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[RP] Il lupo e l'uccellino*.

Feuilllle
Elle est là, se souvenant du sourire de Fanette, et discute calmement avec quelques autres en se régalant d'une chope de cidre doux.

La matinée s'avance imperceptiblement tandis qu'ils causent sans sujet précis, s'amusant d'un rien ou d'une expression amusante. Sa nuit a été longue, voulant mettre à l'abri de qu'il restait du pécule diocésain, ce qui est peu. Mais enfin tout de même.

C'est alors qu'elle entend deux des personnes du petit groupe réuni là par hasard et par amitié lui apprendre qu'ils partiraient bientôt.

Alors, sans murmurer trop fort, elle bénit ses amis de sa place :

"- Bénis, Ô seigneur, ces humbles voyageurs et guide leurs pas vers de sûres destinations. Défends leurs voyages et protège-les des dangers, des brigands, des intempéries et des malheurs. Qu'ils soient toujours sous Ton aile protectrice. Accompagne-les en chaque lieu.
Amen."


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Feuilllle


Récit

" -Ça a commencé comme ça :

Dame E a proposé une fève à 20 écus…pour que F gagne au moins les cinquante écus qui vont avec le premier caillou, quel qu’il soit. Cette somme-là, la plupart peuvent la verser.

Mais voilà, en groupe, à la taverne de Fanette, il y avait du monde ce jour-là. Des gens qui avaient commencé déjà leur couronne ; des gens qui n’avaient pas été encore au Village de l’Oie ; des gens qui avaient des double de fèves.
Des gens surtout qui se souciaient peu de les mettre au marché au prix fort et qui privilégiaient le troc en groupe.

Mise remboursée, achat de deux autres fèves à 20 écus : on en est à -10, mais on gagne une belle coiffe et on joue au jeu de l’oie trois fois.
ET là les 3 lancés de dés offrent par hasard ou par chance soit un lancé de dé supplémentaire, une part de tarte ou… rien !

Une a perçu 100 écus, l’autre des Tokens. C’est variable, mais en groupe, il y en a toujours un pour gagner de quoi aller au Cracheur, ce Dégueu Bouffon Baveur qui a reçu du Très-Haut le don de faire jaillir la beauté (et la triviale richesse) de sa vilaine bouche : ses joyaux ont beau reluire de salive façon glaire gluante, on saute dessus avec plaisir.

Comme quoi notre Créateur a bien les bras ouverts à tous ! Et qu' Il sait également révéler notre bassesse humaine : tout ce qui brille nous attire, même si ça sort d’un endroit peu ragoutant.

… Donc, ceux qui ont eu les Tokens ont été au Cracheur de fèves, qui en donne une à coup de 50 Tokens systématiquement.

Entre les fèves qui ressortent des parts de tartes gagnées, (gare aux dents, et une part dégustée vaut 1 épis de maïs) les doubles de chacun et celles crachées par l’écœurant forain, un groupe a de quoi faire sans se ruiner, par troc, et gâter individuellement chacun.

Et la valse des bijoux continue, en en faisant voir de toutes les couleurs à la pauvre taverne pleine à craquer. Ça rit, ça boit, ça mange jusqu’à être repu de tarte, ça troque sur les étals privés du marché…

Pauvre Tavernier ! Il en a de la vaisselle à laver !
Julien s’y met, lâchement abandonné par ses clients qui n’ont pas vu l’après-midi passer, et qui, un peu honteux, filent préparer pitance chez eux, ou faire leurs courses, ou voir un époux ou une épouse un peu esseulé-e , ou s’occuper d’une progéniture affamée et bruyante rentrant de l’université…

Chacun a déjà entre 4 et 6 fèves différentes… Quand ce n’est pas la couronne totale pour l’un. Et tous possèdent quelques doublons dans leur bourse. (1 à 3.)

Alors le lendemain ça continue : la taverne, occupée, attire d‘autres gens qui ne se souciaient guère de remplir de joyaux une couronne qu'ils s’imaginait au-delà de leur moyens.

Alors les "Vieux" de la veille expliquent. Chacun est pris à nouveau de frénésie à l'annonce de ce qui est gagné au lancés de dé. On a l’impression de jouer encore pour soi ainsi.

Et la farandole continue. Un nouveau s’y met, voulant bien entendre déraison...
On commence une série pour une amie absente...

En fin de journée, tous, absolument tous ceux et celles de notre petit groupe hétérogène et éclectique se sent riche : nous avons tous nos 1000 écus, et même l’amie absente les aura.

But atteint. C’est la fête.

Et Étincelle, la première à nous avoir expliqué, possède la première sa tenue méritée.




... Le surlendemain, dès potron-minet.


Voilà qu’une Damoiselle raquétée fait son apparition.
Feuilllle est seule en taverne, c'est tôt.

Tralala ! L’aide de l’église ne suffira pas, et elle lui refile une fève de départ inutilisée, sa dernière. (non-non, l’Église n'offre pas de fèves, c'est l'évêque qui fournit là!^^)

... De fil en aiguille, la jeune femme se débrouille bien au fur et à mesure que le jour se passe, alors d’autres fèves suivent et hop !
Reprise des tractations…

Ca y est ! Elle a de quoi s’installer ! Vive le 1000 .
Et la Damoiselle n’est pas ingrate, loin de là : le lendemain, F. voit devant ses yeux plus brillants qu’une fève un beau joyau Odoacre sur son étal privé… Celui qui lui manquait pour finir sa collection ! Celui qu’elle regardait avec un peu d’envie mais sans y croire ! La Jeune Femme en a eu deux et a pensé à elle.

Reconnaissance ? Une main tendue sait-elle en faire venir d'autres? Oui, mais à ce point c'est vraiment très généreux.

Elle ne l’espérait pas, cette couronne complète, trop contente d’avoir eu les 1000.

Enfin une vraie tenue qui ne date pas du début des années sixties ! Et nantie d’une somptueuse besace tombant élégamment entre les plis mordorés de sa vêture, fluide à faire pâlir un ruisseau printanier, Feuilllle fait la fière et se pavane en froufroutant devant un carreau brillant que lui tient avec à-propos Julien, le Tavernier de l’auberge « Il lupo e l’uccelino » !
Elle appartenant à Fanette, mis cette dernière est encore absente. (Pourvu qu’elle ne se rende pas compte que l’on a cassé quelques bols…)

De plus elle reçoit un ânon gris. Grillon fait partie à présent de sa ménagerie personnelle, et elle n’oubliera jamais ce merveilleux cadeau.

... Le groupe s’est épuisé en fèves et en parts de tartes, mangées. Il reste bien une ici ou là une quincaille commune, mises en vente sur les marché pour les fortunés non troqueurs, ou les désespérés. On touche encore quelques écus, les leurs.


