Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Il n'était pas une fois…

Jhoannes
… un lutin qui passait une étrange journée tout en se persuadant qu'elle était normale. C'était un vieux lutin avec une barbe d'argent. Il lui restait quelques cheveux d'or plantés sur le haut du crâne, mais qui ne valaient pas plus qu'un écu en toc. Il y avait fort fort longtemps qu'il avait compris que la vie ne ressemblait pas aux contes de fées, que les princesses faisaient plus souvent commerce de poison que de bonté et que les ogres, les vrais, prenaient n'importe quel visage. Le seul château magique qu'il avait jamais arpenté, celui où la configuration des couloirs et salles changeait dès qu'on avait le dos tourné et où les couleurs des vitraux muaient selon l'humeur, était sis dans son crâne. Et comme le serviteur qui gérait cette petite usine était parti en voyage, et que le chant de la femme blanche retenue captive dans la Tour Nord lui était devenu insupportable, même son esprit n'y foutait plus tellement les pieds. Il traçait des cercles dans le paysage autour. Attendant on ne sait quoi.


llo Lutin Bobo
_______________________________________



10.02. À l'aube levée, alors qu'il était en route vers Limoges, ses pensées erraient dans une plaine monotone, d'un vert si tendre mais pâle qu'il n'avait aucun goût. C'était doux, ce gros vide qui l'habitait, et tête et corps. C'est ce qui arrive quand on se met à jouer suffisamment longtemps les ermites dans un village perdu au nord de la capitale, et qu'on passe ses journées à piocher des cailloux au fond d'une mine de fer. Perché sur son canasson de trait, le barbu se laissait bercer par le roulis des sabots, lançant régulièrement des œillades vers sa gosse derrière, Hazel, qui somnolait encore à moitié sur sa selle. Au détour d'un buisson, il remarqua que deux grands yeux le fixaient, d'un vert bien plus cru que celui de la plaine, et, sans même s'en rendre compte, décida de regarder ailleurs. On rentre bouchon, t'inquiète.

L'après-midi venu, enfin de retour dans sa baraque, il avait continué à ignorer le buisson dérangeant en se concentrant sur des âneries et ces activités ennuyeuses que les adultes se veulent forcés d'accomplir en les nommant devoirs. Poncer une commode. Éclat vert. Arroser les passeroses. Tenir à jour des suites de chiffres dans un codex sinistre. Et des choses moins chiantes, comme prendre un bain, aussi, pour virer l'odeur que sa meilleure copine la fée du printemps avait laissé dans sa barbe depuis la veille et qu'il croyait à présent détecter à chaque inspiration. Jouer à chat-loup avec Hazel entre les saules dépouillés par la saison. Lire les lettres reçues dans la journée. L'une d'entre elles interpella davantage son attention ; elle était écrite par la menotte d'une enfant.

Une des filles de la dame au regard vert qu'il s'évertuait à ne pas croiser, l'informait, sans donner d'autres clefs de contexte mais simplement les miettes d'un puzzle dont il était bien loin de mesurer l'ampleur, que son marin-chevalier avait déserté leur histoire, emportant avec lui leur autre gamine. Éclat vert. Je suis là. Oui je sais. Que tu vas mal. Après. Je dois encore finir de poncer cette commode. C'est très urgent, tout à coup. C'est un devoir. Ce soir, promis, j'arrête de tourner la tête et de faire des ronds dans la plaine. Je turbine déjà. Je cherche une solution pour t'envoyer un soutien sans m'en mêler non plus, parce que qui sait quel rôle j'ai joué dans le drame que tu vis. Pas grand chose il en savait, et heureusement. N'empêche qu'il avait cogité sur ce problème ensuite. Même en terminant de poncer cette foutue commode.

La nuit tombée, reclus dans sa chambre, il le retournait encore tous les sens, au rythme d'un sablier malade qu'il faisait jouer entre ses doigts. Le sable s'y écoulait trop vite. La solution, aussi maladroite soit-elle, il la trouva lorsque ses billes noires et contrariées tombèrent sur une autre sorte d'éclat dans un coin de sa piaule. C'est quoi ça ? Ah oui. Des tunes. Des ronds dorés entassés dans une baignoire. C'est vrai qu'on a ça. Tout a un prix, ce soir je peux payer un peu. Alors il fit mander un messager, confia dans ses fontes une bouteille de liqueur fine, dont le premier rôle restait de tabasser la tronche. Pas une boisson pour célébrer autre chose que son foie, et l'oubli. Il ne confia aucune lettre, sinon des consignes brèves, et lorsque le gars parvint enfin à articuler le nom d'un de ses alter ego correctement, il le laissa filer.

