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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

Cronos.deblois
Le 14 Octobre 1466

La Montagne etait sur limoges pour quelque temps.
il pris le temps de passé voir quelque uns de s'est amis et il rester plus qu'aller voir ma chère Fanette.
toujours sur les routes, sur les rempare ou dans ça boulangerie la montagne ne sortez pas tros entre deux jours de repos.
Il franchie les portes de la taverne vêtue de son armure, il ota son casque et pris place a une des table avent de passer commande.

Tavernier a boire et a manger si vous plais.

toujours suivie de son corbeau qui ce posa sur son épaule, un ami qu'il ne ce sépare point.
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Orphey.d.ormerach
Orphey était arrivée depuis quelques jours à Limoges... Elle avait entendu parler de Fanette par plusieurs personnes , toujours en bien et finalement celle-ci eut envie de faire sa connaissance...

Ce matin, elle était seule dans sa taverne aussi Orphey en poussa-t-elle la porte...

Bonjour, Dame, je m'appelle Orphey...

Orphey vit Fanette se troubler, se mettre à bafouiller...

Orphée ? dit-elle

Oui c'est mon prénom...

Elle rougit puis alla chercher un paquet au fond de sa besace...

Regardez ! et elle montra un joli sac en cuir sur lequel était brodé "Orphée"



Orphey trouva le sac très joli et Fanette expliqua qu'il avait appartenu à sa mère qui portait ce prénom, elle aussi...puis les deux filles se mirent à parler de leurs parents respectifs et la glace était rompue... Elles bavardèrent ainsi très longtemps et Orphey promit de présenter son père à Fanette lors de son déménagement...

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Fanette_
Il n'avait fallu que quelques jours pour rendre un peu de lustre à l'auberge. Fanette s'en rassurait doucement, de nombreux clients poussaient la porte de la salle commune, des connus, des moins connus, des inconnus. Et ces deux derniers jours, trop occupée à laver la vaisselle, cuisiner, assurer le service, cirer les meubles et s'acquitter encore de bien d'autres corvées, elle n'avait plus vraiment eu le temps de songer à pleurer.

Cronos avait testé le premier le nouveau menu de la fauvette. Elle avait remplacé à la carte la soupe de pain par une polenta, qu'elle servait accompagnée de fromage frais. La préparation nécessitait un peu plus de temps, car il fallait la tourner sans discontinuer, tout au long de la cuisson, mais elle se conservait un peu plus longuement, et on pouvait en détailler le reste en tranche qu'on grillait sur le feu.
L'ancien prévôt avait visiblement apprécié, car l'écuelle était revenue propre comme un sou neuf.

Un peu plus tard, c'est une femme qu'elle n'avait jamais vu qui lui offrait une nouvelle fois, l'occasion d'échapper un peu à son quotidien tourmenté. Peut-être que Fanette avait besoin de ça, plus que tout, car un simple mot avait suffi pour pailleter d'or son regard. Le souffle rêveur, elle s'était souvenue de tout ce qu'on lui avait confié, depuis cette première fois, où son oncle lui avait révélé le nom de sa mère. Orphée. Comme cette jolie brune qui venait de se présenter.

Elle avait pris plaisir à discuter avec la jeune femme, à évoquer des souvenirs qui ne lui appartenaient que parce qu'on les lui avait contés. C'était sans doute terriblement nostalgique, mais, ça l'éloignait au moins de cet époux qui ne voulait plus l'aimer, ou de ce fils qui lui manquait si cruellement. Et finalement, le départ de la brune lui avait donné travail supplémentaire. Elle avait promis, une fournée de gastalets aux amandes qu'on dégusterait plus tard, autour d'un conte.

Comme avant ...
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Fanette_

Il se faisait tard et la brune avait hésité à sortir, mais en passant devant " Il Lupo ", elle avait regardé par la fenêtre et avait vu, une Fanette, toute seule ... Il n'en fallu pas moins pour aller lui tenir compagnie. Une conversation banale sur ce qu'il se trouvait au marché, commença alors, jusqu'à ce que, une question sur les philtres arrivât ... Elles ne restèrent pas seules très longtemps, le troisième larron de la bande venait d'entrer. Ainsi formé le groupe de Fanette, Nikita et elle-même ... Un homme arriva un peu plus tard, mais il resta assez loin des trois femmes ... Et pourtant, la soirée allait être gravée dans l'esprit de la brune, comme l'une des plus agréables qu'elle ait eu depuis fort longtemps ... Elles avaient ri toutes les trois, à en avoir mal au ventre et à en pleurer ...

On sait les fruits et légumes bons pour la santé... mais connait-on vraiment leurs bienfaits ? La Blondeur, en tout cas, n'envisageait pas la pomme comme un fruit sympathique et, même, ne lui soupçonnait pas tel pouvoir.
A cet instant, la question qui se pose c'est « mais qu'est-ce qu'elle nous emmerde avec sa pomme ?! »... patience, j'y viens !

Comme elle en a pris l'habitude depuis qu'elle séjourne à Limoges, la Slave passe la soirée chez Fanette, en compagnie de cette dernière et d'Amarante...

C'est Svan qui avait réappris le rire à Fanette, après la disparition de Milo et, c'est Seayrath qui lui a offert son dernier éclat de rire, aux premiers jours d'août. Mais dès le lendemain, confrontée à la colère de son Corleone, elle avait tout désappris. Jamais plus elle ne saurait rire, bringuebalée dans les tourments, pour n'être plus qu'un reflet pâle et terni de la jeune fille rieuse et insouciante qu'elle était jadis.
Et pourtant ce soir, dans la salle commune del lupo e l'uccellino, ça riait, ça gloussait, ça ricanait, ça se gaussait, et ça faisait un bien fou. Finalement, Fanette n'avait rien oublié. Il fallait juste la curiosité et les encouragements de Nikita et d'Amarante, arrosée copieusement de la piquette diluée d'eau et adoucie de miel et d'épices.

Ce n'était qu'une simple question de la Bretonne à l'Angevine.


    - A quoi servent donc les philtres que l'on trouve au marché ?
    - Aucune idée, mais si vous trouviez un philtre d'amour, j'suis preneuse.
 

C'est à ce moment-là que Nikita, un peu plus au fait, s'était mêlée à la conversation. Au programme, un débat sur l'utilité réelle des philtres d'amour, un argumentaire sur les éventuels effets secondaires, sans oublier le prix exorbitant d'une utilisation régulière, pour arriver à la conclusion que ces potions mystérieuses, définitivement, ne pouvaient promettre un amour durable et sincère. Forcément, la brune faisait une fixette sur son âge et sur le fait qu'elle n'était toujours pas mariée, alors un philtre ... Pourquoi pas après tout ? Le visage d'Amarante s'était allongé de déception, mais l'esprit de la fauvette déambulait dans quelque plaisant souvenir. Se pourrait-il que … Et tout à sa réflexion elle avait émis à voix haute la question qu'elle se posait tout bas.

    - … le cidre en soit un ?
 

Le cidre, les pommes, les tartes tatin, les compotes et autres jus … Et deux paires d'yeux interrogateurs, immédiatement, s'étaient glissées sur la fauvette. Pour sûr, l'hôtesse du soir opposant alors les qualités du cidre, ne manque pas d'interpeller ses comparses... et de fil en aiguille, elles passent du cidre à la pomme. Rien de surprenant jusqu'ici, sauf l'incompréhension notoire quant au lien entre ledit fruit et son impact sur les couples. La brune chuchota à la blonde :

    - Dites ? Vous comprenez de quoi elle parle ? Parce que moi non ...
    Et la blonde de réponde sur le même ton :
    - Pas le moins du monde. 


La Fauvette tente alors de leur expliquer le pourquoi du comment, tout en restant évasive mais non sans rougir... d'autant que l'arrivée du tullois Lio' n'arrange rien. La Slave n'est pas en reste pour entretenir la bonne mine aux joues d'une aubergiste palote depuis bien trop longtemps. Et d'une réflexion nature et spontanée, rajoute une couche.

    - Attendez un peu, on parle bien de pipe là ?
 

Sérieusement, que venaient faire les pommes là-dedans. En plus, la brune avait encore tout compris de travers et avait lâché un ...

    - Parce que vous buvez de la pisse ?
    - Mais c'est grave dégueux !
    - Bin oui bien pour ça que je dis ça ...