Et voilà qu’une chère personne revient de voyage difficile. Il est tard ; on n’a plus de fèves, et les derniers espoirs d ‘en retrouver sont minces : plus de galettes à manger.
Alors, vite quelques envois par pigeons aux copains déjà ensommeillés…
Ouiiii ! M. aura deux fèves pour démarrer !

Nous, on aura ri et bien joué chez Fanette, et pas payé grand-chose pour bien gagner. Mais surtout on aura créé quelques liens inoubliables.
Et on s’est bien amusé."





Pardon, en ajoutant le portrait de Étincelle (avec son accord) j'ai vu que je m’étais trompée de lien. J'ai replacé à la bonne place.

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Etincelle
La blonde Vénitienne s' était installée quelques semaines plus tôt dans cette belle ville qu' est Limoges, elle passait dès qu' elle en avait le temps en taverne, elle appréciait les gens qu' elle croisait, papotant de tout de rien, riant devant un godet ...

Elle avait beaucoup de points commun avec Feuillle, l' evêque, même si elle n' était pas trop au courant des us et coutumes de l' église.

La vie s' écoulait paisiblement , elle se sentait bien , entourée de gens sympathiques , elle avait acquit deux champs et travaillait dur pour gagner sa pitance, le soir venu c'était donc en taverne qu' elle passait se divertir.

Un pot ou deux tisanes elle savourait la vie , cette vie qu' elle n' aurait jamais imaginé bien entourée de personnes attentionnées ...
Cidji_plume
Plume était arrivée à Limoges... aussi légère que lorsqu'elle y était passée la première fois.
Toute jeune sans expérience, sans amis... mais là elle était certes aussi pauvre que ce mois d'automne, mais elle avait acquis de l'expérience... a
Allant du combat en lice, de voyage en bateau, la traversée de la moitié du Royaume à pieds ou à cheval, et pour finir un joli pillage sans dégât corporel..
Mais surtout ... aujourd'hui .. le plus important, elle avait des amis.
D'ailleurs elle avait reçu un pigeon la conviant dans la Taverne d'une prénommé Fauvette...Son nom, elle le connaissait par le biais d'amis en commun...
Mais elle n'avait pas eu encore la chance de la rencontrer...




Plume,

Nous ne nous connaissons pas, mais, si vous lisez ces mots, c'est qu'on a pu vous remettre une bourse de cents écus, des vivres et vous inviter à loger gracieusement al lupo et à y prendre vos repas. Je ne suis pas à l'initiative de cette générosité, mais je suis simplement l'outil du sieur Nicolas Faust, le lien entre vous deux, puisqu'il était sans doute trop loin de vous remettre son aide en mains propres. Je le fais d'autant plus volontiers que, par deux fois ce jourd'hui, je lis votre prénom dans un courrier qui m'est destiné. Une amie, Estrella, m'a parlé de vous avec beaucoup d'affection, et, même si vous la connaissez depuis peu de temps, elle vous tient en très grande estime. Je suis alors deux fois plus heureuse de pouvoir vous transmettre l'aide et le soutien du sieur Nicolas. J'espère que ça suffira à adoucir votre peine.

Ne perdez pas courage. Restez al lupo autant de temps que vous le souhaitez. J'ignore quand votre ami y reviendra mais, il a fait mention d'un retour prochain sur Limoges. Pour ma part, j'y serai d'ici cinq ou six jours.

Puissiez-vous trouver un peu d'apaisement dans les jours qui viennent.
Bien à vous.
Fanette


Elle avait repéré, la pancarte en bois au dessus d'une auberge, elle entra.
Elle s'installa à une table, celle à côté de la fenêtre...
Plume attendait aussi quelqu'un... Elle espérait le voir ce jour...

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Fanette_
Le 15 mars 1467

Enfin...

Elle avait langui son retour, même si, bientôt, il lui faudrait puiser ses dernières forces pour reprendre la route, quand son ventre l'appelait à plus de repos, plus de calme, moins d'inquiétudes. Ils étaient arrivés au matin, peu avant tierce. Elle avait guetté tout au long des dernières lieues, la silhouette de la ville, lovée dans un méandre du fleuve. Enfin, elle avait aperçu les deux clochers, élevant leurs flèches respectives au-dessus des toitures de lauzes. Elle imaginait déjà les pavés, dégringolant de la place de la cathédrale jusqu'à la fontaine du Père-Peigne, à l'angle de sa rue, et les vitraux teintés de jaunes de la salle commune.
Elle ne doutait pas que Julien se soit bien occupé de son auberge en son absence. Il devait se languir d'être relevé de ses charges, surtout pour le triste salaire qu'elle pourrait lui verser. Bien sûr, l'homme ne s'était pas engagé à l'aider pour devenir riche, sinon, il aurait choisi un autre emploi. Il le faisait sans doute juste par gentillesse, en souvenir de ce temps où il faisait danser la fauvette en espérant épouser la Danoise. Fanette sourit au souvenir de ces jours-là, mesurant combien alors, son avenir lui semblait moins sombre que ce jourd'hui.

Les deux chevaux accusaient la fatigue, Siena trébucha sur une irrégularité du chemin caillouteux, mais, leurs efforts seraient bientôt récompensés d'au moins deux jours de repos, et de bonnes rations d'orge et de foin. Les teinturiers installés sous les arcades en face del lupo avaient déjà ouvert les volets de leurs échoppes quand l'attelage s'immobilisa devant l'auberge. Flo, ainsi qu'il l'avait promis s'appliqua à décharger les fûts de bière, achetés à Sainte-Illinda. Dans le grand bric-à-brac chiné au cours du voyage, elle ramenait deux chaises et une table, pour remplacer celles vandalisées par Zilofus et Svan, au cours des mois précédents. Aussitôt passé le seuil, elle emplit ses poumons des parfums de cire et de soupe fraîche. En fond, elle percevait encore les derniers effluves de la fumée âcre des chandelles de suif qui aux veillées trouaient d'un peu de lumière la pénombre de la grande pièce.

Elle balaya l'endroit du regard, soulagée d'être de retour chez elle, même pour un si court séjour. Rien ne semblait avoir bougé. Elle s'avança vers le comptoir et passa l'arcade qui s'ouvrait vers ce qui servait à la fois d'office et de cuisine et séparait l'auberge de ses appartements. La table adossée au mur sous la fenêtre attira son attention. Elle glissa sa main sur le plateau. On pouvait encore sentir le tanin du chêne, et sous ses doigts le veinage fraîchement poncé révélait toute sa douceur. Elle avait omis que son tavernier savait aussi travailler le bois. La table était remisée là depuis quelques mois, un carreau d'arbalète fiché dans un angle et un grand cœur gravé grossièrement sur toute la surface, orné des lettres Z et S, attendant que la jeune femme ait de l'argent à dépenser pour la faire réparer et la rendre à son utilité première. Elle sourit de cette gentillesse et ne s'attarda pas.