Désolé pour le cours d'orthophonie à l'arrache, Monsieur Courrier, mais il faut bien qu'on comprenne que ça vient de moi sans que ça vienne réellement de moi. C'est elle qu'il faut trouver, mais moi qu'il ne faut pas tant dire. Oui je suis un lutin, et j'ai des problèmes.

_________________
Sadella

« Sorcière. »
1/ Horrible et repoussante vieille femme, en perverse activité avec le diable.
2/ Belle et attirante jeune personne, dont les perverses activités dépassent le diable.*
3/ Une voleuse qui mélange les deux définitions.

    Elle avait tout, et puis...plus rien. En une nuit. Quelques heures. POUF. Un claquement de doigts et ce qui avait composé l'équilibre précaire de Sadella Chesneau, s'était volatilisé.
    Elle n'avait rien pu avaler. Le cœur semblait s'être vidé trop vite et pendait douloureusement dans la poitrine. L'enveloppe tenait, mais l'intérieur était en vrac.

      Perdue.

    Au dessus d'un vélin vierge, la plume égouttait ses larmes d'encre à la place du premier nom qui lui était venu spontanément : Jhoannes. La main se crispa fort, comme si l'écrire était ajouter du poids sur cette planche au bord du vide qui pouvait basculer à tout moment. Que pouvait-elle perdre de plus ? Edenaé. Superstitieuse, elle fut incapable de rédiger ce prénom. Et les quelques mots qui avaient été notés, comme une prière à un remède dont elle voulait bénéficier, ne furent jamais remis au coursier qu'elle avait commandé.


    Sadella a écrit:

      J'ai besoin du sablier.


    Elle ne méritait pas d'aide, ni un mot réconfortant. Récupérer le réconfort de Jhoannes était malvenu. Tentant, mais malvenu. Elle balança le pli au feu, punition sévère. Elle ne voulait pas de l'empathie de l'archiviste et ne devait pas donner raison à Sior non plus. Le silence, lourd, restait, flottant entre l'Anjou et le Limousin. Elle avait trois jours pour se recomposer une carapace. Trois jours. Sorcière plongerait sa trogne sous un grand chapeau, pour ne pas faillir au mythe..

    Sadella ?

    Et puis, il y a eu ce messager, sorti au milieu de son brouillard. Elle l'avait observé. Autour de ses grands yeux verts, des abysses violettes assombrissaient sa peau. Son appétit ? Disparu. Le visage se creusait de jour en jour, même si elle avait promis : elle grignoterait un peu pour rassurer sa fille, mais le corps-malade de chagrin, lui, rendait tout.

    Fine du diable. De la part de messire Funterbell.

    Elle l'avait observé ce messager. Ca lui avait agité les tripes. La simple évocation de Funterbell lui semblait faire écho à un monde doux et joyeux auquel elle n'avait pas le droit d'accéder. La senestre se saisit de la bouteille, polie plus qu'intéressée. Pour une fois, Voleuse refusait d'atténuer sa douleur.
    Elle s'était alors entendue lui répondre, sans vraiment en être consciente, car il y avait une forme de rideau de fer qui s'était abattu entre elle et le souvenir de Jhoannes. C'était parce qu'elle l'avait laissé l'atteindre qu'elle avait tout perdu aujourd'hui.


    Salut. Dites-lui "merci".

    Elle avait tout. Et à présent on lui offrait une bouteille pour combler le vide. Gribouille l'écrabouille était à des années lumières d'elle, lui semblait-il. La boutanche vint rejoindre ses affaires sans qu'elle ne daigne y toucher et elle reprit la route.

