies, la fauvette aurait sans doute sombré jusqu'au matin.

Alors, rapidement, elle avait échangé sa jupe contre sa tenue de voyage, plus commode pour monter à cheval et, saisissant tout son fourbis, avait soigneusement refermé la porte de la chambre pour rejoindre la salle commune. Une dernière fois, elle avait promené son regard sur la pièce aux murs plutôt décrépis, mais qui avait abrité tant de rires, d'éclats de voix et de bonheur. Qui sait quand elle parviendrait à y ramener un jour son fils, qui sait même si elle y reviendrait elle-même, ou si sa vie ne s'achèverait pas, dans une ruelle sordide de la cour des Miracles.

Elle souffla les chandelles, et, le cœur serré, referma la porte de l'auberge, flanquée du grand dogue. Un peu plus tard, sous un ciel menaçant, jument en main, elle rejoignait Amarante à la Porte-Panet.
Fanette_
Le 10 octobre 1466

Le fumet âcre des chandelles de suif couvrait le parfum d'une soupe que l'on tenait au chaud au coin de la large cheminée de la salle commune. Tout l'automne semblait pourtant s’échapper de la marmite dans les notes rousses et sucrées d'un potiron, relevées de la douceur des premières châtaignes. La fille du fourbisseur avait tenu promesse et gardé un semblant de vie à l'auberge en l'absence de Fanette. La jeune femme, éprouvée par des épreuves qu'elle s'était infligée toute seule trouva malgré tout un peu de réconfort à cette idée.

Elle traversa la salle commune, puis la pièce attenante, servant tout à la fois de cuisine et d'office, pour gagner ses appartements. Le vaste salon qui faisait suite était percé de deux fenêtres, donnant sur une ruelle perpendiculaire à la rue de la Boulasse. Devant l'âtre aux cendres froides, deux fauteuils aux hauts accotoirs de bois plein, étaient garnis des coussins de velours qui avaient souvent accueilli ses repos, ou ceux de son diable. Entre les deux croisées, Roman avait installé son bureau, exploitant ainsi au maximum la lumière naturelle, pour les rares fois où il avait délaissé le cabinet médical de son père pour ses études. Prête à être utilisée, une pile de parchemins grossiers, jouxtait quelques vélins dont la finesse avait la préférence de l'Italien. Plumes et encriers, étaient soigneusement disposés sur un coin, à côté de quelques bougeoirs. Elle n'y prit pas garde de suite, mais les deux ouvrages reliés de cuir dans lesquels le Corleone se plongeait parfois au soir n'étaient plus là.

Elle poussa la porte de la grande chambre qui donnait sur le pâturage à l'arrière et laissa tomber le sac de toile à l'entrée, avant de déposer dans un grand coffre dévolu à cet effet, l'épée offerte par son oncle et la petite arbalète à pied de biche. Elle fronça les sourcils, plus aucune des armes de son époux ne s'y trouvait. Et pourtant, elle était bien certaine que, quelques semaines plus tôt, quand il était parti vers le Languedoc, il ne les avait pas toutes emportées. Elle vérifia dans la crédence qui courait sous la fenêtre, ainsi que dans le coffre au pied du lit, pour faire le même alarmant constat. Il ne restait plus rien de ses affaires. Roman était revenu vider la maison de ses effets personnels, actant ainsi ce qu'il lui avait froidement annoncé dans l'encre d'une lettre. Il la répudiait et officialiserait auprès de l'évêque l'annulation de leur mariage au motif de l'adultère.

Elle se laissa choir sur le fauteuil qui, dans l'alcôve, veillait le berceau désespérément vide. Une vague de larmes la submergea, secouant ses épaules, tiraillant son ventre à peine épaissi par les deux premiers mois de grossesse déjà passés, et qui pourtant n'échapperait pas à un œil averti, tant les tourments et les nausées lui avaient par ailleurs fait perdre du poids. Et le goût acide de la bile vint de nouveau emplir sa bouche. Et se releva et en quelques tristes enjambées, ouvrit la fenêtre et s'y accouda pensivement. Si Roman pouvait balayer si facilement l'amour qu'il avait eu pour elle, elle allait devoir apprendre à se débrouiller sans lui, et pas seulement sur le plan affectif.

Elle se reprit un peu, passa de l'eau fraîche sur son visage et s'installa au bureau avec son livre de comptes. L'auberge était grande, et les charges importantes. Les maigres recettes ne lui permettraient pas de s'acquitter des quatre taxes comtales qu'elle avait en retard et qui, avec les majorations s'élevaient déjà à une centaine d'écus. Sa priorité restait le réapprovisionnement, pour, à défaut de fidéliser quelques habitants, continuer au moins d'attirer les voyageurs de passage. Un autre problème ne manquerait pas de se présenter à elle. Plus sa grossesse avancerait, plus il lui serait difficile d'entretenir seule la grande bâtisse, surtout à l'hiver approchant, quand les corvées de bois se feraient plus nombreuses. Elle devait trouver de l'aide, réalisant que ce serait là une dépense supplémentaire qui serait sans doute bien difficile à assumer et qui pourtant s'avérait incontournable.

La peur la saisit. Jamais elle ne parviendrait à conserver son auberge, et pourtant il lui était inconcevable de la perdre. Milo y était né, elle était l'écrin des jours heureux, le dernier bastion d'un bonheur qu'elle ne pouvait plus chérir que dans ses souvenirs. Elle se força à enfouir au loin cette pensée quand elle rédigea une annonce d'embauche. Après tout, proposer le gîte et le couvert suffirait peut-être à une personne dans le besoin, une vagabonde telle qu'elle l'avait été, surtout si elle parvenait à y ajouter quelques pourboires de temps à autre.




URGENT : Recherche EMPLOYE(E) DE SALLE

Nourri et logé (matelas sans vermine).
Pécule en sus si la recette le permet.

Demandez Fanette.


Elle était en train d'accrocher le parchemin sur la porte quand elle reconnut la silhouette de Kieran qui descendait la rue depuis la place de la cathédrale. Amarante avait promis de lui envoyer le jeune homme dès leur retour. Il devait se charger de la corvée de bois. Elle lui esquissa un maigre sourire en lui faisait signe.
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