Bien sûr Blondie, l'avait regardée se demandant bien si la Bretonne était sur la même longueur d'onde ... Mais si, si, elle l'était et après avoir remis les mots dans le bon sens, elle eut son " illumination " du moment. Oui, oui, elle comprenait vite, mais fallait lui expliquer longtemps. Vous ne le saviez pas ?
Et Fanette aplatie un peu plus dans le dossier de sa chaise, acquiesçant timidement à la question de Niki sauf que, visiblement elle en avait trop dit, ou pas assez et, le rire d'Amarante lui redonnant courage, elle s'enlisa dans d'autres vaseuses explications. Après un certain temps et un temps certain, c'est effarées, que Brune et Blonde prennent la pleine mesure du bénéfice fruitier sur l'homme. Et Fanette de conclure :


    - Ben en attendant, c'est bien agréable
    - Ahum...
    - Mhm... à retenir ouais, c'peut être utile


La Platinette zieute le barbichu, qui semble perplexe et de ricaner bêtement, alors qu'Amy' se dit qu'elles parlaient bien de la même chose et d'en rajouter une couche.

    - Non mais sérieux quoi ? Vous trouvez vraiment que ça a le goût de pomme ?
    - C'est sûr qu'la pomme, c'est meilleur qu'le brocoli.


Et de rire, glousser ou pouffer, selon la donzelle... devant la trogne dubitative de l'italo-tullois qui, visiblement cherche encore le thème de la conservation.

    - Bah, non Amy', d'où l'intérêt d'lui en faire bouffer.
    - J'aurai du essayer d'lui faire boire de la fleur d'oranger.
    - Mais à qui ?
    - A l'homme c'te question ! Z'avez compris ou bien ?


La brune restait perplexe là. Avait-elle vraiment compris ? Là, tout d'un coup, elle avait un doute ... Un gros doute ... Était-elle la seule à avoir l'esprit tordu ? Et Fanette d'ajouter ...

    - Quoi que, l'inverse est aussi possible


Et l'italien, perplexe, avait ponctué la question d'un non franc, qui avait ramené sur lui le sourire moqueur de Niki.

    - M'obligez pas à vous faire un dessin, ce s'rait indécent.
    - Ouais, non mais là, j'ai bien compris, mais pourquoi en faire bouffer à un mec ?
    - Vous sucez les filles vous ?
    - Rhaaaa ! mais non mais doivent connaitre le goût qu'ils ont non ?
 

Un petit éclat de rire se faisait entendre de temps en temps, même si la Fanouille se faisait discrète derrière son comptoir ... Alors que Lio lâchait des " heuh! ", d'incompréhension, les deux autres protagonistes s'en donnaient à cœur-joie ...
Fanette écoutait, glissant parfois un regard honteux sur les uns ou les autres mais, à bien l'observer, on pouvait déceler la malice juste derrière la gêne, et un sourire amusé s'était vissé sur ses lèvres, quand elle ne laissait pas échapper un rire léger et cristallin, qu'elle réprimait aussitôt en s'abritant derrière ses mains.


    - Ah, j'ai jamais vu un homme capable de se tortiller autant
    - Vrai ! Marquez un point. Si un jour, je trouve un cobaye, je lui en fais avaler.
    - Mhm, suffit d'le traire hein.

    - Comme les vaches à la queue leu leu.
    - Vous voulez que je vous en trouve un ?
    - Non merci, ça va aller.


Et en plus de ça, personne n'avait honte ... Bon peut-être un peu la Fanette qui avait une couleur d'un rouge coquelicot bien mûr se tassant sur sa chaise, mais alors les deux autres, fallait pas y compter. La Bretonne ne se reconnaissait même pas ... Elle qui était si sérieuse d'habitude, s'était complètement lâchée ...

    - Fanette ! respirez vous êtes toute rouge


Et le pauvre Lio qui n'avait toujours pas capté, la Fanette qui se mordait la lèvre pour ne pas rire et la diplomatie de Niki mise en œuvre à ce moment-là ...

    - Bon, j'vais vous la faire courte hein ! Si vous bouffez des pommes, ce sera plus agréable pour votre donzelle. Surtout, si elle avale, hin hin


Voilà que le rire général était reparti, en voyant la mine septique du pauvre homme, alors toutes en pleuraient de rire, jusqu'à ce qu'enfin, il comprit après avoir fait un lien avec une question posée par Seayrath à savoir "Chère Conteuse! Aimez-vous avaler ?" et que Fanette ne savait, encore une fois, plus où se mettre ... Alors Niki dans toute sa délicatesse rajouta ...

    - Elle connaîtrait pas l'truc des pommes si non... Bah... Un peu d'bon sens keumême


Cas désespéré, un :
    - Même si j'ai pas compris avec les pommes

    - Ah ouais... On tient un champion là !
    - Oubliez, on se comprend nous


La soirée continua comme ça un moment. Après les pommes, la discussion dériva sur les livres et les fous rires ne s'arrêtèrent pas pour autant ... Elle en connaissait un qui avait du avoir, un mal de tête et rien que d'y penser, elle se remettait à rire ... Mais comme tout bon moment, la soirée s'arrêta net quand l'Angevin fit son entrée ... La brune cessa net de rire, se leva, salua les filles et sortit, le cœur léger, même si la soirée s'était arrêtée brusquement pour elle ...

Ecrit à plusieurs mains, si, si, si ... et encore plus de doigts.
Fanette
Amarante
Nikita
Lionardo

_________________
Fanette_
Texte rédigé par jd Seayrath, jd Angeline (petit édit, merci jd GrinGrin !!) et jd moi-même, avec quelques souvenirs de jd Svan.


Le 18 octobre 1466, complies sonnantes.

Deux jours que de nouveau, le goût âcre de la bile s'invitait à sa bouche autrement qu'aux premières heures du matin. Deux jours aussi que la Danoise était revenue en ville. Pouvait-on voir là un lien de cause à effet ? Ce qui était le plus douloureux, ce n'étaient pas les rumeurs lui prêtant un amant, ni même celles qui affirmaient que l'enfant qu'elle portait n'était pas un Corleone. Non. Ce qui lui avait fait le plus de mal, c'était la Danoise, ne niant nullement le fait que ce soit elle qui ait colporté ces mensonges. Elle ne s'en était pas défendu, et l'avait bêtement justifié par la peur qu'elle avait eue en imaginant que Fanette avait quitté la ville avec Seayrath. Foutaises !

Le fait est que, après une mémorable soirée entre filles, ou presque, et une taverne rieuse au possible, la fauvette s'enfonçait de nouveau dans sa mélancolie, et ce soir ne dérogeait guère.

Le ventre contrarié, le cœur au bord des lèvres, elle esquissait des sourires, écoutait les conversations, sans trop y prendre part, emplissait des chopes, lavait des godets, passait son torchon sur l'étal de bois ciré, et s'efforçait de se tenir loin de ses rancœurs et de ses chagrins. En cela, Seayrath l'y aidait. Amusant, irrévérencieux parfois, provoquant souvent, mais toujours bienveillant, depuis le départ de Nikita et l'arrivée de Svan, il était finalement bien le seul qui ait su la faire rire.

Ce soir était compliqué. Pas assez des rumeurs qui lui étaient encore revenues en pleine face, il fallait à présent que ceux qui la côtoient s'imaginent des choses qui n'existaient pas. Il n'y avait qu'une évidence entre l'Angevin et elle. S'il passait du temps en sa compagnie le soir, c'est qu'il se comportait comme le font les amis, repoussant au loin ses tourments le temps de sa présence, à moins qu'il ne cherchât juste à s'éloigner du souvenir d'une princesse qui l'avait envoûté. Ou bien appréciait-il simplement l'atroce piquette qui remplaçait désormais le trop onéreux vin de Toscane, et qu'elle additionnait pour l'adoucir d'eau, de miel et d'épices. Quoi qu'il en soit, jamais plus aucun des deux n'avait eu encore l'idée de laisser ses lèvres s'aventurer sur leurs jumelles, et même quand il fanfaronnait, elle lui avait précisé qu'elle n'était pas de celles qui se font trousser, mais de celles qui aiment. Et ils ne s'aimaient pas, tout était donc parfaitement clair.

Parfaitement clair !
Parfaitement clair ... jusqu'aux insinuations grammaticales de Zouzette :

- Tu l'aimes bien, il t'aime bien, j'vous aime bien, alors j'aimerais bien que vous vous aimiez bien, un petit peu plus.

La brunette savait donc conjuguer le verbe aimer à tous les temps, et la petite moue incertaine qui s'était glissée sur les traits fatigués de la fauvette ne l'empêcha pas de poursuivre.

- Qu'on soit d'accord, je ne juge pas. Si c'est lui le père, c'est bien. Si c'est pas lui, c'est bien aussi, du moment que tu fais ce que tu veux. Tu voudrais que Roman revienne ?
- Bien sûr ! Il a toujours été celui que j'aime, et ça n'a pas changé ! Et quoi que tout le monde dise, il est le père de l'enfant que je porte, et il n'y a aucun doute possible sur ce point !