    *Ambrose Bierce

_________________
Jhoannes
    FIFRELIN de NORTOIS — Mais n'approchez pas Dame, il ne faut pas me voir. Je suis fort laid. À en faire pleurer les arbres. C'est malédiction qu'on a posée sur moi, et c'est à ce ruisseau que je comptais m'en délivrer.
    FRONFRON — Laid ? Mais la pire laideur est intérieure, si vous êtes juste cabossé, je peux le supporter. Qu'avez-vous fait pour mériter cette malédiction ? Méfiez-vous de l'eau, l'on s'y noie à trop se regarder.
    FIFRELIN de NORTOIS — Oh... Le truc habituel, vous savez, on se réveille un matin, on veut aller tuer une hydre, en échange de quoi on troque une part de soi avec une sorcière, contre une épée légendaire, sauf que la vilaine, bien sûr, tourne le contrat de telle manière qu'on s'en retrouve puni. Je suis fort laid, plus laid que cabossé. Mais l'eau du ruisseau est magique, raconte le village. C'est s'y baigner qu'il faut.


auvais ruisseau
____________________________________




11.02. La veille de son retour, il était revenu en songe au bord d'un petit ruisseau. Un petit ruisseau de rien du tout, au bord duquel Fronfron, mi-gnome mi-dragon, et Fifrelin de Nortois, un nobliau débile, avaient passé l'après-midi, puis une bonne partie de la nuit. C'était plus simple ainsi, à l'époque. Sadella n'avait pas réellement le droit de s'asseoir si longtemps près de Jhoannes, et ce dernier n'avait pas non plus celui d'entortiller une mèche brune entre ses doigts, en la confondant par mauvaise foi mégarde avec les brins d'herbes. Que Fronfron et Frifrelin recolorent le monde à leur sauce pendant des heures, par contre, personne ne leur en tiendrait rigueur. Ils disparaitraient avant que les douze coups de minuit ne sonnent. Dans son rêve, le point d'eau était familier, mais certains détails dénotaient par rapport à son souvenir. Celui-ci était en bordure de bois, et au loin y scintillaient les lumières d'une nouveau hameau. Il eut tout juste le temps de s'accroupir près d'un filet d'eau pour se rafraîchir la gueule qu'il s'y noya. Réveil. Dans son canap', à Limoges. Une petite nausée qui stagne dans sa gorge. À peine il secoue la tête, comme un chien qui a peur de réellement s'ébrouer, et sitôt levé il oublie qu'il a rêvé.

Impossible de se rendormir. Dès qu'il cale une tempe résolue contre son traversin, Morphée lui fait la nique. Non qu'il viendra pas. Blondin serait resté blotti sous un drap à l'attendre si Hazel n'avait pas crié "PAPAAAAAAAAA !" depuis l'autre chambre. Papa ? Il avait oublié pendant une heure que c'était un de ses rôles dans ce bas monde. Rapidement réparé, l'oubli. Non, aucun lutin béarnais maléfique n'a changé tes pompes de place mon enfant. Oui, j'ai vu le chat avant de monter dormir, il s'était calé en boule près de la cheminée. Oui il est beau le chat. Il est un peu con aussi, surtout quand il pisse sur mes fringues, là je t'avoue je l'aime un peu moins quand ça arrive, mais c'est pas grave, ça file du taf aux lavandières. Demain on ira se balader, oui. Oui, demain elles seront là aussi, ta copine Edenaé et sa maman Sadella. Non, je sais pas quand on part faire tous ensemble de la barque à Ventadour. Ni combien on sera. Ni comment elles seront. Non j'ai rien dit, je pensais tout haut. Rendors-toi bouchon. Une autre histoire ? D'accord mais rapide.

Flanqué en tailleur au milieu de son pieu, flottant un peu dans sa grande chemise, il aspire sa trente-neuvième taffe. Il réalise qu'il ne sait rien. Peut-être qu'avec un peu de chance, le marin sera revenu sur ses pas et c'est une famille morcelée et pourtant complète qui reviendra sur Limoges. Ou peut-être que non ? Pourtant il a déjà entendu parler de leurs périodes chaotiques, aux deux, et se doute que ça aura pu se rabibocher au final. Ou que ça pourra. Pourrait. La vraie histoire, il en soupçonne que dalle. Il s'est douté que son aveu avait fait quelques vagues, mais il n'imaginait pas qu'il ait créé ce raz-de-marée. Dans sa tête, c'est clair, même s'il ôte la question danoise du tableau : Sadella aime Sior, point. Et c'est clair aussi, bien qu'il appréhende un peu les retrouvailles, surtout si ça c'est pas arrangé, mais clair aussi, qu'il y a un bout de lui qui est content de la revoir. Juste la revoir. C'est rien qu'un petit morceau de chaleur coincé dans son estomac. Un grain de joie qui pépite, qui grésille en sourdine. Un…