Elle passa la porte suivante, celle qui donnait sur une seconde pièce, percée d'une fenêtre s'ouvrant sur la traverse qui reliait la rue aux pâturages sur l'arrière de la bâtisse. Elle effleura du regard le bureau sur lequel, quelques mois plus tôt Roman se penchait encore pour rédiger les missives qui rendaient compte à son oncle du succès des missions qu'il effectuait dans l'ombre pour les Medici, en royaume de France. Elle pouvait encore voir les reflets de cuivre que le soleil qui filtrait à travers le carreau venait poser dans le châtain de ses cheveux. Combien de fois était-elle venue le détourner de ses occupations, s'appuyant à son dos, l'enlaçant de ses bras en glissant ses mains dans l'encolure de sa chemise ? Elle caressait d'un souffle moite sa nuque, s'attardait à une oreille, une joue, jusqu'à ce qu'il cède et se retourne, agrippant sa taille pour mieux la tenir à sa merci quand il l'embrasait d'un baiser.

Le sourire de l'instant précédent se ternit sensiblement, peignant ses traits d'une mélancolie que la vue du berceau, dans l'alcôve de la pièce suivante raviva plus encore. Elle se posa dans le fauteuil installé à côté. Quelques larmes à ses yeux faisaient ressortir les paillettes piquées dans ses iris noisette, semblant éclaircir d'or son regard. Elle pressa les mains à son ventre, pour se rassurer de l'enfant qu'elle sentait au-dessous de la barrière de chair et d'étoffe. Il ne restait que lui à présent, pour se rappeler de l'amour qu'elle avait eu d'un assassin Italien et d'un fils disparu, dans cette maison qui pourtant avait abrité tant de bonheur, et elle s'en voulut soudain, d'avoir eu du mal à accepter cette grossesse. Elle ferma les yeux, s'abandonnant aux coussins moelleux le temps de reprendre quelques forces.

Ce n'est que plus tard dans la journée, avec l'aide inestimable de son tavernier, qu'elle avait pu faire l'état des stocks. Le niveau de vivres engrangés dans la réserve était au plus bas, et l'homme avait mis de côté l'argent des recettes quotidiennes dans un petit coffret. Il venait de lui en faire le compte, 2158 écus et 41 deniers. Elle avait aussitôt fait porter un bref à Floris, le neveu de sa marraine, installé comme boulanger depuis quelques semaines déjà. Le jeune homme lui avait fourni tout le pain nécessaire pour un prix modeste. Le reste de l'argent servirait à rétribuer les journaliers qu'elle devait embaucher pour cultiver le maïs et régler les factures de vin et de bois. Une fois les frais payés, elle s'efforcerait d'en compter le reliquat, et pourrait, s'il acceptait, offrir un semblant de salaire à Julien.

Ignorant sa fatigue, elle avait ensuite préparé les chambres pour ses compagnons de route, installant Flo et Rickard dans la même grande pièce, Arsen dans une autre, s'ouvrant sur les prés derrière l'auberge, et d'où on pouvait voir la ligne des grands arbres bordant le fleuve, au-delà du rempart. Elle assigna la chambre en face pour Melchiore. Luna et Cristal, souffrantes, étaient restées à la Trémouille, mais, elle ajouta néanmoins des draps propres à une quatrième chambrée qui saurait les accueillir quand elles seraient capables de rallier la capitale limousine. Puis, à la relevée, elle avait enfin pu discuter plus longuement avec Plume, cette jeune femme qu'étrangement tout concourait à amener vers elle. Quelle ne fut pas sa surprise en apprenant qu'elles partageaient encore d'autres connaissances. Elle lui avait parlé de l'homme qui l'avait accompagné un bref moment sur les routes, et qui n'était autre que Zilofus, mais aussi de cet autre, plus mystérieux, qu'elle appelait Nick, qui signait ses courriers d'un A et avec qui elle correspondait depuis qu'il avait trouvé un message, enfermé dans une bouteille, dans le ruisseau qui courait au bas du monastère de Sainte-Illinda. Elle avait écarquillé les yeux en reconnaissant l'histoire que lui avait confiée un soir, dans une pudique réserve Arsen, et s'était amusée de comprendre enfin pourquoi il lui avait écrit que le monde était une miette. Il l'était, assurément, mais il réservait encore de belles surprises, en dépit des sombres horizons, et ce jour-là, rencontrer Plume en avait été une.
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Fanette_
Le 17 mars 1467


Les paupières du gamin papillotaient, livrant une vaine bataille contre le sommeil qui les alourdissait. Elle passa une main douce à son front, écartant une mèche rebelle.

- Je veux dormir Nounou Fanette.
- Tu peux y aller si tu veux.


L'Angevine lui offrit un sourire attendri. Les enfants pouvaient être surprenants, après tout, elle ne les connaissait pas si bien que ça, toute mère qu'elle était. Caem, presque endormi contre elle l'instant précédent sautait partout, ravigoté à la simple idée de dormir chez la fauvette. Elle lui tendit une chandelle, piquée dans une coupelle d'argile.

- Vas-y, je range un peu et j'arrive.

L'enfant avait saisi à deux mains le bougeoir, et, trépignant comme une puce, repartait déjà un peu trop vite.

- Ne cours pas !
- Nan !!!
- Fais attention avec la chandelle, va pas mettre le feu à la maison.

L'enfant déjà, était avalé dans l'ombre de la pièce suivante, ne lui laissant dans son sillage qu'un rire cristallin qui lui tira un sourire amusé. La salle était retombée dans le calme. Un peu péniblement, Fanette s'efforça d'en faire le tour, table après table, son chiffon à la main. La vaisselle fut ramenée dans le seau d'eau, mais son ventre tirait trop à ses hanches et à ses reins, le lavage attendrait bien le lendemain. Elle essuya ses mains au torchon et souffla les chandelles.

Puis, se repérant parfaitement dans cette maison qu'elle connaissait si bien, passa l'enfilade des pièces pour rejoindre la chambre. La flamme n'était pas soufflée, et la faible lueur révélait le souffle régulier de l'enfant endormi. Elle se glissa derrière le paravent pour faire tomber chausses, robe et bas, ne conservant sur elle que la chainse de nuit en lin grège, puis vint doucement se glisser entre les draps, prenant garde de ne pas éveiller le gamin. Délicatement, elle vint effleurer son front de ses lèvres puis, gardant un instant la tête appuyée à son coude, le regarda dormir. Elle sourit, se demandant bien vers quels rêves le petit blondinet s'était laissé emporter, lui qui se voulait tout à la fois médecin, pirate, gabier et professeur. Mais ses pensées glissèrent inexorablement vers un autre enfant, bien plus jeune, et ses yeux s'emplirent de larmes, en réalisant qu'elle ignorait tout des songes qui berçaient les nuits de son fils, tenu bien trop loin d'elle. Elle se retourna pour souffler la chandelle, puis s'allongea près de Caem, l'enlaçant dans un geste protecteur et maternel. Et finalement, apaisé de ce contact elle se laissa elle aussi dériver vers les limbes du sommeil.
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Fanette_
Le 20 mars 1467
Cuisine, bien avant sexte.