La réponse avait fusé des lèvres pâles, sans la moindre hésitation, franche et assurée, parce que s'il était une certitude, c'est que l'Italien manquait terriblement à sa vie, à son cœur, à son âme et à son lit. Puis elle avait ajouté d'une voix ternie par la douloureuse résignation.

- Mais il ne reviendra plus à présent.

Elle s'était persuadée qu'il l'avait déjà remplacée, par cette garce d'Anaella qui avait vu là l'occasion de se faire admettre durablement au sein du clan. Elle ignorait, et c'était sans doute mieux ainsi, qu'une autre depuis, sans doute bien plus enivrante et dangereuse s'était ajoutée aux conquêtes de son Corleone. Et les mots réconfortants qu'avait eus l'évêque à ce sujet, lui confirmant la validité de leur mariage, et l'obligation pour Roman d'en passer par lui pour le faire annuler, ne la rassuraient nullement sur l'issue de leur union.

- Mais s'il n'y avait pas roman, Seayrath ne te plairait pas ?

Pourquoi la question l'avait embarrassée puisqu'elle était aussi sûre d'elle et de ses sentiments ? Ne pouvait-on pas la laisser aller à ses émotions, bavarder au lieu de se plaindre, profiter au lieu de ressasser, rire au lieu de pleurer.

- Il est gentil avec moi Zouzette, il se comporte comme un ami, rien d'autre. Qu'attends-tu que je dise ? Bien sûr il est charmant, drôle, il me fait rire, mais c'est à un autre que j'ai donné mon cœur, mon hymen et ma vie, et il me manque.

Et ça ne répondait pas vraiment à la question, parce qu'au fond, Fanette ignorait ce qu'elle ressentait pour l'Angevin, et elle ne voulait pas le savoir. Elle appréciait sa compagnie, simplement parce qu'elle lui faisait du bien. Il lui interdisait de parler de Roman, et la reprenait même quand il la surprenait à y penser. S'il la faisait parfois rougir, elle se sentait malgré tout suffisamment à l'aise pour répondre à des questions qui auraient mérité des gifles. Elle était assurément fragile, bien plus qu'à l'accoutumée, alors, peut-être avait-elle simplement besoin de cette amitié licencieuse, pour se sentir un peu plus forte, un peu plus aimée, un peu plus femme, quand tout concourrait à la rendre médiocre.

Et finalement, à l'heure des complies, quand la salle commune s'était vidée, Fanette était rendue à un inquiétant constat : elle ne maîtrisait rien de sa vie et de ses sentiments. Elle étala les braises dans le foyer et déposa une épaisse bûche. Aussitôt, le bois craqua, et de nouveau de hautes flammes s'élevèrent, projetant sur le mur de torchi décrépi leurs ombres dansantes. Elle retourna s'asseoir après avoir prélevé au faitout d'eau couvant au coin de l'âtre, un plein gobelet d'argile. Le gingembre fraîchement râpé embauma aussitôt de ses senteurs épicées et poivrées. Elle y ajouta une cuillerée de miel de châtaignier, dont les notes boisées s'accordaient à sa robe sombre. Calée dans les coussins qui couvraient l'assise et le dossier, elle replia les jambes sous elle et enroula pensivement ses doigts à son infusion.

Elle esquissa un sourire en voyant l'Angevin entrer. Comme à son habitude, il vint s'installer à l'étal de bois et délicatement, lui retira sa boisson des mains pour y tremper ses lèvres. Elle le considéra un peu amusée. On attribuait des vertus antiémétiques à la racine, mais Seayrath n'avait pas vraiment le profil d'une femme enceinte.

- Pas sûre que ce soit ce dont vous ayez besoin.

C'est sur ces entrefaites que la bourgmestre avait poussé la porte de la salle commune. Les flammes des nombreuses chandelles et torches qui maintenaient dans la vaste pièce un semblant de lumière jetaient des reflets d'or dans la longue chevelure qu'elle portait savamment remontée dans un gracieux chignon. L'éclat ambré de son regard balaya la pièce avant de s'arrêter sur le barbu. Ses lèvres esquissèrent un léger sourire. Fanette lui fit signe d'approcher, ne sachant pas réellement qui elle était, si ce n'est une cliente potentielle, et elle ne refusait jamais aucun convive, bien au contraire.

Ce n'est qu'au fil de la conversation qu'elle réalisa que cette agréable jeune femme à la verve bien pendue n'était autre que la bourgmestre. Elles avaient échangé peu avant quelques courriers un peu aigres et finalement l'aubergiste la découvrit sous un nouveau jour, plus amène, plus amusant, et ô combien plus utile, si vraiment ces deux-là, entendez Seayrath et Ysengrin, prenaient au sérieux ce qui allait suivre.

Un courrier reçu, un sourire sur ses lèvres, et la curiosité légendaire animant Seayrath lui firent prononcer ces mots :

- C'est votre amant ?
- Non, un type qui veut me réserver un lapin blanc... Mais je n'ai pas de lapin blanc.


Et c'est d'ici que tout était parti. Comprenez par là des fiançailles. Ou plutôt, une mise au point sur les conditions nécessaires à un mariage heureux. Il faut savoir que la bourgmestre en question, se demandait si le lapin n'était pas une métaphore. A cela, Seayrath répondait que si tel était le cas, il fallait garder en tête qu'un lapin se nourrit principalement de carottes. Vous voyez l'idée.

- Je veux prendre le lapin ! Disait Seayrath.
- Alors soyez rapide, car quelqu'un d'autre est sur le coup.

Les hommes sont tous les mêmes, oui, personne ne dira jamais le contraire. Alors si Angeline était un lapin, et qu'elle mangeait des carottes, Seayrath voulait en devenir l'heureux propriétaire. De fil en anguille, de métaphores en métaphores toujours plus douces, traduisant pourtant bon nombre d'idées salaces, ces deux-là mettaient au point les devoirs et obligations de leur futur mariage. Fanette étant témoin de la scène, et bien heureuse de la situation puisque lasse des rumeurs qui couraient à son sujet, rumeurs chantant qu'elle aurait une liaison avec ce même Seayrath, c'était l'occasion parfaite pour y mettre un terme. Une pierre deux coups, donc. Si le mariage avait lieu, les doutes seraient enfin dissipés, et elle aurait l'occasion de danser lors de la cérémonie, comme elle aimerait tant le faire. Alors à la demande du barbu, elle s'acharnait à préparer des tisanes au gingembre, gingembre étant reconnu pour être un aphrodisiaque plutôt efficace.

Morne soirée en vrai. La déception de cette élection l’oppressait bien plus que de raison.
Alors que sa mauvaise humeur était à son summum, une invitation à venir les rejoindre lui et Fanette.
C’est d’un pas lent qu’elle se rend dans la taverne où ils échangent, conviviaux et qu’elle se laisse bercer peu à peu par leurs élucubrations.
Un lapin, un potager, quelques navets, carottes et autres racines toutes plus sous-entendues les unes que les autres.
Des fiançailles dignes d’un rongeur, des promesses et des tests ès misogyne.

- Non je ne vous apporterais pas de pinte ni même n'ôterais vos bottes comme une vraie ménagère.

Là était une des conditions aux épousailles.

Si Seayrath et Angeline étaient en bonne voie pour conclure ces ridicules fiançailles, c'était sans compter sur Zilofus, qui mettait son grain de sel à cette scène cocasse. Il criait à qui voulait bien l'entendre que Seay avait troussé Fanette, qu'il troussait d'ailleurs tout ce qui bougeait, et qu'il était certain que même la voisine de Seay , quelle qu'elle soit en avait eu pour son compte. Il faut dire qu'avec toutes les vacheries que Seay lui hurlait à propos de Svan, la vengeance était de bonne guerre. Angeline avait plutôt l'air de croire ce qu'il racontait, imaginant même que Seay traînait un petit carnet avec le nom de toutes ses conquêtes à l'intérieur. Calomnies !

Zilofus étant parti comme un voleur, ne restait que la propriétaire des lieux, la bourgmestre, et l'infatigable barbu. L'oeil qui guettait la fenêtre, il voyait que Svan était dans l'auberge d'en face, et c'est ici qu'une terrible idée lui avait transpercé l'esprit, comme une évidence. Fanette et Svan étaient en très mauvais termes. Il faut dire que la rumeur concernant Fanette et Seayrath était née de la bouche de Svan. Les deux s'ignoraient totalement, et c'était là l'occasion de rapprocher ces deux créatures, pour offrir un sublime spectacle à la Mairesse presque fiancée.