- « PAPAAAAAAAAA ! »
- « Et m... OUI J'ARRIVE ! »

_________________
Sadella
-Voudriez-vous me dire, s'il vous plaît, par où je dois m'en aller d'ici ?
-Cela dépend beaucoup de l'endroit où tu veux aller.
-Peu importe l'endroit...
-En ce cas, peu importe la route que tu prendras.
-... pourvu que j'arrive quelque part », ajouta Alice en guise d'explication.
-Oh, tu ne manqueras pas d'arriver quelque part, si tu marches assez longtemps.
- Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll -


    Alors Alice Sadella marcha. Ou du moins son esprit. Il fit exactement ce pour quoi il était bon. Coïncidence. Voleuse, à trop manquer de sommeil, s'était assoupie au bord du lac de la Trémouille, après avoir lutté pour ne plus jamais fermer les yeux. Elle savait qu'elle ne pouvait pas faire confiance à son subconscient et elle le sut, dès que le fabuleux monde des rêves prit la relève.

    Perchée sur une branche, comme plusieurs jours auparavant, elle se tenait aux côtés de Jhoannes. D'ailleurs, il était plus proche que la dernière fois, elle pouvait sentir le souffle de sa respiration non loin de sa peau et les regards - O ces regards - qu'elle avait mis tant d'énergie à ne pas voir. Ils lui revenaient à présent et avec une nouvelle lucidité, elle les captait enfin. Tout était d'un calme irréaliste. Aucun son. Pas même dans la bouche qui lui parlait. Elle pouvait lire sur les lèvres "J'te veux. Salement. Et sans raison.". Elle avait positionné son index sur la bouche. "Chut. N'en dis pas davantage." disait le geste. Ca, c'était les Della amoureuses de Sior qui espéraient censurer Jhoannes, comme si elles rêvaient de ne jamais l'avoir entendu avouer ce qui aurait dû rester au fond de sa tête. Pourtant, l'instant d'après elle l'avait libéré à nouveau - ça, c'était les autres Della, moins nombreuses et plus ouvertes au bienfaits de la proximité de l'archiviste, elle le laissèrent causer. Ca leur faisait du bien aussi de l'entendre le dire - et il poursuivit, toujours dans ce silence bruyant : "Dedans ça m'tord. Mais ça pas....". Et c'était si paisible, si serein, si "facile", qu'elle se vit le faire taire d'un baiser.

    L'instant d'après, la bulle de silence explosa et l'anesthésie s'était annulée. La branche avait pété au beau milieu de l'océan, elle agrippée dessus comme un chat mouillé, regardant au loin un vieux rafiot se tirer avec ce qui avait laissé un trou au beau milieu de sa poitrine. Une vague l'envoya dans les flots et c'est une chevelure blanche qui vint se saisir de ses chevilles pour l'attirer au fond. La quiétude ressentie juste avant venait de muer en profonde tourmente et telle une héroïne d'un mythe grec, elle se voyait infliger un châtiment éternel, redémarrant certainement le rêve depuis le début pour retourner se noyer en regardant ses amours la quitter, tout en sachant que Jhoannes, lui, était sans doute resté perché sur sa branche, à la regarder sombrer sans trop pouvoir faire grand chose.

    Un sursaut et un toussotement comme pour reprendre une goulée d'air. Voleuse s'était éveillée, rongée par la culpabilité. Un caillou fut envoyé dans le plan d'eau et une exclamation :


    Sors d'ma tête !

    Elle ne savait pas où elle devait aller, Sadella. Mais pour l'heure, les pas la menaient à Limoges. Le "quelque part" n'avait rien d'anodin.

_________________
Sadella

« Le petit Poucet ... croyait retrouver aisément son chemin, par le moyen de son pain qu'il avait semé partout où il avait passé; mais il fut bien surpris lorsqu'il ne put en retrouver une seule miette: les oiseaux étaient venus, qui avaient tout mangé. * »


ong jour, nuit pas courte

__________________________________________________


Au bord de la Vienne, ils se sont retrouvés finalement. Voleuse appréhendait fortement ce moment, aussi était—elle assez crispée, lorsqu'elle aperçut la silhouette de l'archiviste qui la rejoignait. Elle venait de passer bien une heure à contempler des possibles "remèdes" provisoires contre sa douleur, en refusant de les prendre et sans doute regrettait—t—elle un peu de ne pas avoir endormi ses sens à présent que Jhoannes était devant elle et qu'il faisait immanquablement tout remonter à la surface.

