Vran
Eveil.
La torpeur avait duré un moment, mais il en était désormais sorti. Il se se réveillait, sans avoir vraiment sommeillé. Cela avait dû durer deux, trois semaines? Il ne s'en souvenait pas vraiment. Il fut bien trop occupé à subir le tsunami implacable de ses émotions. La tristesse de voir de nouveau ce même aspect de son existence imploser malgré tous les efforts qu'il avait fourni. La déception d'être de nouveau trahi, pas si différemment de la précédente fois. L'humiliation aussi, de s'être fait avoir, encore, par la même personne.
Un deuil à faire.
C'était une expérience qu'il avait déjà vécu. Pourtant, ça n'avait rien changé. Il ne s'était pas senti préparé. Peut-être à cause d'éléments qui n'existaient pas dans la première occurrence.
Il avait donc eu besoin de temps pour digérer le tout. Un bon gros sandwich à la merde.
Durant cette période, il avait cessé d'exister, d'une certaine manière. Loque frôlant l'immobilisme total, dont les actions se limitaient à boire, et à manger parfois. Enfermé dans un petit navire bloquant le port, épine dans le pied du chef de port du coin. Bercé par un léger roulis ainsi que par les sombres pensées qu'il ruminait inlassablement.
Jusqu'à ce que un à un, ces sentiments s'estompent comme s'ils n'avaient jamais existé, comme une étoile filante qui n'apparaît que le temps de laisser une trace éphémère dans le ciel.
Effacée, la tristesse. Disparue, la déception. Terminée, l'humiliation. Tout ça s'était éteint.
Enfin pas vraiment.
Au contraire, même.
Tout ça avait plutôt fusionné. Concentré en un carburant, du pur gazole destiné à alimenter sa rage qui s'était justement allumée pour remplacer tout ce qui n'était plus là. Il n'y avait plus rien d'autre. Juste une colère sourde qui le poussait à se mouvoir de nouveau. Qui lui consumait le cur, lui brûlait les poumons. Il avait fait le second choix.
La première fois, une fois son deuil plus ou moins fait, il s'était posé une simple question: Est-ce que je dois me tuer, ou est-ce que je dois tuer tous les autres?
Il était mort mais en était revenu. Première solution testée, il n'en restait plus qu'une.
Il avait passé un certain temps dans sa cabine, sur son navire, à hurler sa furie tel une bête sauvage. Puis le silence avait retrouvé ses droits. A partir de cet instant, il avait sa mission. Un objectif, simple: tuer Andréa.
Car c'était elle la cause de son tourment.
Trahison.
Ils avaient douillé, tous les deux. Mais au fil du temps, et des efforts communs, ils étaient parvenus à reconstruire quelque chose. Ils s'étaient débrouillés pour repartir du bon pied, et ça n'avait pas été une tâche aisée. Ça n'avait pas été facile, non. Il y eut quelques disputes, des accrocs. Mais tout ça les rendaient plus forts. Du moins il le pensait.
Ils s'étaient remariés. Mais surtout, ils s'étaient enfin mis d'accord sur un point central: avoir un enfant. Enfin, comme un miracle inespéré, il en ressentait le désir. Les affaires terminées, ils avaient pu s'y mettre et furent rapidement exaucés. Malgré quelques points noirs sur le tableau, il était heureux.
Puis soudainement, simplement par écris, elle avait annoncé vouloir s'éloigné, probablement pour une semaine. Il avait détesté la chose. Mais il finit par accepter, et avait demandé à son épouse de lui revenir sauve.
Elle lui avait promis de revenir. Elle lui avait promis qu'elle ne le quittait pas. Elle lui avait promis de tout faire pour garder l'enfant dans son ventre en sécurité.
Puis elle n'est pas revenue. Puis elle l'a quitté. Puis elle lui a proposé, comble de l'insulte, un crachat à la gueule, d'enterrer les restes de ce qui devait être leur fierté.
Avec toujours les même excuses. Ces fantasmes d'une liberté idéalisée. Avec toujours la même raison par dessous. Se faire horizontaliser par qui elle le voulait, Archibalde le premier.
Vengeance.
Voilà la seule chose qu'il avait en tête. Tuer Andréa. Détruire tout ce qu'elle aimait au passage, si possible. Et éliminer le moindre obstacle qui se dresserait devant lui, quel qu'il soit. Peu importe le coût. Peu importe les méthodes. Le reste n'avait aucune espèce d'importance à ses yeux. Car personne n'a le droit de vivre après s'être foutu de lui de cette manière par deux fois, et encore moins après avoir assassiné son enfant.
Alors, il était sorti de la cabine, et avait remis le pied sur la terre ferme. Il avait besoin d'indices, pour le moment, et elle lui en avait laissé peu. Mais il avait eu de la chance. Un coup de pousse inattendu, comme un signe des dieux, que c'était bien là sa destinée que de porter son courroux au plus haut et de mener sa vengeance à bien.