- Angeline, vous aimez le spectacle ?
- De ?
-Hum. Tirons à pile ou face !


Face, Seayrath devait réaliser son terrible projet. Pile, il devait y renoncer. C'est la main innocente d'Angeline qui avait tiré la pièce, et alors que le suspens était à son comble...

- Face !

Une lueur amusée vint égayer le regard déjà brillant d'alcool de l'Angevin. Il empocha l'écu et se précipita dehors. Face, face et pouf, le voilà partit, sans un mot. Il va et il vient et pas l'ombre d'un anneau pouvant conclure la soirée.
La bourgmestre, intriguée s'était approchée du carreau pour le voir disparaître dans une bâtisse, sise plus haut dans la rue. Celle où sans doute, la Danoise s'était réfugiée un peu plus tôt, après être passée sous les fenêtres "del lupo". Il était revenu rapidement, passablement essoufflé et tout autant fier de lui. Le temps s'était allongé, de secondes en minutes, pour que, petit à petit, la déception se lise sur les traits du barbu. Et pour le spectacle, on repasserait car la bourgmestre lasse d'attendre cette surprise dont Seayrath ne voulait causer, décida de prendre congé. Morne fin de soirée, mais présage de visites de bosquets, l'idée est à suivre.

Mais, contre toute attente, Svan vint prendre son tour, se calant contre le chambranle de la porte, longue, sombre, visage fermé, scrutant Fanette, le sourcil un brin froncé.

- T'as pas l'air trop mourante !

Et pour cause qu'elle n'était pas trop mourante, nous étions loin du tableau catastrophe que l'Angevin avait décrit à la Danoise. Non, Fanette ne s'était pas tranché la gorge de désespoir avec son petit couteau à la lame mal affûtée. Oui, elle souffrait de l'attitude de Svan, mais ambivalente au possible dans ses sentiments, elle craignait de perdre son amitié, et néanmoins, n'était pas disposée à la pardonner. Cette fois-ci la Danoise s'était surpassée et ses mensonges avaient pris une ampleur qui l'avait considérablement dépassée. Et finalement, la fauvette recluse dans le silence était restée sur ses positions, agaçant peut-être un peu la brune.

- Oh, ne t'en fais pas Fanette, d'ici une semaine, je vais t'offrir un cadeau grandiose.

Et le ton ironique ne manqua pas de sortir la Blondine de sa réserve. Elle la considéra avec méfiance.

- Tu comptes encore éventrer les matelas ?
- Non, ça c'est déjà fait !


Fanette glissa un regard sur l'Angevin qui, attentif, suivait l'échange, puis revient poser deux noisettes inquiètes sur Svan. Pourquoi donc imaginait-elle déjà un grand incendie qui emporterait tous ses biens et ses derniers souvenirs heureux ?

- Tu ne touches pas à l'auberge.

Et là, Seayrath, main sur la poitrine, se mit à reprendre en hurlant les propos de Fanette avec une emphase presque risible si la situation n'avait été aussi tendue.

- OUI ! ON NE TOUCHE PAS A L'AUBERGE !

La Danoise ignorant les paroles teintées d'ivresse de l'Angevin, gardait ses onyx rivés à la fauvette, et reprit d'une voix sensiblement adoucie.

- Non, ne t'inquiète pas, je sais combien elle est importante pour toi.
- Tu ne comptes me faire aucun mal non plus ?


Et de nouveau, Seayrath, jouant sa grande scène, théâtral au possible, reprenait :

- ON NE FAIT PAS DE MAL A FANETTE NON PLUS !

Mais la Danoise s'en était défendue. Alors, elle avait juré qu'elle ne ferait rien qui puisse faire du tort à son amie, ou lui faire de la peine, puis, avait simplement tourné les talons pour s'enfoncer dans la nuit. Et quand la porte avait claqué, Fanette s'était effondrée. Comment Svan pourrait-elle du reste, lui faire plus de peine qu'elle lui en avait fait déjà ? Ses sanglots ramenèrent sans doute Seayrath à un peu plus de sobriété. Il vint doucement s'accroupir à coté du fauteuil et, posant une main réconfortante à sa cuisse glissa un regard compréhensif dans ses noisettes diluées par les larmes.

- Pleurez Fanette, pleurez une bonne fois pour toutes si ça vous fait du bien. Mais après ce sera fini. Il faut cesser de ressasser toutes ces choses qui vous font du mal et aller de l'avant.

Elle acquiesça, jugeant bien évidemment qu'il avait raison, et puis, elle avait déjà tant motif au chagrin, la Danoise ne méritait pas d'en ajouter un supplémentaire. Elle essuya rageusement ses yeux d'un revers de main, relevant un minois résolu vers l'Angevin, surprit le regard empreint d'empathie dont il l'enveloppa et se remit à pleurer.
_________________
Fanette_
Limoges, le 13 novembre 1466


J - quelques heures.


Parfois, même au plus gros des orages, il y a des éclaircies. Et cet après-midi lui en avait offert deux. Déjà, elle avait reçu un courrier de son père, et si elle n'avait pu retenir ses larmes, celles-ci pour une fois étaient de soulagement et de joie. Et puis, un jeune Limougeaud était venu lui tirer une belle épine du pied. Enfin jeune, par sa présence dans la capitale limousine, car en réalité, il affichait quelques années de plus que la fauvette.

- Moi, je peux prendre votre place de tavernier si vous me faites suffisamment confiance.

Fanette esquissa un sourire. Il était essentiel qu'elle trouve quelqu'un pour la remplacer quand le temps de son absence, et qui sait, peut-être lui accorder aussi un peu d'aide quand son ventre la contraindrait trop. Elle n'avait plus les moyens de s'interroger sur la confiance qu'elle pouvait ou non lui accorder. Et puis, elle avait entendu Feuille, Ania et Armel parler en terme élogieux du jeune homme.

- Je ne peux pas vous promettre un salaire, mais vous aurez le gîte, le manger et le boire. Et quand la recette sera bonne, je pourrais vous accorder un petit pécule. Ça vous ira ?

Le blond acquiesça, et l'accord fut scellé d'une chope partagée. Après quoi, elle l'entraîna pour un petit tour de la bâtisse et lui donner quelques consignes. Il n'aurait pour l'instant que peu de travail dans les chambres, puisque les trois uniques pensionnaires quittaient l'auberge au soir même. Elle lui indiqua néanmoins la grande armoire sur le palier, contenant draps et couvertures. Quand elle en ouvrit la large porte de chêne sombre, l'agréable parfum de l'herbe sur laquelle ils avaient séché se répandit dans l'air au-devant d'eux et s'évanouit tout aussi rapidement.
La fauvette l'entraîna ensuite de nouveau dans la salle commune, puis, contournant le comptoir, l'invita à la suivre dans la pièce attenante, desservie par une large ouverture.

- Ici, c'est la cuisine et l'office. J'y entrepose les épices et les vivres qui servent à préparer les repas du jour, mais l'alcool est à la cave.


Elle lui indiqua la porte. Puis une autre au fond de la pièce, face à l'ouverture qui revenait à la salle commune.

- Derrière cette porte, ce sont mes appartements. Normalement, vous n'aurez pas à y aller, mais si vraiment ils venaient à manquer, vous y trouveriez d'autres draps, et d'autres couvertures.

Elle s'assura qu'il avait bien tout compris, et prit le temps de répondre à ses quelques questions. Et quand, de retour vers la salle commune, il s'installa d'autorité derrière le comptoir, elle le laissa faire en souriant. Pour les quelques semaines que durerait ce nouveau voyage au moins, elle n'aurait pas à s'en faire pour cette auberge, dernier écrin à ses précieux souvenirs d'un temps où elle était heureuse.
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Fanette_
Le 10 décembre 1466

L'air était chargé des senteurs d'encaustique, de suif, de simples, et de relents aigres de vin. Sitôt arrivée, elle avait ouvert en grand les fenêtres de la salle commune, et le soleil pâle de l'hiver s'était écoulé plus librement qu'à travers les verres teintés des croisées. Le courant d'air avait attisé les braises dans l'âtre, et il lui avait suffi d'y jeter deux belles bûches de chêne pour que de hautes flammes s'y remettent à danser, diffusant une douce chaleur qui contrastait avec le froid cinglant du dehors.