Le pain rassis s'écrasait facilement sous la pression du pilon dans le mortier de pierre, mais réduire les amandes en poudre était une tâche bien plus fastidieuse. Toute son énergie s'était usée au geste répétitif, mais elle gardait en tête le sourire qu'elle pourrait offrir à l'enfant et à sa mère.
Le miel, onctueux, mêlé de trois œufs fraîchement ramassés, vint enrober pain et poudre d'amande. La large cuillère en bois amalgamait ces ingrédients assez simples, dans la jatte qu'elle tenait fermement contre elle. D'un œil, elle surveillait la marmite suspendue à la crémaillère et dans laquelle fondait un morceau de saindoux. Quand la pâte obtint la consistance désirée, elle y ajouta sa petite touche personnelle, un soupçon de fleur d'oranger. Elle aimait la délicatesse de ce parfum aux accents chauds et suaves.

Elle déposa la jatte sur la table, imaginant déjà les petites mains des enfants se tendre vers les friandises. Le souvenir des mains potelées d'Astrée, s'en régalant, lui arrachèrent un sourire mélancolique. Tant de fois elle avait gardé la fille de la Danoise et du Normand. Elle doutait de la revoir un jour, à présent que sa mère l'avait renvoyée vivre auprès de ses grands-parents. La petite gourmande s'en étalait partout sur d'elle, de sa bouche barbouillée, à ses doigts que le chien ne manquait pas de venir lécher, provoquant les rires de la fillette.

Gardant cette jolie image en tête, Fanette façonnait les petites boules d'un peu moins d'un pouce de diamètre. Quand le gras de porc serait devenu une huile claire et bouillante, elle les jetterait dedans jusqu'à ce qu'elles prennent une belle teinte dorée. Un fois ses gastalets cuits, elle les déposerait dans un panier, couvert d'un linge et n'aurait plus qu'à attendre l'arrivée de Nikkita et de son fils. Le bambin fêtait ses deux ans ce jourd'hui. Et si l'engrossée souffrait souvent des souvenirs que ravivait la compagnie d'enfants, elle ne manquait jamais une occasion de s'y confronter, comme si elle pouvait, en faisant naître un sourire aux lèvres d'un gamin, imaginer celui qu'elle aimerait tant voir sur le visage du sien.
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Fanette_
Le 22 mars 1467

La gamine entrait, l'air revêche en travers du sourire, le regard froncé, sale comme un peigne et un trait de charbon barrant horizontalement son visage. Elle planta son regard clair dans celui de Fanette et pointa vers elle un index menaçant.

- Toi ! Tu me donnes tous tes écus !


La fauvette l'avisa d'un sourire amusé.

- Ben ma pauvrette, si tu te donnes tous mes écus, tu vas pas aller loin. J'vais plutôt de donner des gastalets aux amandes et de quoi pas t’étouffer avec.

Le regard froncé de la gamine céda place à deux petits sourcils arqués par la curiosité.

- C'est quoi ? C'est pas des animaux hein ?
- Un peu de patience, assieds-toi, et tu verras.


Fanette emplissait deux gobelets d'argile d'une louche de lait de chèvre, qui tiédissait au coin du feu. Elle y râpa un peu de cannelle, et ajouta un soupçon de fleur d'oranger avant de sucrer d'un peu de miel. Elle revint poser les boissons sur la table, puis, s'éclipsa un instant encore pour revenir avec une jatte d'argile, couverte d'un linge.

- Tu peux soulever le torchon, vas-y, les gastalets sont dessous.

La gamine tendit sa petite main vers la jatte. A l'instant où son regard se posait sur les friandises, son visage s'illumina d'un large sourire, qui réchauffa le cœur de la fauvette. Elle la regarda boulotter, alternant de temps à autre avec une gorgée de lait qui lui faisait de belles moustaches. Le chien, attiré sans doute tant par l'enfant que par l'idée de partager son goûter, surprit la blondinette qui poussa un cri en se plaquant au dossier de sa chaise.

- Il est pas méchant. C'est Huan.
- Si, ils sont méchants eux !


Fanette n'insista pas, récupérant le dogue par le collier. Elle le caressa, puis le mit dehors, pour revenir vers la gamine qui n'avait pas perdu une miette de la scène. Rassérénée, elle s'était remise à grignoter son gastalet.

- Parfois oui, mais lui tu sais, il n'est pas comme les autres.
- Il est comment ?
- Ben ... Il est ... il est gros comme un veau, doux comme un agneau, et il bave comme un escargot. Tu vois, c'est pas un chien comme les autres.


L'enfant souriait, amusée peut-être, mais surtout rassurée de n'être plus enfermée dans la même pièce que le dogue.

- Tu vis ici ?

Fanette acquiesça d'un signe de tête.

- Tu restes ici et tu manges des gastalets avec ton chien ?
- Non, je préfère les partager avec toi, ou avec d'autres enfants qui viennent ici.
- Avec moi ?
- Oui, tu causes mieux que mon chien.
- Ça c'est vrai !


L'enfant et l'engrossée mêlèrent leurs rires.

- Je peux en prendre un pour Epicène ?
- Qui est Epicene ?
- Mon frère, le même que moi, mais en moins beau.


Une fois de plus, Fanette pouffa à la réflexion de la gamine.

- On va faire mieux, je vais en emballer un peu dans un linge et tu lui porteras. Comme ça, vous pourrez les partager.

Joignant le geste à la parole, elle en réserva une huitaine dans un linge propre qu'elle noua soigneusement, avant de le tendre à la petite brigande en herbe. L'enfant semblait aux anges, mais en réalité, quand elle quitta la taverne en courant pour rejoindre son frère, c'est Fanette qui l'était. Jamais la salle commune n'avait vu passer autant d'enfants que ces derniers jours, et elle aimait ça.
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Fanette_
Limoges, le 8 avril 1467


Les jours se succédaient, pareillement identiques, dans l'attente pressante de cette naissance qui contraignait la fauvette à l'immobilité quand elle aurait voulu s'élancer sur les routes qui menaient à la Bretagne. Elle enrageait, tournait en rond dans son auberge, s'accrochait à l'espoir offert là-bas par l'Espagnole, qui promettait qu'on lui rendrait son fils bientôt, et tout à la fois, refusait d'y croire, de peur de s'effondrer plus encore si elle se trompait, si l'Italienne avait fait pour de bon sien, cet enfant que Fanette avait mis au monde, ici même, presque un an plus tôt.

