Takoda
On peut fort bien pratiquer des opérations chirurgicales douloureuses sans anesthésier le patient à condition de se mettre du coton dans les oreilles. (François Cavanna)
Ding Dong. Sur les coups de minuit, Blondin fait son apparition dans le cabinet. Rapidement il vire sa cape, pas l'temps d'niaiser, pour rester en simple chemise blanche. Sous le lin, la nausée. Au centre des yeux noirs, des pupilles dilatées. Est-ce que cet homme a déjà commencé à fumer des trucs pas nets ? Oui. Clairement oui.
Thaïs, concentrée sur ses notes, notes qu'elle relit depuis le début de soirée, encore et encore pour ne rien laisser au hasard, lève le nez.
JHOANNES Belle cousine bonsoir.
THAÏS Jhoannes.
JHOANNES Vous allez bien ?
THAÏS Je vais. C'est suffisant. Vous pouvez vous asseoir, si vous le voulez.
Son derche atterrit sagement dans le fauteuil médical. Il commence déjà à se préparer une autre pipe. Dire adieu à sa conscience, c'est son projet.
La rouquine se lève donc, dépliant sa petite carcasse avec lenteur, et va chercher deux préparations dans un placard.
THAÏS Vous avez pu parler avec Hazel ?
JHOANNES Ne me demandez pas lequel de nous deux a le plus rassuré l'autre par contre
Il sourit doucement, et remarque qu'il tremble un peu, en tassant son chanvre.
Thaïs étire un sourire et pose ses petits flacons, qui s'entrechoquent dans un petit bruit de verre, à proximité.
THAÏS Tout va bien aller.
JHOANNES Vous rassurez qui là ?
THAÏS Vous.
Jhoannes sourit plus large et avise les flacons.
JHOANNES C'est pour moi ?
THAÏS C'est pour vous. Faites voir votre main, s'il vous plaît.
Il détache sa mitaine et lui tend la papatte, en observant toujours les drôles de liquides.
Thaïs prend délicatement la main qu'il lui présente, et la masse énergiquement dans des mouvements circulaires.
JHOANNES Je dois les boire maintenant ?
THAÏS Non. Vous n'allez pas les boire du tout. C'est du jus de jusquiame et du jus de mandragore. Je vais les mettre sur de la mousse et vous allez les respirer.
JHOANNES J'peux pas en boire quelques gouttes directement... ?
THAÏS C'est trop dangereux de les boire.
Jhoannes fronce le museau.
THAÏS Ne faites pas cette tête.
JHOANNES Ce soir j'ai le droit de faire toutes les têtes.
THAÏS D'accord.
Jhoannes lui tire une langue mignonne et se lève, le temps d'allumer sa pipe, puis de reprendre place.
Thaïs relâche donc la main et se retourne pour imbiber de nouveau son éponge soporifique.
Jhoannes aspire de loooooooooongues taffes. Les plus longues de sa vie. Il toussote mais recommence.
THAÏS Vous avez mis quoi ?
Fraîchement rebaptisée d'Assay, va chercher l'eau qui bout depuis un moment sur le feu à présent.
JHOANNES Du chanvre et ce qui me restait de pavot. C'est-à-dire pas grand chose.
THAÏS Bien, c'est efficace.
La médecin prend ensuite un gobelet d'eau chaude et détrempe l'éponge.
THAÏS Mettez ça sur votre nez et votre bouche, respirez profondément.
Jhoannes s'empare de l'éponge et l'observe, cette éponge. Puis Thaïs.
JHOANNES C'est parti pour le pays des rêves ?
THAÏS Oui.
JHOANNES Je vous interdis de noter mes prochaines déclarations dans un carnet. Et merci, tant que je peux encore vous le dire.
THAÏS Je serai concentrée, je promets de ne rien noter. Et de rien. C'est tout à fait normal. Allez.
JHOANNES Non m-... Oui oui, j'y vais
Jhoannes lui claque beau sourire.
JHOANNES Au revoir belle cousine.
Thaïs étire un tout petit sourire.
THAÏS À tout à l'heure.
Soudain plus silencieux, il se met à renifler l'éponge, à grandes inhalations régulières. Pressé d'arriver au pays des rêves.
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Merci à JD Nessia pour cette merveille.