Elle sourit en découvrant la décoration. Khaleb avait dressé un sapin dans un coin de la salle commune. Elle s'en approcha, découvrant avec admiration les boules de verre soufflé de différentes couleurs. Il avait tendu çà et là quelques guirlandes de laine auxquelles, elle ignorait comment, il avait su donner une belle teinte dorée. Elle s'approcha de l'étal de bois, laissant glisser ses doigts, caressant presque instinctivement l’interstice entre deux lames, où si souvent ses ongles s'étaient enfoncés quand ... Le souvenir grivois de son Italien vient empourprer ses joues. Elle le chassa pour effleurer du regard l'étoffe rouge, ourlée de blanc qui décorait le bord du comptoir et un sourire se dessina sur ses lèvres.

La salle était joliette, ainsi parée aux teintes des fêtes de la nativité qui se déroulerait bientôt. Elle espérait que son père puisse les voir, si ce n'est à la saint-Noël, au moins pour le début de la nouvelle année. Elle délaissa la salle commune, encore vide à cette heure, pour passer l'arcade qui s'ouvrait juste à côté du comptoir et qui desservait la pièce qui servait à la fois d'office et de cuisine. Elle jeta rapidement un coup d’œil aux provisions. Il lui faudrait faire un inventaire plus précis, elle en prendrait le temps un peu plus tard.

Elle traversa la pièce attenante, laissant glisser ses doigts sur le bureau de Roman, puis, entra dans la chambre. Les volets intérieurs ne laissaient passer qu'un fin éclat de jour. Elle les ouvrit et sourit en apercevant sa jument, broutant si près du lourd roncin de Myr qu'ils se bousculaient. Elle s'accouda un instant pour les observer. Personne n'aurait pu dire, à les voir ainsi que le gris était aveugle, tant ils avaient développé au cours du voyage une relation de confiance et d'entraide. Quand la jument se tendait, aux aguets d'un bruit ou d'un mouvement, le gris faisait de même, pointant ses oreilles dans la même direction. Quand elle avançait de quelques pas, en quête d'un meilleur brin d'herbe, il percevait son mouvement, et lui emboîtait le pas, en gardant un contact discret de la tête ou de l'épaule.

Elle abandonna le spectacle bucolique pour s'avancer dans l'alcôve. Ses mains s'attardèrent aux papillons et aux feuilles d'acanthe qu'un habile ébéniste avait sculptés au berceau de châtaignier. Son cœur se serra, et il se serra tout autant quand elle égara ses yeux au grand lit. Elle soupira, l'heure n'était pas aux pensées chagrines, elle avait bien trop à faire. Déjà, se défaire de ses vêtements d'homme qui laissaient entrevoir bien plus que ce qu'elle voulait montrer. Elle ressortit de la huche de bois sombre la belle cotte rouge, bordée de fourrure blanche que Mélissandre lui avait offerte l'année précédente. Le vêtement arborait un beau décolleté carré ourlé d'un galon brun clair qui rappelait les boutons qui décoraient le devant. Et les manches, ajustées de l'épaule au coude s'élargissaient ensuite, pour retomber sur les pans de la jupe. L'étoffe chaude était moins grossière que les toiles de laine qu'elle portait d'ordinaire. Elle passa par-dessus un petit gilet de vair, et acheva sa tenue en disciplinant ses boucles dans une étole savamment pliée dont la teinte gris pâle rappelait celle de la fourrure du gilet.

Un peu plus tard, elle ferait le point avec son "tavernier intérim". Un souvenir d'Anjou se rappellerait à elle. Puis les visages connus et appréciés défileraient dans la salle commune, Feuille, Seayrath, Ania et même le petit Caemgen. Elle retrouverait sans doute ses compagnons de route. Mais en attendant, dans le calme de la salle commune, elle s'installa devant le registre des comptes et s'appliqua fastidieusement à voir où en étaient ses affaires. Un jour, il faudrait bien qu'elle apprenne à compter pour de bon.
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Fanette_
Le 13 décembre 1466, bien après les complies


Le retour à Limoges, fait de routine et de labeur était salvateur. Elle trouvait un dérivatif à ses pensées dans l’entretien de l’auberge, dans le soin qu’elle mettait à accueillir ou servir les clients et rendre les chambres agréables. Quelques anciens revenaient parfois la saluer, et elle se réjouissait toujours des voyageurs de passage. Mais malgré tout, la recette quotidienne était maigre, car ce n’était qu’au soir que la salle commune un peu décrépie s’animait d’éclats de voix et de rire.
Et le Normand avait raison sur un point concernant la fauvette. Elle pouvait passer du rire aux larmes en un instant. Elle l’avait sans doute mesuré une fois de plus ce jourd’hui. La relevée s’était avérée difficile. Lenù s’était montrée honnête, mais si Fanette appréciait, bon nombre d’émotions s’étaient déversés en elle. Elles l’avaient emporté dans un tourbillon de chagrin, de culpabilité, de résignation, de craintes, et quand l’Italienne l’avait laissée seule, elles avaient fini par la terrasser. Elle avait cédé aux larmes trop longtemps contenues, et quand les premiers convives avaient poussé la porte, elle s’était empressée d’essuyer ses joues dans un linge propre et de poser à ses lèvres un léger sourire.

Il s’était fait plus franc quand le vieil Armel était venu lui causer du jeune garçon qu’il logeait. Il l’avait bordé affectueusement, et attendu qu’il s’endorme avant de venir s’offrir une bière chez la fauvette. Quelques clients s’étaient invités ensuite, se réchauffant un instant, consommant une boisson, repartant parfois vite, ou s’attardant un peu plus longtemps. Le plus souvent, Fanette s’effaçait, se limitant à son rôle de tavernière, souriante et serviable, mais ne se mêlant pas des conversations qui animaient les tablées, sauf si on l’y invitait.

C’était le cas quand Valyrian Delonnay était venu poser sa haute silhouette non loin de Fanette. Ils écoutaient religieusement Armel conter, et s'étaient gentiment moqué quand l'homme, bercé de ses propres paroles, avait réussi à s'endormir lui-même. Et c'était une chance, car le petit garnement qui logeait chez lui s'était réveillé, glissé hors de son lit, et surtout hors de la maison, située à quelques rues de là, et, ombre discrète, il s'était faufilé aussi furtivement qu'une souris jusqu'à l'auberge de Fanette. Si à la faveur de la nuit, le gamin était passé inaperçu, il avait laissé sa discrétion sur le seuil, pour faire une entrée tonitruante.

- Nounou Faneeeeeeeeette, s'était-il écrié en se précipitant vers elle pour l'enlacer de toute l'envergure de ses petits bras.

La jeune femme l'avait accueilli d'un sourire attendri en l'attirant contre elle. Elle avait ce petit pincement au cœur à chaque fois qu'elle tenait ainsi un enfant, s'imaginant sans doute que ce pourrait être Milo, d'ici quelques années, mais craignant tout autant de ne jamais le revoir. Aussi avait-elle avec lui une patience sans bornes, supportant en souriant toutes ses facéties. Elle l'avait écouté quand il parlait de la luge qu'il recevrait en cadeau pour la saint Noël. Elle avait rit quand il courait tout autour de la pièce. Elle avait encore rit quand il s'était fichu dans le sapin, en cherchant à attraper une guirlande. Elle avait bien cru qu'il allait faire tomber l'arbre et lui avec, emberlificoté dans les branches, comme il l'était, mais Valyrian était venu le tirer de là.

Alors, allez savoir pourquoi, il lui était venu une question qui n'allait plus quitter sa petite cervelle obstinée pour toute la soirée.

- Tu vas te marier avec nounou Fanette ?

Et le brun avait ri à son tour quand la fauvette s'étranglait.
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Valyrian
[Le même soir.]

Un soir d’hiver, en apparence bien banal, mais dans les faits, il n’en est rien. Quelle soirée avait-il pensé passer lorsqu’il avait poussé la porte de l’Il lupo e l'uccellino ? Sans doute une tout autre. C’était une tavernière au regard triste, s’efforçant de faire bonne figure qu’il avait trouvé en compagnie de l’homme à l’histoire sans fin.
Quelques échanges, quelques verres... Un sourire en entraînant un autre... Puis ce silence, lorsque le conteur tomba aux bras de Morphée. Un silence rapidement rompu par l’arrivée du petit garçon. Un moment attendrissant entre ce dernier et la jeune tenancière suivit, étirant un sourire au coin des lèvres du barbu. Il avait, et encore une fois, indéniablement une faible pour les enfants et leur innocence démesurée, innocence qui allait, bien plus rapidement que prévu, frapper à nouveau ce soir même.


Citation:
-"Tu vas te marier avec nounou Fanette ?"