Les corvées devenaient difficiles, et même si Julien s'acquittait largement de celles de bois et d'eau. Il restait chaque jour à retaper les lits, nettoyer les chambres, la salle commune, préparer la soupe du jour, et servir les clients. Et ils étaient nombreux, elle ne pouvait s'en plaindre. Quelques habitués, sûrement moins qu'avant, mais la fatigue et l'inquiétude avaient eu raison de l'affable sourire de la tenancière, et, elle devait le reconnaître, elle ne s'était pas montré très aimable avec certains, leur passant sans doute l'envie de revenir. Puis, il y avait les gens de passage, les voyageurs, et si elle n'était pas des plus bavardes, elle prenait toujours plaisir à les recevoir. Ils étaient pour la plupart une échappatoire à ses tourments. Ils ne savaient rien d'elle, s'en moquaient bien, et offraient le plus souvent quelques conversations légères, parlaient de leurs voyages, de ces coins du royaume qu'elle avait rêvé de découvrir, avant, quand elle n'était qu'une petite vagabonde éprise de bords du monde.

Sa vie était bien différente à présent. Elle tenait là, entre ces murs l'avenir de ses enfants, leur sécurité, la chaleur d'une cheminée, le confort d'un toit, de draps propres et de repas réguliers. Et à présent que le Corleone n'était plus là pour payer les factures, ou le salaire d'une employée, elle devait s'efforcer de la conserver, coûte que coûte. Les bénéfices étaient maigres, et ses cultures n'offraient qu'un faible rendement une fois payé le salaire des journaliers, mais, tant que le comté n'exigerait pas le paiement des taxes, elle espérait encore y parvenir.

Alors Fanette s'était reprise, affichait de nouveau son meilleur sourire, même si son visage creusé trahissait la fatigue et l'inquiétude, elle s'appliquait à redevenir la cabaretière aimable pour chaque convive qui passait la porte. Parfois, elle se mêlait d'une conversation, souriait, et quelques-uns avaient même eu la primeur d'un rire. Contre toute attente, sa soupe avait du succès, et nombreux étaient ceux qui passaient chaque jour pour s'en faire servir une écuelle, accompagnée d'un épais tranchoir de pain et d'une chope de bière. Même ses chambres ne restaient pas souvent vides. La veille encore, elle en avait loué une à un grand type au visage balafré, qui lui avait annoncé ce jourd'hui qu'il s'attarderait sans doute quelques jours, et que, peut-être, d'autres viendraient le rejoindre. Elle avait accueilli la nouvelle d'un sourire réservé mais, au fond d'elle, était satisfaite de savoir assuré pour plus d'une nuit le prix d'une pension.

Alors, quand après vêpres elle profitait encore du calme de fin de relevée pour préparer la salle en vue de la soirée, malgré les tourments qui ternissait légèrement ses traits, un discret sourire s'était ébauché à ses lèvres.
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Fanette_
Salle commune del lupo, le 9 avril 1467
Peu après vêpres.



Un revenant, c'est l'impression qu'avait eue Fanette en voyant la silhouette s'épousseter à l'entrée. Même allure oblongue, même tignasse brune sous le chapeau qu'il venait d'ôter, même regard de charbon qui, après avoir balayé la pièce vint se poser sur elle, qui déjà fuyait derrière son comptoir, emportant les légumes qu'elle était en train d'éplucher au coin du feu. Et enfin, si elle en doutait encore, même voix, teintée d'une pointe d'audace, ou de provocation, de ce sourire qu'on devinait accroché au coin de ses lèvres, même sans relever les yeux sur son visage.

- Bonjour Fanette !

Elle ferma les yeux un fugace instant, juste celui de reprendre contenance, de savoir comment réagir, et finalement n'en su pas plus en revenant s'asseoir dans un coin de la pièce. L'accueil fut froid, elle qui s'était promis de faire un effort pour chaque convive passant sa porte. Pourtant, loin de se décourager il proposa malgré tout de louer deux chambrées, pour lui et les sept personnes qui l'accompagnaient. Les affaires sont les affaires, et la pension, les repas, et les boissons qui accompagneraient pour les deux jours suivants étaient promesses d'une recette encore meilleure. Elle consentit à un sourire, maigre sans doute mais, c'était un début.

Il n'avait pas changé, affichant toujours cette même assurance qui l'avait charmé, quelque trois ans plus tôt. Elle n'était alors qu'une jeune pucelle et s'était échauffée les sens aux baisers de ce grand brun qui promettait d'en faire un jour son épouse, de bâtir pour eux une maison à Nîmes, près de celle de son oncle, et accessoirement, de lui faire dix enfants. Elle l'avait cru différent, car il ne la pressait pas, n'attendant d'elle que ce qu'elle était prête à donner. Et la jeune fille alors n'avait jamais rien donné d'autre que sa bouche, timidement d'abord, avant de s'agaillardir, de l'offrir plus pleinement, gourmande et audacieuse. Mais pour le reste, elle attendait d'être sûre, elle attendait d'être prête, elle attendait ... elle attendait de le voir revenir vers elle après une mystérieuse et longue disparition, de le voir revenir après qu'il lui ait écrit que son cœur le ramenait à elle, mais en cinq jours d'intervalle, c'est avec une épouse qu'il s'était radiné, et pas n'importe laquelle, la rousse aventureuse. Et son cœur s'était brisé pour la première fois, elle venait à peine d'avoir seize ans.

Alors, ils en avaient été encore quittes pour les reproches, lui de s'être senti abandonné quand, après deux mois d'un silence reclus aux blessures et à l'inconscience, il ne l'avait trouvé à son chevet, elle de lui avoir menti en lui annonçant son retour auprès d'elle, enjolivé de mots d'amour, pour finalement arriver marié à une autre, bien plus vieille et bien moins prude. Mais Nexan avait raison, tout cela appartenait au passé, et il s'était excusé du mal qu'il avait pu lui faire. Elle avait chassé cela d'un revers de main, assorti d'un sourire, car depuis tout ce temps, et même si elle avait eu bien du mal en comprendre et encaisser le mensonge, elle n'avait jamais eu aucun regret de ne point l'avoir épousé, persuadé qu'un jour ou l'autre, au vu des projets plus ou moins honnêtes qu'il nourrissait déjà avec la rousse aventureuse, leur mariage aurait volé en éclat.

