Cleon
- [ Avec Bones - Dans le salon ]
L'agitation primitive te fait tourner les yeux vers ceux qui font du bruit. Certains aiment le scandale, alors que toi, tu as la dalle quand on te scande. Cet appétit vorace qui anime tes entrailles chaque fois que Bones te tire dans un nouvel endroit. Et ce soir, tes pensées vont droit vers le vice que tu chasses d'ordinaire, que tu refoules et dont tu te flagelles le dos. Certain(e)s croiront peut-être que les cicatrices qui ornent tes épaules sont là pour donner de la profondeur à ton costume quand, en réalité, c'est à ta chair que tu as donné le relief du repentir.
- Cléon mon garçon, ENFOURNE donc ta MAIN dans cette boîte de SATAN.
- J'enfou-fourne, j'enfon-fonce.
- Ainsi enfonfonce les petites marionnettes... *
La virgule de ton sourire s'est naturellement étirée quand tu as ôté tes mains des épaules du quarantenaire pour le dépasser et te placer face aux deux tables à boî-boîtes. Les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. Si tu étais seul, il n'y aurait aucune hésitation : tu plongerais sans réserve les deux mains dans les boîtes où contiennent les clés te permettant de piocher un homme. Tu tournerais sans te priver, remuerais ce que tu peux y trouver, pour en sortir vainqueur. Mais, dans ton dos, tu sens le poids de l'attente, le poids de la fierté du Mentor que tu suis depuis quelques temps. Il veut que ce soit dans les boîtes femmes que ta main se plonge pour n'être plus cet ignorant affolé par ce que représente le corps féminin. Tu n'as vu que Candice après tout. Les autres sont peut-être faites autrement. Et plus consentantes, aussi.
Tes doigts pâles remuent au-dessus des trois boîtes. Tu essaies de deviner un picotement qui te dirait de piocher dans celle-là et non une autre. Et c'est ce que tu fais, avec la troisième, bien que tu te sois d'abord penché par dessus le trou pour tenter d'apercevoir ce qu'il se trouvera dedans.
Lentement, ta main disparaît dans la cavité et tes yeux se ferment. La pénombre que tu t'imposes sert de vision à tes doigts qui descendent à tâtons dans l'espoir de trouver quelque chose, avec l'appréhension excitante de sentir dans quoi tu plongeras.
Et ça s'agrippe à ton poignet, te faisant pousser un gémissement de surprise - profond et réel - tandis que tu ne laisses aucun répit au ramdam de ton coeur avant d'y retourner. Tu prends ton temps, cette fois. Tu tends les doigts. Et la chaleur d'une vie miniscule caresse ta peau. Une fois. Deux fois. Dix fois. Et ton sourire, Cléon, quand ta main se met à chercher, quand tes doigts se font griffer et que tu sens ton propre sang s'étendre sur ce que tu as reconnu comme le pelage de souris. Intérieurement, tu te mets à les compter, ces petites vies, et tu jettes un regard à Bones en te demandant si dans une si petite bête, il y a de quoi expérimenter.
- Oh oui... je l'ai...
Ton soupir te trahit. Tu as aimé cette épreuve fantasque, et quand ton poignet lacéré ressort aussi rougi que tes doigts ensanglantés, tu es le seul à savoir que, dans le creux de ta paume, il y a une clé au ruban orangé, en plus d'une souris coincée.
Enfant de la Lune, fou que tu es, tu passes devant Bones avec cette satisfaction qu'il comprendra. Tu as pioché ce qu'il attendait de toi.
Mais dans la nuit de l'effroi, tu ne peux t'empêcher de jouer à un petit jeu rien qu'à toi. Tu prendras le temps de regarder le ruban avec plus d'attention d'ici quelques secondes, et tu prendras en chasse celle qui aura cette couleur.
Mais tout de suite, tu passes juste à côté d'un petit groupe qui se trouve aussi aux boîtes, dont l'un d'entre eux attire ton regard par la double facette de son costume. Double face. (Montparnasse) Et si tu lui souris comme un chat alangui, c'est uniquement pour mieux laisser glisser le rongeur sur l'épaule de son accompagnatrice. (Lise)
* Dialogue rajouté sur l'accord de JD Bones
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