Et c'était tout à fait innocemment que la question venait de lui être posée. Peut-être l'enfant avait-il une réelle intention de voir son rêve se réaliser, ou peut-être voulait-il simplement un "Tonton" comme il aimait appeler Valyrian depuis quelques instants.
Et c’était sans compter sur un rire, sûrement nerveux, ou dû à la surprise, que Valyrian avait posé son regard sur Fanette qui semblait alors troublée, et tout aussi étonnée que lui. Sa réaction l'amusait, et il avait envie, au moins pour ce soir, de lui faire oublier les peines qu'elle avait pu vivre. Le rire n'est-il pas, après tout, le plus grand de remèdes face à la tristesse ? Et quoi de mieux que d'entrer dans le jeu enfantin lancé à l'instant pour y parvenir.


-"Oh mais tu sais, elle ne veut pas. Je lui ai déjà demandé pleiiiiiiin de fois, mais elle refuse, toujours. Je ne suis peut-être pas assez gentil pour elle ..." S’était-il amusé à ajouter, regardant avec un faux regard attristé, la petite tête blonde qui semblait contrariée en entendant la réponse.

Et quelle erreur ce fut de le lancer là-dessus. L’enfant était bien décidé, par tous les moyens, à ce que sa nounou cède à son caprice. Un chantage affectif d’essayait, le « Pourquoi ? » si innocent des enfants qui ne veulent pas comprendre, et même, un renoncement à sa luge de Noël n’avait en rien fait changé d’avis la fauvette. Et l’enfant boudait, encore et toujours, posant multiples questions accompagnées d’incompréhension face aux réponses qu'on pouvait lui donner. Certaines ne lui plaisaient pas, et il affirmait encore la même chose : Il voulait qu’elle se marie à l’homme qui était venu l’aider avec le sapin. Cette dernière action lui avait d'ailleurs coûté le droit d'être un "Gentil Monsieur", et cela semblait important pour le gamin que son possible futur tonton le soit.

Bientôt, la discussion n’allait tourner qu’autour de cela. L’enfant était décidé, et le voulait pour son Noël. Et cela amusait l’homme qui n’hésitait pas à surenchérir. Cependant, un point fut évoqué, et posé sur le plancher.


-"Mais nounou n’est pas là à Noël. Elle te l’a expliqué non ?" interrogeait Valyrian. Caem avait été contre. Il ne voulait rien en savoir visiblement.

L’arrivée d’Opalia un peu plus tard, marqua le début d’un autre tournant. Au cours de la discussion, après lui avoir exposé rapidement la situation et que le garçon ai ajouté une nouvelle, plusieurs même, couche à son caprice, la promesse de danse fut remise sur le plancher. Valyrian, comme Fanette, n’en oubliait rien. Etait-ce à cet instant, le moment de l’honorer ? Certainement. Le brun pensait que cette danse était peut-être moins engageante qu’une promesse de mariage après tout. Et puis, sa jeune sœur demandait à les voir danser, peut-être pourrait-il lui accorder cela, ça ne coûtait rien, et puis, il n’était pas vraiment non plus contre. Et certainement que cela n’allait pas jouer en leur faveur face aux attentes du petit.

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Fanette_
Il est des promesses qu'il ne faut pas faire à Fanette. Et quand le frère d'Opalia avait lancé le défi d'une danse, elle l'avait naturellement relevé. Enfant, elle rêvait chaque année au soir de la Saint-Jean, quand elle filait en douce s'allonger dans le terrain en surplomb du pré où les jeunes gens venaient faire la fête autour du feu de joie. Elle y passait la nuit, s'endormant dans les herbes hautes, sans se soucier de la rouste qu'elle prendrait au lendemain, pour n'être pas à ses corvées du matin. Mais la vérité, c'est que la vie de vagabonde à laquelle elle s'était contrainte en s'enfuyant de la ferme des Messonier ne lui avait guère offert d'occasion de danser. Elle avait attendu longtemps sa première invitation à un bal, et trop intimidée sans doute, avait passé sa soirée recluse dans un coin de la salle à admirer les danseurs. Ce n'est que Roman qui l'avait pour la première fois fait virevolter toute une soirée d'avril, et l'avait ensuite, au crépuscule de ses seize ans, entraînée dans la ronde du grand feu de la Saint-Jean, avant d'en faire une femme. Son mariage quelques mois plus tard s'était fait sobrement, loin des clameurs de fêtes et de musique, et si elle avait dansé depuis, ce n'était que le temps d'une nuit au bras d'Evroult Ponthieux, ou d'une danse improvisée, dans la salle commune, dans ceux de Svan et de son dévoué du moment.
Alors, quand l'invitation d'une danse était revenue sur le tapis, alors que le gamin s'entêtait dans les projets de mariage qu'il avait pour Fanette, elle s'était fendue d'un grand sourire, et elle s'était empressée de choisir la première pour échapper à la seconde.

- Attendez-moi un instant !

Elle leur avait offert un radieux sourire et dans son regard brûlait déjà une lueur amusée. Puis elle s'était enfuie vers ses appartements et l'instant c'était un peu allongé, le temps qu'elle se défasse du grossier surcot de laine et de sa chainse de lin pour passer la jolie tenue qu'elle avait achetée en vue de la soirée à l'Aphrodite. Elle se tortilla un peu en pestant pour ajuster le laçage dans le dos. Elle était réapparue un peu plus tard, toute vêtue de jaune et de rouge, les épaules nues en dépit du froid de décembre et les hanches ceintes d'une étole rouge ornée de pampilles de verre. Elle inclina légèrement la tête quand Opalia et Margaret la félicitèrent et le sourire s'était vissé à ses lèvres, chassant les ombres mélancoliques qui la hantaient trop souvent quand Valyrian s'était approché pour lui tendre une main. Place avait été faite le temps de sa courte absence pour pousser quelques tables et libérer un espace suffisant pour tournoyer.

D'un même geste, Opalia et Margaret imprimèrent du claquement de leurs mains un tempo rapide et Fanette les regarda amusée, avant de relever un regard vers son cavalier. Elle se plaça à côté de lui, et balançant en rythme ses bras, doigts de dextre toujours entremêlés à ceux du brun, elle s'appliqua à imiter ses pas. Si elle ne savait pas vraiment danser, elle avait néanmoins le sens du mouvement, et se montrait encore leste et agile, malgré le léger ventre qui se dessinait sous le bustier de sa robe.

Les foulées étaient sautées, ils balançaient leurs jambes, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et la fauvette se mit à fredonner un air de volte. Le claquement des mains des deux spectatrices, battant en cadence, le rire du gamin, et le sourire de son cavalier opéraient comme un baume, éloignant le temps de la danse tous les tourments qui étreignaient ses solitudes. Les notes s'échappaient de ses lippes joyeusement étirées jusqu'à ce que la surprise la fasse taire. La main du brun venait de se glisser à sa taille, pour l'arracher au sol, le temps d'un tour sur lui-même. Les jupons volaient, découvrant ses chevilles et les petits soliers de cuir fauve, et la surprise s'était muée en un rire clair et cristallin, nourri des cris enthousiastes du gamin.

Aussitôt que ses pieds avaient touché le sol, ils avaient enchaîné quelques séries de petits pas sautés, à dextre, puis à senestre, sans jamais dénouer leurs doigts, et de nouveau, glissant la main à sa taille, son cavalier l'avait enlevée, et la fauvette s'envolait en riant le temps d'un tour sur eux-même. Elle riait à présent, autant qu'elle avait ri sans doute, quand le géant Théodrik l'avait fait tournoyer dans les airs avant de confier sa main à Roman pour ses premières danses. L'enthousiasme d'Opalia, de Margaret et de Caem n'avait sans doute d'égal que le bonheur qui brillait dans les prunelles de la blondine. Et finalement, la danse s'était achevée sous les applaudissements d'un public faussement acquis à la cause du petit garçon. Fanette s'était raccrochée au bras de Valyrian, un brin étourdie, et heureuse en cet instant, avant de retrouver l'appui d'une chaise.

Caem admiratif avait battu des mains et rit sans doute autant que celle qu'il tenait absolument à marier. Et la fatigue l'avait poussé à trouver refuge sur les genoux de son « futur tonton ». Mais la petite tête blonde n'avait pas pour autant renoncé. La danse, c'était bien, mais le mariage, c'était mieux et totalement indispensable !
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Rosalyne.


    20 décembre 1466,
    Arrivée à Limoges



    Elle frisonne sous sa cape. Le mantel de fourrure qui la couvre ne suffit pas à retenir le froid et le vent, qui pénètre et s’insinue, menaçant de la geler sur place. À quelques pas d’elle, « Monsieur Fox » glapit, proteste d’être ainsi traîné de si bon matin dans l’obscurité et le temps glacial.

    La flamboyante s’arrête et prend le temps de s’accroupir près de lui.