Les quelques échanges s'étaient faits plus policés, mais sans doute encore un peu froids, dans les échanges de banalités. Enfin, le brun faisait des efforts, souriant, semblant sincère à offrir de ses nouvelles, mais la fauvette ne se livrait guère, d'un "j'vais" tout au plus qu'elle donnait en réponse aux questions qu'elle préférait éluder. Puis la discussion s'étaient portée sur les projets du brun, et les Limougeauds qu'il venait chercher ici, pour sa grande entreprise.

- J'les connais pas, faut dire que j'sors pas trop d'ici.
- J'sais pas pourquoi ça ne m'étonne pas.
- A cause de mon ventre peut-être.


Il la connaissait simplement réservée, la raison pouvait suffire, mais l'avisa soudain rapidement, semblant juste remarquer le galbe arrondi de ses jupes. Son visage se fendit d'un large sourire.

- Félicitations. Tu es mariée ?
- Ben évidemment, enfin j'ai pas enflé toute seule.

La réflexion le fit rire.

- On peut faire des enfants sans l'être non ?
- J'me donne pas au premier venu, tu devrais savoir, j'me suis jamais donnée à toi, malgré les promesses que nous nous étions faites.
- C'est vrai.


Peut-être que c'est là que la tension s'était effacée, elle ne savait trop le dire, mais après tout, elle ne lui en avait jamais voulu vraiment que de ce mensonge, de l'avis de son cœur, revu en cinq jours à peine, et qui finalement, lui avait permis des bonheurs plus grands encore. Tant d'eau avait coulé sous les ponts depuis.

Alors elle s'était vraiment intéressée aux projets de Nexan, et quand il avait causé d'échanges commerciaux, la réflexion lui était venue fort naturellement.

- Ben si tu peux m'avoir du pain pas cher, alors, tu peux de suite instaurer une route régulière. Les vivres sont hors de prix ici, et j'ai toutes les peines du monde à ravitailler l'auberge.

Il s'était enquis du montant auquel elle le trouvait, alors, elle lui avait relaté les difficultés des boulangers qui répercutaient sur le prix de leurs productions les coûts élevés des farines.

- Et si je te vendais vingt miches à deux écus ?

La fauvette avait glissé son regard dans les deux charbons rivés à son visage. Pour sûr que ça l’intéressait, c'était même une aubaine sauf qu'il y avait un hic, et pas des moindres. Elle n'avait pas prévu de lui avouer à quel point elle était prise à la gorge. La recette de la veille n'avait pas suffi à payer déjà la livraison de pain, et elle devait encore faire entrer des fûts de bière. Elle baissa les yeux, un peu honteuse de son aveu.

- Ce serait vraiment parfait Nexan mais ... Elle hésita un peu, avant de poursuivre, osant un regard vers lui ... j'ai pas un sou devant moi. J'ai dû payer les vivres pour l'auberge, et ...
- Tu as bien quelque chose à me vendre, un bouclier ?
- Je l'ai déjà vendu.
- Ton épée ?


Bien sûr il se souvenait de l'épée que son oncle avait offert à la jeune fille, son tout premier cadeau. Mais elle ne l'avait plus, elle non plus, et s'en voulait d'avoir fait confiance à Galaad, prompt, comme tant d'hommes aux promesses rapides, et qui avait sans doute changé d'avis en comprenant qu'elle n'allait pas si facilement s'allonger dans sa couche.

- Je l'ai prêtée à un homme qui s'était engagé à me faire escorte, et qui n'en avait pas mais, il a disparu avec ma lame.

Elle fuit son regard une nouvelle fois, navrée d'avouer la délicate situation dans laquelle elle se trouvait à présent que son époux l'avait répudiée. Mais Nexan avait assez de finesse pour ne pas lui faire l'aumône. Il cherchait encore un moyen de lui racheter à un bon prix la moindre breloque qu'elle aurait à vendre.

- J'sais !

Elle s'était relevée, péniblement, portant la main à son ventre en imprimant une petite moue d'inconfort. Retrouvant ses gestes sinon protecteurs, au moins bienveillants, il l'avait soutenu le temps qu'elle se remette sur ses pieds. Elle s'était esquivée un instant pour en revenir avec ce qui ressemblait à un morceau de verre teinté de violet, gravé d'un signe incompréhensible.

- J'peux pas décemment te vendre ça, ça serait du vol.
- Deux cents écus, discute pas Fanette !

Le ton ne souffrait pas de contestation et il lui avait glissé dans la main une bourse du montant correspondant, faisant mine d'empocher la verroterie, pour la remettre habilement dans une poche de ses jupes.

- Je te déposerai les vingt pains, tu as de quoi les payer à présent.

Son sourire venait de rencontrer celui reconnaissant de la fauvette. Non seulement elle pourrait faire un joli bénéfice sur les prochains repas qu'elle vendrait, mais en outre, elle avait de quoi faire entrer quelques fûts de bière supplémentaires. Le dénouement de cette rencontre impromptue, entamée dans la rancœur d'un souvenir conservé presque trois années, nouait d'émotion la gorge de l'engrossée épuisée par une fin de grossesse qu'elle avait menée seule, se démenant tout à la fois pour faire tourner son commerce, et rechercher le fils qu'on lui avait arraché.

Si elle avait su que la soirée ne faisait que commencer, et qu'en matière d'émotions, elle devrait au soir en affronter bien pire...
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Fanette_
Salle commune, le 26 avril 1467


Tierce avait sonné depuis bien longtemps déjà et la salle commune était abandonnée au calme du matin. Pierre avait quitté la bâtisse un peu plus tôt, laissant sa fille et ses deux petits-enfants pour aller gagner quelques sous dans une carrière, sur la route de la Trémouille, de laquelle on extrayait les belles pierres grises des maisons de la ville.
Alors, Fanette s'était assise au sol, près de Milo, et dissertait avec lui sur la joliesse du nourrisson allongé dans le panier à côté d'eux. L'enfant penché au-dessus de sa sœur babillait, osant parfois, d'une petite main hésitante, toucher son visage.

- E tua sorella Milo, si chiama Stella.*

Une lueur interrogative semblait danser dans les prunelles de lichen du petit Corleone. L'enfant était passé par toutes les étapes avant celle-ci, de la terreur à la défiance, du rejet à l'observation. Mais ce matin pour la première fois, son réveil ne s'était pas accompagné de larmes, et quand elle l'avait couvert de baisers, il ne s'était pas dérobé, tout au contraire. Il avait émis ce petit rire cristallin qu'elle lui avait entendu la veille quand la jument fouillait ses poches ou qu'il avait découvert sa cane. Alors, la fauvette se plaisait à croire à présent que tout s'arrangerait plus vite qu'elle ne l'avait espéré.

