Eloyse
Pour le gars sûr, c'était déjà tout trouvé. Personne, à dire vrai, ne pouvait coller d'avantage à la fonction et il avait suffi d'une poignée de rencontres et d'à peine plus de courriers pour qu'Eloyse y mette ses deux mains à couper - menottes de travailleuse manuelle qui plus est, pour dire un peu le degré de certitude de la concernée. Etait-ce l'amoncellement des ans qui, ainsi accumulés, sont prétendument gage de sagesse et d'esprit élevé ? Était-ce son aisance à manier le verbe, toujours parfaitement modelé d'une voix tendrement éraillée ? Était-ce la flamme rieuse derrière les ténèbres de ses prunelles ? Toujours est-il que Jhoannes était parvenu à accaparer la confiance de la jeune femme avec une célérité dont elle était peu coutumière et qui l'étonnait encore quand, forte du naturel des vieilles amitiés, elle lui confiait sans hésiter histoires, états d'âme et autres secrets.
A Dieppe, passée la joie de la mer retrouvée, des envolées imaginaires depuis le sommet des falaises aiguisées et des premiers pichets vidés, il fallut déjà songer au départ et au chemin tout d'embruns et de prairies artésiennes qu'il restait à parcourir jusqu'à ce qu'on pourrait dignement qualifier "d'arrivée".
Or, pour des raisons de promesse à honorer et de timing serré, hors de question de pérégriner à vitesse de petons. Malgré leur commune aversion pour tout ce qui touchait de près ou de loin à l'équitation, l'apprenti médecin et sa comparse improvisée s'étaient résolus à faire les canassons de sortie. C'était donc avec la motivation de condamnés s'en allant à la rencontre de leurs gibets que le duo de cavaliers forcés avait pris la direction du Relais de Poste de la ville, antre des valeureux et frais destriers qui, renâclant dans l'ombre, rongeaient leurs mors, tout prêts à s'élancer d'un galop de dératés. Il s'agissait du moins de ce que l'on disait des Relais, Eloyse n'y ayant jamais foutu son gros orteil d'équinophobe patentée.
Déjà, au seuil de la double porte de l'écurie qu'elle n'avait évidemment pas trouvé la vaillance de franchir, la blonde donzelle tâchait de gagner du temps - et de tout perdre de son peu de street credibilty - en faisant étalage du cahier des charges au tenancier de l'établissement qui, bras croisés sur son large torse de palefrenier, ne faisait strictement aucun effort pour tenter de cacher son ennui désabusé. Balec.
Il faudrait qu'il soit petit et de peu d'envergure. Des poneys de voyage, vous avez ? Pas trop véloce non plus, du style "lent mais solide sur ses appuis", avec une préférence pour le trot gentillet. Une bête qui ne se fâche pas trop si on n'la brosse pas tous les jours et qui se fiche bien d'avoir le crin emmêlé. Muet, ce serait le top. Avec d...
Savez quoi ma p'tite dame ? Allez donc voir d'vous-même et choisir c'lui qui vous ira l'mieux.
Ouais ouais. On peut faire ça, aussi.
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