Johannes, ami et confident de la Colombe, ainsi que son épouse enceinte et leur fille, se trouvaient au même endroit que lui.
Il avait fini par coincer l'archiviste seul dans une taverne, armé d'un Mog qui s'approchait dangereusement de la taille adulte, lourde peluche capable de broyer un os de ses mâchoires puissantes, sur un simple sifflement de son maître.
Au début, il s'était montré avenant, espérant obtenir les informations qu'il voulait sans devoir dévoiler son animosité. Il avait rapidement compris que ça n'arriverait pas. Il avait donc envoyer son mâtin s'attaquer à la cheville du blond, en assaisonnant la chose d'une bonne avoine dans la tempe, le tout entrecoupé d'horribles menaces, qu'il comptait bien mettre à exécution s'il le considérait nécessaire.
Mais sa famille arriva avant qu'il ne puisse lui arracher ce qu'il voulait, et il avait fini par les laisser s'éclipser. Astana, même enceinte de quelques mois, pouvait se révéler être un adversaire dangereux. Mais surtout, il avait de nouvelles idées en tête.
Andréa lui envoya ensuite un courrier. Johannes l'avait prévenue, comme il s'y attendait. Elle lui donnait sa localisation, et lui demandait de les laisser en dehors de cette histoire. Il décida d'ignorer l'aveu, au cas où il fut faux, et finit par y répondre.
Non
Il préférait s'assurer de la véracité de la chose en vérifiant l'information directement auprès de l'archiviste. Quitte à offrir sa fille en pâture à son chien en le forçant à regarder. Et puis, si la brune s'inquiétait de son arrivée et de ce qu'il pouvait faire sur la route, c'était tant mieux. Mais il laissait l'occasion à une autre méthode de fonctionner, avant. C'est pour cette raison que tous les jours, tous les soirs, il pistait la petite famille. Ils finiraient par partir, et il pressentait que ça serait pour retrouver sa cible. C'est pour cette raison qu'il déambulait dans les rues sombres de Bordeaux en cette belle soirée d'été, faussement hasardeux. Presque invisible dans le paysage, observant Johannes, Astana et Hazel. Le privilège de ceux qui ont été criminels dès l'enfance.
Petit pas après petit pas, Andréa, je me rapprocherai de toi. Puis je te trouverai. Et je te tuerai de mes propres mains. Je te le promets.
Car on ne réveille pas la colère de Vran sans en pâtir.
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La torpeur avait duré un moment, mais il en était désormais sorti. Il se se réveillait, sans avoir vraiment sommeillé. Cela avait dû durer deux, trois semaines? Il ne s'en souvenait pas vraiment. Il fut bien trop occupé à subir le tsunami implacable de ses émotions. La tristesse de voir de nouveau ce même aspect de son existence imploser malgré tous les efforts qu'il avait fourni. La déception d'être de nouveau trahi, pas si différemment de la précédente fois. L'humiliation aussi, de s'être fait avoir, encore, par la même personne.
Un deuil à faire.
C'était une expérience qu'il avait déjà vécu. Pourtant, ça n'avait rien changé. Il ne s'était pas senti préparé. Peut-être à cause d'éléments qui n'existaient pas dans la première occurrence.
Il avait donc eu besoin de temps pour digérer le tout. Un bon gros sandwich à la merde.
Durant cette période, il avait cessé d'exister, d'une certaine manière. Loque frôlant l'immobilisme total, dont les actions se limitaient à boire, et à manger parfois. Enfermé dans un petit navire bloquant le port, épine dans le pied du chef de port du coin. Bercé par un léger roulis ainsi que par les sombres pensées qu'il ruminait inlassablement.
Jusqu'à ce que un à un, ces sentiments s'estompent comme s'ils n'avaient jamais existé, comme une étoile filante qui n'apparaît que le temps de laisser une trace éphémère dans le ciel.
Effacée, la tristesse. Disparue, la déception. Terminée, l'humiliation. Tout ça s'était éteint.
Enfin pas vraiment.
Au contraire, même.
Tout ça avait plutôt fusionné. Concentré en un carburant, du pur gazole destiné à alimenter sa rage qui s'était justement allumée pour remplacer tout ce qui n'était plus là. Il n'y avait plus rien d'autre. Juste une colère sourde qui le poussait à se mouvoir de nouveau. Qui lui consumait le cur, lui brûlait les poumons. Il avait fait le second choix.
La première fois, une fois son deuil plus ou moins fait, il s'était posé une simple question: Est-ce que je dois me tuer, ou est-ce que je dois tuer tous les autres?
Il était mort mais en était revenu. Première solution testée, il n'en restait plus qu'une.
Il avait passé un certain temps dans sa cabine, sur son navire, à hurler sa furie tel une bête sauvage. Puis le silence avait retrouvé ses droits. A partir de cet instant, il avait sa mission. Un objectif, simple: tuer Andréa.