La poussière dansait dans les rais de soleil doucement tamisés par les carreaux teintés de jaune des croisées. Les minuscules particules en suspension semblaient parfois briller avant de s'évanouir dans l'ombre. Milo les pointa du doigt, et Fanette se rappela combien son regard de nourrisson se captivait déjà pour ces jeux de lumière.

- Ce n'est que de la poussière Milo, mais chacune d'elles, quand elle passe dans le jour est semblable à une étoile, come una stella, tu ne trouves pas ?

Elle ne s'adressait pas à lui comme à un enfant, mais qu'importe qu'il comprenne ou non le sens de ce qu'elle disait, il accrocha son regard au sien, puis se retourna vers sa sœur. Fanette le regarda, tout à la fois surprise et émerveillée. Avait-il fait le rapprochement entre ce qu'elle venait de lui dire et le prénom de l'enfançonne ? Un garçonnet d'un an pouvait-il déjà apprendre ça ? Elle hocha la tête.

- Come una stella, oui, come Stella.

Il tapait de ses petites mains sur le rebord du panier, sous le regard d'ardoise de sa petite sœur. Alors, Fanette, l'attirant doucement à elle, entreprit de lui conter l'histoire qu'elle avait écrite pour une autre piccola stella, à qui sa fille devait son prénom. L'enfant écoutait attentif, ne comprenant sans doute encore pas le sens des mots, mais bercé de leur musique, il se tenait calmement, dévisageant tour à tour sa mère ou le nourrisson.

Alors, quand Dae poussa la porte de la salle commune en fin de matinée, c'est un sourire de jeune mère comblée que Fanette lui offrit. Pourtant, quand Gabriele Corleone lui emboîta le pas et pénétra à son tour chez elle, elle ne put réprimer un léger pincement de lèvres. Elle glissa une main caressante dans les cheveux de son fils, se releva en tapotant légèrement ses jupes et arracha du sol le panier de Stella pour le poser sur la table. Sur l'instant, la fauvette ne sut guère quelle attitude adopter, mais la rouquine, délibérément décontractée, lui accorda l'occasion de se détendre un peu en reportant son attention sur la dernière-née.

Milo s'était mis debout. Pour compenser son équilibre encore précaire, il agrippait sa senestre aux grosses pierres tièdes du côté de l'âtre. Il regarda son oncle s'agenouiller devant lui en détaillant ses traits. Visage impassible, il sembla de prime abord ne manifester aucune émotion.

- Buongiorno bambino Corleone.

Fanette venait de confier sa fille aux bras accueillants de la Nordique qui la réclamait. Elle se rapprocha de son fils, s'agenouillant à son tour pour glisser sa main à son dos, en s'adressant à l'aîné des fils d'Amalio.

- Comment dit-on parrain en Italien ?
- Padrino.
- C'est ton parrain Milo, è il tuo padrino.


Elle lui sourit, puis se recula de quelques pas, pour ne pas interférer dans l'échange qu'était venu chercher le frère de Roman. Elle n'en observait pas moins les réactions de son fils, surprise de voir son expression changer. De l'indifférence de l'instant précédent, le visage de Gabriele sembla éveiller l'intérêt de l'enfant. Son regard plongea un instant dans celui d'émeraude de son oncle, et sa petite main potelée s'éleva, jusqu'à effleurer le serpent enroulé à son œil. Un dialogue sembla s'installer entre eux, l'enfant babillant aux phrases que l'adulte lui adressait, d'une voix douce et posée. Il lui parlait Italien, s'étonnant que son filleul paraisse accoutumé à ces sonorités. Fanette saisissait parfois le sens d'une phrase. Elle ne le parlait guère que quelques mots, mais s'était appliquée à en apprendre le plus possible, pour que ses enfants soient familiers de cette langue qui pour moitié était la leur.

La scène qui se déroulait sous ses yeux dessina un tendre sourire à ses lèvres. Elle le partagea avec Dae, qui ne perdait elle aussi rien de l'échange, cajolant toujours le nourrisson. Milo détacha un instant son regard du visage de son oncle pour se baisser et ramasser le petit cheval de bois, puis le lui tendit.

- Sali a cavallo* ?

Le visage du gamin sembla s'illuminer à l'évocation du mot cheval, qu'il connaissait parfaitement en italien comme en français.

- Il aime les chevaux, il y a été habitué.
- Allora si tu me permets, je l’emmènerai se balader à cheval.


La question qui fusa des lèvres italiennes la cueillit de surprise, mais elle formula sa réponse rapidement, sans même avoir besoin d'y réfléchir. Toutes les rancœurs qu'elle conservait au frère de Roman venaient de s'effacer là, dans la promesse faite à son fils. Et quand Dae proposa qu'il emmène aussi Romeo, l'idée ne lui sembla que meilleure. La fauvette avait manqué d'une famille bien trop longtemps pour ne pas y accorder une grande importance. De ces deux années à aimer le Corleone elle avait connu la loyauté dont ils pouvaient faire preuve les uns envers les autres et elle avait espéré la même pour ses enfants. Alors, peu lui importaient les sentiments que Gabriele pouvait nourrir pour elle. S'il prenait soin de son neveu, elle n'allait sûrement pas le lui interdire. Elle reporta de nouveau son attention sur l'enfançon. A le voir ainsi, pouvait-on se douter que dix jours plus tôt, on l'avait rendu à une mère qui lui était inconnue, le privant de celle qui en avait pris soin depuis quelque huit mois ? S'il semblait depuis la veille plus détendu, il faisait montre d'une aisance étonnante avec ce parrain qu'il n'avait vu qu'une fois, lors de son baptême, et dont il ne gardait sans doute aucun souvenir tant il était jeune. Fanette s'en demandait les raisons. Manquait-il d'une figure masculine ? Pouvait-il reconnaître les traits que se partageaient Roman et cet homme qui lui faisait face. Après tout, on avait assuré à la jeune mère que Milo retrouverait les sensations qu'il gardait de ses sept premières semaines avec elle, alors, peut-être avait-il conservé tout autant le souvenir de son père, qu'il retrouvait en partie en cet oncle.
Elle sourit, chassant de son esprit ces questions somme toute peu importantes, et s'en retourna pour leur ramener à boire.

L'italien se releva et tapota légèrement la table, pour voir si l'enfant avait envie d'y monter. Les petits pas maladroits dans sa direction lui confirmèrent son accord. Aussitôt l'enfançon installé, il crapahuta vers le panier où Dae venait de reposer le nouveau-né et vint y flanquer sa main, avec la douceur toute relative dont pouvait faire preuve un enfant d'un an. Puis il se retourna vers son parrain, comme pour lui montrer sa sœur. Une fois de plus, un sourire vint éclairer le visage de la fauvette attendrie et étonnée de la réaction de son fils, mais infiniment heureuse de le voir enfin se comporter comme un enfant, et non plus garder cette attitude roide et distante qu'il avait adoptée aux premiers temps de son retour. Elle plissa légèrement le nez quand l'Italien se pencha, dubitatif, au-dessus de la dernière-née.