      « Je te promets que nous n’en avons plus pour longtemps mon beau, déclare-t-elle tout en caressant affectueusement la fourrure de braise de son goupil. Et un lit chaud nous attendra pour la nuit prochaine. Je te le jure. »


    Sa main se perd dans les poils soyeux. Les larmes perlent dans ses yeux. Oui, ce soir elle s’offrira plus de confort que ses derniers voyages. Elle pourra se le permettre cette fois et en profitera, tant qu’elle le pourra.

    Son chemin reprend. La ville de Limoges ne se dessine devant-elle que bien des heures encore après. Mais ce n’est pas sans joie qu’elle découvre enfin cette ville. Ses bottes usées, couvrant ses pieds fatigués par les longues marches, parcourent les ruelles. La fatigue se mue bientôt en curiosité. Ses deux azurs perçants parcourent les étals des marchands qui s’imposent à elle, lui rappelant les marchés qu’elle côtoyait autrefois en compagnie de ses parents. Les odeurs s’élèvent et agitent son petit nez envieux de nouvelles senteurs qu’elle ne connaîtrait pas déjà.

    Monsieur Fox finit par se sauver. Rosa ne s’en inquiète nullement, espérant seulement qu’il n’ira pas chasser quelques poules dans le coin et lui causer des ennuis. Elle rejoint ensuite les rues pavées des tavernes. L’une d’entre elles attire son attention. Après inspection de l’enseigne, elle pousse la porte et se présente. Fort heureusement, la personne qui s’y trouve n’est nulle autre que la propriétaire. Son sourire, son amabilité, charme la rousse. Elle ne regrettera pas de s’installer ici pour une nuit déjà et peut-être plus, si elle le peut.

    Bien que passant peut-être pour quelqu’un de silencieuse, Rosalyne écoute très attentivement. Elle n’est plus habituée à voir tant de monde, plus habituée à voir des gens s’amuser, rire, boire. Elle peut bien alors se permettre de laisser ses lippes s’étirer en douceur, savourant la sensation qui la gagne et qu’elle avait longtemps oubliée.

    Ne souhaitant pas s’immiscer dans des conversations, ne souhaitant pas être indiscrète, la rousse se perd parfois au cours de ces premières rencontres, dans l’observation du décor. L’endroit est modeste mais chaleureux. Loin du confort qu’elle a connu autrefois au service de cette famille du nord. Mais s’en moque éperdument. Il y a bien longtemps qu’elle a quitté ses lieux riches en tout, pour d'autres plus simples mais ô combien plus attirants à ses yeux.
    Un peu lasse, et honteuse de se présenter si salement vêtue ici à la tavernière et aux autres convives, Rosalyne finit par prendre congé. Elle pourrait prendre le temps de se rincer ou de poser ses affaires, mais la curiosité de découvrir la ville remplace ces obligations. Et il y a un goupil qu’elle aimerait beaucoup retrouver pour le ramener avec elle.
Fanette_
Limoges, le 30 décembre 1466

Elle pestait la fauvette. Enfin non, elle ne pouvait pas pester, parce que la caisse au matin pesait un âne mort, tant elle débordait de piécettes. Mais ni Svan, ni l'Italien n'étaient plus là pour faire les comptes, et il était de notoriété publique qu'elle ne savait que très peu compter, et encore moins additionner. Alors elle avait développé des stratégies. Elle savait réunir l'équivalent de ce qu'il fallait pour acheter une miche de pain chez le boulanger, dix petits deniers pour faire un écu, et par extension, six petites piles de dix deniers pour un pain de six écus. Alors, elle empilait les pièces, et faisait des petits tas, un, deux, trois, vingt, trente-deux, cinquante.

- Cinquante ! Et après ?

Elle avait appris à compter, un petit peu, très peu. A vrai dire, elle avait appris d'une bien triste manière, en comptant les jours depuis qu'on l'avait séparée de son fils, mais, si elle savait encore dire que cela faisait vingt-neuf semaines, elle avait perdu le fil des jours. Elle était trop ignorante des chiffres pour aller au-delà de cinquante. Alors, elle avait repris ses petits tas, en recommençant à zero, et elle était arrivée à trente-huit.

- Mazette ! J'ai jamais gagné autant en une seule soirée, l'équivalent de cinquante et trente-huit miches de pain !


Il faut dire que la soirée de la veille avait été plus qu'arrosée. Si elle n'avait su les compter, Fanette n'en avait pas moins servi plus de cinq cents chopes de bière, ou coupes de vin épicé. Elle avait déclaré forfait un peu avant vigiles, tant elle n'avait plus l'habitude de boire autant, et s'était échappée pour prendre un peu l'air au bras de Seayrath, en laissant le soin à Julien de fermer. Et la salle commune n'avait pas désempli avant matines, le futur tavernier avait goûté sa première nuit blanche derrière le comptoir.

30/12/1466 04:16 : Votre taverne dans la ville de Limoges vous a rapporté 531,09 écus.

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Eidur
Eidur était arrivé tard sur Limoges ce soir là. Il avait continué son long périple depuis Bourganeuf, une charmante bourgade qui l'avait bien accueillit, mais où le trop grand calme de sa faible population lui faisait sans cesse ressasser son passé.
En arrivant sur Limoges il découvrit une ville bien plus imposante et jonchée d'innombrables tavernes. L'une d'entre elle attira son attention. L'écriteau à l'entrée n'était pas écrit dans une langue qu'il connaissait, et la bâtisse semblait chaleureuse.
Il entra alors et fut surpris de voir encore trois personnes et quelques chiens à l'intérieur. Jamais encore il n'avait pu voir "autant" de monde à une heure si tardive.
Fanette se trouvait là, elle en était la gérante. Julien, le tavernier l'accueillait également chaleureusement. Et sieur Wista tenait la discussion.
On lui présenta alors les chiens, qui mordaient moins que la fauvette, et il prit plaisir à boire quelques tisanes.
La discussion faisait état d'une soirée très récente qui avait vu la taverne bondée. Des chopes étaient offertes deci delà, la caisse s'emplissait d'écus en même temps que les clients s'emplissaient la panse.
Eidur écoutait alors mélancoliquement les croustillantes anecdotes comtés par ces ôtes du soir.
Puis la fatigue le gagnant, il se leva sans nulle pensée, il allait sortir de la taverne sans même savoir où finalement dormir et c'est alors que Fanette l'interrompt :


Messire Eidur, vous avez une chambre où dormir ce soir?

L'homme venu du Nord reprit alors un soupçon d'éveil.

Non en effet, j'arrive seulement ce jour et je n'ai pas encore prospecté...

Nous avons des chambres libres à l'étage si vous le souhaitez, elle ne sont pas bien grandes, mais les matelas sont nus de puces!

Il accepta fort volontiers cette invitation et suivit Fanette jusqu'en haut des escaliers. Dans le couloir, pas très large, plusieurs chambres occupées étaient fermées, puis elle s'arrêta devant une et lui présenta sa chambre d'un soir.
La décoration était plutôt sobre, mais la literie semblait de bon confort. Il remercia alors la tenancière et lui souhaita une bonne nuit. Discrètement elle fila au fond du couloir et disparu par les escaliers.
Il s'allongea alors sur le lit et sans trop traîner s'endormit.
Au petit matin il se réveilla de bonne heure et trouva Fanette déjà levée.
Fanette_
Limoges, le 5 janvier 1467, à tierce haute.


Le poing fermé cognait à la porte du fond du couloir.

- Sieur de Joncheray ? Vous êtes là ?

Fanette toqua une fois de plus, puis, n'obtenant aucune réponse tourna sa clef. La serrure légèrement grippée accrocha un instant, avant de céder dans un cliquetis. Elle poussa la porte d'un coup d'épaule, les bras chargés du seau à cendres et d'un panier dans lequel étaient pliés des draps propres. L'odeur âcre de sueur et d'alcool rance agressa son nez et lui tira une légère grimace. Elle déposa son panier au sol et alla ouvrir en grand la croisée. S'appuyant au rebord de la fenêtre, elle inspira profondément, remplaçant les désagréables effluves de nuit par l'air piquant de l'hiver. La traverse en dessous était encore dans l'ombre et le pâle soleil du matin n'était pas venu à bout du givre. Elle esquissa un sourire, se surprenant à aimer, à présent qu'elle dormait au chaud, le paysage de matin glacé, emprisonné dans sa gangue poudrée. Un coup la rappela à l'ordre, suivi d'un autre, et la main qu'elle glissa à son ventre en soupirant n'apaisa en rien le petit habitant qui s'agitant, lui rappela la tension à son dos et les douleurs diffuses de son bassin. Elle se posa en soufflant sur le rebord du matelas, ferma les yeux un fugace instant, puis, rassemblant son courage, se mit au travail. Son pensionnaire avait visiblement bien arrosé la précédente soirée. Et elle payait peut-être au matin les efforts consentis la veille pour lui éviter une nuit sur le plancher mal jointé du palier. Malgré tout, le souvenir de l'arrivée mouvementée du balafré raviva un sourire amusé à ses lèvres.