Car c'était elle la cause de son tourment.
Trahison.
Ils avaient douillé, tous les deux. Mais au fil du temps, et des efforts communs, ils étaient parvenus à reconstruire quelque chose. Ils s'étaient débrouillés pour repartir du bon pied, et ça n'avait pas été une tâche aisée. Ça n'avait pas été facile, non. Il y eut quelques disputes, des accrocs. Mais tout ça les rendaient plus forts. Du moins il le pensait.
Ils s'étaient remariés. Mais surtout, ils s'étaient enfin mis d'accord sur un point central: avoir un enfant. Enfin, comme un miracle inespéré, il en ressentait le désir. Les affaires terminées, ils avaient pu s'y mettre et furent rapidement exaucés. Malgré quelques points noirs sur le tableau, il était heureux.
Puis soudainement, simplement par écris, elle avait annoncé vouloir s'éloigné, probablement pour une semaine. Il avait détesté la chose. Mais il finit par accepter, et avait demandé à son épouse de lui revenir sauve.
Elle lui avait promis de revenir. Elle lui avait promis qu'elle ne le quittait pas. Elle lui avait promis de tout faire pour garder l'enfant dans son ventre en sécurité.
Puis elle n'est pas revenue. Puis elle l'a quitté. Puis elle lui a proposé, comble de l'insulte, un crachat à la gueule, d'enterrer les restes de ce qui devait être leur fierté.
Avec toujours les même excuses. Ces fantasmes d'une liberté idéalisée. Avec toujours la même raison par dessous. Se faire horizontaliser par qui elle le voulait, Archibalde le premier.
Vengeance.
Voilà la seule chose qu'il avait en tête. Tuer Andréa. Détruire tout ce qu'elle aimait au passage, si possible. Et éliminer le moindre obstacle qui se dresserait devant lui, quel qu'il soit. Peu importe le coût. Peu importe les méthodes. Le reste n'avait aucune espèce d'importance à ses yeux. Car personne n'a le droit de vivre après s'être foutu de lui de cette manière par deux fois, et encore moins après avoir assassiné son enfant.
Alors, il était sorti de la cabine, et avait remis le pied sur la terre ferme. Il avait besoin d'indices, pour le moment, et elle lui en avait laissé peu. Mais il avait eu de la chance. Un coup de pousse inattendu, comme un signe des dieux, que c'était bien là sa destinée que de porter son courroux au plus haut et de mener sa vengeance à bien.
Johannes, ami et confident de la Colombe, ainsi que son épouse enceinte et leur fille, se trouvaient au même endroit que lui.
Il avait fini par coincer l'archiviste seul dans une taverne, armé d'un Mog qui s'approchait dangereusement de la taille adulte, lourde peluche capable de broyer un os de ses mâchoires puissantes, sur un simple sifflement de son maître.
Au début, il s'était montré avenant, espérant obtenir les informations qu'il voulait sans devoir dévoiler son animosité. Il avait rapidement compris que ça n'arriverait pas. Il avait donc envoyer son mâtin s'attaquer à la cheville du blond, en assaisonnant la chose d'une bonne avoine dans la tempe, le tout entrecoupé d'horribles menaces, qu'il comptait bien mettre à exécution s'il le considérait nécessaire.
Mais sa famille arriva avant qu'il ne puisse lui arracher ce qu'il voulait, et il avait fini par les laisser s'éclipser. Astana, même enceinte de quelques mois, pouvait se révéler être un adversaire dangereux. Mais surtout, il avait de nouvelles idées en tête.
Andréa lui envoya ensuite un courrier. Johannes l'avait prévenue, comme il s'y attendait. Elle lui donnait sa localisation, et lui demandait de les laisser en dehors de cette histoire. Il décida d'ignorer l'aveu, au cas où il fut faux, et finit par y répondre.
Non
Il préférait s'assurer de la véracité de la chose en vérifiant l'information directement auprès de l'archiviste. Quitte à offrir sa fille en pâture à son chien en le forçant à regarder. Et puis, si la brune s'inquiétait de son arrivée et de ce qu'il pouvait faire sur la route, c'était tant mieux. Mais il laissait l'occasion à une autre méthode de fonctionner, avant. C'est pour cette raison que tous les jours, tous les soirs, il pistait la petite famille. Ils finiraient par partir, et il pressentait que ça serait pour retrouver sa cible. C'est pour cette raison qu'il déambulait dans les rues sombres de Bordeaux en cette belle soirée d'été, faussement hasardeux. Presque invisible dans le paysage, observant Johannes, Astana et Hazel. Le privilège de ceux qui ont été criminels dès l'enfance.
Petit pas après petit pas, Andréa, je me rapprocherai de toi. Puis je te trouverai. Et je te tuerai de mes propres mains. Je te le promets.
Car on ne réveille pas la colère de Vran sans en pâtir.
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