Et puis, il fit l'effet qu'il lui faisait tout le temps. A force de silences, de mots bien placés, il avait dénoué quelques tensions, l'air de rien, détricoteur de talent. Si bien qu'elle fit exactement ce qu'elle ne voulait pas faire de base : se confier, pour se soulager.


SADELLA — Nos gosses sont mal barrées.
JHOANNES — Tu trouves ? J'ai rarement croisé quelqu'un avec autant d'instinct maternel pourtant.
SADELLA, inspirant de travers car c'est douloureux — Pas autant que tu l'crois.
JHOANNES — Ce n'est pas une croyance. Juste un constat.

Jhoannes lui propose le bec de la pipe sur un geste mais elle refuse d'un geste de la tête. Non, elle ne veut rien. Pas de paix méritée. Même sa présence à lui, elle ne la mérite pas. Il insiste, mais doucement. Curieux de sa réaction.

JHOANNES — C'est que de la lavande. C'est ce que j'ai fait fumer à Edenaé.
SADELLA — Je sais. Mais la lavande apaise.
JHOANNES — C'est l'idée, oui.

Blondin recale la pipe au coin de ses lèvres. Faudrait pas abimer de la maille de qualité non plus.

SADELLA — J'veux pas être apaisée. J'ai fait d'la merde.
JHOANNES — Et tu veux encore me faire croire, qu'il y toujours un grand méchant dans l'histoire, et un bon gentil, et rien de gris ? Et que le grand méchant, donc, ne mérite aucun répit ?
SADELLA — Bien sûr qu'il y a du gris, il y en a beaucoup ici. Mais je peux m'identifier comme zone plus sombre du tableau.
JHOANNES — Qu'est—ce que tu as fait ?

Il a demandé doucement, presque l'air de rien, parce que c'est parfois plus simple de parler des choses dures sans en faire sentir le poids. Il gratouille la terre d'un ongle, le menton enfoncé dans son col de cape. Même pas je te regarde en plus. Non je jardine avec mon doigt.

*Charles Perrault - Le Petit Poucet

_________________
Jhoannes
Elle se gratte nerveusement la joue. On y est. Elle s'est préparée à ses questions depuis l'Anjou. Elle s'est imaginée mille façons d'esquiver, de contourner ou de répondre à côté. Mais Sadella, reste Sadella. Incapable de ne pas être dans la spontanéité. Les choses trop préparées, elle les oublie. L'instant est à la confidence et si elle ne rentre pas dans le détail, elle libère tout de même sa vérité :

SADELLA — J'ai tout fait pour qu'il se tire. Pas avec conscience, mais je l'ai fait. Et j'ai donc perdu ma gamine avec.
JHOANNES — C'est lui qui a décidé de partir avec ?
SADELLA — Oui.
JHOANNES — Pourquoi ?
SADELLA — Je lui faisais trop mal. Je me suis détournée un peu d'lui.
JHOANNES — Mais... pourquoi il a pris la gosse ?
SADELLA — Parc'qu'il.. est prêt à renoncer à tout, sauf à elle. Qu'il refuse d'être seul, qu'il n'a qu'elle.
JHOANNES — Ah.

Il se frotte une tempe grisouille. Sous la tempe, il y a le procureur qui commence à s'égosiller en remuant des codes reliés dans tous les sens. Il sait que c'est un peu moche, ce qu'il va demander, mais nul n'est censé ignorer la loi, qu'il paraît. Encore moins ses droits.

JHOANNES — Il l'a reconnue ?
SADELLA — Reco.. c'est sa fille, bien sûr qu'il l'a reconnue.
JHOANNES — Il y a un papier officiel quelque part de ça ?
SADELLA — Non, mais il n'y a pas besoin de papier.
JHOANNES — Si tu veux l'attaquer avant qu'il quitte le royaume, si.
SADELLA, perplexe — J'veux pas faire ça.
JHOANNES — Je m'en doute. Je ne chercherai pas à t'en persuader. Ni même convaincre.