- Elle s'appelle Stella-Lucia.
- Etoile et Lumière, encore une qui aura un ego surdimensionné.


Le cynisme qu'elle aurait pu prêter à sa réflexion lui arracha néanmoins un sourire amusé. Elle se mordit la lèvre pour ne pas rétorquer qu'ainsi, les Corleone ne pourraient plus douter qu'elle soit bien de leur sang. Elle se contenta de répondre plus sagement, ne souhaitant pas attiser son agacement, alors qu'il avait consenti déjà à un bel effort pour venir voir son filleul.

- Stella, c'est pour Lili, et elle en était heureuse, quant à Lucia, Roman aimait ce prénom.

Et face à l'air toujours aussi perplexe du Corlene, elle s'empressa d'apporter cette précision dont même Roman à présent semblait douter.

- C'est sa fille Gabriele.

Etait-ce cette affirmation qui avait fait fuir l'Italien. Avait-il eu la sagesse de garder son avis pour lui ? Il ébouriffa les cheveux de son filleul en cherchant à accrocher son regard.

- Tornerò più tardi, e saliremo a cavallo presto.*

Sans doute allait-il s'en aller, emmenant Dae dans son sillage, mais Fanette le retint un fugace instant.

- C'est bien que Milo connaisse sa famille, merci pour lui Gabriele.
- C'est normal, c'est mon filleul. A più tardi.


Si le ton n'était guère amical, elle s'en moquait. Après tout, la forme importait bien moins que le fond. Elle attarda son regard sur la rouquine qui prenait congé, ses yeux brillaient d'une joie qui contrastait avec la teinte bleue glacée de ses prunelles. Outre le chaleureux sourire qu'elle lui adressa, en promettant elle aussi de revenir avec Romeo, la jeune mère nota à son visage une expression qu'elle lui avait déjà vue. C'était ce même petit air satisfait et malicieux, saupoudré d'un brin de fierté, qu'elle affichait quand lui venait l'idée d'un pari, et plus encore quand elle trouvait quel en serait le gage pour le perdant. Fanette aurait bien le temps plus tard de l'interroger, mais elle la laissa filer, en lui offrant le même sourire qu'elle arborait déjà depuis le retour de Milo, agrémenté d'un petit bonheur de plus.


* - C'est ta sœur Milo, elle s'appelle Stella.
- Tu montes à cheval ?
- Je reviendrai plus tard. Et nous monterons bientôt à cheval.

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Kiernan.
Domdom
Dix mai 1467: c'est parti pour la veillée aux contes !

Assis à califourchon sur le dessus du comptoir de la taverne " Il lupo e l'uccellino ", le conteur provençal suivait d'un regard intéressé les jeunes gens du cru, affairés à mettre la taverne en configuration optimale pour l'animation prévue le soir.

Un groupe était occupé à débarrasser tables et chaises, afin de dégager un espace central assez large pour accueillir l'assemblée, un autre préparait nourriture et rafraichissements posés sur des tréteaux, au fond de la salle.

Tout ceci en un ballet parfaitement synchronisé, qui faisait immanquablement penser à de grosses fourmis absorbées par une besogne rapide et efficace.

Nul doute que la propriétaire des lieux savait ce qu'organiser signifie.

Domdom n'avait pas fait de veillées aux contes depuis des années, mais lorsque, la veille, il avait fait la connaissance de Fanette, une consoeur, l'évidence s'était tout de suite imposée : ils organiseraient une contée ensemble , en des récits croisés, comme les aimait tant l'encapuché.

Voyant Fanette arriver, le passeur d'histoires descendit de son perchoir, pour aller la rejoindre, afin de régler les éternelles petites choses de dernière minute.

Une taverne accueillante, deux conteurs, un répertoire riche et varié, à boire et à manger à profusion...Sans oublier la divine olivette, la célèbre liqueur d'olives aromatisée à la fleur d'oranger du marseillais...

Tout était réuni pour passer une soirée inoubliable !
Fanette_
La soupe cuisait à petit bouillon, laissant échapper d'appétissants effluves de légumes et d'herbes. Milo suçotait un morceau de pain trempé de bouillon. Les joues marmosées d'un reste de carottes qu'il s'était copieusement étalé sur les mains au préalable, il regardait par la large embrasure l'agitation de la pièce voisine. Dès qu'il passait dans son champ de vision, son grand-père lui faisait un signe, quand ce n'était pas une grimace qui arrachait à l'enfançon un sourire. La jeune mère le débarbouilla, attrapa à senestre le panier où babillait Stella et tendit sa dextre à son fils.

- Tu viens gattino mio, on va voir tuo nonno.*

Tout avait pris forme dans la pièce à côté. Pour l'occasion, Amarante avait envoyé al lupo Leonie et Kieran qui s'affairaient à installer les tables en U, aidé de Pierre. Un large espace restait dégagé devant le comptoir, permettant à chaque convive une vue dégagée sur le conteur qui y prendrait place. Pour un peu, Fanette en aurait le trac. Il s'accentua sans aucun doute quand Dom vint l'aborder pour le déroulement de la soirée, qui commencerait, comment se répondraient les histoires, combien, quand, qui ... tous ces menus détails qui rendaient l’événement plus tangible. Elle avait toujours une petite réserve, des restes de timidité sans doute, qui s'effaçaient aussitôt qu'elle se mettait à conter, mais l'idée du Provençal était bonne assurément, et, au-delà de passer ensemble un agréable moment, elle espérait pour ce soir une bonne recette. Ce qui, dans sa situation, était tout aussi important.

* Ton grand-père

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Evan_lessage
(HRP Ce post est celui de Clement.Tylose, Lessage etant un nouveau personnage ne pas en tenir compte, Merci)

Je venais de rencontrer Fanette et je voulais faire honneur a son invitation malgré que je n'aime pas le foule.

J'entre dans la taverne et discrètement me met dans un coin, j'avais hâte d'entendre Fanette car j'aimais aussi écrire et j'étais curieux quand a ce qu'elle faisait.

Je ne dit mot les laissant organiser cette soirée. Malgré ma rétissance envers l'autre conteur qui m'avais fait revenir en tête des mauvais souvenir je n'en tenais pas conte et était près revoir mes idées bien qu'il est vrai que ce genre de personne me plaisait guerre je voulait voir se que Fanette faisait.

Je me mis donc dans un coin en dégustant un verre de cet excellent vin que l'on servait ici lieu, attendant les festivités
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