Cleon
- [ Avec Bones - Dans les rues, puis à l'entrée ]
Tu marches derrière lui. Ton regard bat les pavés de Paris comme les sabots des chevaux marquent le pas campagnard. En rythme. Le bruit résonne sous les petits talons de tes souliers lustrés pour la soirée, mais tu casses parfois la mesure de pas chassés, fente vers l'avant, pour rattraper le pas de Bones. Chaque fois que tu fais ça, tes bras s'écartent un peu pour laisser tes ailes d'ange battre dans l'air du soir. tes doigts remuent dans la fraîcheur, et tu fermes les yeux que tu as maquillé spécialement pour l'événement. De noir, comme du charbon, antipode de ta peau talquée habituelle, dont le rouge de ta bouche semble tirer un trait en travers de ton visage. Souris-tu, Pierrot ? Oui, et c'est bien pour ça que tu ne t'es pas changé... Tu le sais que, quand tu souris, les autres ont parfois peur bien que tu sois beau garçon au travers du rideau noir de tes boucles qui retombent - comme toujours - sur ton front lisse. Ton accoutrement n'est pas négligé, il est réfléchi. Tout ce que tu transpires de l'angélique est ce qu'il y a de plus atroce, de plus terrifiant, de plus sordide. Dieu a fait les choses belles, et le Sans Nom s'en sert, en use à sa guise. Ce soir, tu es un jouet du Sans Nom, Cléon. Tu es... Toi. Affirmé avec ce bustier pâle qui dévoile tes épaules - qui le sont tout autant- , et réhausse tes braies blanches maculées de sang que tu as laissé séché pour l'occasion. Tu irradies de candeur, tu pourrais presque inspirer confiance. Et ça, ça fait peur.
- Est-ce qu'on est bientôt arrivés, mon bon Bones ?
- Encore quelques mètres mon cher Cleon. Encore quelques mètres. Je dirais quinze tout au plus. Peut être vingt mais pas trente. Regarde cette lanterne qui irradie dans la nuit. C'est là que nous allons.
- Le pas se presse, virevoltant, tanguant, hésitant. Sautant de pavé en pavé pour éviter avec soin les lignes qui s'entre-coupe, s'entre-mêle et se croise comme la destinée de ses deux êtres si différent et pourtant semblable en bien des points. La canne claque sur les pavés en même temps que ses talons. La robe dont il est vêtu est volumineuse et traîne sur le sol humide, ramassant au passage miasme et ordure. Le chapeau haut de forme a été troqué pour une fleur dont le rouge est assortie au carmin de ses lèvres boudeuse noyées sous une épaisse barbe noire parfaitement taillé. Peinture de guerre a été ajouté à se visage macabre pour que le nom soit parfaitement porté. Bones. Extravagance est de mise pour se duo mal assorti dont la rigidité de l'esprit sera mise à mal dans cette Antre du vice et de la luxure. Le regard de l'aîné se tourne alors vers le plus jeune. Vision gêné par les épaisses manches bouffantes dont il s'est affublé et qu'il aplatit nerveusement du plat de sa grande mains dont les chevalières tintinabulantes ont été conservés.
- Je te préviens mon garçon, tu as ordre de refreiner tes pensées sodomites et de copuler avec une demoiselle ou je me chargerai personnellement de te faire déniaiser.
Tu espères profondément que, lorsque tu claques ta langue à ton palais, Bones n'entende pas dans cette danse de pavés - Chris Marques mettrait un "oui-oui-oui-huiiiiiiiiiiit ! " -. Le vice, le sexe, l'abomination des corps, tu ne connais pas. Toi, être pur, tu ne fais qu'épancher le trop plein de ton corps avec ceux du même sexe que toi. Ce n'est pas forniquer que partager la lourde pression de ton bas ventre, et chaque fois le Tout Puissant a accepté de te pardonner. Ton dos, plein des traces de flagellations que tu t'imposes, en atteste ta rédemption.
Des robes longues pour tous les garçons
Habillés comme ma fiancée (...)
Le grand choc pour les plus vicieux
C'est bientôt la chasse aux sorcières
Ambiguë jusqu'au fond des yeux
Le retour de Jupiter *
Habillés comme ma fiancée (...)
Le grand choc pour les plus vicieux
C'est bientôt la chasse aux sorcières
Ambiguë jusqu'au fond des yeux
Le retour de Jupiter *
Mais ton mentor dit peut-être vrai. Peut-être dois-tu connaître la chair faite femme pour t'élever davantage au regard du Créateur. Tu n'as vu que dessous les jupons de Candice jusqu'à présent, et ce blanc, tout ce blanc, t'a donné mal à la tête. Fade, fade, fade. Elle aurait du être coloriée pour contraster. Tu aurais voulu la colorier, avec du rouge, par la caresse de tes doigts. Mais Candice n'est pas une femme, Candice est une chose qui brûle ta chair chaque fois que sa peau touche la tienne. Tu ne veux plus jouer avec elle.
Sous la lanterne de l'antre du péché où ta silhouette de lune s'arrête enfin derrière celle que tu considères avec un intérêt précieux, tes mains se posent aux épaules de Bones et tu te hisses sur la pointe des pieds pour regarder, par-dessus sa silhouette imposante, le portier. Naturellement, ton visage de Pierrot se penche et la virgule de ton sourire s'étire. C'est fou comme les hommes d'âge mûr peuvent t'exciter... Tu rêves de les appeler "Papa".
- Un, deux, trois et... Stop. En équilibre sur un pied Bones regarde le portier. C'est que celui-ci est un peu trop avancé pour qu'il puisse posé son deuxième pied sans empiéter sur un autre pavé. Fichtre. Quelle grossier personnage que celui-ci. Osé ainsi interrompre son élan et l'empêcher de sauter à pied joint de l'autre côté de cette ligne ultime ! Et Cleon qui menace de te faire basculer à tout instant ! Quel désagréable sensation ! C'est quoi d'ailleurs ce que je sens Cleon ? C'est un bâton ou es-tu content de le voir ? Maintenant son jupon d'une main et invitant le portier à reculer légèrement du plat de sa canne, il obtient ainsi assez d'espace pour cesser de se prendre pour un Flamand. Le rose ne lui va guère au teint de toute manière.
- C'est bien aimable à vous très cher. Bien le bonjour Ô noble serviteur de la porte. Nous aimerions ... PÉNÉTRER... dans cet établissement du Sans Nom, je vous prie mon garçon.
Les mots ont leur importance. Une importance capitale, d'autant plus lorsqu'il sont prononcés en capital au beau milieu de la capitale. Évidemment, d'invitation ils n'ont pas, aussi bourse conséquente est tendu. Contenant l'équivalent de mille écus en bric et broc de valeur agrémenté de quelques dents. Ça sert toujours les dents. Surtout quand on arrive à l'épanouissement de son âge. Vous êtes aussi mur qu'une poire confite gentil portier. Laissez-nous donc entrer.
Cléon et Bones piocheront côté galantes. Une boîte seulement, pour les deux.
* Troisième sexe - Indochine
* Troisième sexe - Indochine
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