La porte avait claqué deux fois, quand il l'avait ouverte, sans vraiment mesurer la puissance de son geste, et quand il la repoussa, avec la même surprenante vigueur, contrastant avec sa démarche plus que périlleuse. Il tanguait, se cognant passablement dans les tables. Des doigts hasardeux bataillaient avec la clef rivetée à sa ceinture, qu'il finit par décrocher dans un grognement. Puis, avec le regard frais du poisson mort depuis huit jours, il avisait l'escalier vers lequel il semblait vouloir se diriger. La main s'ancrait au mur quand le pied vaguement s'essayait à se poser sur la marche.
Les conversations s'étaient interrompues, laissant trois paires d'yeux suivre les gestes de l'homme aviné.

- Vous avez besoin d'aide sieur de Joncheray ?

Compatissante la fauvette, puis, elle n'avait pas envie qu'on se rompe le cou dans ses escaliers, ce ne serait guère bon pour les affaires, et elle avait besoin que ses affaires tournent bien justement. D'ailleurs, elle avait été ravie quand la veille, Amarante lui avait envoyé le trentenaire. Un pensionnaire de plus, et toutes les chambres de l'auberge seraient occupées. Enfin, pas tous les lits bien sûr, car chaque chambrée pouvait accueillir entre deux et quatre dormeurs, mais comme aucun ne se connaissait, elle les avait installés séparément.

Contre toute attente, l'homme avait refusé l'aide et s'était hissé tant bien que mal à l'étage, et dans la salle commune, Wist et Galaad s'étaient remis à causer, et la fauvette tendait l'oreille. Indiscrétion fort peu utile, car le bruit mat qui dégringolait alors jusqu'au rez-de-chaussée était sans doute suffisamment fort pour réveiller toute l'auberge. Fanette s'était levée aussi sec, jetant un regard à ses comparses de soirée, mais déjà Wist l'avait précédée dans l'escalier. Sur le palier, le barbu était affalé au sol, de tout son long, un bras allongé au-dessus de sa tête, les doigts crochetés à l'anneau de la clef. Et il ronflait le bougre.

- Wist, j'crois qu'il va falloir l'allonger sur son lit, sinon il va dormir là.

Elle s'était penchée pour ramasser la clef, avait ouvert la porte en grand et déposé sa chandelle sur un coffre plat, puis, était revenue vers les deux hommes. Galaad, toujours installé dans la salle commune, scandait quelques conseils de très mauvais goût, visiblement amusé de la situation. Oh ! Puis après tout, les pensionnaires devaient être réveillés, ou bien c'est qu'ils avaient le sommeil suffisamment lourd. Alors elle tentait, répondant au comique du rez-de-chaussée :

- Galaad, venez plutôt aider Wist s'il vous plaît.

Mais l'oublieux refusait net, continuant à se gausser, bien calé dans son dossier. Wist avait déjà passé le bras du balafré derrière son cou, et le tenait avec la main opposée, tandis que l'autre l'empoignait à bras le corps. Blondine s'était baissée, avec plus ou moins de difficultés. Pas que son ventre soit encore trop contraignant mais certains mouvements tiraient particulièrement sur ses hanches.

- Si j'accouche dans le couloir par votre faute Galaad, vous serez obligé d'aller quérir une matrone !

Visiblement, le blond n'était ni inquiet, ni culpabilisé outre mesure, et la fauvette s'était résignée à aider le forgeron, attrapant tant bien que mal elle aussi la grande carcasse du Joncheray. Si son comparse le soutenait presque en totalité, l'aubergiste imprimait le mouvement dans la pénombre de la chambre, vers le lit qu'elle savait disposé contre le mur du fond, puis s'écartait légèrement, pour lui laisser la place de déposer son fardeau sur la couche.

- Vous pouvez lui ôter ses bottes ?

Anticipant les possibles désordres gastriques d'un trop-plein d'alcool, elle s'empressait de descendre à l'office pour remonter un seau et quelques linges propres qu'elle déposait à la tête du lit, et, tandis que Wist se pinçait le nez en déposant les bottes du barbu dans un coin de la pièce. Fanette avait remonté la couverture sur le dormeur, avec autant de soin qu'elle en avait pris un peu plus tôt en couchant le gamin dans son lit. Et se tournant avec un sourire amusé vers le forgeron, l'invitait à redescendre après avoir ajouté du bois dans la petite cheminée qui s'appliquait tant bien que mal à chasser l'humidité des enduits un peu décrépis.

Mais ce matin, l'air vivifiant du dehors avait gommé les effluves d'une nuit trop avinée. L'âtre était débarrassée des cendres froides et accueilleraient au soir quelques bûches nouvelles, et les draps sentaient le propre. Les autres ajouteraient à la lessive qui gercerait un peu plus ses mains. Elle espérait bien n'avoir pas à réitérer l'exercice trop souvent.
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--Fanette..
le 11 janvier 1467, après vêpres

Quand Fanette avait inauguré sa taverne, c'est le vin de Toscane qui, très vite, en avait fait la renommée. Roman conservait des liens étroits avec la riche famille florentine de sa mère à laquelle il était inféodé, et au-delà des généreuses rétributions que les Medici lui octroyaient pour services rendus, ils l'avaient mis en lien avec un viticulteur de Gaiole, un petit bourg qui s'étirait dans l'ombre de son château crénelé, à une dizaine de lieues au sud de Florence. Des généreux cépages de sangiovese, qui s'épanouissaient sur les collines baignées de soleil, on tirait le chianti dont l'Italien achetait pour le compte de son épouse plusieurs fûts par mois.

Et quand bien même la fauvette n'y connaissait rien en vin, elle était fière de servir le breuvage à la belle robe grenat, aux saveurs rondes et veloutées et aux fines notes de violettes, qu'on ne pouvait boire nulle part ailleurs que chez elle. Mais depuis que le Corleone l'avait répudiée, elle achetait des fûts de piquette à bas prix à un négociant de Limoges. L'alcool était si aigre qu'elle le coupait d'eau, et y ajoutait quelques épices et un peu de miel pour l'adoucir. Elle en servait peu, car la plupart de ceux qui venaient encore préféraient de loin siroter une bière, à l'amertume légère et parfois une tisane, ou un lait de chèvre sucré, qu'elle agrémentait de cannelle et de fleur d'oranger. Le vin de Toscane qui avait fait le succès del Lupo appartenait au passé, elle n'en avait plus les moyens à présent.

Alors, peu après vêpres, quand Lili était entrée en trombe, sourire aux lèvres pour quémander de l'aide, Fanette lui avait glissé un regard interrogateur. Julien était affairé derrière le comptoir et avant qu'il ne réagisse, la jeune fille était ressortie aussi vite qu'elle était entrée, pour réapparaître un instant plus tard, tenant largement ouverte la porte de la salle commune. Un type rondouillard lui emboîtait le pas, roulant devant lui une barrique de chêne.

- Où on le met 'nette ? C'est du vin de Toscane !

Fanette s'était levée un peu précipitamment, pour indiquer l'endroit où déposer le fût. L'homme s'était acquitté de sa tâche, et avait échangé quelques mots avec la jeune cousine Corleone avant de disparaître. La fauvette la considérait un peu surprise, mais Lili était restée évasive sur la façon dont elle s'était procuré le précieux alcool.

- Si tu me donnes le nom de ton contact et que je sais combien il m'en coûterait, je peux bien économiser un peu pour en faire venir de temps à autre.

Mais l'Etoile n'avait rien dit, préférant clore la discussion d'un généreux sourire.

- Laisse 'nette, les Corleone te doivent bien ça.

La jeune fille ne s'était pas attardée, il lui restait encore quelques affaires à préparer pour le départ qui se profilait dans quelques heures à peine, et Fanette l'avait enveloppée d'un regard reconnaissant tandis que prestement, elle refermait la porte derrière elle. Elle n'était pas persuadée que les Corleone lui doivent quoi que ce soit, mais pour ce soir, elle était heureuse de savoir qu'en son absence, son tavernier pourrait servir meilleure boisson que la piquette qu'elle achetait d'ordinaire, et elle espérait bien que de nouveau, on viendrait exprès dans sa salle commune, pour se régaler d'un vin cher et subtil, qu'on ne pouvait boire nulle part ailleurs à Limoges.

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