Voleuse ressent comme une pointe d'agacement. Pas contre l'archiviste qui pour le coup, est d'un factuel désarmant, mais plus contre l'idée de transformer Sior en méchant et elle en victime. Cette idée, elle la refuse et même si fâchée après le marin pour lui avoir retiré son enfant, elle tient à préserver l'image de ce dernier. Il n'est pas question d'inverser les rôles car on le sait, ici, c'est elle la coupable.

SADELLA — Il est l'meilleur choix. J'dois être objective pour elle. J'sais pas si je tiendrais six mois.. j'serais capable de partir pour Alexandrie dès demain. Mais pour l'instant, j'arrive à m'tenir en me disant qu'il est l'meilleur choix.
JHOANNES — Qu'est-ce qui te retient ? De partir, s'entend.
SADELLA — J'ai tout fait foirer. Il a le droit d'avoir ce réconfort et moi pas.
JHOANNES — C'est un enfant, pas un réconfort.
SADELLA — Une enfant adorée de son père. Il s'en occupe très bien.
JHOANNES — Mais toi, aussi.
SADELLA — J'l'ai abandonnée, la preuve que non. Baste. Je vais voir comment je supporte ça et si je n'y parviens pas, j'irai là bas la récupérer.
JHOANNES — Le premier mot que tu as dit, c'est : perdue. Tu peux te mentir à toi-même, mais n'essaie pas de m'embobiner dans ton délire de la mauvaise mère.
SADELLA, renfrognée — Lâche-moi la grappe toi et tes manies à pointer le moindre des mots qu'je dis. Comme si tu pouvais pas piger l'essentiel.
JHOANNES — C'est rarement innocent, le premier mot. Mais pardon.
_________________
Jhoannes
Sept pages plus tard.

SADELLA — Tu crois que les poissons se racontent des conneries comme nous, au bord d'un caillou plein d'algues ou de vase ?
JHOANNES — Je suppose. Des conneries en craquements. Madame Saumon s'est encore fait la malle le mois dernier, vous avez entendu ? Ou des blagues de poissons.
SADELLA— "Le premier à l'hameçon a perdu " ?

Et merde. Y a de la concurrence pour se faire embaucher chez RadioVienne, premier sur l'humour nautique. Blondin soudain, aussi, il se met à briguer le poste — alors que jusqu'ici il en avait eu rien à carrer de sa vie, mais tout à coup ça lui semble important de montrer qu'il peut balancer les meilleures vannes sur l'eau, sans qu'elles y tombent. Alors il pédale à fond dans sa tête pour montrer qu'il est à la hauteur. Le premier à l'hameçon a perdu ? Il peut totalement trouver mieux. Facile. Laisse-moi deux minutes, juste, le temps que je fasse mes petites associations d'images en fixant les remous du fleuve d'un regard sexy-songeur.

[...]

Rapidement, il comprend qu'il est nul. C'est une sensation agaçante.

JHOANNES — Je vais te pondre une excellente blague de poissons tout de suite, comme ça tu... tu verras.

Jhoannes regarde devant lui. Et... non, il n'a aucune idée d'où ça va aller. Mais il y va. Allez, blague de poissons.

JHOANNES — C'est... une morue qui entre dans un bar.

Lui, sourit large. Tada. En fait c'est fini. Elle, cligne un peu, fronce, déride, se mord la lèvre. En vrai, c'est ridicule, ça la ferait sourire et c'est bien ce qui l'ennuie. Il faut donc détourner la trogne. Oh, un papillon.

SADELLA — Allez, j'te l'accorde.
JHOANNES — Un peu mon neveu.
SADELLA — T'as des blagues sur tous les thèmes ?
JHOANNES — Non, juste de la moule sur certains.
SADELLA, se raclant la gorge — T'as l'humour vaseux.
JHOANNES — D'accord. D'accord, tu es meilleure pour les blagues de poissons. — La couve alors du regard sans s'en rendre compte. — Tu as même un talent, pour ça.
SADELLA, capte le regard, s'y attarde, l'air de ne pas comprendre ce qui lui vaut ça. — Mais.. je te complimentais à ma façon là.
JHOANNES, qui laisse éclore un sourire — Oui, mais j'ai eu la chique coupée à nouveau, donc... Tu gagnes sur les blagues de poissons. Pour cette fois.
SADELLA — Pour cette fois.
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)